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La Vie en prison... vue de "dedans" - Paul Denis

(2006) Blog 33 L’affaire... qui mène en prison... parfois, souvent

Mise en ligne : 29 octobre 2006

Texte de l'article :

L’affaire... qui mène en prison... parfois, souvent

1019 Jours de détention... en Centre de détention
Extrait de la correspondance adressée à ma fille, pour lui présenter mes conditions de détention et mon « nouveau » cadre de vie 
 
 Les étapes d’une procédure = l’affaire

1. Souvent, une enquête préliminaire a lieu, avant même que l’intéressé sache que la Justice va lui demander de rendre des comptes...
Elle est faite, sur instruction du procureur, par un officier de Police judiciaire.
Une affaire démarre souvent par une dénonciation ou par une plainte, émanant d’un tiers qui se croit/dit lésé.

2. L’intéressé reçoit une convocation, ou, peut être interpellé par la police. Il se rend/est conduit au Commissariat de police ou à la Gendarmerie.
Il apprend qu’il est mis en garde à vue.
Une fois qu’on lui a laissé « entrevoir » ce qui lui est reproché, il est mis en examen.
On lui en dit le moins possible, l’officier de la Police judiciaire essaie de savoir si, ce qu’il détient comme information, est « vrai ». Il a pour rôle de compléter le dossier par un interrogatoire qui peut durer, que l’on peut faire durer quelques heures, ou plus..., jusqu’à 72 heures.
Un avocat payant (ou, commis d’office) peut être demandé (présent), après la 1ère heure, puis à la 24ème heure (à la 48ème heure dans une affaire de criminalité organisée ; à la 72ème heure, s’il s’agit de stupéfiants).
Il se peut que les faits remontent à loin et que les souvenirs soient flous. En fait, l’interrogateur en sait, souvent, plus que l’intéressé, lui-même... !
Souvent, la garde à vue se passe mal, car les conditions matérielles des interrogatoires et du séjour sont déplorables.
S’il n’y a pas toujours des violences physiques, il y a toujours une violence/contrainte/pression mentale.
On m’a parlé d’interrogatoires très inconfortables (menottes dans le dos, ou, attaché à un radiateur, ou, mal assis ou debout pendant des heures, etc...).

3. La garde à vue se termine par l’établissement / la rédaction d’un procès-verbal (PV) qui relate le déroulement de celle-ci et les informations que l’interrogateur a obtenues/arrachées.
Après 48 heures (ou plus), il n’est pas rare qu’un individu (un peu faible ou jeune) signe un PV qui ne correspond pas à ce qu’il aurait souhaité (dit, en d’autres circonstances). Il signe par lassitude..., sans même avoir bien relu... pour que cela cesse... Il pense qu’il pourra se rétracter (on le lui laisse croire). Il le pourra, mais... il aura quand même « signé » des aveux.

4. A l’issue de la garde à vue :
. soit, tu es remis « en liberté », et l’affaire suivra son cours, s’il y a lieu, si le procureur le juge nécessaire, s’il n’y a pas de non-lieu,
. soit, le procureur, après avoir reçu l’avis/l’intime-conviction de l’officier de police judiciaire, décide de te présenter à un juge d’instruction qui devra « affiner » les accusations et recevoir « ta défense ».
Dans les affaires simples et qui sont « complètes », l’affaire peut être jugée en comparution immédiate.

5. Lors de la présentation au Juge d’instruction, outre le fait que l’on te dit (enfin) que tu peux ne rien dire et demander que l’instruction démarre plus tard, on rappelle les grandes lignes de ce qui t’est reproché, de ce qui a été dit et retenu par l’officier de Police judiciaire.

Avec ce premier contact, l’instruction commence et le juge d’instruction a le choix entre :
. soit de te laisser en liberté, sous contrôle judiciaire, tu restes mis en examen, « si tu présentes de réelles garanties de présentation, si te laisser en liberté, ne peut nuire à l’instruction, etc... », et tu devras répondre à toutes les convocations,
. soit, de te mettre en prison, en détention provisoire, avec l’accord du juge des libertés et de la détention, qui, semble-t-il, est rarement en désaccord avec le juge d’instruction.
La détention provisoire, c’est la prison, en Maison d’arrêt, et l’attente d’un jugement.
La détention provisoire peut durer :
. en matière correctionnelle :
. 4 mois, puis 4 + 4 mois (si cela est justifié)
. 2 ans (affaire de stupéfiants, etc...)
. maxi : 2 ans et 4 mois
. en comparution immédiate (sans instruction complémentaire, donc sans juge d’instruction),
. audience entre 2 et 6 semaines
. maxi 2 mois (4 mois à la demande du mis en examen, si peine possible supérieure à 7 ans)
. en cas d’appel, appel dans les 4 mois
. en matière criminelle :
. 1 an et 6 mois
. 2 ans (si prévu - de 20 ans)
. 3 ans (si + de 20 ans)
. 4 ans (stupéfiants, ..., etc...)
. 4 ans + 4 mois + 4 mois

