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Date : 1er-06-2008

(2006) Atelier de Marionnettes (juillet-septembre)

Mise en ligne : 13 juin 2008

Texte de l'article :

17/07/2006 J’vais commencer aujourd’hui a retranscrire mes notes et impressions sur l’opération qu’on mène en Maison d’Arrêt de Loos.

Exploration marionnettique, ça a commencé le 4 juillet par une représentation de "Les Aventures de Germain Lenain" devant une cinquantaine de détenus. La Salle polyvalente a une accoustique infecte et sa chaleur est crasse.

La Maison d’arrêt fête ses cent ans....

Il fait chaud et il a fallu du temps pour amener le Théâtre de marionnettes itinérant jusque là. Envoi préalable d’une liste détaillée du matériel, de la carte grise de véhicule, évidemment identité des acteurs, contrôle serré à l’entrée, à chaque passage, chaque porte. Détail cocasse, on ne doit en aucun cas entrer de scies à métaux et, si il y en a dans la caisse à outil , elle doivent être proscrites. Rangeant ma caisse la veille au matin, faisant le parrallèle, liste/matériel, j’oublie un rangement dans lequel de nombreuses limes professionnelles (à fer, bois,...) sont rangées.... Elles passeront les contrôles, et je les remettrais à un surveillant pour que le personnel de surveillance ne doute pas de nos motivations ; nous sommes là pour faire s’évader avec la culture, pas pour faire physiquement franchir les murs.

Voilà, le 4 juillet était le premier vrai pas dans cette maison où on avait mis les pieds quelques mois plus tôt dans le cadre de rencontres "Culture-Justice". Au sortir de cette première visite, j’étais retourné. Sorti de là avec la ferme intention de ne pas en rester là. En quelques mois on a bâti, avec le soutien du SPIP et de Marc Le Piouff un projet . Projet d’exploration marionnettique qui nous permettrait, comme dans les quartiers, d’amener notre art au plus près, d’amener la Cie, Les Mille et une Vies, là où elle devait être, là où elle doit être : au plus près ! Ces mots sont les premiers ; ces mots, éclaircieront l’action et me permettront de partager une expérience forte. Depuis le 4 juillet, en groupe restreint, je travaille avec des êtres humains incarcerés, condamnés à des peine inférieures à 19 mois. L’humanité dans ces séances, dans ces hommes, derrière ces murs sombres, je veux la partager et partager avec elle les doutes qu’elle m’inspire.

18/07/2006 Des mots, des mots, des mots.

Je veux prendre le temps d’écrire, et, sans raturer, mettre en ligne parceque les portes entre le monde du dedans, de la Maison d’Arrêt et le monde du dehors me semblent tellement séparés que j’ai besoin d’essayer de déverrouiller, de poser quelques mots pour aérer.

Faire avec les mots que ce qui se fait dedans se voit, un peu, un tout petit peu plus....

Après le spectacle, le 4 juilet nous avions désiré continuer l’après-midi par une rencontre avec les détenus. Ce temps que nous voulions informel devait permettre l’échange, et, répondant aux questions que notre travail et la proposition d’atelier que nous mettions en place pouvaient soulever, nous démarrions la rencontre humaine. Ce jour là, ce n’était pas un débat avec une salle mais bien des conversations qui se sont construites, plus intimes, au cours de l’après-midi avec certains des détenus. Conversations qui nous ont permis pour certaines, d’influer sur certaines des inscriptions à "l’exploration marionnettique". En effet, les coupons d’inscription a l’atelier avaient été distribués ; pour certains, ils ont été remplis sur place et remis au SPIP (Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation ).

Pour 12 places ouvertes à l’atelier plus de 100 candidatures. Au cours de la rencontre, de nombreuses fois, des remerciements et une reflexion d’un détenu qui me trotte dans la tête : " attention à ne pas vous faire entôler pour complicité d’évasion" à côté de celles plus habituelles comme "j’ai retrouvé mon enfance".... Première rencontre le 4 juillet, premier pas dans un établissement et dans un monde ou tout me semble chamboulé ; premier pas me rendant impatient de la suite, qui viendrait très vite, dès le jeudi 6 juillet et qui en même temps, premiers pas effrayaient ; premiers pas effrayants.

20/07/2006 Difficile d’arriver

Tous les mardis et jeudis, avec les détenus nous explorons le monde de la marionnette.

