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3 L’observance

Mise en ligne : 17 juin 2009

Texte de l'article :

III- L’OBSERVANCE

Le premier point clef de la réussite de tout traitement : être sûr qu’il soit pris comme il faut et quand il faut. En règle générale, les traitements de substitution sont montrés du doigt quant à leur détournement et mésusage ; en prison la cristallisation autour de ces deux points peut facilement compliquer la tâche des soignants.
Les soucis proviennent plus généralement de la buprénorphine pour laquelle deux politiques sont possibles : d’une part celle de la banalisation et de l’intégration avec les autres traitements, d’autre part celle de la distribution journalière avec prise contrôlée à l’instar de la méthadone dont c’est le mode de délivrance essentiel. Dans les deux cas, le choix de responsabiliser le détenu par la prise d’un engagement à suivre son traitement, ainsi que la pratique de tests urinaires sont des recours possibles pour tenter d’en améliorer l’observance.

1. le détournement
Voyons comment le détournement des médicaments de substitution est perçu par les équipes de soin :

Tableau 13 : Evaluation du détournement par catégorie d’établissement, % (effectif)
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Seul 21,4% des établissements estime le détournement faible ou très faible, tandis que 35,9% le juge fort ou très fort, 40% le considèrent moyen, dès lors il ne semble pas négligeable, et il est légitime de penser que s’il ne laisse pas les équipes indifférentes, il risque d’influer sur leur façon de travailler.
Certains établissements ont ainsi fait le choix de ne pas proposer la buprénorphine, bien qu’ils ne soient que quatre dans nos observations, voyons comment ils perçoivent le détournement par rapport aux autres :

Tableau 14 : Evaluation du détournement par rapport aux médicaments proposés dans l’établissement
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La différence est très significative (chi2=20,65 et 1-p=99,96 malgré le trop faible effectif d’unités qui ne dispose que de la méthadone), le mode de distribution déjà évoqué y étant pour beaucoup.
Pour évaluer la variable « détournement », les paramètres sont établis sur la notation : très fort (4), fort(3), moyen(2), faible(1), très faible(0) : plus le chiffre est haut, plus le détournement est estimé important.
Intéressons-nous tout d’abord à cette note par catégorie d’établissement :

Graphe 1 : Profil de la variable « détournement » selon la nature de l’établissement
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La moyenne s’établit à 2,12, le détournement est dans l’ensemble considéré comme moyen. Selon la nature de l’établissement maintenant : c’est dans les CP et CD qu’il apparaît le plus fort, moyen en MA et le plus faible au niveau des MC.

Voyons ensuite l’importance du lieu de délivrance :

Graphe 2 : Profil de la variable « détournement » selon le lieu de distribution
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Le lieu où s’effectue la dispensation influe sur la variable « détournement », la note « en cellule » de 2,39 est un peu significative par rapport à celle de 2 du « service médical » et laisse supposer un détournement légèrement plus fort lorsque la buprénorphine est dispensée en cellule. Enfin considérons l’influence de la pulvérisation du comprimé sur la note attribuée à son détournement :

Tableau 15 : Moyennes de la variable « détournement » en fonction de la réponse « oui » ou » « non » à question : « le comprimé de buprénorphine est-il pilé ? »
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Dans les établissements où la buprénorphine est pilée, la note concernant le détournement s’établit à 1,69, dans les autres celle-ci remonte à 2,33. Vis à vis du détournement , la différence est donnée un peu significative quant à l’amélioration apportée par la distribution du comprimé sous forme pilée.
La variable « détournement » obtient sa note la plus basse (1,33) dans les CD où le comprimé est pilé et sa plus haute (2,58) dans les CP où il n’est pas pilé. Cela dit, les CP obtiennent les notes les plus élevées indépendamment de la pulvérisation ou non du comprimé.

2. Engagement entre le patient et les soignants
Si le mésusage des traitements de substitution n’est pas que l’apanage du milieu carcéral, sa mise en exergue au sein d’un milieu clos et surveillé, par une administration pénitentiaire très sensible au strict respect des règles, et la stigmatisation de problèmes afférents, compliquant d’autant la tâche du soignant (mauvaise observance, détournement de la voie d’administration, trafic, racket...), ont conduit certaines unités médicales à l’instauration de contrats de soin entre elles et le détenu. Cette démarche peut être l’occasion d’un accompagnement supplémentaire du patient dans la réussite de sa démarche de soin, ainsi qu’une réponse adaptée à la demande d’encadrement (voir de cadrage) émanant de certains ex-toxicomanes.

