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8 Conclusion

Mise en ligne : 25 novembre 2004

Texte de l'article :

REFLEXIONS SUR LA PRISON

VERS UNE CONCLUSION

"Dans la plupart des établissements il ne se passe rigoureusement rien. Les maisons d’arrêt de taille moyenne ou petite sont de véritables déserts culturels, faute de moyens, de locaux, de personnel. En dehors d’une heure ou deux de " promenade ", les détenus passent donc 22 ou 23 heures enfermés dans la cellule, dans laquelle ils ne peuvent même pas tourner en rond compte tenu de l’actuelle surpopulation des prisons."

 Dans ces conditions, il est difficile de motiver le détenu à s’orienter vers une voie formatrice, ou à occtoper ses jours à autre chose qu’à regarder la télévision. Pourtant de l’avis même des surveillants de prisons, un grotope de détenus qui a une activité ne pose aucun problème (comparé aux autres), il suffit de voir le traitement quasi privilégié dont dispose les détenus qui travaillent (cellules isolées du reste de la détention, sotoplesse des horaires etc...). Les causes probables d’une telle inactivité, bien que mal définies, sont en partie dues à une mauvaise configuration des locaux, l’activité intra muros s’accommodant mal d’une structure d’isolement carcéral. Un réel rôle passif de maintien de l’ordre et de surveillance peut être attribué à l’occupation du détenu, proposant par là même un allègement du travail contraignant du surveillant.

Après cinq ans d’un tel régal
Arrive enfin l’instant légal
Où ruinée, fourbue, affamée,
On vous rend à la société.
" Allons, au revoir, crie le gardien
N’oubliez pas qu’on est très bien " 

Après cinq ans la femme s’en va
Et pour voler elle n’attend pas
D’être à la gare et de monter
Dans le train qui va l’emporter
Elle vole la bourse du gardien
Ce qui prouv’bien qu’ça n’sert à rien... "

Un mémoire de diplôme d’architecte n’est pas l’endroit idéal pour un débat philosophique sur le bien fondé de l’enfermement, sur ses tenants et ses aboutissants. Il serait par ailleurs fort délicat d’essayer d’exprimer des idées, somme toute très personnelles, sur les prisons sans que l’on ne puisse y voir un aspect pamphlétaire.

Mon travail est fondé sur ma propre conception de ce que doit être une prison, de la façon dont elle doit évoluer. Cette conception, pour critiquable qu’elle soit, me semble allier au mieux les contraintes financières et celles liées au respect de la dignité humaine. C’est dans cet esprit que je développerai mon projet.

Si l’architecture ne veut pas être réduite à son simple aspect d’intervention technique ou artistique elle se doit de s’intéresser à toutes les physionomies de la problématique qu’elle aborde, surtout quand le sujet, comme celui de la prison, est source inépuisable de débats. Le lecteur trouvera donc dans ce chapitre les témoignages de ceux, plus ou moins célèbres, qui par leur passage ont parlé ou fait parler de la prison, sans autre appréciation de ma part. La prison nous parait éloignée de nos préocctopations de tous les jours, mais savons-nous qu’elle a souvent pénétré nos vies plus insidieusement que nous ne le souhaiterions ? Pour bien montrer que cela concerne chacun d’entre nous, j’ai rassemblé ici quelques exemples de détenus pour qui la prison n’était qu’une abstraction avant de s’y retrouver eux-mêmes, mais aussi d’écrivains pour qui la prison fut un changement radical dans le sens de leur vie et de leur œuvre.

 LE SENS D’UNE EVOLUTION 
 
Apres avoir acquis une connaissance plus approfondie du milieu carcéral, il apparaît que bien des éléments sont aujourd’hui absents de la prison française. Si elle ne cesse d’évoluer, les avancées réformatrices ne sont visibles qu’au travers des applications concrètes. On a pu voir que le plan 13 000 n’avait apporté qu’une modernisation du système pénitentiaire, non une évolution. C’est pourtant à travers l’architecture que pourrait le mieux s’exprimer un changement profond du principe d’enfermement.

 DES PRINCIPES INCONTOURNABLES 
 
Reprenons une à une ce que M Foucault appelle, non sans réserves, les 7 maximes universelles de la "bonne détention" :

Principe de la correction ; C’est l’idée d’amener le détenu à s’amender, c’est-à-dire reconnaître et assumer sa faute afin de "payer sa dette à la société" et permettre une meilleure réinsertion, qui a prévalu pendant près de deux siècles.

Principe de la classification ; Nous l’avons vu, il suffit d’entrer dans une maison d’arrêt pour constater que des détenus souvent très dissemblables se côtoient, vivent dans une promiscuité ravageuse, il faut donc réaffirmer la séparation des catégories de détenus.

