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La Vie en prison... vue de "dedans" - Paul Denis

(2006) Blog 23 Survivre, c’est s’occuper...

Mise en ligne : 18 octobre 2006

Texte de l'article :

Survivre, c’est s’occuper...

1019 Jours de détention... en Centre de détention
Extrait de la correspondance adressée à ma fille, pour lui présenter mes conditions de détention et mon « nouveau » cadre de vie 

 
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Je trouve tes écrits très intéressants et très instructifs.
Même si je ne peux espérer appréhender quelles sont tes émotions ressenties durant cette période. Il est sûr que nous sommes incapables de ressentir ce que sent l’autre. Néanmoins, ces écrits ont le mérite de me permettre de les imaginer, de me les représenter avec l’objectivité dont tu as fait preuve en les décrivant.
Tu entames un nouveau départ, un nouveau style de vie, dans un nouveau lieu.
Accoutumons-nous. D’ailleurs, j’ai bien retenu tes propres dires, à savoir que l’on s’habituait à tout.
Même si, dans le cas présent, cette réflexion est plutôt malvenue puisque nous y sommes contraints, je vois néanmoins en ceci la suprématie de l’homme car si nous avons bien des défauts, notre intelligence est avant tout une adaptation.
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Vivre en Centre de détention = s’occuper...

Comme prévu, j’ai donc changé de secteur et, en fait, de bâtiment. Avant cette affectation, comme on nous l’avait proposé, on pouvait faire part de nos souhaits. Occasion que je n’ai pas manquée. J’ai donc demandé un secteur calme, en hauteur, et face à la nature. Et voici le résultat.
La perspective... est presque la même que celle que j’avais à mon arrivée...
Je suis donc, au 4ème niveau, (le plus haut), plein sud, je pense, à cette saison, j’ai le soleil du matin jusqu’à 14 h 30. Au loin (un petit km), une forêt mixte (sapins et feuillus) qui apparemment, a souffert de la tempête de décembre 99 (un couloir est entièrement libre). En me rapprochant, je revois la route, mais je ne l’entends plus... et toujours des champs cultivés. Ce bâtiment B étant quelque peu en contrebas, par rapport au Bâtiment A, je vois un peu mieux, grillages et murs d’enceinte. J’ai également, vue sur le « mitard », secteur disciplinaire qui est bien isolé des autres bâtiments, ce qui évite les dialogues « hauts et forts », entre ceux qui sont au mitard et les autres. Ce qui est « agréable ». A Metz, il était au RDC, et pour les étages du dessus, c’était le calvaire. Moi, j’étais loin d’eux et je n’ai pas souffert de cette nuisance.

Je n’ai vue, en direct, sur aucune des parties communes (promenade, aires de sport, chemin d’accès aux bâtiments), je suis donc au calme. De plus, je suis dans l’avant-dernière cellule, donc, peu de passages devant ma porte... de nouveau, le calme.
A priori, cette cellule m’est affectée jusqu’à ma libération... il n’y a pas de raisons que j’en change, même si mon emploi changeait. En effet, ici, en Bât. B (200 détenus, en 8 unités) tout le monde est en « ouvert » (rappel : porte ouverte de 7 h à 19 h, sauf entre midi (12 h à 13 h 30) et circulation libre dans le secteur (25 détenus) et libre également pour aller où on doit ou veut aller (en particulier vers les locaux communs).
Ma cellule est identique à celle décrite, mais par contre, elle était d’une propreté douteuse, pour ne pas dire très sale et j’ai eu fort à faire pour la rendre « habitable ». Au bout de 8 jours, je n’ai pas encore fini de nettoyer les 4 murs, mais l’essentiel est fait et mes affaires personnelles ont été replacées que dans du propre. Cette phrase est écrite, en pensant, particulièrement, à ta mère... et à son souci de l’hygiène « en tout lieu »...
Pour le moment, je ne l’ai pas personnalisée, mais c’est autorisé et ce sera fait dès que possible (dès que le nettoyage complet sera fini).

