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La socialisation professionnelle des surveillants de l’administration pénitentiaire.

Georges BENGUIGUI, Fabrice GUILBAUD, Guillaume MALOCHET

Université Paris X-Nanterre et Cnrs

Fin 1997 était remis à la « Mission de recherche Droit et Justice » le rapport final d’une recherche intitulé « La socialisation professionnelle des surveillants de l’administration pénitentiaire » fondée sur les résultats obtenus à partir des réponses d’une promotion d’élèves surveillants, la 130e, à quatre questionnaires : à l’entrée à l’Ecole Nationale d’Administration Pénitentiaire (ENAP), à la sortie de l’ENAP, un an plus tard à la titularisation et un an plus tard. L’hypothèse centrale de ce travail était qu’avec le temps on assisterait à une convergence des réponses qui mettrait sur la voie de la culture du groupe surveillant. Dix ans après le quatrième questionnaire une nouvelle étape dans le suivi de cette promotion a été réalisée en 2007, soit 14 ans après son entrée à l’école avec un cinquième questionnaire. Quand cela a été possible une comparaison a été tentée avec les résultats du suivi de la 157e promotion (entrée en 2003) réalisé par l’ENAP qui a suivi sur 4 ans cette promotion à l’aide d’un questionnaire inspiré du nôtre mais court et parfois modifié, ce qui ne facilite pas les comparaisons. Aux seuls membres de la 130e promotion qui avaient déjà répondu a nos quatre premiers un cinquième questionnaire a donc été proposé en août 2007 : 226 personnes ont répondu, soit 70% de celles à qui le questionnaire avait été expédié. D’un point de vue statistique ce taux de retour est très satisfaisant. En 2007 l’âge moyen de la 130e est de 40 ans. Les surveillants sont d’origine plutôt modeste, massivement masculins et un peu moins d’un tiers est titulaire du baccalauréat, ce qui est faible par rapport aux promotions récentes. Ils sont entrés dans l’AP massivement pour des raisons utilitaires (la sécurité d’emploi), et non pas par vocation mais au 5e questionnaire apparait un phénomène nouveau : 31 % des répondants déclarent être entrés « par hasard ». On a là le signe d’une déception, la plupart d’entre eux ont des vues négatives sur un grand nombre de questions et sont plutôt insatisfaits. Aux yeux de la majorité la prison a pour but de protéger la société et non pas de s’occuper des individus (à punir et/ou à réinsérer). L’image qu’ils ont personnellement de l’AP va se dégradant. Leur métier n’est pas un métier comme un autre et on observe un écart entre les missions qu’ils pensent que leur attribue l’AP et celles qu’ils s’attribuent : au cinquième questionnaire ils déclarent notamment à 56 % que l’AP est intéressée d’abord par le maintien du calme dans les établissements et qu’elle se désintéresse de la discipline, ce qui sous-entend qu’on peut obtenir le calme par d’autres moyens que la discipline. Il faut ajouter qu’à leurs yeux les surveillants ne sont pas bien formés. On constate chez les surveillants un retrait progressif au détriment du contenu intrinsèque du travail. Bien que la prison soit censée être gouvernée par la loi, la majorité des répondants n’est pas strictement légaliste mais possède une conception contractuelle de la loi avec référence à l’intérêt général. En revanche ils sont plutôt favorables à l’application de la règle qui est un instrument pour l’action. Cependant on constate une lente érosion à ce sujet et on voit apparaitre des règles informelles en contradiction avec les textes officiels. Cela étant si la majorité attend de la hiérarchie qu’elle les soutienne sur le terrain, ce n’est pas à elle qu’on s’adresserait en cas de problème. Par contre les relations avec les conseillers d’insertion et de probation s’améliorent. L’hypothèse de départ se vérifie : on constate une convergence des réponses. Se dessine ainsi certains éléments de la culture du groupe surveillant.

http://www.gip-recherche-justice.fr/spip.php?article261