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2007 : 3 lois, 2 projets en cours, l’ouverture des EPM... Quel bilan pour les personnes incarcérées ?

Mise en ligne : 10 décembre 2007

Texte de l'article :

Le vote des règles pénitentiaires européennes (RPE), à l’unanimité du comité des ministres du conseil de l’Europe, en janvier 2006, augurait, a priori, d’une évolution favorable des conditions d’incarcération. Le nombre de personnes écrouées détenues est passé de 58 402, au 1er janvier 2007, à 61 763, au 1er novembre 2007 (source : statistiques mensuelles de la population détenue et écrouée, ministère de la Justice. Est-il utile de préciser que l’augmentation de la population carcérale dénote une orientation vers plus de répression, ce qui n’est jamais la garantie d’une sécurité durable ? Quant à l’accroissement de la surpopulation carcérale (le nombre de places opérationnelles n’ayant pratiquement pas évolué), il entraîne mécaniquement une dégradation des conditions d’incarcération. Parallèlement, durant l’année 2007, l’activité du gouvernement dans les champs pénal et pénitentiaire a été intense.

 Le 5 mars, la loi relative à la prévention de la délinquance est promulguée. Cette loi aborde le traitement de la délinquance des mineurs et intègre des mesures concernant les violences conjugales, les infractions sexuelles et la consommation de drogues. Le pouvoir du maire est renforcé dans plusieurs domaines, créant un déséquilibre vis-à-vis de son rôle d’arbitrage général. Concernant spécifiquement la délinquance des mineurs, la procédure de composition pénale, dès l’âge de 13 ans, est désormais possible, ce qui constitue une régression par rapport aux garanties qu’apportait l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.

 En juin, les premiers établissements pour mineurs (EPM) ouvrent leurs portes. L’EPM de Lavaur (81) a été mis en service le 11 juin, suivi par l’EPM de Meyzieu (69), le 13 juin. Deux établissements seront également ouverts durant la seconde moitié de l’année (à Quiévrechain (59) et à Marseille (13)) ; suivront trois autres établissements de ce type en 2008 (à Meaux-Chauconin (77), à Porcheville (78) et à Orvault (44)). Il est sans doute préférable de séparer les mineurs incarcérés des majeurs. Ceci dit, s’arrêter à ce constat d’apparente satisfaction, revient à occulter la question de fond : quelle idée se fait-on de ce que la société doit apporter à ses enfants ? La mise en place de règles, dans le cadre de l’éducation, ne peut-elle pas se faire sans priver les mineurs de leur liberté ?

 Le 8 juillet, l’annonce est faite par le président de la République : il n’y aura pas de grâces collectives pour le 14 juillet. Certes, les grâces collectives présentent de nombreux inconvénients : elles sont contraires au principe d’individualisation de la peine, elles touchent de façon excessivement sélective les personnes en fonction de l’infraction commise et de l’air du temps, et elles favorisent les sorties "sèches". Elles n’en demeurent pas moins une façon de résoudre temporairement le problème de la surpopulation carcérale.

 Le 10 août, la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs est définitivement adoptée. Cette loi instaure des peines minimales obligatoires lorsqu’il y a récidive, y compris lorsque la personne mise en cause est mineure. Une telle disposition réduit la liberté des juges et limite les possibilités d’individualisation de la peine. En outre, ce dispositif ne pourra qu’accentuer l’augmentation de la population carcérale, bien supérieure déjà à la capacité d’accueil, au mépris de l’article 716 du code de procédure pénale (CPP) qui pose le principe de l’encellulement individuel.

 Le juge délégué aux victimes (JUDEVI) devait entrer en fonction à compter du 1er septembre, selon une déclaration de Rachida Dati, garde des Sceaux, le 6 juillet dernier. La création du JUDEVI est finalement reportée au mois de janvier 2008. Les dispositions permettant la prise en charge des victimes existent déjà et ont été successivement renforcées par la loi d’orientation et de programmation pour la Justice du 9 septembre 2002, par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la Justice eux évolutions de la criminalité, par la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales. Accorder plus de place aux victimes, dans le cadre de l’application des peines en particulier, induit une confusion. Ce n’est pas aux victimes de s’exprimer sur la date de sortie d’une personne incarcérée. Mais les propos tenus par R. Dati, ce 6 juillet, sont bien révélateurs : "la victime doit compter plus que le délinquant"...

 La loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté est définitivement adoptée en 2e lecture par le sénat le 18 octobre. Tel qu’il est institué, ce contrôle s’attachera surtout aux conditions matérielles, sans prendre en compte d’autres aspects, comme l’atteinte des objectifs de réintégration s’agissant des établissements pénitentiaires, par exemple. En outre, les moyens risquent d’être très insuffisants ; comment une vingtaine de collaborateurs pourront-ils contrôler pas moins de 5 788 lieux de privation de liberté (prisons, centres éducatifs fermés, locaux de garde à vue, zones d’attente, locaux et centres de rétention administrative, hôpitaux psychiatriques, locaux d’arrêt des armées) ?

 Le 22 novembre, le comité d’orientation restreint (COR) pour la "grande" loi pénitentiaire rend son rapport définitif. Le temps consacré à l’élaboration des préconisations a été très court, et n’a pas permis, de toute évidence, de faire le tour de la question. Le maintien des liens familiaux, par exemple, a plus fait l’objet de déclarations d’intention que de propositions innovantes.

 Le 28 novembre, le gouvernement dépose un projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Les personnes pourront être enfermées au-delà du temps d’incarcération, dès lors qu’un collège de médecins aura estimé qu’elles présentent un risque de récidive. Les personnes seront donc enfermées non pas pour des actes commis, mais pour des actes qu’elles pourraient commettre. Le projet de loi suggère également de revoir dans son entier le traitement judiciaire de l’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, introduisant plusieurs dispositions, dont :
- le renvoi de l’affaire (si la partie civile le demande) devant le tribunal correctionnel compétent, pour qu’il se prononce sur la responsabilité civile de la personne,
- des mesures de sûreté à l’encontre de la personne,
- l’inscription au casier judiciaire des décisions de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

 Dans le domaine pénal, le traitement de la délinquance et de la récidive reste manifestement avant tout cantonné à l’aspect répressif. Le pays des droits de l’Homme mériterait sans doute une approche plus globale des problèmes de société, ne faisant pas sans cesse reculer les limites de la liberté individuelle. N’oublions pas que les délinquants d’aujourd’hui sont les enfants d’hier et que, sans doute, l’éducation (avec tous les acteurs concernés) est au centre des questions.
Dans le domaine pénitentiaire, les conditions d’incarcération des personnes ne se sont toujours pas améliorées de façon significative. Cette fin d’année en prison sera exactement comme les autres : difficile pour les personnes et pour leur famille ; synonyme de solitude, d’isolement, à une période où, pour le plus grand nombre, les liens familiaux se resserrent. Pourtant la règle n°5 des règles pénitentiaires européennes rappelle que la vie "la vie en prison [doit être] alignée aussi étroitement que possible sur les aspects positifs de la vie à l’extérieur de la prison"...

La rédaction
Ban Public
Décembre 2007