Dans la salle polyvalente, 3ème étage, section A, sous les toits, nous nous retrouvons et essayons de faire sens. Mais avant de nous retrouver, il faut franchir les portes. Avant d’arriver à la salle, il faut montrer patte blanche. Pour moi, l’intervenant extérieur, malgré la méfiance que le personnel de surveillance éprouve, il n’y a pas de difficulté majeure pour arriver devant la salle d’activité. Tout étant relatif, le "pas de difficulté majeure" d’aujourd’hui aurait été bien autre chose hier. L’absence de confiance, tous les jours me révulse un peu plus. Je ne suis pas un enemi. Pour les détenus inscrits, arriver à la salle d’activité est une autre paire de manche....

Depuis le démarrage de l’activité, jamais l’effectif n’a été au complet et cela malgré les drapeaux déposés à la porte des cellules, les listes envoyées aux surveillants d’étages, aux chefs de sécurité, aux chefs de section, listes données en main propre, réenvoyées.... l’effectif n’est jamais complet.... A plusieurs reprise appelant un surveillant pour lui demander de m’envoyer certains des détenus, il m’était répondu que l’un d’eux s’était desisté et la séance suivante le retrouvant et lui demandant d’expliquer son absence, il me disait que la porte de la cellule était resté fermée malgré ses appels.....

La prison est un monde de méfiance. Je demande de la confiance et on me répond qu’il n’y a pas de raison pour qu’on me la donne ; de jour en jour, je prends conscience de cette méfiance, de cette suspicion ; je voudrais leur faire comprendre que je ne suis pas un enemi. Les dix heures d’activités hebdomadaire ne sont pas usées à fomenter une rebellion, evasion, ou autre truc en "ion" mais bien plutôt pour amener les participants à mieux comprendre notre geste artistique.

20/07/2006 Premières images des marionnettes

Premières photographies des marionnettes construites par les détenus....

Difficile, pour ne pas dire impossible de rentrer un appareil photo alors, avant de demander cette autorisation pour que je puisse tendre un pont entre ce que je fais dedans et l’extérieur, j’ai sorti les marionnettes et dans mon atelier, de la rue de l’arbrisseau j’ai fait des photos posées ; peut-être demain aurai-je quelque difficulté à les faire revenir à la Maison d’arrêt ; c’est une autre histoire...

Elles sont belles et pleine d’angoisse ces marionnettes.... drôle de bestiole qui commence à vivre. Nous finissons la première partie de construction demain et on passera on second module de manipulation la semaine prochaine....

je mettrais d’autres photographies en ligne dès demain ?...

28/07/ 2006 Les hommes ont commencé à improviser

Jeudi 27 juillet matin, nous avons continuer de travailler sur les marionnettes. Les Objets semblent trouver leur formes définitives. Couleurs, coutures, elles sont impressionantes.

L’après-midi, alors que je pensais proposer au goupe de travailler à la table, de manière simple, des improvisations manipulées ont démarré.

Depuis quelques séances, je suis impressionné de la vie qui se dégage de cet atelier ; cette impression de liberté ; cet oubli de la prison dans la prison.

En ce qui concerne le nombre de participants à cet atelier, le nombre d’inscrits a évoluée. En effet, depuis la première séance, certains des inscrits ont accepté d’être classé en atelier ou au travail, ce qui leur permet d’avoir de modeste revenu, d’autres semblent avoir découvert que notre proposition ne leur convenait pas, donc se sont retirés. Pour ceux qui restent, certains ont eu la proposition d’intégrer travail, formation ou ateliers rémunérés et malgré mes conseils d’aller vers ce qui leur amenait plus de confort, ils ont décidé de continuer "l’éxploration marionnettique"

Le groupe de participants me semble aujourd’hui soudé, suffisemment soudé pour qu’on puisse y intégrer deux personnes complémentaires... Mardi donc, nous serons 8 à nouveau avec l’accord du groupe.

Sur la photo ci dessus, la marionnette arrière c’est N. qui l’a réalisée, il en est fier, j’en suis fier et, je veux ici dire à ses proches qu’il faut le croire ; il a réalisé une marionnette et je trouve qu’il s’en est plutôt bien tiré....

Des Marionnettes et des hommes
Depuis le démarrage de cette action les liens que nous entretenons avec les détenus se renforcent ; de jour en jour, je les sens plus impliqués, plus touchés, plus amusés par le pouvoir des poupées. Oubliant l’incarcération, le temps de l’intervention, ils découvrent un univers qu’ils ne connaissaient pas.

