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La Vie en prison... vue de "dedans" - Paul Denis

(2006) Blog 39 " C’est bon de le savoir... "

Mise en ligne : 3 novembre 2006

Texte de l'article :

C’est bon de le savoir...

1019 Jours de détention... en Centre de détention
Extrait de la correspondance adressée à ma fille, pour lui présenter mes conditions de détention et mon « nouveau » cadre de vie 

Initiation et/ou « échanges » :

Par nature, je sais écouter et je ne pose pas de question.
En prison, sache-le, et tu en comprendras la nécessité, c’est une attitude à avoir en permanence.
Pourquoi ? C’est simple. Tu ne connais pas celui avec qui tu parles, tu ne le connais que dans un milieu bien précis qui lui permet, s’il le souhaite, de te mentir sans que tu puisses le contredire.
En effet, tu ne le connaissais pas auparavant. Il est probable qu’après ta sortie, tu ne le rencontreras « jamais »... alors...
Bref, l’attitude à adopter est d’écouter. Pour ma part, dès les premiers jours, j’ai été initié par un « ancien » (pas en âge) qui m’a parlé ouvertement de l’attitude à prendre.
Il faut privilégier les « échanges » à deux. Un troisième peut mal interpréter et être un témoin gênant. Il faut écouter, ne pas se révéler, ne pas chercher à en savoir plus que ce que l’on te dit. Vivre avec la vérité donnée, même si on sent (d’intuition) qu’elle est fausse. Ne pas contredire, éviter donc tout conflit.
Ce premier échange sera peut-être le dernier ou le premier d’une longue suite, suivant le feeling qui passe ou ne passe pas d’où l’importance de ce premier contact qui doit te laisser toute ta « liberté » et ta vérité.
En prison, les échanges à deux ne sont pas proscrits, bien au contraire, ce sont les seuls que tu peux avoir. Tu es en cellule à deux. Le plus souvent, en promenade, tu marches avec un seul de tes co-détenus. Les conflits naissent toujours (souvent) lorsque la « galerie » est là... pour voir... pour arbitrer.

Humour :

« Dehors », l’humour est souvent un allié qui permet de faire passer beaucoup de critiques.
Pour ma part, en prison, j’ai toujours évité de l’utiliser comme moyen de communication, car très souvent, il peut être mal compris et provoquer l’effet contraire de celui escompté...
Au tribunal, lors du jugement, c’est une arme souvent utilisée par le juge ou le procureur pour déstabiliser le futur condamné... mais à quoi sert-il... lorsque l’on sait bien et que l’on est persuadé que tout jugement possède sa part de scènes théâtrales... qui n’a rien à voir avec une justice « vraie »... ?

Confidences :

Peut-on parler de confidences en prison ? Je ne sais pas trop. Pour ma part, je n’en ai pas faite ou à si peu de gars... Par contre, j’en ai reçu, et je crois que ma fonction d’écrivain et mon âge (avancé) en ont été la raison.
Celui qui s’adresse à toi, veut parler.
Veut-il être écouté ? Je ne suis pas sûr.
Veut-il être compris, pas certain.
Attend-il une réponse, je ne le crois pas.
Il veut parler et il parle, peut-être plus pour lui-même que pour toi.
Tu es là, tu en garderas ce que tu voudras.
Parfois, dans la même demi-heure, il se contredira. Peu importe. Son besoin n’est que de parler.
Si le feeling passe, tu pourras approfondir. Autrement, vous en resterez là. Pour ma part, j’en retirais ce qui m’était nécessaire pour l’aider, rien de plus.
Rentrer dans son intimité, je n’étais pas demandeur, loin de là.
D’ailleurs, à propos de certains que je côtoyais le plus, je me rends compte, avec le recul que je les connais fort peu. Je ne connais rien ou presque de leur affaire. Je me suis rendu compte qu’ils ne m’ont pas dit la vérité... et cela m’importe peu. J’ai fait un bout de chemin avec eux, en harmonie, et c’est la seule chose qui me semble importante.
Par contre, dans de (très) rares cas, les échanges ont été plus profonds.
Je dirai même qu’il y a eu un besoin réciproque de communication qui sera, à mon avis, déterminant pour notre avenir commun.

Il est difficile de prévoir, en détention, l’avenir d’une relation amicale qui y naît.
Cela peut être expliqué par le fait qu’il est difficile de revivre les moments passés, même s’ils n’ont pas été toujours tristes.
Je crois, par contre, qu’une relation vraie peut demeurer « dehors », si chacun y trouve ce qu’il y recherche. Pour l’un, ce peut être le besoin d’un soutien, pour un autre, ce peut être le besoin de donner et de recevoir ce qui lui a manqué, jusqu’alors.

Pour conclure sur cet aspect « relationnel », je te dirai que j’ai reçu des confidences « inimaginables » qui m’ont bouleversé. J’aurais bien voulu que ce soit de l’affabulation, mais, hélas, je crains (crois) fort que ce soit la vérité...

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