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(2007) Boumediene Thiery Alima Sénatrice : Projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs

Mise en ligne : 8 août 2007

Texte de l'article :

Projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs
Intervention d’Alima Boumediene - Thiery en séance publique, le Jeudi 5 juillet 2007, lors de la Discussion générale du Projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs :

" Monsieur le Président, Madame la Ministre, Chers collègues,

Bien que nous souscrivions à la nécessité de lutter efficacement contre la récidive, nous souhaitons apporter quelques rectificatifs aux postulats, qui fondent le Projet de loi aujourd’hui discuté.

Lors du débat télévisé qui opposait M. Nicolas Sarkozy à Mme Ségolène Royale, notre actuel Président évoquait « un taux considérable de récidive en matière d’infractions sexuelles ».

Il est évident que les statistiques dont dispose M. Sarkozy ne correspondent pas à la réalité, pas plus que ce texte ne prend en compte tous les aspects d’une réalité qui, visiblement, Madame la Ministre, vous échappe. Il est clair que nous n’avons pas la même lecture des chiffres !
Ce taux, dit considérable, est en réalité de 0,5%.

Une confusion règne entre ce que, dans les médias, vous avez nommé la récidive, et la réalité de ce qu’est la récidive légale visée par ce texte.
Les Français doivent savoir par quel moyen vous avez instrumentalisé les mots pour mieux convaincre de la nécessité d’un tel projet de loi : la récidive légale n’est pas la réitération.

Autant dire que ce projet de loi n’est qu’un coup de couteau dans l’eau en termes de lutte contre la récidive, mais il rassure une opinion publique que vous avez apeuré, angoissé par des propos faussement alarmistes.

En matière pénale, les mots ont un sens que l’on ne peut dévoyer et utiliser à des fins démagogiques.

Vous avez fait d’une notion juridique, un concept gadget dans lequel, aux yeux de l’opinion publique, réitération, récidive, et concours d’infraction se confondent. Ce qui n’est pas le cas !

Les Français doivent savoir qu’aujourd’hui seule la récidive légale sera étudiée.

Et cette récidive légale représente : 2,6 % pour les crimes, 6,6 % pour les délits en 2005.

Ces chiffres, sont même inférieurs à ceux de l’année 2004, et encore supérieurs aux données actuelles.

Vous avez profité de l’affaire Cremel pour gonfler la nécessité émotionnelle de ce projet de loi, sans prendre en compte les moyens de sa mise en œuvre.

En réalité il est inutile, inconsidéré, et dangereux. Il accentue le caractère répressif d’une législation considérée comme la plus dure d’Europe.
Il exclut toute tentative d’aborder le phénomène de la délinquance sous l’angle de la prévention, l’éducation, et il relègue la nécessité d’une approche socio-éducative au rang de pis-aller.

Concernant les effets des peines minimales :

Permettez-moi de rappeler qu’elles n’ont jamais dissuadé le délinquant de la récidive, pas plus que la peine de mort n’a empêché les crimes commis sous son empire.

La dissuasion n’est rien, si elle n’est pas accompagnée d’une politique active de prévention du passage à l’acte et de suivi des condamnés.
La preuve en est : plusieurs Etats ayant adopté le système des peines minimales, l’ont abandonné du fait de son inefficacité et de son coût.
Le bilan « coût avantage » de ce projet est simple à établir.

Il aura un effet désastreux sur le travail des juges : obligés de motiver chacune de leur décision, leur travail en sera ralenti et le prononcé de la peine prendra bientôt plus de temps que son exécution.

Nous allons assister à un engorgement sans précédent des tribunaux.
L’atteinte délibérée de ce projet de loi au principe de l’individualisation de la peine va se traduire par un chantage aux responsabilités : si les juges motivent comme prévu, cela ralentira encore plus les procédures. Leur soi-disant laxisme est en fait un problème de moyen.

Pour sortir de ce piège, les juges appliqueront les peines minimales de manière automatique pour ne pas avoir à justifier leur décision.

Or le pouvoir souverain d’appréciation du juge doit rester intact. Il est la garantie d’une bonne administration de la justice. La complexité des profils appelle à une approche flexible des sanctions. Le délinquant n’est pas un être type. Il est constitué d’une variété de profils qu’une réponse unique ne peut, à elle seule, appréhender.

Le pouvoir d’individualisation est justement l’outil idoine pour cerner au mieux cette variété.

