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7 Les autres empêchements à la réintégration

Mise en ligne : 7 mai 2012

Dernière modification : 9 mai 2012

Texte de l'article :

7. Les autres empêchements à la réintégration
7.1 Le droit électoral

La réintégration se fait souvent par le biais d’une activité salariée mais elle devient pleine et entière lorsque l’accès aux fonctions électorales et représentatives mises en place pour structurer le corps social, l’affirmer, le représenter, l’organiser, est rendu possible pour chacun de ses membres sans distinction.
Loin de réduire la démocratie ou la citoyenneté à ce seul droit et devoir ("le vote est un droit, c’est aussi un devoir civique" mention portée sur la carte électorale), le vote est l’expression première de l’exercice de la citoyenneté (en France, le droit de vote constitue un attribut de la citoyenneté et est consacré par le Conseil Constitutionnel). Eloigner de ce droit de suffrage les personnes condamnées, même temporairement et après l’exécution de la peine principale (d’enfermement) conduit à désigner au sein de la société une sous-catégorie de citoyens que l’on peut qualifier de parias ou d’intouchables.
Ces interdictions, liées à la perte des droits civils et civiques (article 131-26 CP) s’opposent à l’objectif fondamental de réintégration, et par là même à la recomposition nécessaire du tissu social qui fonde toute société.

Les conditions d’obtention de la carte d’électeur - jouissance des droits civiques - est l’expression de ce paradoxe, où la personne à qui la société demande un effort de réintégration, au travers de la justice, se voit amputée d’une des capacités constitutionnelles lui permettant de s’inscrire au sein de la société. Les missions assignées à une peine se résument ici à une seule : la sanction. Cette peine dans tous les autres aspects est contre-productive.
"La nature, le quantum et le régime des peines prononcées sont fixés de manière à concilier la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de favoriser l’insertion ou la réinsertion du condamné et de prévenir la commission de nouvelles infractions", extrait de l’article 132-24 CP.

L’article 25 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par la France le 4 novembre 1980, indique pourtant :
"Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à l’article 2 et sans restrictions déraisonnables :
a) De prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis ;
b) De voter et d’être élu, au cours d’élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l’expression libre de la volonté des électeurs ;
c) D’accéder, dans des conditions générales d’égalité, aux fonctions publiques de son pays."

La perte de ces droits interdit l’exercice du vote et par extension l’éligibilité au sein d’instances représentatives, comme celles prud’homales, syndicales ou de conseil d’administration ou de délégation du personnel. Comment penser en terme d’intégration quand il s’agit de rester en marge d’instances organisatrices, représentatives et décisionnelles ?

7.2 Les droits familiaux

Les élections des représentants de parents d’élèves : "Tout électeur est, éligible ou rééligible, sauf s’il a été frappé d’une des incapacités mentionnées aux articles L.5 (majeurs sous tutelle), L.6 (personnes interdites de droit de vote et d’élection) et L.7 (personnes condamnées pour infractions pénales) du Code électoral. [Disposition générale pour le conseil des écoles]".
La famille est un autre facteur positif d’intégration possible. Comment alors accepter, que par la perte de droits civils et civiques, souvent sans rapport direct avec l’infraction reprochée, une personne ne puisse devenir représentante au sein du conseil des parents d’élèves ou aux conseils des établissements publics locaux d’enseignement ?

En aucun cas ne pouvoir choisir ses représentants ou devenir l’un d’eux ne peut satisfaire à l’exigence de réintégration.

7.3 Le droit d’être juré

Le tirage au sort des jurés, sensé garantir la représentativité sociale, écarte également les ancien(ne)s condamné(e)s.
"Tout citoyen français, âgé de plus de 23 ans et inscrit sur les listes électorales, est susceptible d’être juré d’assises. En revanche, on ne peut pas être juré si on a été condamné pour un crime ou un délit à une peine de prison supérieure à 6 mois." Cf art. 255 et 256 du CPP

Par l’interdiction de la jouissance de ces droits se crée une société à étages, où l’un demande à l’autre de le réintégrer, en lui ôtant dans l’instant l’un des outils les plus nobles pour y parvenir.