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(2007-08) Lettre de la mère de Cyril Khider à l’administration pénitentiaire

Mise en ligne : 15 août 2007

Texte de l'article :

De Mademoiselle Charles-Catherine
catherine-2005@hotmail.fr

à

Sous-direction de l’Etat-major de sécurité
Madame Frazier
Direction de l’administration pénitentiaire

Madame Frazier ,

Je viens par la présente, attirer votre attention sur la situation de Cyril Khider mon fils cadet, actuellement incarcéré à la prison de Bois d’Arcy, où il végète depuis des mois.
Un jugement a pourtant été rendu 16 mars dernier à la cour d’assises de Créteil qui l’a vu condamner à dix ans de prison, à l’issue duquel vous l’aviez rencontré en prison, ainsi que son frère. Lors de cette entrevue vous lui aviez assuré qu’il serait transféré le premier...En vain.
Or, Christophe, mon fils aîné, a été transféré depuis, il y a un petit mois environ, à la centrale de Saint Maur, après que son amie enceinte ait perdu les eaux dans la cabine de parloir de Fleury Mérogis et que monsieur Pascal Payet se soit évadé en hélicoptère d’une maison d’arrêt, où il n’avait plus lieu d’être lui non plus après avoir été jugé, cela en vertu du principe de précaution lié à la sécurité.
Quant à Mounir Benbouabdellah, troisième protagoniste de ce dossier, il a été également transféré vers un établissement pour peine. Dans ces conditions, pouvez vous m’expliquer clairement pourquoi mon fils Cyril n’a toujours pas été transféré ?
Une fois encore, je m’interroge sur les motivations profondes de votre administration dans ce dossier, elle qui s’est vu condamnée le 15 mars dernier pour allégations fallacieuses et mensongères, alors qu’elle maintenait de façon arbitraire, la prolongation de son abusive et inhumaine mesure d’isolement, au nom du fantasme sécuritaire.
Administration qui, par ailleurs, vient de faire sauter judicieusement son statut de DPS, après plus de six ans de torture dont cinq d’isolement. Ainsi, le transfert de Cyril dépend du bon vouloir de votre administration qui peut le garder sous sa coupe le temps qu’elle jugera nécessaire à assouvir sa vengeance liée à la tentative d’évasion de mai 2001.
Aujourd’hui, lors du parloir avec mon fils, j’ai appris qu’à Bois d’Arcy un homme jugé depuis 29 mois croupissait encore avec plusieurs autres condamnés dans cette maison d’arrêt. Attendez vous que les agents l’ayant menacé très clairement de mort passent à l’acte ?
Je rappelle ici que le fait de ne pas transférer Pascal Payet en établissement pour peine, lui a permis de s’évader les doigts dans le nez. Donc, nous constatons, qu’après cette évasion spectaculaire, de nombreux et rapides transferts sont intervenus, pour des détenus jugés « à risques » sur le plan de la sécurité.
Ainsi, en ne transférant pas mon fils Cyril vous légitimez le non fondé des allégations mensongères antérieures de sa prétendue dangerosité et de suspicion d’évasion que votre administration avaient mises en avant ces six dernières années, afin de justifier les inacceptables « turn over » sécuritaires, les actes dégradants et humiliants, les atteintes permanentes à la dignité et l’isolement abusif qu’il a subi durant toutes ces années.
Il y a deux ans, Laure de Choiseul, chef de bureau au service de l’état major de sécurité, dont vous occupez aujourd’hui le poste, épouse de Pascal Clément, ancien ministre de la justice qui s’est vu annuler une demande de prorogation d’isolement par le tribunal administratif contre mon fils, disait que ce dernier « l’emmerdait », lorsqu’il dénonçait, par le biais d’une grève de la faim, ses conditions de détention, pour lesquelles votre administration a été condamnée.
Cette femme est ensuite passée à l’adoption des enfants ou au droit de la famille alors que notre famille a volé en éclats face à toutes ces horreurs. Elle est pas belle la vie ?...Enfin pour certain(e)s.
Et si l’ACAT (action des chrétiens pour l’abolition de la torture) qui, avec l’aide de ses membres, n’avait pas réclamé au doyen des juges d’Evry une enquête, si l’OIP, en partenariat avec notre conseil, ne nous avait pas aidé dans les recours devant les tribunaux administratifs, ou aujourd’hui devant la cour Européenne des droits de l’homme, si Ban Public, 1er portail Européen d’information, n’avait pas relayé celle-ci, ainsi que le site Internet du nouvel observateur, Cyril serait probablement déjà mort. De fait, ils ont contribué à lui sauver la vie. Ne dit on pas « Qui sauve une vie sauve l’humanité toute entière » ?
