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Peine de mort dans le monde et mouvements en faveur de son abolition

Abolition de la Peine de Mort en France

Mise en ligne : 5 août 2010

Dernière modification : 6 août 2010

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Texte de l'article :

17 et 18 septembre 1981 : les députés se déterminent « Parce qu’aucun homme n’est totalement responsable, parce qu’aucune justice ne peut être absolument infaillible, la peine de mort est moralement inacceptable » Robert Badinter, garde des Sceaux

 " Peut-on prétendre que la survivance dans notre droit de la peine de mort ait permis d’éliminer tous les individus dangereux et de prévenir les risques de récidive ? Qui pourrait le prétendre, en vérité, lorsque précisément, à entendre certains, on a l’impression qu’ils veulent non point empêcher que l’on supprime la peine de mort, mais qu’on la rétablisse alors qu’elle existe encore ? C’est parce qu’on ne peut pas échapper à ces constats de dépérissement, de désuétude, que l’abolition nous apparaît, à moi et à un certain nombre d’autres membres de l’opposition, comme une nécessité inéluctable, depuis des années.

Nous avons le devoir, à la fois, d’expliquer que l’existence de la peine de mort n’est pas protectrice et de tirer les conséquences d’un autre constat non moins évident : les conditions d’exécution de la réclusion criminelle à perpétuité ne le sont pas davantage. C’est bien pourquoi je crois, moi aussi, et je le dis au risque de surprendre, que notre débat est un débat politique au sens grand et noble du terme. J’entends dire qu’il pose un problème moral ou un problème de conscience. C’est vrai. Mais, même si je comprends et si je ressens moi-même le vertige qui s’attache à la décision que nous avons à prendre, je ne crois pas que nous soyons là simplement pour transcrire dans la loi les principes philosophiques et moraux auxquels nous nous référons. En tant que législateurs, c’est aussi aux implications pratiques de nos choix que nous devons penser. "


Philippe Séguin - Voir aussi : http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/presidents/philippe_seguin-peinedemort.asp

 

 " En fait, ceux qui croient à la valeur dissuasive de la peine de mort, méconnaissent la vérité humaine. La passion criminelle n’est pas plus arrêtée par la peur de la mort que d’autres passions ne le sont qui, celles-là, sont nobles. Et si la peur de la mort arrêtait les hommes, vous n’auriez ni grands soldats, ni grands sportifs. Nous les admirons, mais ils n’hésitent pas devant la mort. D’autres, emportés par d’autres passions, n’hésitent pas non plus. C’est seulement pour la peine de mort qu’on invente l’idée que la peur de la mort retient l’homme dans ses passions extrêmes.

Ce n’est pas exact. Et, puisqu’on vient de prononcer le nom de deux condamnés à mort qui ont été exécutés, je vous dirai pourquoi, plus qu’aucun autre, je puis affirmer qu’il n’y a pas dans la peine de mort de valeur dissuasive : sachez bien que dans la foule qui autour du palais de justice de Troyes, criait au passage de Buffet et de Bontems : « A mort Buffet ! A mort Bontems ! », se trouvait un jeune homme qui s’appelait Patrick Henry.

Croyez-moi, à ma stupéfaction, quand je l’ai appris, j’ai compris ce que pouvait signifier, ce jour-là, la valeur dissuasive de la peine de mort !

Le choix qui s’offre à vos consciences est donc clair : ou notre société refuse une justice qui tue et accepte d’assumer au nom de ses valeurs fondamentales - celles qui l’ont faite grande et respectée entre toutes - la vie de ceux qui font horreur, déments ou criminels ou les deux à la fois, et c’est le choix de l’abolition ; ou cette société croit, en dépit de l’expérience des siècles, faire disparaître le crime avec le criminel, et c’est l’élimination. Cette justice d’élimination, cette justice d’angoisse et de mort, décidée avec sa marge de hasard, nous la refusons. nous la refusons parce qu’elle est pour nous l’anti-justice, parce qu’elle est la passion et la peur triomphant de la raison et de l’humanité. "


Robert Badinter

 

" A la barbarie du crime ne doit pas répondre la "barbarie" du châtiment.

Mesdames, messieurs, c’est entre vos mains que repose aujourd’hui le sort de quelques-uns. Ils sont peu de chose à côté de l’image que nous voulons donner de la France, du respect que nous souhaitons pour elle. Ils ne sont rien, sauf peut-être pour ceux qui ont, à quelques instants de leur vie, côtoyé ces hommes ou ces femmes partant à l’échafaud.