Nos relations avec le personnel du SPIP, sont bonnes, ils nous accompagnents nous soutiennent.

Par ailleurs, si je me sens proche du personnel du SPIP, je me suis senti étonnement proche de certains surveillants avec lesquels, cela a été plus facile de travailler.... Tout est question de personnalité....

Mais en général, Pour ce qui est des relations entretenues avec le personnel de surveillance, il me semble que la méfiance est souvent de mise (dans le pire des cas) et qu’au minimum c’est l’indifférence accompagnée d’absence de curiosité face à l’activité que nous mettons en place.

Et malgré des relations très agréables et humaines avec certains des surveillants, l’absence de confiance semble être toujours là. Essayant d’ouvrir le dialogue, je fais des efforts. Toujours essayant de ne pas céder à l’impatience lorsque nous attendons et qu’au final nous commençons les activités toujours en retard.

C’est parfois difficile de voir autant de mauvaise volonté....

Ce n’est bien entendu pas l’ensemble du personnel de surveillance qui est contre ces interventions mais....

Il semblerait que pour certains surveillants, comme nous intervenons auprès des détenus et, que nous entretenons avec eux un rapport humain privilégié (sans lequel notre action ne vaudrait rien) nous devenions naturellement leur ennemi....

Le monde de la détention est bien étrange ; prison fermée dans laquelle plus qu’ailleurs la place de l’homme et de sa volonté est centrale pour que des projets, d’abord voient le jour puis, avec le temps, s’épanouissent. Dans la prison, peut-être plus qu’à l’éxtérieur, la volonté de certains fait ; dans la prison, peut-être plus qu’à l’éxtérieur, l’absence de volonté défait.

01/08/2006 Une séance émouvante à la Maison d’arrêt de Loos

Ce mardi, 7h45 devant la porte de la prison, j’étais plein de fatigue... des semaines longues, de dix jours qui se succèdent, des montages, des démontages, des représentations et nous ne sommes que deux pour tout faire. Deux à plein temps mais, deux seulement. Une toute petite Compagnie en somme.

Donc fatigué, ce mardi j’étais peut-être moins sensible à l’environnement et plus aux mots et aux marionnettes tenus par les détenus inscrits....

A 8h15, nous étions 8 dans la salle, me comptant dans ces huit, il manquait un des inscrits extrait pour une hospitalisation.... Je lui souhaite un prompte rétablissement

Le temps était moche, dehors presque le froid, presque la pluie , le dedans, la salle d’activité en devenait plus supportable, surtout un peu moins chaude, à l’atmosphère un peu moins étouffante....

Le matin nous avons donc consacré notre temps à aborder les fondamentaux de manipulation, derrière un castelet de fortune ; entrées, sorties, mouvements de tête et articulation de la bouche ; les voyelles ouvertes et le reste... Ces fondamentaux, j’ai essayé, autant que faire se peut de les appuyer (en terme de fond) sur les contenus traditionnels de la marionnette, outil de satire sociale. La forme séparé du fond laisse au goût de vide au fond du coeur. C’est ainsi que s’est faite la lecture du polichinel Précepteur de Duranty. Cette lecture a fait beaucoup rire et les interprètations improvisées-inspirées ensuite des relations entretenues entre père et fils étaient pour certaines désopilantes. Nous avons clos la matinée par un travail à la table sur les contenus qui pourraient être abordés dans le cadre de nos improvisations. La discussion était très intense et chacun voulait faire entendre son idée de l’(in)humanité et des rapports de pouvoir et de perversion que pouvait colporter la marionnette représentation de l’homme....

Cet atelier et ses fruits, les marionnettes construites et les courtes formes jouées, filmées risquent d’être étonnants, beaux, effrayants.... Nous nous sommes quittés à 11heures en nous souhaitant un bon appêtit.... J’aurais volontiers, si nous avions été à l’extérieur, prolongé l’instant par un repas commun.... mais voilà nous étions dedans....

A 14 heures lorsque nous nous sommes retrouvés, nous avons commencé très vite à travailler. D’abord des exercices sur les manipulations. Encore, des entrées, des sorties, des déplacements ; "le poids et l’effort" de l’objet. Puis nous avons travaillé sur des monologues improvisés qui permettaient à chacun d’affiner la manipulation de la bouche. Nous avons fini la séance en travaillant sur une "Farce pour Collégien" de Pierre Gripari, "Le Bourricot". D’abord sa lecture puis, deux lisant pendant que deux autres manipulent. L’après-midi est passé très vite et, à peine étions nous entré, qu’il était déjà temps de nous quitter. Nous nous retrouverons jeudi....