Ce projet aura également un effet immédiat sur la population carcérale.
Les statistiques fournies par le CNRS sont claires : en 1 an les prisons devront accueillir plus de 10.000 personnes.

C’est le taux d’accroissement de la population carcérale sur les 5 dernières années !

Vous allez faire plus, en 1 an, qu’une législature entière n’a pu éviter ! Les prisons sont sur le point d’exploser : le nombre de détenus en surnombre est de 11.734 au 1er Mai 2007, et vous allez le doubler en un an ! Ce projet aura également pour effet de focaliser le prononcé de peines d’emprisonnement sur les couches sociales les plus défavorisées de la population en exigeant, pour que le juge prononce des peines autres que l’emprisonnement, que le prévenu présente des garanties d’insertion ou de réinsertion.

La raison pour laquelle le Projet de loi vise ce critère est simple : les statistiques démontrent, que les personnes ayant le bac et déclarant une profession au moment de la condamnation ont un taux de récidive proche de zéro ; tandis que pour les personnes n’ayant pas le bac, n’ayant pas d’emploi déclaré, et qui ont un passé judiciaire, ce taux est égal à 80%.
Le recours a un tel critère est indigne de notre justice.

En effet, les personnes issues des couches sociales les plus modestes, qui souffrent de conditions de vies déplorables et qui ne disposent pas de revenus, donc pas de garanties de réinsertion, se verront appliqué les peines planchers de manière automatique. Et ceux qui ont des parents propres à fournir à leurs enfants des garanties d’insertion satisfaisantes, ceux qui ont des moyens financiers, et issus de couches plus favorisées se verront appliqué des peines plus clémentes, voire des peines alternatives à l’emprisonnement.

Madame la Ministre, pendant la campagne vous avez déclaré en plaisantant « vouloir être la ministre de la karchérisation des banlieues ». Vous souhaitez maintenant prendre cette plaisanterie au sérieux et vouloir karchériser nos banlieues ? Pensez-vous vraiment qu’en enfermant des jeunes exclus, en difficultés ou en échec, Français Arabes ou Noirs, vous allez régler la question des banlieues et de l’exclusion sociale ?

Attacher les peines d’un prévenu à ses origines sociales, familiales et socioprofessionnelles, c’est privilégier, encore une fois les plus riches, au détriment des plus pauvres, ceux qui luttent pour avoir des conditions de vie décentes.

Il est intolérable qu’un projet de loi stigmatise à ce point une partie de la population, et mette en place une justice à deux vitesses : une justice pour les riches et une justice pour les pauvres.

C’est proprement inique et contraire au principe d’égalité de tous devant la loi.

Concernant maintenant la justice des mineurs, permettez-moi de dire combien ce projet de loi est une abdication totale devant les principes élémentaires qui régissent la justice des mineurs.

L’atténuation de la responsabilité des mineurs est un principe Fondamental reconnu par les lois de notre République.

L’excuse de minorité doit être la règle et son exclusion l’exception. Le projet de loi qui nous est soumis renverse complètement le principe.

Le tribunal pour enfant ou la Cour d’assise des mineurs vont devenir des juges de droit commun !

Il sera bientôt inutile de les qualifier de juridictions spécialisées, puisque ces juridictions pourront bientôt dire le droit dans les mêmes conditions que si le mineur était majeur.

L’emprisonnement devient la règle pour les mineurs, alors que les obligations internationales de la France imposent une approche inverse de ce type de délinquance.

Le Projet de Loi foule aux pieds l’article 37 de la Convention Internationale des droits de l’enfant qui indique que « l’emprisonnement d’un enfant ne peut être qu’une mesure de dernier ressort et être d’une durée aussi brève que possible ».

En alignant le régime du mineur avec celui des majeurs, vous ruinez l’esprit et l’économie générale de l’Ordonnance du 2 février 1945.

Par ailleurs, les mesures que vous entendez instituer ne sont pas compensées par les moyens nécessaires à leur mise en œuvre.

Aucun bilan n’a été fait des lois votées dans ce domaine, en 2004 (Perben II), en 2005 et encore récemment en mars 2007. Aucun bilan sérieux n’a été fait du fonctionnement des unités d’accueil que vous souhaiter développer. Aucune référence dans ce texte aux mesures d’éducation. Aucun volet socio-éducatif, Aucun diagnostic des moyens nécessaires aux acteurs de terrain et à la protection judiciaire de la jeunesse.
Rien !

