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(2008-06) Lettre ouverte à Rachida Dati

Mise en ligne : 25 juin 2008

Texte de l'article :

Madame la Garde des Sceaux,
Les projets de lois et mesures engagées au niveau de la justice par le gouvernement et le ministère dont vous avez la responsabilité ont provoqué une fronde quasi unanime d’oppositions et manifestations dans la totalité des secteurs professionnels évoqués.
En effet, les mesures adoptées par la majorité présidentielle liées aux politiques pénales et pénitentiaires, celles liées à la refonte de la carte judiciaire ; celles prises touchant les statuts des personnels pénitentiaires (personnels de surveillance ou travailleurs sociaux) ont provoqué de virulents conflits sociaux chez tous les professionnels. Nous n’entrerons pas dans les détails du projet de loi qui concerne la réforme de l’ordonnance de 45, qui va lui aussi engendrer de nombreuses contestations.
Notons, Madame la Garde des Sceaux, que la négation de tout dialogue social a amplifié les exaspérations des professionnels en question. Votre refus d’écoute, donc de prise en compte des revendications des professionnels nous semble une erreur, une méprise calculée. L’attestation en est, par exemple, les constats que nous avons émis au sujet des travailleurs sociaux qui ont été corroborés par l’experte nommée à ce sujet par l’administration pénitentiaire alors que les travailleurs sociaux étaient en mouvement depuis déjà plusieurs semaines. Nous avions des propositions liées à ces constats. L’ultime réponse est encore une fois le mépris, puisque la réaction de l’administration face aux attentes des personnels est la sanction.
La gestion du malaise des personnels par le ministère est pour le moins surprenante : obéissance, négation des souffrances au travail et sanctions disciplinaires ! On les surveille, on les punit !
Notre organisation syndicale, la CGT Pénitentiaire, s’est opposée activement à tous les « dossiers » que vous avez portés. Opposée car la CGT, syndicat progressiste, refuse les reculs annoncés et a fait des propositions. Reculs dans les droits, les statuts donc les missions des personnels qui vont à l’encontre de la modernisation des institutions et des services publics. Nous n’avons certainement pas la même approche de la définition du concept de modernité, et le projet de loi pénitentiaire en est la preuve irréfutable et indiscutable.
Et plusieurs exemples font la thèse des propos que nous avançons. D’une part le déni du droit à l’expression des personnels de l’administration pénitentiaire et de leurs garanties disciplinaires pourtant préconisées par le COR : les personnels de surveillance en sont régulièrement les premières victimes lorsqu’ils manifestent leur exaspération devant les portes des prisons (ils se mobilisent pourtant pendant leurs jours de congés). D’autre part les sanctions et menaces de sanctions prises à l’encontre des travailleurs sociaux dans certains établissements lorsqu’ils informent les personnes incarcérées de leurs nouveaux droits sur l’encellulement individuel.
Ces deux exemples démontrent que la modernisation engagée par le gouvernement dont vous êtes actrice via vos responsabilités au ministère de la justice est en fait une « involution » des organes institutionnels au sens propre du terme !
Le premier exemple prouve que les personnels pénitentiaires sont toujours considérés comme une sous classe de salariés, des sans droits qui doivent respecter l’ordre, la discipline, juste surveillés et punis ! Le second illustre la dérive grave des services du ministère de la justice, à savoir :la loi est considérée et utilisée uniquement comme vitrine d’un gouvernement et d’un ministère voués à la politique du néant, du vide. La loi n’a plus force de loi. C’est extrêmement grave ! C’est la porte ouverte au retour vers le passé...vers les époques des non droits !
Autres points tout aussi néfastes : ceux de la privatisation des prisons et de la délégation au privé de certains services. Ils engendrent de graves incidences pour les personnels, mais aussi sur la qualité des services rendus. Comme en témoigne la situation des personnels techniques qui pourraient voir leur corps s’éteindre, ou encore, l’exemple de l’expérimentation de la gestion des cantines à la MC de Moulins qui illustre les méfaits de la privatisation.
Croyez Madame la Garde des Sceaux, que nous ne laisserons pas faire ! Croyez bien, madame la Ministre que nous barrerons toujours la route à celles et ceux qui n’auront pas de respect pour les personnes, les personnels, la justice, le droit et la loi. Des négationnistes de l’éthique !
Nous serons, toujours et encore là pour lutter afin que les idées progressistes avancent, qu’elles se concrétisent par des actes législatifs. Nous serons toujours là pour veiller, comme tous nos camarades cégétistes, pour que vivent la démocratie et la justice sociale !
Nous serons alors et toujours là, près de vous, tant que vous serez là ... si ce n’est pas vous ce sera l’esprit que nous combattrons puisque nous le condamnons !

 Les secrétaires nationaux et régionaux
 CGT pénitentiaire.

Paris, le 26 juin 2008