Ce mardi en partant de la prison j’étais plein d’energie, moins de fatigue....

02/08/2006 Comment les marionnettes sont arrivées en prison

Depuis que j’ai ouvert cet espace, je n’ai pas pris le temps d’expliquer comment nous en étions arrivé à mettre en place cet action à la Maison d’arrêt de Loos. Hier Emmanuelle, mon interlocutrice au SPIP de Loos me faisait remarquer cette lacune pendant le repas alors, aujourd’hui je vais tenter de revenir sur cet oubli.

Pour expliquer notre démarche à la Maison d’arrêt de Loos, il faut que je remonte plus loin dans le temps. Depuis mon arrivée dans le Nord, et la création de La Cie Les Mille et une Vies en 1998, j’avais envie, avec mon spectacle, "Les Aventures de Germain Lenain" de partir à la rencontre du public. Délaissant donc les routes habituelles empruntées par les acteurs culturels, plutôt que de créer et diffuser dans les lieux culturels je suis parti avec mes marionnettes dans un sac et j’ai joué ce spectacle (Marionnettes et trames avaient été créés à Nice avec la Cie Les Petites Vies entre 1992 et 1997 et jouées de nombreuses fois dans le Théâtre de Marionnettes fixe (cf photo NB ci-dessus) que nous gèrions) dans les jardins réfectoires, et autres salles des fêtes qui le temps du spectacle devenait d’improbables et magiques lieux de représentations. D’abord avec des moyens du bord (les marionnettes, une corde et un tissus noir ) puis, à partir de 2001 avec un castelet construit pour l’occasion (véritable théâtre en miniature, structure d’acier recouverte de pendrillons noirs et rouges d’une ouverture de 3m50, de 3m de hauteur et de 2 mètres de profondeurs) j’ai (ré)envisagé mon métier dans l’itinérance et la rencontre, dans un renouvellement permanent de la relation que l’acteur entretient avec son public, tout empreint qu’il est, l’acteur, du monde qui l’entoure et dans lequel il se déplace pour le faire avancer.

C’est ainsi que dans des villes, des villages, au coeur des quartiers, dans des lieux de cultures, dans des lieux loin des lieux de culture, (re)construisant mon métier à chaque représentation, je faisais grandir la Cie Les Mille et une Vies, ses spectacles, ses actions de sensibilisation tout en me sentant proche du public et du monde. Dans des quartiers dits "défavorisés" plus qu’ailleurs, nous nous donnions à voir et avec le public nous construisions les bases d’une rencontre et d’une culture commune. Plus de 400 représentations et 40 000 spectateurs....

Ca c’est l’état d’esprit de départ....

En mars dernier, le jeudi 2 plus précisément, nous avons participé à une rencontre "Culture-Justice" qui nous a amené a rencontrer le personnel et à visiter la Maison d’arrêt de Loos. Cette visite, cette journée de rencontre a été un détonateur. Je suis sorti de là me disant que nous ne pouvions en rester là et que nos actions devaient aussi franchir ces portes là. Des rendez-vous et des rencontres ont suivis cette première expérience.

Très vite nous avons monté un projet, proposition d’intervention qui entre représentation et temps de sensibilisation permettrait aux détenus d’envisager la marionnette comme outil de satire sociale. Marc Le Piouff Conseiller Culture-Justice pour la Région Nord-Pas-de-Calais nous a soutenu auprès de l’administration pénitentiaire et aidé à formaliser notre demande auprès de la DRAC et du SPIP du Nord. Par ailleurs nous avons aussi sollicité le Conseil Régional et dans le cadre de Nos Quartiers d’été nous avons monté le projet "La marionnette près d’chez vous" dans lequel nous avons intégré "l’exploration marionnettique" menée à La Maison d’arrêt de Loos. L’ensemble des partenaires financiers nous a suivi dans notre désir de proposer cette action.

Pendant les mois d’été nous pourrions participer à amener un "souffle d’air" à des détenus qui autant qu’à l’extérieur, si ce n’est plus, souffrent du départ de La France, des familles, du personnel en vacances.....