Lorsque l’on s’attaque à une réforme aussi importante, il convient au préalable d’évaluer la faisabilité de ce projet.

Or, Madame la Ministre, vous construisez une maison en commençant par le toit : comment voulez-vous que l’édifice tienne ?

A quoi bon annoncer, devant la Commission des Lois, vouloir (je cite) « engager une action déterminée en faveur de la réinsertion des personnes les plus vulnérables, en particuliers les mineurs et les détenus », s’il s’agit de les mettre en prison pour un « vol de bonbon » en récidive ? Même si on dit couramment « qui vole un œuf, vole un bœuf »,... quand même !

Vous savez que la prison n’est pas un lieu de réinsertion : elle est la principale école de la délinquance. Emprisonnez un jeune, et son avenir est tout tracé : la récidive...

Les statistiques montrent parfaitement que le taux de récidive est largement inférieur lorsque le prévenu a fait l’objet d’une mesure alternative à l’emprisonnement.

Et ce n’est pas en entretenant le ressentiment et la marginalisation, que l’on luttera efficacement contre la récidive.

Concernant le volet psychiatrique de ce Projet de loi, permettez-moi de vous faire part des craintes non seulement des acteurs du monde judiciaire, mais également des médecins et experts psychiatriques qui sont les principaux destinataires des articles 5 à 10 de ce projet de loi. La généralisation de l’injonction de soins qu’il impose procède d’une grave confusion entre délinquance et pathologie.

La majorité des délinquants ne présente aucune pathologie.

Votre projet de loi vise à une psychiatrisation de la justice, qui n’a pas sa place dans un Etat de Droit.

Ce Projet de loi a pour principal effet de transférer le pouvoir, et la responsabilité de prononcer une injonction thérapeutique, du juge vers le médecin.

Ce transfert de compétence est, non seulement, difficile à mettre en œuvre, mais également dangereux : le juge est le gardien de la liberté individuel, et pas un exécutant de décision relevant de l’appréciation souveraine d’un médecin.

Dans ce projet de loi, le pouvoir d’individualisation de la peine par le juge est quasi-inexistant, et le médecin devient un juge de droit commun.
Le médecin doit pouvoir soigner, certes, mais dans la limite de ce qui est requis de lui, par le juge. Et pas le contraire !

Par ailleurs, ce projet de loi ne prend pas en compte la réalité du travail du médecin coordonnateur, du médecin traitant, et de l’expert psychiatrique : difficulté de recrutement et bas salaires sont autant de freins à l’exercice, par les médecins, de leur profession dans les milieux judiciaires et carcéraux.

Le projet de loi impose plus de sujétions qu’il n’apporte de réponses claires et pratiques à la situation actuelle.

Madame la Ministre, avec ce projet de loi, vous allez greffer un corps étranger à un corps déjà malade, sans avoir établi au préalable de diagnostic.

Ne vous étonnez donc pas que ce greffon soit rejeté : il est immature, inadapté et dangereux.

Il serait préférable de soigner nos prisons de leurs maux, plutôt que de chercher à les remplir à tout prix !

En tout état de cause, il est préférable de privilégier une approche humaniste à une approche répressive, élevant l’incarcération en outil ultime de lutte contre la délinquance et la récidive, en oubliant toute politique de prévention, et en privant de moyens la réinsertion...qui seraient les meilleures armes pour lutter contre la délinquance !

Je vous remercie. "

Amendements sur le projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs déposés par Alima Boumediene - Thiery et discutés le Jeudi 5 juillet 2007 :

Amendement n° 1 : ARTICLE 1ER
Après les mots : des circonstances de l’infraction rédiger comme suit la fin de l’avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l’article 132 18 1 du code pénal : ou de la personnalité de son auteur

