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"Usure professionnelle et stratégies d’adaptation des surveillants" de Malvina Roussin

7 Pistes de réflexion à l’usage de la structure

Mise en ligne : 25 décembre 2004

Texte de l'article :

7. Pistes de réflexion à l’usage de la structure

Cette étude nous permet d’expliciter le rapport entre modes d’adaptation et usure professionnelle au sein de la population des surveillants du CPM. Au regard des résultats de cette étude et des connaissances disponibles dans la littérature, nous pouvons envisager un ensemble de dispositifs destinés à favoriser la prise en charge et la prévention de l’usure professionnelle au sein de l’établissement. Les interventions se situent à plusieurs niveaux.

7.1. Prévention primaire

C’est le fait de prévenir le stress en agissant sur ses origines ou ses facteurs favorisant (Truchot et Fisher, 2002), il semblerait que ce soit l’aspect le moins développé actuellement. L’intervention peut se centrer sur l’individu ou sur l’organisation

 ? Interventions centrées sur l’individu

Les interventions les plus simples peuvent consister à fournir aux individus des informations sur les symptômes, les effets ou les causes du stress. A la base de certaines techniques on retrouve l’idée que pour combattre le stress, il est nécessaire que les individus en reconnaissent les symptômes et les effets (Truchot et Fisher, 2002). Ceci corrobore les préconisations du Docteur Tardieu (1997) dans son rapport sur la gestion des risques professionnels. Par ailleurs, l’information peut également porter sur l’aide qu’un soutien psychologique peut apporter.
Les occasions de cet apport d’information existent déjà. Nous pensons notamment aux périodes de formation initiale des élèves et des stagiaires, ainsi qu’à l’accueil des surveillants mutés dans l’établissement. En effet, une réunion d’information par la psychologue est organisée de façon collective pour les élèves et les stagiaires et de façon individuelle pour les agents affectés dans l’établissement. A cette occasion une part de l’information peut porter sur les effets, les symptômes et les causes du stress professionnel. Ces rencontres telles qu’elles sont mises en place, permettent, entre autres, un premier contact destiné à favoriser un éventuel recours à la cellule de soutien. ( Cf. Présentation de la cellule de soutien dans § 3.2.) Elles comporteraient alors, une dimension supplémentaire de sensibilisation à la question du stress professionnel.

 ? Interventions centrées sur l’organisation

Les facteurs de stress organisationnels tels que le rythme de travail, ou la position institutionnelle du surveillant semblent difficilement modifiables à l’échelle du CPM. Néanmoins, la prévention primaire peut consister à observer le niveau de stress dans l’institution (Judge, 94). Grâce à cet « audit de stress » réalisé à intervalles réguliers, il est possible de mesurer l’évolution du climat organisationnel (Truchot et Fisher, 2002). Les propositions émanant de ces audits sont généralement basées implicitement sur les notions d’équité et de contrôle. Le sentiment que la hiérarchie tend parfois à favoriser la population pénale renvoie précisément à la notion d’équité. Par ailleurs, chez les personnes en burnout, la question du contrôle se traduit par l’évocation de la difficulté à gérer des populations telles que les jeunes, les toxicomanes ou les personnes souffrant de troubles psychiques. On retrouve également le thème du contrôle à travers l’évocation de l’absence de concertation par la hiérarchie, de l’absence de participation des surveillants aux prises de décision. Il ne s’agit donc pas simplement d’agir sur les individus en leur apprenant à mieux faire face au stress, ou de redéfinir l’environnement de travail, mais de redéfinir les attentes, les obligations mutuelles, les interactions employeur employé. Ceci doit permettre un ajustement régulier du "contrat psychologique" passé avec l’organisation.

7.2. Prévention secondaire

Elle cherche à réduire les conséquences du stress, avant qu’elles ne prennent des proportions plus graves. Une critique classique et fréquemment adressée à ces interventions est qu’elles ne cherchent pas à réduire la source de stress mais à apprendre aux employés, les moyens efficaces d’y faire face. Sans "apprendre" aux personnes à faire face aux contraintes de travail, on peut en mettre les moyens à sa disposition, notamment en proposant une prise en charge au niveau collectif et une orientation précoce.