Après la représentation du 4 juillet, le projet est découpé en trois temps. Le premier module, La construction de personnages s’est terminé il y a peu. Cette première phase a permis la construction de marionnettes à bouche telles que je les construis. Une construction très encadrée et précise. La technique mousse et plâtre mélangé, je l’ai découverte en 1989, faisant mes prototypes pour la création de "Les Aveugles" de Maurice Maeterlinck (cf photo NB ci-dessus). Cette technique je l’ai affinée depuis et lorsque je la transfère, au cours d’atelier, les résultats sont toujours très beaux et il arrive même que les marionnettes ainsi créées étonnent certains des participants qui ne se croyaient pas capables de telles prouesses artistiques.

Après la construction, le module Fondamentaux de manipulation ou le sens du mouvement nous amène à faire découvrir comment et pourquoi se meuvent les objets. Ce module se poursuivra jusque début septembre, il nous permettra de transférer les bases de la manipulation tout en travaillant à l’élaboration de contenu que nous voudrions inspiré par la tradition d’un Théâtre de marionnette engagé, porteur de sens et de controverses.

Cette exploration se terminera par un troisième module La parole en représentation qui nous permettra de jouer et de filmer les courtes scènes qui auront été imaginées. Après viendra le temps de la diffusion. Auprès des familles, du public, des codétenus mais, cela est une autre histoire...

Voilà comment cette exploration a vu le jour et quels sont ses objectifs....

04/08/2006 Un monologue en Portugais

Hier jeudi, la séance commence par l’accueil de C. nouvellement inscrit.

Ensuite je donne au groupe les nouvelles ; première chose, les évolutions de ce blog. Ensuite le fait que le Conseil Régional veuille faire un reportage sur l’exploration Marionnettique et qu’il ait déjà obtenu l’accord de Direction Régionale des Services Pénitentiare de Lille / Direction Régionale de L’Administration Pénitentiaire. Ce reportage sera ensuite mis ligne sur le site internet Nos Quartiers d’été ; à suivre, je les tiendrais bien evidemment au courrant des avancées. Pour info, une journaliste de Nord Eclair qui nous a contactée pour faire un papier sur cette exploration et que nous avons (re)dirigé sur la Direction de la Maison d’Arrêt n’a toujours pas eu de réponse... tout au moins pas que nous sachions....

La réunion continue sur le déroulement des séances et la présentation des contenus. La construction des personnages, étant en grande partie terminée ; ce n’est plus maintenant qu’une histoire de détails et de finalisation qui pourra se faire au long cours....

Par ailleurs pour ce qui concerne le nombre de participants à l’atelier, sur les conseils de S. et N. j’ai accepté de faire que l’intégration de nouveaux participants se fasse progressivement. Nous pourrons ainsi préserver l’unité du groupe qui commence à se constituer. G. nous a rejoint mardi dernier. C. nous rejoint ce jour. Nous, et eux-même bien entendu, vérifierons leurs motivations et une fois leur intégration actée, nous ouvrirons peut-être deux places complémentaires...

A partir de ce jour, jeudi 3 août, et pendant quelques séances Dorothée m’accompagnera et ouvrira la séance par des exercices vocaux et de manipulations... nous vérifierons la pertinenece de son intervention ensemble....

Le groupe est de plus en plus soudé ; il est loin le temps ou la marionnette leur était étrangère. Non seulement les séances sont une bouffée d’air frais mais, de plus ils semblent tous y prendre un réél plaisir....

Après cette demi heure passée à une sorte de réunion d’équipe, la matinée est passée très vite.

D’abord de nombreux exercices de manipulations et de voix.

Ensuite des improvisations à plusieurs, derrière le castelet de fortune, improvisations dont le thème était inspiré de la pièce de Gripari "Le bourricot"(pièce que nous avions lu lors de la séance précédente ).

Nous avons terminé la séance par des monologues improvisés.

Ces monologues sont destinés à affiner la technique de manipulation de la bouche et le déplacement dans l’espace.

Deux de ces improvisations m’ont particulièrement touchées :

Celle de A. (qui ne voulait pas au départ essayer mais, après que j’en ai parlé avec lui et que je l’ai poussé à jouer dans sa langue maternelle, le portugais) qui a interprété un personnage tellement émouvant d’homme perdu dans un pays et une prison qu’il ne connaît pas. A. lorsqu’il a été incarcéré ne parlait pas le français ; aujourd’hui, quelques mois plus tard, il se débrouille plutôt bien. Dans son monologue, le personnage regrettait que la rare ville qu’il connaisse de la France était la prison.

