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3 Le scandale de la contrainte par corps

Mise en ligne : 4 décembre 2004

Texte de l'article :

La mise en avant de la réalité carcérale permettra-t-elle de focaliser l’attention sur ceux qui sont maintenus abusivement en détention au titre de la contrainte par corps ? Le Secours catholique le souhaite, afin de faire reculer la violence et l’indignité en prison.

Ni « condamnés », ni « prévenus », environ 200 personnes sont maintenues derrière les barreaux, au titre d’une mesure désuète et devenue pour les insolvables proprement scandaleuse. Il s’agit de personnes déjà condamnées et qui doivent, à l’expiration de leur peine, payer au Trésor public une amende, le plus souvent douanière. Si elles ne peuvent pas payer, elles resteront jusqu’à deux ans supplémentaires en détention.

Le mécanisme, mal connu, est d’une redoutable perversité. Le juge, s’en remettant aux douanes, fixe une amende douanière fréquemment colossale : 10 millions de francs, par exemple. En fin de peine, le détenu - souvent étranger - ne pouvant fournir une attestation d’insolvabilité est maintenu en prison. Une négociation surréaliste va ensuite s’engager après six mois, selon le bon vouloir des douanes. Elle aboutira bien souvent à une amende équivalente au pécule : 20 000 francs par exemple. Le détenu sortira sans moyens de réinsertion après avoir subi cet emprisonnement supplémentaire inique.

Depuis une dizaine d’années, une équipe de militants et juristes de Rennes a engrangé des exemples concrets et bâti des dossiers, sans succès. Appuyés par les aumôneries catholiques et protestantes et par les présidents des grandes associations nationales de bénévoles présents en prison, le Secours catholique a saisi officiellement la garde des sceaux le 27 avril 1999. Quatre propositions constructives étaient faites visant globalement à réintroduire l’intervention du juge dans l’exécution de la contrainte par corps. La commission d’enquête du Sénat sur les prisons, à son tour, a souhaité que le dispositif soit revu. Le temps n’est-il pas venu d’ouvrir un dialogue sur ces propositions et de prendre des décisions ? Deux cents personnes restent en prison sans procès équitable. Est-ce digne du pays des droits de l’homme ?

Jean-François Canto, responsable du département « prison-errance » du Secours catholique