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(2006) Sida : un jour en prison

Mise en ligne : 23 décembre 2006

Texte de l'article :

Sida : un jour en prison

Voilà très précisément le genre de problème que l’on rencontre quotidiennement en prison lorsque l’on est séropositif ou malade du SIDA.

Lundi matin, c’est le jour de douche à la seconde division de la maison d’arrêt de La Santé. Nous en avons le droit à trois par semaine (lundi, mercredi et vendredi).
Hier soir, j’ai pris mes médicaments pour le VIH (on ne parle plus, ici, de trithérapie, mais de multithérapie) vers les 23h00 comme chaque jour depuis des années. Ces médicaments sont franchement caractériels, car ils peuvent être ingérés sans trop rencontrer d’effets secondaires. Question d’habitude. Le corps s’habitue même au pire. Seulement, des fois, ce n’est pas le cas. Et hier soir, pour moi, ce n’était justement pas le cas. Toute la soirée, j’ai été pris de nausées, de brûlures d’estomac et d’un mal être insupportable que je n’aie réussi à trouver le sommeil que vers les 3 ou 4h00 du matin.

7h15, c’est l’ouverture des portes par les surveillants du matin. 7h20, c’est le petit déjeuner, distribué par un détenu auxiliaire. A peine la tournée des cellules se termine, le ballet des douches commence. Cellule par cellule. Et je fais partie de ceux-là. Quand il ouvre la porte de la cellule, je me suis déjà rendormi que ça me réveille, il appelle mon nom et me demande d’aller à la douche. Je lui réponds que j’irais à lui ne veut rien entendre. Il me dit que si je ne veux pas y aller maintenant, il notera sur la liste que j’ai l’après-midi, car j’y vais pendant la promenade de l’après-midi pour que ça ne gêne personne. Mais il ne veut rien savoir. J’essaie encore une fois de lui expliquer que j’ai été malade hier soir et que je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit, mais il ne veut décidément rien entendre. Il note que je refuse d’aller à la douche.

9h30, c’est l’heure à laquelle je vais à l’UCSA pour l’injection quotidienne d’un de mes médicaments pour le VIH, le Fuzéon. En revenant de l’UCSA, j’essaie à nouveau de dire au surveillant pourquoi je ne peux pas aller à la douche le matin. Je vais jusqu’à lui faire voir le petit sac de papier que j’ai à la main et qui contient mon injection pour le soir. Pour qu’il sache bien que quand je lui dis que je suis malade, ce n’est pas du bidon. Et il me répond la plus grosse connerie qu’in séropositif ou malade de SIDA puisse entendre, « vous avez l’air d’aller bien là, alors vous pouvez aller à la douche. » Là, il m’énerve franchement un peu, mais, depuis longtemps, j’ai appris à garder mon calme, à privilégier la discussion à la confrontation. Je lui parle donc du traitement que je prends pour divers problèmes de santé et qui me procure des effets secondaires très gênant si je me trouve à la douche à ce moment-là air de ne pas non plus trop envie de m’étaler ou de faire appel à sa pitié). « Ah bon » qu’il me répond d’un air de ne pas très bien comprendre. Ca, c’est sûr qu’il ne peut pas comprendre. Sait-il seulement ce que c’est que d’être porteur du VIH ? Je ne crois pas.

Pour la douche, il n’a pas voulu retire la mention « refus » qu’il avait anoté à côté de mon nom. Il me faudra attendre mercredi prochain pour prendre ma douche. En attendant, j’ai le lavabo de la cellule pour me laver.

Dites-moi, monsieur Pascal Clément, ministre de la Justice de notre cher beau pays la France, respectueuse des droits et de la dignité des hommes, ce n’est pas vous qui parliez d’humanité en prison ? Mais où est-elle donc, monsieur Clément, car je ne l’y ai jamais rencontré.

Didier Robert, détenu