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Date : 10-03-2007

(2006) Saisine n°2006-89 sur le comportement d’un surveillant contre M. D.Z.

Mise en ligne : 23 mai 2007

Dernière modification : 9 avril 2008

Texte de l'article :

Saisine n°2006-89

AVIS et RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité

à la suite de sa saisine, le 12 septembre 2006,
par Mme Alima BOUMEDIENE-THIERY, sénatrice de Paris

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 12 septembre 2006, par Mme Alima BOUMEDIENE-THIERY, sénatrice de Paris, des violences exercées sur le détenu D.Z., le24 août 2006, à la prison de Liancourt.
Le 12 septembre 2006, la Commission a demandé une enquête de l’Inspection des services pénitentiaires, qui a été effectuée en octobre 2006. La Commission a pris connaissance des conclusions de l’Inspection.
La Commission a entendu M. D.Z., qui était sorti de prison. Elle s’est rendue à la prison de Liancourt les 28 et 29 novembre 2006. Elle a procédé aux auditions du directeur du centre pénitentiaire M. F.A., du directeur adjoint M. H. , M. J-P.H., capitaine, chef de détention, de M. B.G., commandant pénitentiaire, de M. B.C., premier surveillant, de M. A.P., premier surveillant, des surveillants MM. T.C., J-F.C., et G.M. Elle a recueilli les observations du Dr Bo. de l’UCSA.

LES FAITS
Le 24 août 2006, le détenu D.Z., incarcéré à la maison d’arrêt de Liancourt depuis janvier 2006, suivi par l’UCSA et le SMPR pour son traitement par méthadone, sort d’un rendez-vous avec le psychiatre et demande à un surveillant où se trouve l’infirmier qui doit lui remettre ses médicaments. Il lui est répondu de s’adresser au surveillant de son bâtiment.

M. D.Z. regagne alors son bâtiment et interroge à nouveau un surveillant du rez-de-chaussée. M. J-M.T., le surveillant, « énervé » selon le détenu, lui répond de « dégager » au troisième, où se trouve sa cellule. M. D.Z., après lui avoir dit : « Je vous demande juste où est l’infirmier », s’éloigne, lorsque M. J-M.T. le rappelle et l’interpelle sur ce qu’il a marmonné. M. D.Z., exposant que ce surveillant est connu pour son agressivité et son manque de respect envers les détenus, dit ne pas avoir insisté et avoir gagné son étage. Presque aussitôt, le surveillant d’étage vient lui dire : « Fais ton paquetage ! », sans aucune explication. M. D.Z. comprend qu’on va le changer de cellule, qu’il s’agit d’une sanction, pense que le surveillant J-M.T. s’est plaint de lui. Angoissé, M. D.Z. explique : « J’ai pensé qu’ils allaient monter, que j’allais tout perdre, c’est-à-dire les bénéfices de mon bon comportement, du suivi de mes traitements, et de toutes les demandes de permission que je venais de faire pour l’anniversaire de mon fils et pour le mien en famille ».

Le surveillant d’étage, M. P.P., revient à l‘heure de distribution des repas pour l’emmener, et M. D.Z. lui dit qu’il ne veut pas partir, qu’il veut voir le chef pour savoir pourquoi on le change de cellule. M. D.Z. menace alors de s’ouvrir la gorge avec un morceau de lame de rasoir qu’il tient contre son cou. Selon ses déclarations, il se tenait au fond de la cellule avec la lame, pour « qu’ils voient bien que je n’avais rien contre eux, que je voulais me blesser moi-même ».

Le surveillant P.P. revient avec une collègue, Mme S.D., qui entreprend alors de discuter avec lui. M. D.Z. relate qu’un surveillant a surgi soudain dans la cellule. Il s’agissait du surveillant qui s’était énervé après lui au rez-dechaussée. M. J-M.T. a foncé sur lui, lui a fait une clé de bras en criant : « Maintenant tu ne vas pas continuer à me faire chier », et l’a sorti sur la coursive. Il a ajouté : « Tu vas voir ta gueule ! ». M. D.Z. dit avoir pu se dégager en retirant son bras, et ce surveillant a alors crié : « Rébellion ! Rébellion ! ». Le surveillant d’étage P.P. a conseillé au détenu de s’allonger sur le sol, qu’ainsi « tout se passerait bien ». « Ce surveillant gardait son calme, je l’ai écouté », a relaté M. D.Z. Le détenu s’est allongé sur le sol et n’a plus bougé. M. P.P. a mis son genou sur son dos et ils ont attendu les renforts.