Ces délais légaux semblent longs à celui qui est en détention et qui pense parfois (souvent) qu’il n’est pas aussi « coupable » qu’on le dit (selon les apparences).

Pendant cette détention provisoire (et ces délais), le juge d’instruction doit instruire à charge et à décharge ton dossier afin qu’il puisse être présenté devant un tribunal.
Pendant cette détention provisoire, le prévenu est en droit de demander d’être remis en liberté provisoire, afin d’attendre le moment de son jugement.
Elle est, très souvent refusée, surtout si l’instruction est complexe et non terminée, si la peine encourue dépasse les 2 années, et si les circonstances évoquées lors de la décision de mise en détention existent toujours (conserver les preuves ou les indices matériels, empêcher soit une pression sur les témoins ou les victimes, soit une concertation frauduleuse entre les complices, protéger la personne mis en examen, garantir le maintien à la disposition de la justice de la personne mise en examen, mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement, mettre fin à un trouble exceptionnel et persistant de l’ordre public, provoqué par la gravité de l’infraction, les circonstances de sa commission ou l’importance du préjudice qu’elle a causé. Une seule de ces circonstances suffit pour placer ou maintenir la personne en détention - art. 144 du Code de Procédure Pénale).

6. A l’issue de l’instruction, un « Avis à partie » est remis à l’intéressé qui reprend (une dernière fois, non, une nouvelle fois) ce qui est reproché et les réponses apportées. Cet « avis » peut être contesté dans les 20 jours...
Rarement, il y a une décision de relaxe ou de non-lieu, alors il n’y a pas lieu à jugement.
Parfois, il y a remise en liberté, si la personne est détenue.

Souvent, il y a maintien en détention jusqu’au jugement.
S’il n’y a pas de contestation, l’instruction est close et tu es dans l’attente du jugement qui devrait arriver dans les 2 mois, mais cela peut être plus, pour des raisons d’encombrement des tribunaux et/ou qui échappent au bon sens.

7. Le jugement a « enfin » lieu...
On reprend une nouvelle et « dernière » fois ce qui a été dit (en général) dès le 1er jour (au moment de la garde à vue). Fort souvent, rien n’a été changé... hélas...
Tout jugement conserve un « côté théâtral » qui fait penser que tout a été jugé « avant »... !!!

8. Les décisions du jugement :
Le tribunal peut prendre une décision contraire aux vœux de l’instruction et du procureur.
En théorie, il est « souverain » dans ses décisions qui peuvent être :
. relaxe ou non-lieu,
. travaux d’intérêt général (TIG), semi-liberté,
. amende,
. prison avec sursis et mise à l’épreuve,
. prison ferme avec une partie avec sursis,
. prison ferme,
. prison ferme, avec mise en détention « à la barre » (immédiatement).

Une ou plusieurs de ces peines peuvent être prescrites. C’est le Code Pénal (CP) qui définit les maximums, en fonction du délit (infraction).
La mise en application de ces peines est assurée par un JAP (Juge d’Application des Peines).

Cependant, si l’intéressé est arrivé « libre », il peut en ressortir entre deux policiers, pour la prison, si le tribunal le décide.

9. Ces décisions peuvent faire l’objet d’un appel (dans les 10 jours) et il y aura un nouveau jugement (plus tard) qui annulera le premier jugement et sera considéré comme le seul jugement ayant eu lieu.
L’appel peut confirmer le 1er jugement (pas de changement), ou, en réduire les condamnations, ou, augmenter les peines prescrites.
Bizarrement, le fait de ne pas faire appel signifie que vous êtes d’accord avec le 1er jugement (a dit au rédacteur, un JAP).
Pendant la durée d’attente, avant le jugement en appel, le condamné reste « prévenu », puisque le jugement pris n’est pas exécutoire, mais si tu es en prison... tu y restes.