Je vous rappelle également que la CNDS, saisi par Madame Alima Boumédienne Thierry, députée des Verts, vient de rendre des conclusions sur l’isolement abusif qu’a subi Cyril, le tout étayé par des certificats médicaux . Au regard de tout cela, il n’a plus rien à faire dans cette maison d’arrêt qui lui a refusé des soins durant des mois, alors qu’il souffrait le martyr et ce, malgré nos demandes répétées et incessantes.
Mais peut être, êtes vous tout simplement en vacances, tandis que je vous accuse de tous les maux et que je prie Dieu chaque jour, pour que sa vie soit épargnée ?
En effet, des agents l’ont à nouveau menacé, comme cela c’était produit il y a quelques mois, lui disant en substance qu’il « crèverait » à Bois d’Arcy, vu que sa condamnation avait été trop clémente ( ?) Je souligne ici, une fois encore, qu’il a été condamné par un jury populaire, issu de notre démocratie républicaine.
Malgré cela, il continue de subir les foudres de votre administration après être sorti de 50 jours de mitard où il avait demandé à être enfermé pour sauver sa vie.
Si par malheur, il lui arrivait quelque chose dans cet établissement, ou dans un autre,
vous ne pourrez pas dire : « Je ne savais pas ».
Je me suis rendue à de nombreux colloques où se trouvait représentée votre administration, par le biais de chefs d’établissement pénitencier, monsieur d’Harcourt en particulier, des ministres ( Boutin, Badinter, Perben, Devedjian etc), des parlementaires ainsi que toute la « dream team » nationale de la psychiatrie française, devant lesquels j’ai dénoncé et dénoncé encore cet état de fait. Tous disaient être présents pour réfléchir ensemble autour de la situation carcérale française.
Alors, je ne puis m’empêcher de penser qu’il serait bien d’arrêter de réfléchir autour du sujet et de passer enfin à l’action, afin de faire respecter, par ceux qui en ont la garde, les lois écrites et dictées par le parlement. Sinon, tous ces groupes de réflexions ne resteront que poudre aux yeux et « colloquitude ». Quant aux rapports sur la question carcérale, ils resteront définitivement accablants pour employer le mot consacré et l’immobilisme politique continuera de régner en maître, sous le pas des droits de l’homme.
Tout cela nous donne une idée assez claire de la volonté de votre administration
à faire évoluer les choses sur le sujet, du respect de la loi par ceux qui la dictent et ceux censés la faire appliquer et de l’amélioration des conditions de détention en France. Je rappelle ici que notre beau pays, berceau des droits de l’homme, est classé derrière la Moldavie au hit parade des conditions de détention en Europe.
Aujourd’hui, avec toutes ces pratiques immondes, anti démocratiques, contre lesquelles de nombreuses plaintes ont été déposées, de plus en plus de personnes s’interrogent par le biais de forum sur Internet ou ailleurs, quant à la réelle volonté de l’administration pénitentiaire à vouloir faire évoluer les choses.
Je m’interroge également sur la volonté de votre administration, à vouloir réinsérer les personnes détenues dont elle a la charge et qui avait été annoncée comme une de ses priorités. En particulier, lorsqu’elles réclament une formation professionnelle, comme c’est le cas pour mon fils Cyril, afin d’optimiser ses chances de réintégration, au sein de notre société. A moins que tout cela ne procède d’une détestable logique financière, tendant à laisser les personnes détenues retourner à des activités criminelles. Ceci, afin qu’elles puissent à nouveau fertiliser le grand parc immobilier de prisons privées, actuellement en chantier, qu’il faudra forcément rentabiliser.
Je me permets d’ajouter à un dicton bien connu une petite phrase de mon cru qui résume à elle seule la situation carcérale, et par là même, celle des banlieues :
Si « Qui trop embrasse mal étreint » « Qui trop embrase mal éteint »...
Je vous remercie, d’ores et déjà, pour toute l’attention que vous accorderez à la présente et pour la lumière que vous vous voudrez bien apporter à cet épineux dossier.
Je vous prie également, de bien vouloir prendre en compte, la notion d’urgence qui s’en dégage.
Je vous prie, d’agréer, Madame Frazier, l’expression de mes salutations distinguées.

Pour copie : Madame Rachida Dati, garde des sceaux,
 Monsieur le médiateur de la République
 Ban Public
 L’OIP
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