Au moins une dizaine de surveillants sont arrivés. M. P.P. leur a dit : « C’est bon, je le maîtrise », mais les surveillants sont intervenus sur lui. On lui a tordu les bras, on lui a écrasé la tête sur le sol avec la chaussure. « Deux surveillants qui sont très lourds, costauds, pesaient de tout leur poids sur moi ». Il a reçu des coups sans pouvoir voir qui le frappait, son visage étant appuyé contre le sol. Comme un surveillant l’étranglait, M. D.Z., essayait de crier, mais étouffait. Il dit avoir été menotté, soulevé puis à moitié traîné par terre, tandis qu’il continuait à recevoir des coups.

Descendu vers le quartier disciplinaire, il relate qu’un surveillant dans les escaliers, « grand, costaud, presque chauve, entre 35 ans et 45 ans », a dit : « J’adore sentir le sang, moi je suis comme les requins, j’adore ça ». M. D.Z. a essayé de tourner la tête vers lui et a reçu alors de ce surveillant deux violents coups de coude au visage qui lui ont ouvert la pommette et les lèvres. Il dit avoir été encore traîné par terre à l’extérieur, sous la pluie, en ayant perdu ses chaussures.

Arrivé au QD, il a été déshabillé sans qu’on lui ait retiré les menottes. On lui a dit : « Mets-toi en face de nous ». M. D.Z. relate qu’il est resté « comme ça, nu, tremblant ». Un gradé d’un certain âge est alors intervenu en demandant aux surveillants de s’en aller. Les menottes lui ont été retirées et les surveillants du QD lui ont dit de ne plus s’inquiéter, « qu’il ne lui arriverait plus rien ». Le Dr Bo., de l’UCSA, est arrivé, a demandé à ce qu’il sorte du QD, et l’a fait conduire à l’UCSA.
Il a été placé ensuite au quartier arrivant. Sanctionné de 30 jours de confinement par la commission de discipline qui n’aurait pas eu de certificat médical de constat en sa possession, il a finalement, après trois jours de confinement, été placé en cellule arrivant, puis transféré dans un autre établissement.
M. D.Z. expose que le directeur de la maison d’arrêt, M. H., était venu le voir les jours suivants, mais ne lui avait rien demandé concernant les faits dont il avait été victime.

L’épouse de M. D.Z., qui a constaté son état lors d’un parloir, est allée au commissariat et à la gendarmerie, où il lui a été spécifié que M. D.Z. devait porter plainte lui-même. Elle est allée ensuite dans les bureaux du journal Oise Hebdo pour raconter ce que son compagnon avait subi.

Selon les déclarations de M. H., directeur de la maison d’arrêt et responsable du quartier disciplinaire et d‘isolement qui était en congé le 24 août 2006, c’est M. B.C., premier surveillant, qui occupait en son absence la fonction de responsable de l’établissement. Il expose avoir appris les faits concernant M. D.Z. par l’article de journal ; il a demandé alors à M. B.C. ce qui s’était passé. Ce dernier lui a expliqué que le détenu avait « pété les plombs » parce qu’il n’avait pas reçu son traitement, et qu’il avait décidé de le changer de cellule pour protéger son co-détenu. M. H. confirme avoir vu M. D.Z. à son retour de congé. Il confirme que M. D.Z. était un détenu qui « n’avait jamais posé de problème » et qu’il avait demandé son transfert. Questionné sur l’intervention de plus d’une quinzaine de personnels suite à l’alarme actionnée pour M. D.Z., il a répondu que « cette intervention ne peut s’expliquer que par un manque de formation et d’expérience de ces personnels ».

Le premier surveillant B.C., responsable de la maison d’arrêt en l’absence de M. H., dit voir entendu une altercation entre le détenu D.Z. et le surveillant JM. T., alors qu’il se trouvait dans son bureau au rez-de-chaussée. Il s’est alors déplacé et évaluant que « cela va mal se passer en détention avec son co-détenu », il informe M. D.Z. qu’il va le changer de cellule, expliquant à la Commission que le troisième étage est un étage spécifique, plus calme que le reste de la détention. Selon lui, M. D.Z. ne réagit pas à cette nouvelle et gagne dans le calme sa cellule. Considérant que l’exécution de sa décision met trop de temps, M. B.C. envoie M. J-M.T. Deux minutes après, l’alarme a sonné. Il s’est donc rendu immédiatement avec le surveillant T.C. à l’étage. A son arrivée sur la coursive, il voit le surveillant A.M. (entendu dans 2006-53 concernant M. O.T.), le surveillant d’étage P.P. qui maintient le détenu par le cou, et son collègue J-M.T. qui le tient au niveau du torse, enfin sa collègue S.D. au niveau des jambes du détenu. Il explique « avoir pris la situation en main ». Il remarque que le détenu a du sang dans la main droite et pense qu’il a une lame de rasoir.
Il relate que beaucoup de surveillants sont arrivés suite à l’alarme, au moins une quinzaine. Il a demandé à M. T.C. de remplacer son collègue P.P. au niveau du cou. Le détenu a été mis sur le ventre et maintenu au sol. Le premier surveillant A.P. est arrivé, ainsi que Mme G., surveillante, épouse du commandant B.G. Il a envoyé le surveillant A.P. chercher les menottes et expliqué la situation au chef de la détention J-P.H., arrivé sur les lieux.

