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(2008-01) Texte de la mère de Cyril

Mise en ligne : 17 janvier 2008

Dernière modification : 17 janvier 2008

Texte de l'article :

Derniers assauts désespérés de l’administration pénitentiaire, pour faire craquer Cyril Khider, après qu’elle ait pris connaissance de la recevabilité du dossier de Cyril, devant la Cour Européenne des droits de l’homme...
 
Je viens d’avoir un coup de téléphone affolé de Delphine Boesel l’avocate de mon fils Cyril Khider qui sortait du centre de détention de Meaux Chauconin où il est incarcéré.
Delphine m’a dit que c’était la première depuis ces cinq dernières années qu’elle avait perçu la peur dans la voix de Cyril.
Hier, j’avais déjà reçu deux autres coups de fil de détenus qui ont vu le déroulement de la scène qui a conduit Cyril au mitard, il y a deux jours alors qu’il refusait de répondre aux provocations des surveillants. C’est pour cette raison que son avocate s’est rendue sur place.
En effet, les évènements semblent se précipiter autour de Cyril, une fois de plus, depuis que l’Administration pénitentiaire est au courant de la recevabilité de son dossier devant la cour Européenne des droits de l’homme.
Nous avions déjà remporté une première manche devant les tribunaux administratifs dans ce bras d’enfer engagé depuis des années contre l’administration pénitentiaire, afin d’obtenir sa sortie et la levée de l’isolement arbitraire qu’il subissait.
Je rappelle ici qu’à l’issue de ce procès, nous avons eu gain de cause et les allégations mensongères de l’administration pénitentiaire ont été clairement établies.

Je profite de cette lettre ouverte pour remercier monsieur Thibaut Célérier, commissaire du gouvernement pour les conclusions qu’il a rendues au tribunal administratif de Paris au début de l’année 2007.
Je remercie également l’observatoire international des prisons (Oip) pour le travail juridique qu’il a fait dans ce dossier et pour le soutien apporté à notre avocate Delphine Boesel.

Aujourd’hui, les plus hautes instances vont se pencher sur ce dossier, ce qui explique la volonté de pousser mon fils au bout de ses limites, afin de pouvoir le présenter en cas de pétage de plomb, comme un individu dangereux et par là même justifier les exactions dont il a fait l’objet toutes ces dernières années sans discontinuer.
Plus personne n’est dupe, beaucoup de personnes suivent ce dossier depuis des années.

Cyril a été placé au mitard de façon arbitraire une fois de plus, après avoir été entendu quelques jours plus tôt par la sous directrice, dans le cadre d’une permission de sortie, durant laquelle il devrait rencontrer son employeur.
Lors de cette permission, il devrait également se rendre à la clinique du sport pour sa cheville qui a été cassée, plâtrée, replâtrée puis tordue le jour même, alors que le plâtre n’était pas sec, par des agents de l’administration pénitentiaire.
Or, durant cet entretien, la sous directrice lui a fait comprendre que jamais il ne sortirait de prison en liberté conditionnelle, qu’il fallait que je cesse de me battre à l’extérieur contre les tortures et autres actes dégradants, humiliants, indignes de notre démocratie.
En fait, un véritable chantage que Cyril a refusé au nom de tous ses compagnons de misère qui subissent l’indicible, à l’abri des regards. 
Malgré tout ce qu’a subi Cyril, jamais il n’a levé la main sur un agent de l’administration pénitentiaire et aujourd’hui, il ne supporte plus que je lui répète de rester calme, parce que l’on ne peut l’être plus qu’il ne l’est.
En fait, je me rends compte que lorsque je lui dis cela c’est à moi que je fais cette imprécation, parce qu’à sa place, je pense, que j’aurais explosé depuis longtemps.
Il n’y a qu’à cliquer sur ce lien pour lire tout ce qui a été dénoncé lors de son procès d’assises en mars dernier et qu’il l’amène aujourd’hui devant la cour européenne des droits de l’homme. Ainsi en lisant la liste non exhaustive de ce qu’il a vécu nous pouvons comprendre que n’importe lequel d’entre nous, aurait craqué depuis longtemps face à de telles horreurs.
Toutes les pressions qu’il subit n’ont d’autre but qu’empêcher les velléités de procédures chez les autres détenus ou leurs familles.

Il reste clair à mes yeux qu’une personne qui enfreint les lois d’une société doit être écartée de celle ci un temps donné, mais pour autant, pouvons nous accepter que la torture et autres actes dégradants viennent s’ajouter à la privation de liberté ?
Vous remarquerez que j’emploie le mot torture depuis des années et que personne ne m’a jamais demandé d’en rendre compte devant un tribunal. Dommage ! Une tribune est une tribune et j’ai là, quelque matière...

Pourtant, avant d’aller devant les plus hautes instances, j’ai tenté à plusieurs reprises, une médiation en interpellant par courrier, madame Lorne, actuelle directrice de la prison de Meaux Chauconin. Elle était encore directrice à la prison de la santé lorsque je lui ai envoyé mon premier courrier pour que cessent les exactions dont Cyril faisait l’objet.
Je l’ai également interpellé à cette époque, lors d’un colloque où elle se trouvait parmi plus de cinq cent autres personnes, dont monsieur Badinter, des représentants du cabinet de l’ancien ministre de la justice, Pascal Clément, Claude d’Harcourt directeur de l’administration pénitentiaire et tout ce que compte cette dernière comme représentant de son autorité, ainsi que toutes les huiles de la psychiatrie, afin d’attirer l’attention sur la situation de Cyril.
Bien que je sache la cible très petite, en écrivant à madame Lorne, j’avais quand même visé le cœur.
Le cœur de la femme, de la mère, de la garante et responsable de tant de vies humaines. En vain.

J’ai tout essayé pour que cesse cette situation incroyablement barbare au pays des droits de l’homme. Interpellé Christine Boutin, Dominique Perben ancien ministre de la justice, téléphoné à Pascal Clément autre ancien ministre, l’été dernier alors qu’il était dans les locaux de France inter dont il était l’invité avec monsieur Badinter. C’était à l’occasion du débat engagé lors des états généraux sur la condition pénitentiaire. Il a occulté devant des milliers d’auditeurs ma question et mes remarques.
J’ai interpellé Patick Devedjian en direct lors d’un débat dans les locaux de Radio France où j’étais invitée ainsi que de nombreuses autres personnalités politiques, toujours en vain.

Que dois je faire ? Attendre de lire dans une rubrique nécrologique la mort annoncée de mon fils Cyril sans que personne ne remue le petit doigt ?

Merci de faire circuler ce texte au sein de vos réseaux et plus loin encore si vous le pouvez.

Catherine