 ? Une prise en charge au niveau collectif

On retrouve chez Lhuilier la formule suivante « La prévention [...] suppose l’existence d’un espace social où les difficultés rencontrées dans l’exercice du métier peuvent être exprimées, où les affects peuvent être évacués, où une prise de distance peut se construire. ».
L’ouverture d’un espace collectif de dialogue aurait plusieurs conséquences.
Il permettrait, d’abord, de réduire les conséquences du stress professionnel en levant pour partie, la "règle du silence" qui semble s’imposer quant à l’évocation de la souffrance.(« Le plus dur c’est encore de se dire qu’on ne va pas bien. ») La diminution de la souffrance serait également relative à la constitution des agents en collectifs de travail. Ce dernier semble faire défaut aux personnes en burnout. Le collectif de travail ainsi créé constitue un cadre pour la construction des systèmes d’adaptation aux contraintes de travail, mais aussi pour le développement des capacités de transformation de ces contraintes. La constitution en collectif de travail pourrait alors permettre aux personnes de s’inscrire dans des logiques ayant une meilleure valeur adaptative.
L’ouverture d’un espace collectif de dialogue s’inscrit également dans un objectif de prévention primaire de l’usure professionnelle. On a vu que le collectif de travail permet entre autres, l’élaboration d’un sentiment d’appartenance à une communauté professionnelle, la reconnaissance des différences de pratiques professionnelles comme enrichissantes et complémentaires et la validation tacite de la façon dont est investit l’espace entre travail réel et travail prescrit.
A titre d’exemple on pourrait envisager des rencontres régulières de l’équipe avec la psychologue. Ces rencontres porteraient sur des sujets attenants à la question du stress professionnel tels que la population pénale, la hiérarchie, la notion de risque... Elles pourraient avoir lieu au cours de la période dite de "volante" . Les techniques utilisées au cours de ces rencontres seraient des techniques d’animation et de formation (Métaplan, Photolangage, Brainstorming, Philip 6.6...)

 

 ? Une orientation précoce

La maîtrise des conséquences du stress professionnel passe par un repérage et une orientation des personnes en difficulté et ce de la façon la plus précoce possible.
A ce titre, une formation de l’encadrement sur la question de l’usure professionnelle peut faciliter un meilleur repérage et une orientation plus rapide des agents. Par ailleurs, il existe déjà, au CPM, une formation de l’encadrement aux techniques de débriefing. Le burnout étant associé au phénomène de stress post traumatique, il serait alors envisageable d’y associer une partie sur la question de l’usure professionnelle.
Favoriser un repérage précoce passe aussi par une explicitation des réseaux de prise en charge auprès des personnes concernées. En effet, nous avons constaté que peu de personnes connaissaient l’existence d’une cellule de soutien. Par ailleurs, ils ne semblaient pas vraiment connaître les prérogatives des différents acteurs de prise en charge. (Nous nous basons ici seulement sur ce que nous avons pu observer) Les journées d’accueil et de formation des personnes affectées dans l’établissement, constituent une occasion de présenter l’ensemble des personnes ressources présentes au sein de la structure.

7.3. Prévention tertiaire

Elle intervient lorsque l’individu a subi un traumatisme profond. On lui propose un traitement ou une modification, un aménagement des conditions de travail, ceci avec comme objectif le retour à l’emploi (Truchot et Fisher, 2002) Dans ce cas on parle plutôt de traitement, de réhabilitation ou de réadaptation. Au CPM, la cellule de soutien semble favoriser la coordination des différents acteurs de prise en charge. Les personnes rencontrées en entretien et ayant vécu des situations potentiellement traumatiques dans l’établissement, émettent un avis positif sur la façon dont ils ont étés accompagnés.