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(2006) Libération : L’avocat général a justifié la détention au nom de la récidive possible. Une première.

Mise en ligne : 4 février 2006

Dernière modification : 13 février 2006

Texte de l'article :

L’avocat général a justifié la détention au nom de la récidive possible. Une première.

par Matthieu ECOIFFIER
QUOTIDIEN : mercredi 18 janvier 2006

C’est une première. S., un séropositif de 31 ans, est en détention provisoire depuis le 19 novembre à Toulouse. Parce que son ex-femme l’accuse de l’avoir contaminée. Hier, la chambre d’instruction de la cour d’appel de Toulouse a examiné la seconde demande de mise en liberté de cet homme de nationalité guinéenne. L’avocat général Marc Gaubert a requis son maintien en prison. En invoquant des faits « d’une exceptionnelle gravité » : se sachant séropositif, S. aurait eu des rapports non protégés avec son ex-femme, qu’il aurait contaminée, mais aussi avec son ex-maîtresse, toujours séronégative, et d’éventuelles autres victimes. Une version contestée par la défense : il n’était pas conscient de sa séropositivité et rien ne prouve que ce n’est pas son ex-femme qui l’a contaminé.

Act Up indigné. D’autres motifs ont été avancés hier par l’accusation : « L’avocat général a insisté sur le fait que rien ne l’empêche de fuir et de rentrer dans son pays. Mais il travaille en France, en situation régulière, et il a un enfant. Son vrai motif est surtout de considérer que ce type est dangereux et se sert de son sexe comme d’une arme », dénonçait son avocat, Me Pierre Le Bonjour, à l’issue de l’audience. Les juges avaient déjà usé de cet argument le 4 janvier pour rejeter une première demande de remise en liberté, estimant que « le renouvellement de l’infraction est à redouter, par risque de propagation ». De quoi indigner Act Up : « Si les tribunaux français suivaient l’exemple de Toulouse, c’est l’ensemble des 200 000 séropositifs qui pourraient être placés en détention provisoire », a protesté l’association, dénonçant une « nouvelle affaire de pénalisation de la contamination ».

Derrière l’enjeu sensiblede ce dossier, l’histoire de ce couple, complexe et passionnelle. Il est noir, elle est blanche. S. arrive de Guinée en France en 2000. Deux ans plus tard, il a une relation avec A. et travaille en CDI dans le bâtiment. En février 2004, ils font des tests sanguins, dans le cadre de la grossesse d’A. et d’examens prénuptiaux : tous deux sont séropositifs. Ils se marient le 5 juin 2004. Leur fille naît, séronégative. Selon l’enquête, la dernière « trace de séronégativité » dont A. dispose remonte à 2001, un an avant sa rencontre avec son mari.

Plaintes. En mars 2005, le couple divorce à l’amiable. La mère obtient la garde. Ils se seraient disputés sur les visites. Le 1er octobre 2005, A. porte plainte pour violences volontaires. Le 4 octobre, elle porte plainte pour harcèlement, et le 3 novembre, pour empoisonnement. Elle aurait appris à ce moment-là l’existence de V., une maîtresse de S. qui lui a raconté avoir eu des rapports non protégés avec lui. Selon les éléments d’enquête, elle ne serait pas contaminée.

Le 30 novembre, A. a déposé une demande de permis de visite pour aller voir S. en prison. Refusé. L’arrêt sur sa seconde demande de mise en liberté sera rendu demain.

Source : Libération