Principe de la modulation des peines ; Seul le détenu après jugement peut accéder à un régime de semi-liberté ou au travail pénitentiaire, la modulation de la peine ne se fait que dans le sens d’une libération prochaine du détenu (à de courtes peines) mais il faut admettre que le prévenu doit accéder lui aussi à une modulation de sa peine, même si elle va dans le sens d’une condamnation. Si elle ne peut s’effectuer vers l’extérieur de la prison, elle peut s’appliquer intra muros dans une certaine latitude de liberté.

Le travail pénal ; De même le prévenu est, dès son entrée, plongé dans une oisiveté forcée, conforté dans cette attitude par la possibilité du service (cantine) et la télévision. Cette rtopture brutale d’avec ses activités habituelles, entraîne une difficulté à les reprendre par la suite lors de sa détention. Il faut donc permettre et inciter le détenu à utiliser son temps maintenant libre, même si cela paraît paradoxal, à préparer sa sortie : instruction, formation, travail etc... Il est important de rappeler ici que 70% des détenus qui attentent à leurs jours le font au cours des 3 premiers mois de la détention.

L’éducation pénitentiaire - Malgré les efforts de l’administration pénitentiaire, elle est à l’heure actuelle réduite à sa portion congrue. Alphabétisation et enseignement primaire représentent la majorité des interventions dans le milieu carcéral. Il s’agira d’offrir au détenu, par tous les moyens modernes, télécommunications et télé-enseignement, la possibilité de s’ouvrir à des formations professionnelles ou scolaires nouvelles, soit de compléter celle qui est déjà la sienne.

Le contrôle de la détention - Il ne doit plus se résumer à une surveillance mais il doit être un dialogue. En effet, surveillants et personnels médicaux, lorsqu’on les interroge, avouent des incidents plutôt rares et une relation souvent "courtoise" avec la pltopart des détenus. Il apparaît que la présence de signes forts de détention sont parfois stoperflus

Principe de reclassement - Faciliter l’entrée des intervenants extérieurs dans la prison, comme les associations d’aide aux détenus (Association Genépi), permettre aux détenus en semi-liberté de franchir le seuil de la prison avec moins de formalités, c’est créer une osmose du monde pénitentiaire avec le milieu extérieur qui ne peut qu’être bénéfique.

CONCLUSION 
 
Tout comme elle a fortement changé au XIXe siècle, la prison d’aujourd’hui est en pleine mutation. En 1847, Van Meenen écrivait dans "Annales de la charité" : "ce n’est pas le hasard, ce n’est pas le caprice du législateur qui ont fait de l’emprisonnement la base de l’édifice presque entier de notre échelle pénale actuelle : c’est le progrès des idées et l’adoucissement des mœurs."

On est à même de se demander ce que sera la prison de demain, et le sens que nous voudrons bien lui donner. Michel Foucault dans "Surveiller et punir" (1975) s’étonne : "On sait tous les inconvénients de la prison, et qu’elle est dangereuse quand elle n’est pas inutile. Et pourtant on ne voit pas par quoi la remplacer. Elle est la détestable solution dont on ne saurait faire l’économie."

Depuis 1975, la prison n’a pas beaucotop changé, même au travers du plan 13 000 on ne peut parler d’une véritable évolution de la manière d’enfermer. Par contre, on peut s’apercevoir d’une évolution constante des moyens d’accompagner le détenu.

Si la formation est entrée avec force comme le suivi social à l’intérieur des murs, c’est que la perception que l’on avait du détenu change radicalement. En effet, les mesures d’accompagnement du détenu vers sa libération, voire sa resocialisation, sont bien plus nombreuses qu’il y a vingt ans. A travers la semi-liberté, la probation, l’échange de la prison même avec le milieu extérieur, c’est l’idée de l’importance de la réinsertion du détenu que l’on est en train de voir apparaître.

Les peines de courte durée (moins de 5 ans) sont de moins en moins uniformes ; on constate une gradation de l’enfermement à la sortie définitive. Si l’on considère que le détenu, d’abord prévenu, puis condamné, peut être orienté vers un régime de semi-liberté, on peut appréhender la prison non plus comme une brusque cotopure d’avec le monde, mais comme un parcours qui amène graduellement la personne de la liberté à l’enfermement, puis de l’enfermement à la liberté. Si les moyens existent d’offrir au détenu un ré apprentissage de la vie par des périodes de vie mixte (autorisation de sortie, permissions, semi-liberté) la rencontre avec le milieu carcéral reste un des événements les plus brusques de ce parcours.

L’évolution de la prison passe par une gradation équilibrée des différentes formes d’incarcération, de la plus sotople à la plus contraignante. C’est le sens général du type de projet qui peut permettre à une maison d’arrêt comme celle des Baumettes de continuer à jouer son rôle de facteur social de correction et de réinsertion malgré sa structure inadaptée et sa vétuste.