« L’amendement vise à supprimer un critère imposé au juge qui souhaite individualiser la peine prononcée contre un multirécidiviste et lui appliquer une peines inférieure aux peines minimales prévues par le PJL.
Le Projet de loi veut limiter le pouvoir d’individualisation de la peine du juge en obligeant le juge à recourir à une notion qui est difficile à établir lors d’une condamnation : les garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion.
> notion empruntée au code de procédure pénale : le juge de l’application des peines y recourt pour apprécier les possibilités d’aménagement de peines : rien à voir avec le prononcé d’une condamnation ;
> notion à géométrie variable, selon la libre appréciation du juge : dans ce cas on revient à la marge d’appréciation du juge : quelle est l’étendue de ce critère ? Que recouvre-t-il ? Quelles sont les garanties exceptionnelles visées ? Comment le juge décide du caractère exceptionnel des garanties d’insertion ou de réinsertion que présente l’individu ? Est-il possible d’apprécier ces garanties dans le cadre d’une condamnation ?
> notion inutile : elle ne présente aucun intérêt dans la mesure où le juge est libre d’apprécier, en vertu du principe d’individualisation de la peine, d’adapter la peine en fonction des autres critères déjà connus et opératoires du droit pénal
> notion impossible à apprécier pour le juge au moment de la condamnation puisqu’elle suppose un suivi de l’individu, comme par exemple par le juge d’application des peines qui peut aménager la peine d’un condamné en fonction des garanties quil présente. Le juge pénal qui prononce une condamnation ne peut pas raisonnablement connaître les garanties d’insertion ou de réinsertion d’un prévenu, encore moins d’en apprécier le caractère exceptionnel
Les critères établis par l’avant dernier alinéa du texte proposé pour l’article 132-18-1, qui sont la personnalité de l’auteur, ainsi que les circonstances de l’affaire, suffisent pour permettre au juge d’individualiser la peine et décider d’appliquer des peines inférieures aux peines minimales prévues par l’article 1 du PJL.
Il sont donc rétablis dans le dernier alinéa de cet article 1. »

Amendement n° 2 : ARTICLE 2
I. Après le sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l’article 132 19 1 du code pénal, insérer un alinéa ainsi rédigé : « Lorsque le prévenu est jugé en comparution immédiate selon la procédure prévue par l’article 395 du code de procédure pénale, la juridiction n’est pas tenue d’apprécier, dans le prononcé de peines inférieures à celles prévues par les deuxième à cinquième alinéas du présent article ou d’une peine autre que l’emprisonnement, les garanties d’insertion ou de réinsertion visées à l’alinéa précédent ».
II. Compléter in fine cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le prévenu est jugé en comparution immédiate selon la procédure prévue par l’article 395 du code de procédure pénale, la juridiction n’est pas tenue de motiver sa décision ni d’apprécier, dans le prononcé de peines inférieures à celles prévues par les deuxième à cinquième alinéas du présent article, les garanties exceptionnelles d’insertion visées à l’alinéa précédent ».
« L’amendement vise à exonérer le juge d’une motivation de sa décision fondée sur les garanties d’insertion ou de réinsertion d’un prévenu lorsque ce dernier est jugé en comparution immédiate. En effet, la comparution immédiate, par son caractère expéditif, ne permet pas une connaissance suffisante du prévenu ainsi que des garanties qu’il est susceptible de présenter. La personnalisation de la peine est donc, en ces circonstances, laissée à la libre appréciation du juge, ce qui est conforme au principe d’individualisation de la peine. »

Amendement n° 3 : ARTICLE 2
Compléter le neuvième alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour l’article 132 19 1 du code pénal par les mots : ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de 10 jours
« Le projet de loi, par le caractère général des délits qu’il vise, risque de permettre au juge d’envoyer en prison des individus ayant commis des actes, certes répréhensibles, mais d’une gravité qui peut être très variable. Combiné avec l’obligation de motivation, les juges vont prononcer de manière automatique des peines de prison : pour un vol de DVD comme pour un vol avec agression.
Concernant l’article 2, le juge pourra appliquer les peines minimales lorsque le mineur récidiviste a commis un délit violences volontaires : que recouvre cette notion de violences volontaires ?
Le vol avec bousculade et le vol ayant entraîné une ITT de 20 jours ont-ils les mêmes conséquences sur la victime quand il y en a une ? Ces deux délits doivent-ils être traités de la même manière ?
Les peines minimales auront vocation à s’appliquer de la même manière pour tous les délits commis en état de récidive, quelque soit sa gravité : or qui vole un œuf ne vole pas forcément un bœuf.
Le Projet de Loi ne fait pas de distinction valable entre un vol de portable à l’arraché n’ayant pas entraîné de blessures mais simplement une bousculade, et un vol à l’arraché ayant entraîné des dommages physiques plus importants.
Le multirécidiviste qui a commis indistinctement ces deux vols sera condamné à une peine d’emprisonnement ferme sans que la gravité des faits reprochés ait été évaluée à sa juste mesure : l’individu pourra donc aller en prison pour un simple vol, voire s’il a commis deux vols avec une simple bousculade, condamnables certes, mais qui ne méritent pas d’être sanctionnés de la même manière que deux vols successifs ayant entraîné une ITT de 15 jours.
Cet amendement vise à prendre en compte les circonstances de l’affaire ainsi que le préjudice subi par la victime en réduisant le champ d’application ratione materiae des peines planchers pour les récidivistes : ne seront concernés par l’application des peines planchers que les délits les plus graves. Un simple vol avec bousculade fera l’objet d’une sanction, certes, mais seuls les vols commis avec des violences physiques seront concernés par l’application quasi automatique des peines minimales qui sont prévues par ce PJL.
Il convient d’endiguer dans la mesure du possible le champ d’application de cette loi : seuls les multirécidivistes violents seront concernés, et pas simplement les voleurs de bonbons. »