Tableau 16 : Ex istence d’un engagement écrit ou oral entre soignants et patient par catégorie d’établissement, %(effectif)
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Prés d’un établissement sur quatre a ainsi fait le choix d’un engagement écrit. Intéressons nous au choix selon le service prescripteur :

Tableau 17 : Répartition des engagements écrits ou oraux selon le service prescripteur de la buprénorphine
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Ce sont les UCSAs qui utilisent le plus l’engagement écrit. Cela dit si l’on tient compte du pourcentage de non réponse, au sein de la catégorie « UCSA », la proportion d’ « écrit » est statistiquement peu significative (chi2=4,96, 1-p=91,64%).
En cas de non respect de ses engagements par le détenu, des diminutions de posologie sont parfois prévues :

Tableau 18 : Diminution de posologie prévue en cas de non respect de ses engagements par le patient selon la nature du dit engagement (écrit ou oral)
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Près des deux tiers (62,1%) des services ayant mis en place un engagement écrit ont prévu ces diminutions, certains établissement précisent d’ailleurs qu’un non-respect peut entraîner chez eux un arrêt de la substitution et la mise en place d’un traitement de sevrage. Maintenant croisons les variables concernant l’engagement avec le détournement, et voyons si l’on obtient des différences significatives en fonction des différents choix :

Graphe 3 : Evaluation du détournement lorsque des diminutions de traitement sont prévues en cas de non respect des engagements
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Le fait que des diminutions de traitement soient prévues lorsque le détenu ne respecte pas ses engagements envers le service médical n’apporte statistiquement pas de différence significative concernant le détournement des médicaments de substitution (chi2=3,98 lorsque l’on compare la différence de répartition entre « oui des diminutions de traitement sont prévues » et l’ensemble des réponses).

Graphe 4 : Evaluation du détournement en fonction de la prise ou non d’un engagement
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L’existence d’un engagement, écrit ou oral, entre le détenu et le service médical n’apporte statistiquement pas de différence significative concernant le détournement des médicaments de substitution (chi2=1,23 lorsque l’on compare la différence de répartition entre « oui il existe une forme d’engagement » et l’ensemble des réponses).

Graphe 5 : Evaluation du détournement en fonction de la prise ou non d’un engagement
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La nature de l’engagement n’apporte pas non plus de différence statistiquement significative sur le détournement des médicaments de substitution (chi2= 3,01 lorsque l’on compare la différence de répartition entre la forme d’engagement d’écrit et l’ensemble des réponses).

3. Les tests urinaires
Nous ne considérerons ici que les tests concernant la vérification de prise, ou d’absence de prise des médicaments de substitution. Ils sont généralement faciles à utiliser et donnent un résultat qualitatif dans un délais bref.
Voyons les proportions de tests pratiqués avant la mise en place de traitement :

Tableau 19 : Pratique de tests urinaires avant la mise en place de traitement par buprénorphine par catégorie d’établissement, %(effectif)
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Tableau 20 : Pratique de tests urinaires avant la mise en place de traitement par méthadone par catégorie d’établissement, %(effectif)
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Dans un pourcentage important d’établissements (environ 40%) des tests sont pratiqués systématiquement ou souvent. C’est assez logique en MA et CP où les prévenus qui arrivent ont rarement avec eux les preuves qu’ils sont sous traitement de substitution, les tests permettent au médecin de s’assurer les dires, mais ça l’est moins en CD où les détenus se présentent généralement avec le dossier constitué en MA. Cela dit ils peuvent permettre la mise en évidence chez un détenu non substitué une prise de médicament, donné par un détenu substitué ,et ainsi faciliter instauration d’un traitement officiel.
Considérons maintenant les tests pratiqués pendant le traitement :

Tableau 21 : Pratique de tests urinaires pendant le traitement par buprénorphine par catégorie d’établissement, %(effectif)
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Tableau 22 : Pratique de tests urinaires pendant le traitement par méthadone par catégorie d’établissement, %(effectif)
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Ils sont plutôt rarement pratiqués pendant le traitement, (17% des unités en moyenne), ils permettent essentiellement de s’assurer de l’observance. Pour les questions concernant la pratique de tests urinaires avant ou pendant les traitements, un barème s’appliquait aux 4 réponses proposées (systématiquement=3, souvent=2, rarement=1 et jamais=0), de façon à, comme pour la variable détournement, obtenir une gradation chiffrée avec une note comprise entre 0 et 3 pour chaque catégorie d’établissement et pour chaque réponse.

Tableau 23 :Moyennes de la variable « test urinaire » en fonction de la catégorie d’établissement
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En dehors des tests pour la méthadone pratiqués avant la mise sous traitement en CP qui obtiennent 1,71 toutes les autres notes sont inférieures à 1,50 et correspondent à une pratique moyenne à rare des tests urinaires pour les deux médicaments. Pour finir, il n’apparaît pas non plus de différence significative concernant le détournement lorsque des tests urinaires sont pratiqués avant ou même pendant le traitement.