Pour A. comme pour les autres, l’histoire contée par les marionnettes est la leur, il n’est pas encore temps pour la distance....

Le second monologue était celui de G.. Comme pour A. les mots dits par la marionnette tenue par G. auraient tout aussi bien pu être exprimés par G. lui même. Son personnage : un homme seul, la cinquantaine, perdu dans un milieu carcéral dont l’inhumanité et l’absence de solidarité l’épprouve. Ecoeuré par le deuxième jugement porté par les détenus après le tribunal ; écoeuré par la délation et l’absence de solidarité.

La matinée était finie. Nous étions tous plus proches.

Ce qui se passe dans leurs têtes, dans leurs cellules, dans leurs vies de détenus m’échappe. Lorsque nous nous sommes retrouvés à 14h la tension était palpable. A. n’était pas là. P. son co-détenu me disait qu’il s’excusait mais qu’il ne se sentait pas bien. J’espère que le monologue du matin n’y était pour rien.....

A un moment de l’après-midi N. explosa lorsque je demandais de l’attention. Il explosait contre S. et lui promettait ses foudres. Il me fallut un moment pour comprendre et le rassurer. Mais au fond, la détention est dure pour ces hommes. Ils souffrent et ma présence, même si elle les aide, ne peut en cas leur faire oublier leur situation et leurs préoccupations....

L’après-midi s’est très vite finie.

A chaque fois que je sors de là c’est en même temps le soulagement de retrouver la liberté et la culpabilité. Culpabilité de laisser là ces êtres humains. Double sentiment qui m’emplit, tristesse que j’épprouve....

04/08/2006 Première intervention pour dorothée 

Jeudi 03 août, j’accompagnais Fabrice à la Maison d’Arrêt de Loos... Première intervention dans le cadre de l’exploration marionnettique ... On espère qu’une présence féminine ne pertubera pas trop les participants... On commence, on discute, on fume quelques cigarettes, je les félicite pour leurs marionnettes que je trouve certes obscures mais très belles et on se met au travail... Les voix ont d’abord un peu de mal à sortir et puis petit à petit elles deviennent plus claires, plus posées alors on passe à l’étape suivante : la transformation vocale. Trouver une voix spécifique à chaque personnage, exercice qui leur semble impossible et pourtant la majorité y parviendra... Je crois qu’ils se surprennent eux-même depuis le début de cette exploration... Ils abordent enfin la manipulation en integrant au travail leurs découvertes vocales : de belles surprises, de belles réussites... Je suis stupéfaite par la manipulation de A. Je suis amusée par la voix que S propose pour un personnage féminin apparaissant dans l’improvisation. Je suis touchée par le plaisir qu’ils prennent visiblement tous à découvrir cet art.

Au delà du travail, ce qui me frappe le plus c’est la solitude qui émane de chacun d’eux... Ils parlent beaucoup de leurs familles, le théâtre de marionnettes leur fait évidemment penser à leurs enfants... En fin de matinée, un violent sentiment d’injustice m’envahit, me sert la gorge, a-t-on le droit de priver un enfant de son père alors que la faucheuse s’en chargera bien assez tôt, peut-être trop tôt même parfois ? Peut-on enterrer vivant un être humain sous prétexte qu’il a commis une faute que nous pourrions tous commettre ? Car c’est bien de ça dont il s’agit ici... Il y a ceux qui ont la chance de ne pas croiser la justice sur leur chemin et ceux qui n’ont pas cette chance... Et puis dehors il y a les familles, des femmes se retrouvant seules pour élever leurs enfants, des enfants face à l’absence, face à l’incompréhension... Je m’égare et m’éloigne du sujet marionnettique, certes, mais voilà c’est aussi cela que cette expérience éveille en moi...

08/08/2006 Après hier, je ne retournerai pas à Loos avant le 17

C’est encore une journée forte et erreintante qui a été passée à Loos. Il était prévu, depuis longtemps qu’il n’y aurait pas de séance jeudi 10 août et, ayant peu l’habitude de considérer les dimanches, les samedis et les jours fériés comme des jours d’empêchement, je n’avais pas pris à la juste hauteur de son empêchement pour le 15 août ; en effet, comme pour les week-end, ils est à ce jour pratiquement impossible d’intervenir en Maison d’arrêt les jours fériés.

