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(2006) Nouvelle incarcération suite à une contamination par le VIH

Mise en ligne : 18 janvier 2006

Texte de l'article :

TOULOUSE - JUSTICE. SON ÉPOUSE LUI REPROCHANT DE L’AVOIR CONTAMINÉE, UN HOMME ÂGÉ DE 29 ANS EST EMPRISONNÉ DEPUIS FIN NOVEMBRE. SES AVOCATS S’INSURGENT.

Accusé d’avoir transmis le sida

Exprimez-vous : La contamination par le virus du sida doit-elle être tranchée par des juges ?

Depuis déjà plus d’un mois, Sory C., 29 ans, dort en prison. Le crime de ce maçon installé à Toulouse ? Il est accusé d’avoir transmis le virus du sida à sa femme mais également à sa maîtresse et, « peut-être », s’agacent ses défenseurs, à d’autres femmes. Des vérifications sont en cours mais déjà Sory, originaire du Mali, conteste l’accusation initiale.

« Notre client est séropositif. Il a découvert sa contamination lors des examens prénuptiaux en février 2004. Ce jour-là, il se trouvait avec sa femme qui, elle aussi, a appris sa séropositivité », expliquent Camélia Assadi et Pierre Le Bonjour, avocats de l’homme emprisonné.

Le couple vivait ensemble depuis 2002. Le mariage a été célébré en juin 2004. En novembre 2004, une petite fille est née ; elle n’est pas touchée par la maladie. Le couple a fini par se séparer et a divorcé en mars dernier. Pas franchement dans la sérénité. Exaspérée par l’attitude de son ex-mari, la femme a déposé trois plaintes pour « harcèlement » entre septembre et octobre au commissariat de quartier de Saint-Cyprien, à Toulouse. « Lors de la deuxième plainte, elle évoque à la fin de sa déposition le problème du sida. C’est là qu’elle accuse son mari de l’avoir contaminée », précisent les avocats du mari. À partir de là, l’enquête s’accélère. Le mari est interpellé puis présenté à la justice. Il est mis en examen par le juge Serge Lemoine pour « violence volontaire ayant entraîné une infirmité permanente ». Et il est aussitôt incarcéré.

La demande de remise en liberté défendue par ses avocats devant la chambre de l’instruction a été refusée. « On nous oppose qu’il faut conserver les preuves, empêcher les pressions sur les témoins et prévenir le renouvellement de l’infraction. C’est ridicule. Si notre client est mis en examen, c’est pour des faits concernant sa maîtresse. Et cette femme n’est même pas séropositive ! Ce dossier est vide, sans preuve mais malgré tout, notre client reste en détention. »

Mes Assadi et Le Bonjour dénoncent la confusion entre justice et morale. « Des violences volontaires sous-entendent un acte volontaire, un rapport imposé. Nous nous trouvons face à deux adultes consentants. Cette histoire pose des questions de principe. Quand on est séropositif, est-on armé ? Est-on dangereux ? Ou bien est-on malade ? Moralement, on peut estimer que transmettre le virus n’est pas acceptable. Le qualifier juridiquement est un autre problème. Surtout quand, comme ici, personne n’est capable de démontrer que notre client se trouve à l’origine de la contamination. »

Les deux avocats viennent de déposer une requête en nullité contre la mise en examen. Selon leur analyse, elle ne réunit pas les indices « graves et concordants » nécessaires. « Il n’y a pas d’infraction de violence et encore moins d’indices graves et concordants. Notre client et son épouse ont vécu ensemble, ils se sont aimés, cette union s’est poursuivie alors que tous les deux connaissaient leur état de santé. Notre client, qui n’a jamais eu le moindre problème avec la justice, n’a rien à faire en prison. »

Jean Cohadon