Amendement n° 4 : ARTICLE 2
Dans le sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l’article 132 19 1 du code pénal, supprimer les mots : par une décision spécialement motivée,
« Le Projet de loi oblige le juge qui souhaite appliquer des peines inférieures au peines minimales fixées à motiver sa décision, quelle que soit la nature de la peine prononcée : emprisonnement ferme, emprisonnement avec sursis, peine alternative à l’emprisonnement. L’amendement vise à la suppression de l’obligation de motivation du juge.
L’obligation de motivation est facteur d’inflation procédurale : elle induit un allongement des procédures puisque le juge doit maintenant systématiquement justifier de sa décision. On ne peut pas demander au juges de faire preuve de plus de diligence en les traitant de laxistes, et leur imposer un rallongement des procédures en les obligeant à justifier chacune de leur décision ;
L’obligation de motivation du juge ne devrait porter que sur les peines les plus graves, autrement dit sur les peines d’emprisonnement ferme, et pas toutes les peines, y compris les peines alternatives à l’emprisonnement.
L’article 132-19 al. 2 prévoit qu’en matière correctionnelle, les juges sont tenus de motiver leurs décisions que lorsqu’ils prononcent une peine d’emprisonnement ferme. Le texte prévoit même qu’il n’y a pas lieu à motivation spéciale « lorsque la personne est en état de récidive légale ». Donc l’obligation de motivation est exclue en cas de récidive.
Le PJL met en place distorsion entre l’article 132-19 al. 2 et le futur article 132-19-2. puisqu’il impose une obligation de motivation en cas de peine prononcée contre un récidiviste. Aucune disposition ne prévoyant un aménagement de l’article 132-13 al. 2 , il semble que la règle de l’article 132-19 al. 2 suffise. L’obligation de motivation du PJL doit donc être supprimée.
La transposition de la règle prévue à l’article 132-19 al. 2 à l’article 2 du PJL permettrait d’éviter une inflation judiciaire et permettrait aux juges un traitement diligent des affaires qui leur sont soumises.
L’amendement vise à supprimer la référence à l’obligation de motivation en laissant jouer l’article 132-19 al. 2 qui exclut l’obligation de motivation en cas de récidive légale. »

Amendement n° 5 : ARTICLE 3
Compléter in fine le I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« La décision de ne pas faire bénéficier le mineur de l’atténuation de la peine ne peut être prononcée par le tribunal pour enfants ou le juge des enfants lorsque le mineur est poursuivi en vertu de la procédure prévue à l’article 14 2. »
« Le jugement peut intervenir à la première audience du tribunal pour enfant qui suit sa présentation devant le procureur de la République sans attendre le délai de 10 jours qui doit, en principe, séparer la date de présentation de celle de l’audience du tribunal pour enfant.
1. L’exclusion de l’atténuation de la responsabilité du mineur par le juge impose par principe un délai de réflexion et une appréciation approfondie de la personnalité du mineur, donc un rallongement nécessaire des investigations avant le prononcé de la peine.
2. Le principe d’atténuation de la peine pour le mineur est un principe constitutionnel auquel il ne peut être dérogé que dans le cadre d’une étude approfondie du dossier : il s’oppose à ce que l’excuse de minorité soit écartée dans le cadre d’une procédure accélérée et oblige le juge à recourir à des « procédures appropriées », comme le rappelle la décision du Conseil constitutionnel n°2007-553 DC du 3 mars 2007.
3. La présentation immédiate devant le juge n’est pas une procédure adaptée à une décision d’exclusion du principe de l’atténuation de la peine pour le mineur. Cette décision ne peut intervenir que dans le cadre de la procédure « classique » de jugement, avec les délais qui y sont attachés entre la présentation au procureur de la République et l’audience du tribunal pour enfant.
4. En cas de 1ère récidive, le Projet de loi impose au juge de motiver sa décision lorsque les circonstances de l’espèce et la personnalité du mineur le justifie : la connaissance des circonstances de l’affaire, l’étude de la personnalité du mineur, la motivation de sa décision prennent du temps, et la procédure de l’article 14-2 ne permet pas de telles investigations en raison de son caractère expéditif.
5. En cas de deuxième récidive, le juge peut décider d’appliquer l’application de la peine que s’il motive de manière spéciale sa décision : là encore, une telle motivation peut prendre du temps et suppose des investigations approfondies qui ne sont pas possible dans le cadre d’une procédure accélérée.
6. L’amendement supprime l’incompatibilité factuelle qui se pose entre l’application des dispositions de l’article 3 du PJL et l’article 14-2 de l’ordonnance de 1945. Les investigations plus poussées s’imposent par principe lorsqu’il s’agit d’appliquer à un mineur les règles du droit pénal applicables au majeur.= souci de coordination des procédures et gain d’efficacité. »