Il faut s’occuper :
Comme déjà annoncé, en Centre de détention (CD) sont privilégiées les attitudes qui permettent la réinsertion (retour à la vie libre) dans les meilleures conditions et cela passe, en particulier par la formation professionnelle et le travail.
Donc, dès les premiers jours, nous avons été reçus en séance collective et en entretien individuel. Voilà ce qui est proposé : en formation professionnelle qualifiante (avec diplôme et/ou attestation reconnus dehors) : maintenance bâtiment et nettoyage industriel (formation (en 3 niveaux) d’une durée totale de 9 mois), métiers de bouche (pâtissier, traiteur) avec CAP (formation de 9 mois / au lieu de 18, dehors), informatique - bureautique (en 2-3 mois) - usage des logiciels de base - Word - Excel - Power Point, il y a aussi initiation « soudure », il me semble. Ces formations sont rémunérées (2,26 €/heure sur la base de 120 h/mois (maximum) et financées par le CNASEA.
Au niveau travail (possible et recommandé en attente de formation) sont proposés les ateliers divisés en 3 : 1 secteur « assemblage, façonnage », ne nécessitant aucune qualification et d’un intérêt plus que douteux (c’est mon avis), on est payé à la pièce et pour 5 jours à 7 heures, un salaire moyen de 100 à 150 €. Comme autres ateliers, il y en a deux, plutôt réservés à des manuels avertis : 1 atelier de menuiserie et 1 atelier de ferronnerie -soudure, où là, la rémunération, toujours à la pièce, peut atteindre 500 €, pour un bon et rapide...
Comme autre travail, sont proposés les services communs, les auxi, comme on les appelle, qui assurent l’entretien des parties communes.

Certains assistent les professionnels dans certains services (cuisine, lingerie, entretien des bâtiments), mais c’est principalement de l’entretien (nettoyage).
Pour ma part, en formation, j’ai demandé, en priorité « Métiers de Bouche », me souvenant de mes années de célibat où certains appréciaient ma cuisine et mes spécialités, mais cette formation ne pourra commencer qu’en septembre (pour 9 mois).
Je pense faire aussi, avant, « bureautique-Informatique ». Mais, en fait, je n’en fais pas une priorité, car je ne pense pas que j’y apprendrai « véritablement » plus que je ne sais et il n’est pas certain que cela m’aiderait pour les quelques trimestres qui me resteront à faire avant la « retraite »....
De toutes façons, j’ai déjà eu de très bons contacts, en vue de prendre une place d’écrivain (comme à Metz), en plus cool, car il y a moins de demandes, mais elles sont plus « ardues » (cf. lettre de motivation pour aménagement de peines et/ou procédures en cours). Ce « poste » répond à une demande des détenus et correspond à un souhait de l’administration, donc, il ne reste plus qu’à le mettre en place, maintenant que le candidat « capable » et « motivé » est là... mais cela peut prendre un « certain temps »... alors... en attendant, on m’a proposé, j’ai accepté et j’ai été « classé » au poste d’auxi « infirmerie ». On recherchait quelqu’un de « calme et de sérieux », on a trouvé... En fait, il s’agit de faire l’entretien général de 3 bureaux, 2 salles de soins, d’une cuisine et d’un WC (réservé à l’usage du personnel), et tout cela avec du matériel « pro », gants et produits adéquats, en sachant que le matériel médical « usagé » n’est pas de mon ressort... Je ne risque donc rien, ne t’inquiète pas...

Les horaires de travail sont flexibles, mais, en principe, fin d’après-midi (15 h 30 - 17 h) ou le matin de 9 h à 10 h. Pour ce faire, je serai rémunéré, nombre d’heures et d’euros, je ne sais, à cette heure.
Mon souhait premier étant « écrivain », il m’a été garanti que ce poste m’est réservé, dès sa mise en place...

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