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KAMO Société Caraïbéenne de Psychiatrie et de Psychologie Légales

2009 N°1 KAMO Editorial - Comme un animal

Mise en ligne : 6 février 2009

Texte de l'article :

Editorial - Comme un animal

En ce début d’année 2009, la mode est de jouer sur l’homophonie du 9 pour évoquer le neuf. Il en serait ainsi de la nouvelle criminologie qui agite le landernau parisien.
Kamo ouvre donc ces colonnes à ce débat sur la criminologie qu’un psychiatre intervenant en milieu pénitentiaire préfère regarder de loin, comme une discipline qu’il peut côtoyer pour sa culture générale, mais sans pour autant se sentir criminologue.
En revanche, bien que très distant géographiquement de ces discussions enflammées, la violence qui les traverse se fait ressentir sur les rivages antillais. Ce n’est pas un tsunami mais enfin... Que se passe-t-il dans notre société pour que le débat universitaire ne puisse prendre des formes po- licées ? Sécurité, violence, ordre politique nous ont habitué ces derniers temps à des termes peu pacifiants : le nettoyeur haute pression, la racaille, sans compter la stigmatisation des schizophrènes dangereux qu’on traque comme un animal ou les autres interpellations élégantes pour solliciter un éloignement.
Le manque de confiance en l’autre se généralise. La crainte de voir sous de « nobles » intentions des projets liberticides conduit à une méfiance généralisée. Et on peut le comprendre. On constate à quel point le pouvoir politique avance pas à pas pour restreindre les libertés sous prétexte d’augmenter la sécurité collective. Il est apparemment plus facile de prendre des décisions pour enfermer quelques rares sujets présumés dangereux plutôt que de lutter efficacement contre la pollution de l’air, de la terre (les pesticides), de l’eau (PCB et Baie de Seine), de l’alimentation etc., autant de forme d’atteinte à la sécurité collective responsables de bien plus de préjudice que la délinquance criminelle.
L’absence de débats politiques sereins, l’adoption de lois essentielles sous la forme des procédures d’urgence, la volonté de transformer tous les citoyens en victime potentielle, par définition sidérée par l’effroi et la peur donc peu apte à penser et à élaborer, contaminent l’ensemble de la société.
Des réactions surgissent de partout, sous forme de pétitions, de lettres ouvertes ou de textes rageurs, comme des ultimes et désespérés sursauts de révolte. Malheureusement, elles peinent à s’organiser et à présenter un front cohérent, lisible et surtout entendable par la société civile. Les médias préfèrent transmettre des messages simplistes, comme celui du schizophrène dangereux, plutôt que d’exposer la complexité des situations.
Pour ne pas sombrer dans la dramatisation et la dépression dans lesquelles notre société se complaît actuellement, il convient d’exposer des projets constructifs comme ceux qui ont été présentés à la bourse Zoummeroff même si tous les projets n’ont pu bénéficier d’un soutien financier.
Enfin, comme les lecteurs de cette revue peuvent le remarquer en découvrant ce numéro, Kamo n’a pu résister à la mode du neuf en faisant peau neuve. Il ne s’agit pas pour l’équipe de rédaction de sacrifier à la mode de la nouveauté mais de trouver des moyens de se renouveler pour ne pas trop sombrer dans le désenchantement actuel.
Comme la souffrance mentale s’origine souvent dans l’aliénation au désir de l’autre, Kamo ne sacrifie pas à la cérémonie magique des voeux. L’équipe de Kamo espère simplement pouvoir continuer à voir fleurir des propositions constructives au vivre ensemble.

Michel DAVID.