Amendement n° 6 : ARTICLE 3
Dans le septième alinéa du I de cet article, après les mots : délit de violences volontaires insérer les mots : ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de 10 jours
« Le projet de loi a pour objet tous types de délits, sans égard à la nature des infractions ni à la gravité de celle-ci.
Concernant l’article 3, le juge pourra appliquer les peines minimales lorsque le mineur récidiviste a commis un délit de violences volontaires : que recouvre cette notion ? le vol avec bousculade et le vol ayant entraîné une ITT de 20 jours ? Ces deux délits doivent-ils être traités de la même manière ?
Les peines minimales auront vocation à s’appliquer de la même manière pour tous les délits commis en état de récidive, quelque soit sa gravité : or qui vole un œuf ne vole pas forcément un bœuf.
Le Projet de loi ne fait pas de distinction valable entre un vol de portable à l’arraché n’ayant pas entraîné de blessures mais simplement une bousculade, et un vol à l’arraché ayant entraîné des dommages physiques plus importants.
Le multirécidiviste qui a commis indistinctement ces deux vols sera condamné à une peine d’emprisonnement ferme sans que la gravité des faits reprochés ait été évaluée à sa juste mesure : l’individu pourra donc aller en prison pour un simple vol, voire s’il a commis deux vols avec une simple bousculade, condamnables certes, mais qui ne méritent pas d’être sanctionnés de la même manière que deux vols successifs ayant entraîné une ITT de 15 jours.
Cet amendement vise à prendre en compte les circonstances de l’affaire ainsi que le préjudice subi par la victime réduisant le champ d’application ratione materiae des peines planchers pour les récidivistes. Ne seront concernés par l’application des peines planchers que les délits les plus graves. Un simple vol avec bousculade fera l’objet d’une sanction, certes, mais seuls les vols commis avec des violences physiques seront concernés par l’application quasi automatique des peines minimales qui sont prévues par ce PJL.
Il convient d’endiguer dans la mesure du possible le champ d’application de cette loi : seuls les multirécidivistes violents seront concernés, et pas simplement le voleur de bonbons. »

Amendement n° 7 : ARTICLE 3
Dans le septième alinéa (3°) de cet article, supprimer les mots : un délit de violences volontaires,
« Cet alinéa vise le délit de violences volontaires pour lequel les peines minimales s’appliqueront de manière quasi-automatique.
Ce délit recouvre des situations trop variées (vol avec bousculade, atteinte aux biens sans atteinte à la personne). Ainsi des peines de prisons fermes seront appliquées pour un vol avec bousculade comme à une agression violente.
L’amendement vise à circonscrire le champ de ces délits par le jeu combiné de l’article 132-15-4 et du futur article 132-19-1 amendé.
Les délits les moins graves relèveront de l’alinéa 1 de l’article 132-19-1 et le juge pourra dans ce cas prononcer des peines autres que l’emprisonnement.
Les délits de violence volontaires les plus graves, c’est-à-dire les violences sur personnes, relèveront de cette disposition mais par le jeu de l’article 132-15-4 qui prévoit que les délits de violences volontaires aux personnes et les délits commis avec la circonstance aggravante de violences sont considérés, au regard de la récidive, comme une même infraction.
Le délit commis avec la circonstance aggravante de violences étant déjà visé par l’alinéa 10 du texte proposé pour l’article 132-19-1, il est inutile de faire apparaître la référence au délit de violence volontaire.
L’article 14-2 de l’ordonnance de 1945 : les mineurs de 16 à 18 ans peuvent être poursuivis devant le tribunal pour enfants selon la procédure de présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs lorsque : 
> il encourt une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à 1 an en cas de flagrance ou supérieure ou égale à 3 ans dans les autres cas ; 
> si des investigations sur les faits ne sont pas nécessaires ;
> si des investigations sur la personnalité du mineur ont été accomplies par le Procureur de la République avant la présentation immédiate ou à l’occasion d’une procédure antérieure de moins d’un an. »