Ce n’est pas un acte de courage qui vous est demandé, c’est un acte de foi, un acte de foi en l’homme et je suis persuadé que l’immense majorité de ceux qui, sur ces bancs ont réfléchi avec moi, souhaitera comme moi que soit abolie la peine capitale."

Raymond Forni

 

’’ Depuis 1974, il y a eu en France trois exécutions capitales, alors que plus de huit mille crimes, susceptibles juridiquement d’amener les criminels à l’échafaud, avaient été commis. "L’affaire est entendue, la peine de mort est à l’agonie, elle est même sans doute déjà morte. Il ne manque que le constat officiel du décès", écrivais-je en 1979.

Oui, c’est la vérité ! Et j’ai entendu avec plaisir, monsieur le ministre, cet après-midi, de votre part, dans une de vos prosopopées, comme l’écho de ce que j’écrivais moi-même : "En cinq ans, l’on a cru bon de faire tomber trois têtes. Mais qu’est-ce que ces trois têtes ont donné à la France ? Se sent-elle plus en sécurité, une fois ces trois têtes coupées ? Plus protégée ? Mieux policée ? Mieux administrée ? Mieux comprise ? Est-ce ainsi que l’on veut faire reculer les vols dans les couloirs du métro et les agressions de personnes âgées ou les incendies de forêt ? Tout cela est dérisoire et ne résiste pas à l’examen. On ne gouverne pas un pays en coupant trois têtes tous les cinq ans ! On en coupe une ou deux par semaine - comme Charles X ou Napoléon III - ou on n’en coupe plus, parce qu’on n’y croit plus et on essaie de trouver autre chose".

C’est à trouver autre chose que je vous convie aujourd’hui, à trouver un autre système carcéral, une autre conception « des délits et des peines ».

Que le Parlement, au moment où il dresse le constat de décès de la Reine Morte, de cette Inès de Castro putride qui a si longtemps encombré les codes, se dise, avec courage et regardant l’avenir avec ce poète et ce prophète qu’était Jules Verne : « Tout ce qui a été fait de grand dans le monde a été fait au nom d’espérances exagérées ! » ’’


Pierre Bas



" La justice est rendue au nom du peuple français. Pour ce qui me concerne, pas seulement comme député mais comme individu, je ne peux pas admettre l’idée qu’un être humain puisse être guillotiné au nom de la société dont je suis membre, c’est-à-dire que ce châtiment barbare soit infligé en mon propre nom. Pour moi, pour nous communistes, le peuple français porteur d’un héritage humaniste a pour vocation de le prolonger, de le porter plus haut et plus loin.

[...]

Les sociétés, les hommes évoluent, changent, et pour approfondir les libertés des individus et leur responsabilité, il faut changer les rapports sociaux. Cette conception de l’être humain qui crée sa propre liberté est au cœur de notre approche de l’abolition de la peine de mort. L’abolition de la peine de mort est un jalon sur le chemin du progrès de l’humanité. Être partisan de cette abolition, c’est exprimer un espoir raisonné dans le changement et contribuer à cette prise de conscience nécessaire. "


Colette Goeuriot
 

" En réalité, c’est un acte de foi dans l’homme que nous allons accomplir. A une époque où, de plus en plus, sous tous les cieux et sous les régimes les plus divers, on torture et on égorge, on mutile et on déporte, le monde a, plus que jamais, besoin de l’exemple et du témoignage de la France. M’étant rendu dans plusieurs pays au cours de ces dernières années, en tant que président de l’intergroupe des Droits de l’homme de la précédente assemblée, j’ai pu mesurer combien était vive, à travers le monde, l’impatience de nos amis, l’impatience de ceux qui luttent, dans des circonstances parfois douloureuses, pour la dignité et pour les Droits de l’homme, et qui recevront ce témoignage comme un soutien dans leur combat. Je souhaite de toutes mes forces que nous soyons nombreux, très nombreux demain, à faire entendre la voix de la France que le monde attend, la voix de la France dont le monde a besoin. "

Bernard Stasi
 

"C’est bien la hantise de perdre la liberté qui est la plus forte. Mieux - et vous l’avez magnifiquement rappelé, monsieur le garde des Sceaux - il y a une sorte de fascination de la mort et s’il est un domaine où l’exemplarité est affectée d’un signe négatif, c’est bien celui du terrorisme."

Philippe Marchand

 

Ensemble du Dossier ’’l’abolition de la peine de mort ’’ sur le site de l’Assemblée Nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/peinedemort/deputes.asp