10. Le JAP peut influer sur les décisions prises, même s’il est chargé d’appliquer les décisions (c’est son rôle).
En effet, certaines circonstances, propres au condamné, ou, propres aux possibilités/conditions matérielles d’accueil en prison font que le JAP n’est pas en mesure de prévoir une application stricte.
Dans la pratique, cela fait qu’un certain nombre de condamnations ne sont jamais mises en application... !!! (Tant mieux pour les intéressés, mais quel gâchis... !!!).

11. Lorsque la « prison ferme » a été mise en application, le « prévenu » devient « condamné » et il change de régime pénitentiaire. Il a de nouveaux droits et de nouvelles obligations.

En fait, c’est une nouvelle vie qui commence.
Le stress de l’avant-jugement disparaît. Enfin, on est fixé sur le temps de détention qu’il faudra faire.
Depuis le 01/01/2005 (application de la loi du 9 mars 2003), les RP (Remise de peines) sont calculées, dès ce moment. Voir ci-après.
Tout n’est pas forcément simple, car des surprises peuvent « arriver ».
En effet, si tu es « récidiviste », ou, as été « condamné » mais la peine n’a pas été mise à exécution, ou, « condamné avec sursis », il est fréquent (normal) que les peines non encore exécutées « tombent ». Ainsi, tu crois être là pour (par exemple) 12 mois, et tu t’y retrouves pour 48, en raison de ton passé judiciaire (retour sur 5 années).
Il arrive aussi que d’autres affaires, un peu laissées sous la pile de dossiers du procureur, remontent et te valent de nouveaux jugements « entre 2 policiers » parce que tu es déjà détenu, et, bien souvent, la peine prononcée sera plus « sévère » en raison de ton incarcération actuelle, même si celle-ci ne devrait pas influencer.
Il est vrai, aussi, que, s’il y a lieu, tes peines accumulées peuvent être réduites en temps, sur ta demande, par une confusion de peines, et/ou, par la non-révocation d’un sursis antérieur. La confusion de peines et la non-révocation d’un sursis peuvent être demandées lors du jugement ou par la suite.
Si ta bonne conduite et un projet « sérieux » de réinsertion sont présentés au JAP qui s’occupe de ton lieu d’incarcération, tu peux demander à bénéficier d’une « libération conditionnelle » ou d’un régime plus souple, « semi-liberté » et/ou « bracelet électronique » et/ou « placement extérieur » (contrat de type CES, dans un organisme agréé, sous surveillance judiciaire).
Mais ces décisions appartiennent au JAP. On peut « faire appel », en cas de non-satisfaction.
Il est possible de représenter une demande avec un nouveau dossier.
Toutes ces possibilités font que rares sont les condamnés qui n’espèrent pas une sortie anticipée à celle annoncée sur le papier.
Et comme en prison, « rares » sont les détenus qui y sont pour une seule affaire...
Cet espoir permet « souvent » de mieux supporter la détention.

12. La détention provisoire se passe en Maison d’Arrêt (régime fermé 24h/24, sauf pendant les activités et le travail).
La peine d’un condamné doit se faire dans un « centre de détention » (CD) ou en maison « Centrale » (régime ouvert de 7h à 19 h, sauf 1h entre midi, « libre » circulation dans l’établissement, et de meilleures conditions matérielles).

Il est à noter que la surpopulation n’est pas ressentie en Centre pour peines (CD et Centrale).
Par contre, en Maison d’arrêt, la surpopulation est partout présente et dépasse l’humain... jusqu’à 200 à 300 % des possibilités matérielles.

Depuis le 1er janvier 2005, (loi Perben II, du 9 mars 2004), l’administration a un rôle décisionnel, parallèle à celui du JAP. Elle peut présenter au JAP un aménagement de peine, pour un détenu, sous forme de demande de semi-liberté, placement extérieur, placement sous surveillance électronique. Tous les détenus dont il reste un reliquat, soit de 3 mois pour les condamnés à moins de 2 ans, ou 6 mois sur une peine de 2 à 5 ans, peuvent bénéficier de cette mesure, y compris les condamnés détenus pour révocation d’une mesure d’aménagement de peine, les contraintes par corps, les interdictions du territoire français.
Suite à cette décision, le JAP a 3 semaines pour statuer, sa décision est susceptible d’appel. Sans réponse de sa part, la mesure envisagée peut être appliquée.

A suivre sur le blog

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