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(2008) Réponse au communiqué d’AIDES du 7/07/08 de Didier ROBERT

Mise en ligne : 6 novembre 2008

Dernière modification : 6 novembre 2008

Texte de l'article :

Réponse au communiqué d’AIDES du 7/07/08 de Didier ROBERT

Il n’est pas question pour moi de rentrer en conflit avec l’association AIDES. Cette association m’a beaucoup aidé en 1995 alors que je sortais sans rien et sans famille de prison. Elle m’a apporté un soutien moral, social et financier sans lesquels j’aurais été bien seul.
Il n’en reste pas moins que j’ai été extrêmement déçu de l’association du travail qu’elle a voulu amorcer à la maison d’arrêt de la Santé en 2005.
AIDES commence par répondre à mon témoignage en disant : « Qu’elle intervient en prison depuis 1991 ». Je réponds qu’effectivement elle intervient en milieu carcéral, mais seulement dans à peine (à ma connaissance) 4 ou 5 établissements pénitentiaires alors qu’il en existe près de 190 dans toute la France.
Dans mon témoignage, j’ai interpellé AIDES sur 2 questions : la prévention grand public et le soutien aux personnes malades en prison.
Quand j’ai été incarcéré le 5 juin 2005 à la M.A. de la Santé, j’ai vu une affiche sur les murs de l’UCSA informant qu’une réunion avait lieu une fois par mois par un volontaire de AIDES. J’ai donc voulu m’y inscrire, mas le SPIP, chargé de mettre en place les différentes activités de la prison, m’a répondu que le projet n’avait pas encore débuté, qu’il en était seulement encore au stade de la discussion.
Militant et professionnel de la lutte contre le SIDA, j’ai donc demandé à rencontrer un visiteur de AIDES pour discuter du projet de cette réunion mensuelle. Mis à part que j’ai longuement attendu cette visite, j’ai enfin rencontré Mme Nathalie CHANTRIOT, du pôle Val de Marne. Ces visites avaient pour moi deux objectifs : trouver un soutien moral en tant que personne détenue malade du SIDA et apporter mon expérience en tant que personne détenue.
Très vite, j’ai informé Mme CHANTRIOT quand au mauvais choix du jour et de l’horaire pour enir cette réunion mensuelle. Le mercredi matin à 8h00 était un mauvais choix car c’était trop tôt. Je lui ai donc conseillé de choisir le lundi ou le mardi dans l’après-midi afin d’avoir un maximum de chance pour faire venir les personnes détenues.
Avec Mme CHANTRIOT, nous avons eu 4 visites ensemble. Nous avons discuté de ce projet encore et encore, faisant fît de mes propres préoccupations. Lors d’une discussion, Mme CHANTRIOT m’informe que le responsable des intervenants extérieurs faisait preuve d’une mauvaise volonté et qu’il était donc impossible d’avancer. Elle m’explique également que personne ne s’était inscrit pour venir à la réunion. Je lui ai répondu « à quoi bon puisque la réunion n’avait toujours pas reçu l’aval de l’administration pénitentiaire et que le choix du jour et de l’heure de la tenue de cette réunion mensuelle n’était pas pertinent. »
Par chance, suivi à l’extérieur à l’hôpital Cochin par le docteur SILBERMAN, j’ai pu être suivi par celui-ci à mon arrivée à la Santé car la prison est attachée à l’hôpital Cochin et qu’il y faisait des consultations. Connaissant mon médecin, j’ai donc conseillé à Mme CHANTRIOT de se mettre en contact avec lui, ainsi que le docteur BALANGER, chef de service à l’UCSA pour avoir plus de poids auprès du SPIP et de l’administration pénitentiaire.
Lors de notre dernière entrevue avec Mme CHANTRIOT, je lui ai dit que j’étais extrêmement choqué et en colère que rien ne soit fait en matière de prévention et de soutien aux personnes détenues malades, alors que j’étais moi-même le témoin de prise de risques de transmission du VIH, du VHC et autres IST de la part des autres détenus et que j’avais moi-même discuté avec une personne en salle d’attente qui venait d’apprendre sa séropositivité, déjà au stade du SIDA, et qu’il rencontrait d’énormes effets secondaires de la trithérapie qu’il venait de débuter. C’est moi, après avoir discuté ensemble, qui lui aie conseillé comment prendre ses médicaments nombreux soit dit en passant.
« Mme CHANTRIOT », lui ai-je dit « vous ne pouvez pas nous laisser comme ça. Aidez-nous ». Je lui ai également signifié qu’à partir de ce jour, je refuserai toutes ses visites par acte de contestation tant que la situation n’aurait pas changé. Je lui ai demandé expressément d’en tenir informé les dirigeants de l’association AIDES.
Depuis, ce jour, je n’ai plus jamais eu de ses nouvelles et durant les 3 années qui ont suivi et que j’ai passé à la Santé n’en avait été toujours fait en matière de prévention grand public et de soutien aux personnes détenues malades du SIDA.
Aujourd’hui, depuis 2 mois, je me trouve au centre de détention de Melun et à part 2 affiches qui se battent en duels sur un panneau de l’UCSA, je retrouve la même situation.
J’ai discuté avec mon nouveau médecin, avec les infirmières. Elles sont demandeuses d’aides si je puis dire. Et même si, selon des informations prises à un source sûre, nous ne sommes que 3 personnes détenues malades du SIDA, nous avons besoin de votre soutien. J’ai besoin de votre soutien.
Je suis bien conscient que faute de moyens, AIDES ne peut être sur tous les fronts. Mais nous, détenus malades du SIDA, que devons-nous faire ? « Crever en silence ? Crever dans l’indifférence ? Je ne l’accepterai jamais. Je vous demande donc d’interpeller les pouvoirs publics, le Ministre de la Justice, le Ministre de la Santé, le Ministre des Droits de l’Homme pour faire état de la situation, mettre en place un programme nationale de lutte contre le SIDA dans les prisons françaises et de soutien des personnes détenues séropositives et/ ou malades du SIDA ».
Franchement, y en a marre de s’entendre dire que ce sont les autres qui font preuve de mauvaises volontés, que les moyens manquent, qu’il n’y a pas suffisamment de volontaires. Je ne suis pas en train de gueuler, de contester. Je vous demande de l’aide. Cette même aide que si j’avais été libre.

Didier ROBERT, un détenu en colère

P.S. : C’est criant comme il manque de la documentation, autant pour les personnes touchées par le VIH et/ ou le VHC, que pour le grand public. Pouvez-vous donc mettre en place un suivi de documentation régulier avec l’UCSA du centre de détention de Melun s’il vous plait ? Ce serait un premier pas et, surtout, une bonne chose. J’ai souvent discuté avec les infirmières de l’UCSA. Ces dernières et l’UCSA vous attendent. Les malades aussi d’ailleurs...