Interventions sur articles :
Article 5

« Dans la logique de défiance du projet de loi à l’égard des juges, cet article vise à retirer littéralement au juge une faculté jusqu’ici discrétionnaire, celle de prononcer une injonction de soins.
Dans le régime actuellement en vigueur, le juge dispose d’une marge d’appréciation qui lui permet de ne pas ordonner l’injonction de soins même si une expertise conclut à sa nécessité.
Cette liberté nous semble importante : elle traduit un respect du principe d’individualisation de la peine et donne au juge la possibilité d’adapter le prononcé de l’injonction de soins sans que cette dernière prenne le caractère d’une sanction.
L’article 5 vient balayer le caractère facultatif du prononcé de l’injonction de soins en le transformant en obligation : le juge ne pourra plus se soustraire à l’avis de l’expert psychiatre.
Une telle psychiatrisation de la justice appelle quelques commentaires.
Tout d’abord, elle porte atteinte au pouvoir du juge d’individualiser la peine. Gardien des libertés individuelles en vertu de la Constitution, le juge se transforme en un simple exécutant, qui obéit à une autorité médicale devenue omnipotente et omnisciente.
Il convient tout de même de rappeler que le principe d’individualisation de la peine est un des principes fondamentaux de notre droit pénal. Il permet à un juge de reconnaître une personne responsable, même si une expertise psychiatrique a conclu à l’irresponsabilité.
Il est une garantie de l’étanchéité des compétences : un médecin soigne, un juge prononce des sanctions, tous deux collaborant dans la recherche d’une meilleure prise en compte de l’intérêt du condamné.
Confier un pouvoir quasi juridictionnel à un expert psychiatre porte gravement atteinte aux principes de séparation des pouvoirs et d’indépendance des juges.
Par ailleurs, il impose à ces mêmes psychiatres des sujétions qui vont bien au-delà de leur champ de compétence.
Dès lors que l’injonction de soins devient une obligation, un transfert des responsabilités du juge vers le médecin s’opère, et cela dans une indifférence totale vis-à-vis de la déontologie médicale.
Penser que l’expert peut à lui seul décider d’une injonction de soins, c’est miser de manière aveugle et simpliste sur les vertus des soins imposés pour lutter contre la récidive.
Un second point mérite toute notre attention : la suppression de l’exigence d’une double expertise pour certains crimes.
La double expertise psychiatrique n’est pas, dans ce domaine, une procédure factice : elle permet une meilleure appréhension de la nécessité de l’injonction de soins et, en l’absence d’une concordance des expertises, rend caduque toute tentative d’imposer des soins à une personne qui n’en a pas besoin.
La nécessité d’une concordance des expertises, qui constituait une garantie d’objectivité, devient une chimère avec ce projet de loi.
La généralisation de l’injonction thérapeutique se révèle dangereuse, non seulement en ce qu’elle entame le pouvoir d’appréciation du juge, mais également en ce qu’elle transfère sur les épaules d’un seul expert la responsabilité d’une mission périlleuse : imposer des soins, en contradiction totale avec le principe du consentement aux soins, corollaire du principe de l’inviolabilité du corps humain.
Pour toutes ces raisons, nous avons déposé un amendement visant à supprimer l’article 5. »