Une fois menotté, M. D.Z. a été emmené par le surveillant J-M.T. et le premier surveillant A.P. vers le quartier disciplinaire. Selon le premier surveillant B. C., il marchait derrière dans les escaliers. M. B.C. est allé jusqu’au QD, où le détenu a été remis entre les mains du commandant B.G. et des agents du QD. Il dit n’avoir vu aucune blessure sur M. D.Z., si ce n’est la coupure au niveau de la main et des traces de strangulation. Il affirme être revenu voir le détenu au quartier arrivant en début d’après-midi, avec le chef de la détention J-P.H., et que c’est lui qui avait pris la décision de ne pas remettre ce détenu au QD, étant donné son profil.

Le premier surveillant A.P. et le chef de détention J-P.H. relatent être arrivés sur la coursive une fois l’intervention terminée. Le premier surveillant A.P. n‘a pas souvenir de qui maintenait le détenu au sol. C’est lui qui l’a menotté. Il a pris en charge le détenu avec son collègue J-M.T. pour la conduite au QD. Selon lui, le surveillant T.C. était devant dans les escaliers pour leur ouvrir les portes. Le chef de détention J-P.H. était derrière eux, suivi des autres personnels. Questionné par la Commission, le premier surveillant A.P. a indiqué que dans les escaliers, il n’y avait eu aucun contact entre le détenu et son collègue T.C. Il n’a pas vu le visage du détenu, ni qu’il était blessé.

Le chef de détention, M. J-P.H., n’a pas constaté non plus de blessure sur M. D.Z. sur la coursive, au niveau du visage. Il ajoute que son collègue P.P. a été coupé à un doigt, et que son collègue T.C. a été mordu à un doigt. Selon lui, le détenu était très « tonique », « très virulent », ce qui motivait la décision de faire remplacer les surveillants qui le maintenaient. Il n’a vu aucun coup être porté sur le détenu ni sur la coursive, ni dans les escaliers.

Le surveillant T.C. a démenti auprès de la Commission avoir été présent lors de la maîtrise de M. D.Z. sur la coursive, comme l’indiquent plusieurs de ses collègues. Selon ses déclarations, il a croisé « l’équipe avec le détenu maîtrisé qui commençait à descendre les escaliers en sortant du noyau ». Il expose qu’au moment où il est arrivé, le détenu a essayé de lui donner un coup de tête et qu’il avait dû alors reculer. Il dément avoir donné des coups de coude au niveau du visage de M. D.Z. Questionné sur sa morsure au niveau du doigt, il a répondu qu’il pensait avoir été blessé au pouce lorsque le détenu a tenté de lui donner un coup de tête dans les escaliers... Il fait valoir que le chef de détention, M. J-P.H., était présent à cet endroit, dans les escaliers, et qu’il l’aurait rappelé à l’ordre s’il avait frappé le détenu.

Le commandant B.G. a vu arriver le détenu encadré des surveillants. Il s’est rendu aussitôt au QD. Constatant le trop grand nombre de surveillants, il a renvoyé tout le monde à son poste. Avec le responsable du QD en poste, il a discuté avec M. D.Z., qui s’est calmé. Il a été trouvé lors de la fouille un morceau de lame sur le détenu. Le commandant pénitentiaire dit avoir remarqué « une rougeur au niveau de la pommette » de M. D.Z. et un peu de sang au niveau de la lèvre. Il dit avoir été appelé dans l’après-midi par la directrice adjointe Mme C-H. ; et le chef de détention, M. J-P.H., pour visionner la bande vidéo des caméras de la coursive, seules caméras enregistrant et gardant les images pendant 48 heures. Celles concernant les incidents sont sauvegardées, selon ses déclarations. Il a affirmé à la Commission qu’il apparaissait sur l’enregistrement qu’étaient présents sur la coursive la surveillante S.D. et ses collègues J-M.T. et P.P., et que « l’on voyait partir un pied et un poing de D.Z. en direction des agents », mais « aucun coup partir de la part de surveillants vers D.Z. ». Il a expliqué qu’il n’y avait pas d’image concernant la descente de M. D.Z. dans les escaliers, « car on ne peut voir ces espaces qu’en direct, il n’y a pas d’enregistrement ».

