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(2007) Lettre au juge d’instruction du Parquet d’Evry

Mise en ligne : 5 octobre 2007

Texte de l'article :

Juge d’instruction
TGI d’Evry

Madame Gensac,

Je viens de prendre connaissance, des réquisitions, rendues par le procureur de la république, par le biais de mon fils Cyril Khider qui avait déposé plainte, contre l’administration pénitentiaire, pour agression sexuelle, après une fouille musclée autant que poussée. Lors de cette fouille, il avait eu une côte et un orteil cassés, sans que, le médecin félon, présent sur les lieux, ne daigne mettre cet état de fait par écrit.

Dans ces réquisitions, le procureur avance qu’il s’agirait d’une plainte abusive et qu’il condamnait mon fils à une amende de 10.000 euros.

Peut être n’hésiterez vous pas à me traiter de menteuse, ou pire, à me faire condamner pour outrage à magistrat, moi qui ai vécu ces détestables pratiques en direct, elles qui m’ont envoyées à l’hôpital ?

Traiterez vous également ma belle fille de menteuse elle qui a vu arriver mon fils au parloir, couvert de sang ? Je ne parle même pas de toutes les horreurs qui sont relatées dans un dossier adressé à la cour européenne des droits de l’homme, que nous avons saisie, avec un mémoire conséquent, sur lequel plusieurs juristes se sont penchés.

Oui, il reste quelques personnes qui pèsent de tout leur poids dans la balance de la justice, pour tenter d’établir un semblant d’équilibre contre cette machine à broyer.

Ah utopie quand tu nous tiens !

Il me semble important, de rappeler ici, que le journal « l’Envolée » auquel j’ai participé plusieurs années, s’est vu traîner devant les tribunaux, après qu’une plainte en diffamation ait été déposée par l’ancien ministre de la justice, monsieur Pascal Clément. En effet dans l’un des numéros de ce journal, nous avions mis la lettre d’une personne détenue, qui avait subi le même genre d’horreurs que celles, pour lesquelles, mon fils Cyril, se voit condamné aujourd’hui, à 10.000 euros d’amende, pour avoir osé dénoncer la réalité de certaines pratiques carcérales.

J’ajoute pour finir que, monsieur Pascal Clément, a été débouté à l’issue de ce procès, au cours duquel, j’ai été entendue à la barre.

Hier encore, mon fils est arrivé au tribunal civil de Créteil les pieds nus, parce que les surveillants de la prison de Choconin, ont refusé qu’il garde le lacet de sa basket, alors qu’il a la jambe cassée depuis peu, et que, de ce lacet, dépend son équilibre, puisqu’il marche sur un pied aidé de béquilles.

Cette mesure, censée prévenir le suicide dans les geôles républicaines, est une pantalonnade, lorsque l’on sait que Cyril, est resté plus de cinq ans à l’isolement, à subir, tortures, actes dégradants, humiliations diverses et variées ! S’il avait du se suicider il y a longtemps que ce serait fait.

Ceci est un véritable scandale qui ne fait que confirmer, ce que tous nous pensons tout bas à savoir : porter plainte pour se défendre est un mirage.

Si l’administration pénitentiaire décide de détruire une personne, elle peut, en toute impunité, aller au bout de son ignoble logique, sans trouver sur sa route de réels éléments de frein.

Tous les recours, pour tenter de faire valoir un contre poids, aux exactions de celle ci, au regard des réquisitions du procureur dont je parle plus avant, sont parfaitement illusoires et poudre de Perlinpin jetée aux yeux de l’opinion publique.

Aujourd’hui, plus grand monde n’est dupe des pratiques féodales et monarcales de l’institution judiciaire qui n’a guère évoluée depuis le 15 ème siècle, malgré les discours dithyrambiques sur le sujet, qu’elle ne manque pas de nous servir, à la moindre occasion, pour redorer son blason.

Même ses armoires rient...

J’ai participé et animé durant presque quatre ans, chaque vendredi durant 1h30, une émission de radio qui s’adresse aux personnes détenues et, j’ai assisté en parallèle, à plusieurs procès où l’administration pénitentiaire était mise en cause. A ce titre, et au regard des innombrables courriers que ces personnes nous ont adressé, afin de dénoncer les exactions de l’administration en question, je sais de quoi je parle.

Toutes ces personnes savent, d’ores et déjà, que les recours par la voie légale ne servent à rien, que de nombreux magistrats couvrent systématiquement les dysfonctionnements et les débordements de leur bébé, l’administration pénitentiaire.

Après lecture de l’ordonnance, que le procureur a rendue, pompeuse, sclérosée, issue d’une justice absolue et majuscule, couvrant une administration faisandée par certains, qui impose ses règles à coups de poings, de claques ou de matraque, rendue du haut d’un trône, je me dis que mon fils ne sortira pas vivant de prison. J’ai peur, très peur.

J’ai bien compris que celle ci, n’a d’autre but, clairement affiché, que dissuader toute velléité de dépôts de plainte, de la part de nombreux autres torturés, ce qui, en tel cas, vous poserait problème.

S’extraire à tout prix de la diarrhée carcérale qui noie les hommes par petits bouts.

J’ajoute, qu’une justice qui se fait complice du pire, est un incroyable moteur pour des projets d’évasion au cœur de toutes les prisons de France, qu’elle promeut, fertilise et dynamise en ne disant mot contre l’inacceptable.

L’injustice accouche d’enfants qui lui ressemblent.

Voilà madame Gensac, ce que moi, maman, je tenais à vous dire, suite aux réquisitions du procureur de la république, après plus de six ans de combat contre l’hydre pénitentiaire et les moulins à vent de la justice.

Je ne vous salue pas, madame Gensac, je ne serais pas honnête, j’ai trop mal à mon fils.

Madame Charles-Catherine

catherine-2005@hotmail.fr