Article 7
« Cet article vise à étendre l’obligation de l’injonction de soins à la procédure de surveillance judiciaire instituée par la loi du 12 décembre 2005.
Dès leur libération, les personnes considérées comme dangereuses devront se soumettre à une injonction de soins.
Dans cette distribution généralisée de l’injonction de soins, intervenant autant dans le cadre de la surveillance judiciaire que dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve ou du suivi socio-judiciaire, il est évident que la question des moyens se pose.
Vous justifiez cette généralisation en invoquant la nécessité de lutter efficacement contre la récidive. Avec quels moyens comptez-vous réaliser une telle généralisation ?
Comment convaincrez-vous les médecins coordonnateurs d’oeuvrer pour cette généralisation, alors qu’un suivi complet par individu leur rapporte seulement 426 euros à l’année ?
Vous n’êtes pas sans savoir que les juridictions ont de grandes difficultés à recruter ces médecins chargés de faire l’interface entre le juge d’application des peines et le médecin traitant. Comme l’a dit M. Badinter, il n’existe que 90 médecins coordonnateurs et plus de la moitié des tribunaux de grande instance ne disposent pas d’un tel médecin.
Les effectifs actuels de médecins et de psychiatres ne sont déjà pas suffisants : comment comptez-vous faire face à l’accroissement des injonctions qui vont découler, fatalement, de l’application de cette loi ? Obligerez-vous les médecins à prendre en charge un détenu libéré ?
Si l’objet de ce projet de loi est de permettre un meilleur suivi du délinquant à sa sortie de prison et de lutter contre la récidive, vous devez, madame la ministre, vous donner les moyens de cette politique.
Vous nous dites que vous allez lancer, l’an prochain, un grand plan de recrutement de médecins coordonnateurs, mais vous n’évaluez pas les conséquences pratiques, notamment en termes de coût, des dispositions que vous proposez.
Comment est-il possible d’évaluer toutes les conséquences des dispositions relatives à l’injonction de soins quand celles-ci ont été déposées, à la hâte, le 27 juin au Sénat pour un débat en séance publique le 5 juillet ?
Comment est-il possible d’évaluer la faisabilité d’un tel projet sans avoir, au préalable, rencontré les principaux intervenants - médecins, psychiatres, infirmiers - qui oeuvrent dans ce domaine ?
Comment est-il possible d’élargir à ce point le champ de l’injonction de soins, sans avoir auparavant dressé un bilan pour évaluer l’efficacité et le coût de l’injonction de soins déjà mise en place par la loi du 12 décembre 2005 ?
Comment pouvez-vous valablement étendre l’application d’un système qui fonctionne mal, faute de moyens et de personnel, et vouloir le généraliser ?
Le temps, la concertation, la maturité et des moyens importants auraient pu rendre ce texte applicable et acceptable. Toutefois, en l’état, sa mise en oeuvre est impossible.
C’est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement visant à supprimer cet article. »

Article 8
« Aux termes de l’article 8, aucune remise de peine ne pourra être accordée à un détenu condamné pour une infraction punie du suivi socio-judiciaire s’il refuse les soins qui lui sont proposés.
Après un chantage aux responsabilités imposé aux juges, c’est littéralement un chantage à la libération que cet article impose aux détenus bénéficiant de réductions de peine.
En dehors de tout avis médical, le juge ne pourra prononcer de remises de peine ou de libération conditionnelle si le détenu refuse les soins proposés. Là encore, le pouvoir du juge d’individualiser l’exécution de la peine est réduit à une coquille vide : sa liberté d’appréciation n’a plus aucune valeur.
Cet article, contraire à l’article 66 de la Constitution, écarte de manière scandaleuse le juge de son rôle de gardien de la liberté individuelle.
Il convient de rétablir la possibilité pour le juge de l’application des peines de disposer, dans tous les cas, d’une marge d’appréciation.
Le juge doit avoir la possibilité d’aménager une peine indépendamment du refus, par le détenu, de se soumettre à un traitement proposé.
Là encore, vous surestimez la valeur des soins sur l’impact de la récidive.
À cet égard, il est évident que n’importe quel détenu acceptera des soins pour se soustraire à l’emprisonnement. Dans tous les cas, le résultat sera le même : des libérations conditionnelles seront prononcées, mais l’effet de ce volet psychiatrique aura pour conséquence de gonfler de manière dramatique la demande de médecins et de personnel psychiatrique.
Ce personnel déserte déjà les prisons et les tribunaux : comment allez-vous le ramener vers une prétendue collaboration constructive dans la lutte contre la récidive ?
Vous misez sur la collaboration d’acteurs dont vous n’avez requis ni les avis ni les doléances : vous leur imposez l’impossible ; vous leur imposez l’inacceptable.
Ne soyez donc pas surpris de les retrouver bientôt dans les rues pour vous réclamer à bon droit les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de ce projet !
Pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur de la suppression de cet article. »