De l’audition du surveillant J-F.C., en fonction au poste d’information et de circulation (PIC) de la maison d’arrêt, situé au rez-de-chaussée, il ressort qu’il a vu passer M. D.Z. en fin de matinée le 24 août pour regagner son étage. Selon lui, « il n’y a eu aucun incident, il ne s’est rien passé au rez-de-chaussée ». Quelques minutes après, il a entendu que le surveillant d’étage souhaitait l’aide de collègues, « mais ce n’était pas une alarme » a-t-il précisé. « Il n’y avait pas notion de danger » ; « deux agents sont montés tranquillement », selon lui. Peu de temps après, un agent a actionné l’alarme API, et des agents se sont rendus très vite à l’étage concerné. Le surveillant dit « avoir été accaparé par la surveillance des ouvertures et fermetures des portes et ne regardait donc que par intermittence le déroulement de l’intervention sur la coursive » : « Cette intervention a été très rapide et il y avait beaucoup trop de surveillants pour que je distingue quelque chose », a-t-il fait valoir. Concernant la descente de M. D.Z. dans les escaliers, il explique qu’il doit suivre la progression des surveillants et du détenu pour pouvoir actionner les fermetures et les ouvertures. Il se souvient avoir vu le premier surveillant A.P. qui tenait le détenu, mais expose que derrière eux, « il y avait du monde ». Il a vu la tenue de ses collègues mais ne les a pas identifiés. Questionné sur la présence éventuelle du surveillant T.C. devant le détenu et les deux surveillants pour ouvrir les portes, il a répondu : « C’est possible. Je ne me souviens pas de la personne qui était devant, il y avait peut-être même deux personnes devant ». Il n’a pas vu de coup donné au détenu dans les escaliers.

Le jeune surveillant G.M., affecté au QD, a pris M. D.Z. en charge avec son collègue M. J.T., amené par de nombreux surveillants, dont MM. J-M.T. et T.C. C’est quand le détenu a été relevé du sol où il avait été amené dans la cellule, qu’il a remarqué sa lèvre en sang. Il a emmené ensuite M. D.Z. se rincer la bouche, lui a donné des cigarettes et lui a dit que « cela allait bien se passer ».

Le Dr Bo., qui a examiné M. D.Z. au QD et a contre-indiqué son maintien au QD, a établi un certificat médical qui constatait de nombreuses traces de contusions, un traumatisme au niveau de la pommette gauche, un traumatisme des deux lèvres et des lésions gingivales de morsure, des traces de strangulation, des érosions au niveau des doigts des mains et un traumatisme au niveau de la jambe droite. Elle relate avoir trouvé le détenu en larmes, choqué psychologiquement. Elle a prévenu immédiatement Mme C-H., directrice adjointe de permanence.

Le Dr S., psychiatre, a été informée à son retour de congés par sa collègue le Dr Bo., et s’est rendue dans le nouvel établissement pénitentiaire où avait été transféré M. D.Z. Elle dit avoir constaté, dix jours après les faits, des hématomes faciaux.

AVIS
Sur l’incident initial entre le détenu D.Z. et le surveillant J-M.T.
Suite à ses auditions et ses investigations, la Commission note que l’Inspection a estimé inadaptés le comportement et les propos du surveillant J-M.T. à l’égard du détenu D.Z. Il est avéré que ce détenu n’avait manifesté aucune agressivité à son égard, juste montré sa fragilité et son anxiété, par ailleurs connues des personnels de la prison.

Elle retire de l’audition du premier surveillant B.C., mis en position de direction d’une maison d’arrêt, son attitude arbitraire, contraire à la déontologie et constate que l’Inspection a estimé « contestable » la décision de changement de cellule, en a rejeté les motifs erronés et fait état du fait que cette décision de changer le détenu de cellule a été effectuée par un premier surveillant, « sans aucune délégation du chef d’établissement ». L’inspection a considéré qu’il s’agissait bien de la part de ce premier surveillant d’une mesure de sanction à l’égard du détenu D.Z.

