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6 Conclusion générale

Mise en ligne : 3 mars 2006

Texte de l'article :

Conclusion générale

La double mission de garde et de réinsertion que la loi confie à l’administration pénitentiaire est essentielle à l’équilibre de notre société. Sensible par nature, la tâche à accomplir est d’autant plus délicate que cette administration n’est que l’un des acteurs de la chaîne pénale : les conditions de son fonctionnement sont très largement dépendantes des décisions des juges qui, seuls, ont le pouvoir d’incarcérer les prévenus ou les condamnés ou de les soumettre à une peine alternative dont ils fixent la durée et les modalités. Simple exécutant, l’administration pénitentiaire ne maîtrise ni le nombre des personnes qui lui sont confiées, ni la nature du suivi qu’elle doit assurer. A cet égard, l’exercice de ses missions est subordonné au fonctionnement du système répressif au sens large.

Pourtant, même si la marge de manoeuvre de l’administration pénitentiaire est réduite, sa contribution au maintien de la sécurité et à la réinsertion des détenus devrait être décisive. Or l’analyse de la Cour met en évidence le fait que l’efficacité de son action se heurte à au moins quatre difficultés.

1. Depuis une quinzaine d’années, le système pénitentiaire est confronté à une modification presque continue de son cadre d’intervention. Au sein des établissements, le métier des agents a évolué en même temps que de nombreux acteurs - gestionnaires privés, personnels hospitaliers, spécialistes de la formation ou de l’activité culturelle -prenaient en charge des secteurs entiers de leur action. En dehors des établissements, les personnels socio-éducatifs ont dû faire face à des réformes successives de l’organisation de leur service et des conditions de prise en charge des condamnés. Malheureusement, cette évolution constante n’a jamais été accompagnée d’une redéfinition du contenu effectif de leurs missions et de leurs priorités quotidiennes.

Cette redéfinition est aujourd’hui urgente, tant pour les surveillants, censés être polyvalents alors qu’ils sont de plus en plus spécialisés, que pour les personnels socio-éducatifs dont l’intervention mériterait d’être différenciée en fonction des difficultés spécifiques rencontrées par les personnes dont ils assurent le suivi. Elle est indispensable à la qualité de la prise en charge des personnes placées sous main de justice.

2. En dépit de la très forte augmentation des ressources qui lui ont été allouées, l’administration pénitentiaire reste paradoxalement confrontée à la rareté de ses moyens pour faire face à l’ampleur de ses besoins. Dans les établissements, les défaillances relevées dans les domaines de l’alimentation, de l’hygiène ou du travail pénitentiaire trouvent en partie leur origine dans l’insuffisance des budgets, notamment en gestion publique. Quant aux dysfonctionnements constatés dans la prise en charge par les SPIP des personnes qui leur sont confiées, tant en milieu ouvert qu’en milieu fermé, ils s’expliquent essentiellement par les tensions que connaissent ces services en termes d’effectifs. La hiérarchisation des priorités et des urgences conduisant, de fait, à privilégier la sécurité, cette insuffisance de ressources se répercute directement sur les résultats de la mission d’aide à la réinsertion.

Or, face à l’importance de l’enjeu représenté par cette mission du point de vue social ou, tout simplement, humain, la question d’une nouvelle hausse du budget de l’administration pénitentiaire risque d’être posée à nouveau. L’effort d’ores et déjà consenti par les pouvoirs publics dans un contexte budgétaire contraint exige, pour y répondre, une analyse précise des besoins au regard de la réalité des situations locales.
Aujourd’hui, le ministère de la justice n’est pas en mesure de quantifier les besoins de l’administration pénitentiaire puisqu’il ne les connaît pas : il est urgent qu’il remédie à cette carence.

3. Comme tout service de l’Etat, l’administration pénitentiaire doit désormais répondre aux exigences de la loi organique relative aux lois de finances, notamment aux impératifs d’efficacité et d’efficience qu’elle impose. Or les procédures financières antérieures au décret de décembre 2005, rigides et archaïques, ne pouvaient fournir une réponse appropriée. Dans ce domaine, la réforme engagée par le décret précité est la condition nécessaire à une réelle modernisation de l’organisation et du fonctionnement des services pénitentiaires au plan local. Cette réforme, qui implique aussi un effort d’adaptation des agents, sera sans doute difficile à réaliser. Toutefois, si elle est correctement expliquée et mise en oeuvre, elle ne manquera pas de rencontrer l’adhésion de personnels dont, aux différents échelons de l’administration pénitentiaire, la Cour a pu mesurer la qualité et le dévouement.

4. La démarche novatrice consistant à mettre en place un nouveau mode d’administration des établissements pénitentiaires - la gestion mixte - aurait dû avoir pour corollaire un développement correspondant des techniques et des outils permettant à l’Etat d’en assurer le pilotage et le contrôle. Tel n’a pas été le cas. Regrettable lorsque la gestion mixte ne concernait qu’une vingtaine d’établissements, cette défaillance doit aujourd’hui être impérativement corrigée.

Au surplus, l’incapacité à organiser un véritable suivi comparatif des deux modes de gestion a privé l’administration pénitentiaire, et donc l’Etat, de la possibilité de dresser un bilan qualitatif et financier de leurs avantages et de leurs inconvénients respectifs. Cela ne l’a pas empêché de s’engager résolument dans le nouveau mode de gestion mixte pour lui confier tous les nouveaux établissements. Force est de constater que ce choix stratégique n’a reposé ni sur des critères de coût ni sur l’appréciation effective des performances, alors qu’il engage durablement les finances publiques.