Cependant, la Commission qui a entendu sur ce point le directeur adjoint de Liancourt, responsable de la maison d’arrêt, M. H., relève que ce dernier fait état de délégations de diverses compétences importantes, qu’il dit avoir été amené à faire, ceci à partir de la fin 2005, au premier surveillant B.C, qu’il avait choisi « parce qu’il avait le plus d’expérience de la population pénale ». Le directeur adjoint a d’ailleurs tenu à présenter à la Commission une attestation de cette délégation de compétences, dont il apparaît qu’elle est datée du 6 septembre 2006.

C’est pourquoi la Commission ne peut que s’interroger sur la validation par la Direction régionale des services de la pénitentiaire de toutes les décisions prises à la maison d’arrêt de Liancourt dans ce cadre de délégations de compétences au premier surveillant B.C., notamment pendant les absences du directeur de la maison d’arrêt, M. H.

Sur le comportement des surveillants lors de l’intervention
La Commission rejoint l’Inspection sur le fait que la force utilisée a été disproportionnée par rapport au comportement du détenu, et que le traumatisme au niveau de la pommette et des lèvres témoigne effectivement « d’une violence envers le détenu ».

La Commission, qui a visionné les images enregistrées sur la coursive, constate qu’elles sont de mauvaise qualité, ne permettent pas de distinguer les visages des surveillants, ni les actions menées, vu le nombre de surveillants et le fait que l’ intervention se déroule au bout du couloir.
En aucun cas, contrairement aux déclarations du chef de détention, du commandant B.G., il n’apparaît que le détenu a eu le moindre geste agressif envers des surveillants. La Commission juge condamnable et inquiétant que le commandant B.G. ait cru devoir faire part lors de son audition à la Commission des conclusions erronées, pour ne pas dire délibérément mensongères, provenant du visionnage qu’il dit avoir fait avec le chef de détention et la sous-directrice Mme C-H.

L’inspection indique ne pas pouvoir se prononcer sur les coups qui ont été donnés dans les escaliers ou durant le trajet, en l’absence d’enregistrements des caméras de ce secteur.

Cependant force est de constater que selon les surveillants présents sur la coursive, dont le chef de détention J-P.H., le détenu D.Z. ne présentait aucune trace au niveau du visage lorsqu’il a quitté la coursive pour emprunter les escaliers, et qu’il a été constaté à son arrivée au quartier disciplinaire des blessures au niveau des lèvres et des pommettes. La Commission tient donc fortement probable que M. D.Z. ait effectivement reçu des coups sur le trajet . La Commission, examinant le rapport rédigé le 24 août par Mme C-H., directrice adjointe, portant sur « l’agression de personnels par le détenu D. Z. » et adressé au directeur régional des services pénitentiaires de Lille, constate que la directrice adjointe y affirme qu’après avoir visionné les images enregistrées de l’incident avec le chef de détention M. J-P.H. et le commandant B.G., « le film confirmait les dires des surveillants et ne laissait entrevoir aucun coup volontaire de la part des agents, et que l’usage de la force strictement nécessaire a été utilisée par les personnels lors de leur intervention ».
La Commission ne s’étonne donc pas de retrouver dans un compte-rendu du chef de détention M. J-P.H., daté du 25 août 2006 et adressé au directeur du CP de Liancourt, M. F.A., les mêmes éléments fallacieux. Le chef de détention y ajoute l’hypothèse que « le détenu ait pu heurter le mur alors que les surveillants le maîtrisaient ».

Comme dans les dossiers 2006-43, 2006-53 et 2006-127, la Commission constate avec gravité un état de délitement généralisé des fonctions et des responsabilités d’une partie de l’encadrement de Liancourt.

RECOMMANDATIONS
La Commission prend acte des conclusions de l’Inspection dans ce dossier de violences illégitimes et de manquements à la déontologie, et des mesures annoncées pour « remanier en profondeur le mode de direction et d’intervention des agents à la prison de Liancourt, et notamment à la maison d’arrêt ».

Elle transmet cet avis au procureur de la République pour appréciation des suites à donner.

Elle demande au garde des Sceaux de saisir les instances disciplinaires à même d’évaluer les responsabilités à des degrés différents du premier surveillant B.C., du premier surveillant A.P., du chef de détention J-P.H., du commandant B.G., des surveillants J-M.T. et T.C., et de tout autre agent dont le rôle aura pu être précisé par l’administration pénitentiaire.

Adopté le 15 janvier 2007

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé son avis à M. Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des Sceaux.
Conformément à l’article 8 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Beauvais, dont la réponse a été la suivante :