Donc hier, c’était tout empreint de ce statut exceptionnel que la séance s’est déroulée. Les improvisations que nous avons faites le matin, après les quelques exercices d’échauffement sont fortes.

Il est toujours très difficile, pour presque tous, de prendre de la distance avec les marionnettes. Ainsi S. n’arrivaient pas à participer à une imlprovisation dans laquelle il était question, sur l’inspiration du texte de Gripari, de vendre sa soeur. Retourné, imprévisible, sur les nerfs, extrèmement sensible, la prison rend l’homme tendu. Je les sens à fleur de peau, fatigué, touché dans leur recoins les plus profonds... Je m’en inquiète ? Ils me rassurent avec leurs mots parfois malhabile et parfois tellement bien choisi.

A., d’origine portugaise à découvert la France avec sa prison. Il était de passage, ne parlait pas français et le voilà là, éloigné des siens, entouré de gens qui parlent une langue qu’il ne comprend pas. Ce milieu le pousse à apprendre vite. A vite faire sienne cette langue étrangère. Beaucoup des participants regrettent le racisme et la discrimination de la France mais, à chaque fois que A. improvise, ils ne peuvent s’empêcher de faire des remarques sur son accent, ses origines portugaise, reproduisant là ce qu’ils repprochent aux autres de leur faire souffrir... Ah l’humanité !!!

C’est juré, c’est promis, je ne laisse plus passer et à partir des prochaines séances, je décortiquerai chaque geste qui me semblera excluant...

L’après-midi, nous avions prévu de travailler à la table et d’écrire ce que nous jouerions ensuite. Nous avons chamboulé notre programme lorsque nous avons appris qu’une journaliste de Nord-Eclair serait là pour faire un papier sur l’atelier. Nous lui avons donné à voir l’état d’avancement de nos improvisations....et, entre deux scènes jouées, elle parlait, posait des questions sur l’atelier, la prison, l’homme qui derrière les barreaux participe à cette exploration marionnettique...

Après la rencontre avec les détenus et la détention, nous l’avons présenté au SPIP et elle a pu échanger avec Michel Magnier Directeur du SPIP, sans langue de bois, il lui a donné quelques éléments de compréhension... Je crois que lorsqu’elle est sortie, elle devait être fatigué, retourné, repères perdus et je me demande ce qu’elle pourra écrire de cette expérience... Son papier devrait paraître jeudi 11 août, édition métropole...

Il faut que j’arrête là, pour aller charger le camion, nous partons à Montigny en Ostrevent, ou deux représentations de Les Aventures de Germain Lenain, doivent être données cet Après-midi...

18/08/2006 Une séance inquiétante à Loos

Hier, après plus de dix jours d’absence, j’ai retrouver la salle d’activités de la Maison d’arrêt de Loos. Je dois avuer, que je n’étias pas mécontent de revenir là et de retrouver tout le monde, à la section A, tant le temps, malgré un travail acharné, commençait à me sembler long.

Dorothée continue d’intervenir avec moi, les matins. Nous arrivons tôt, la porte bleue passée, identitée déclinée, grilles franchies, matériel récupéré dans les locaux du SPIP, nous pouvons franchir les dernières grilles et arriver en détention. Tous les détenus sont là, ainsi que G.... G. nous prévenais lors de notre dernière intervention qu’il se pourrait qu’il soit libéré ; malheureusement pour lui, les vacances d’une personne empêche son dossier d’être étudié et il devra attendre son retour.

Comme d’habitude, nous prenons le temps de nous retrouver, et de manière informelle, nous échangeons avec chacun les dernières nouvelles. La séance démarre par un « point communication » et objectifs. Après un temps passé à lire ensemble l’article paru sur Nord Eclair nous informons le groupe que le 24 août Patrice B. viendra faire une reportage pour le site Nos quartiers d’été de la Région. Nous en profitons pour dire que rencontrant prochainement France 3 qui vient faire un reportage à Lille-Sud, nous essaierons de les sensibiliser à cette action en Maison d’Arrêt. Tout le monde est d’accord. G. me propose que nous prenions un temps dans l’après-midi pour une interwiew qui pourra faire l’objet d’un article dans le prochain « écho de Cellules ». Je lui propose de prendre ce temps l’après-midi même.

Ensuite la réunion aborde les contenus des prochaines séances. Je propose que dorénavant nous consacrions les matinées à des improvisations et les après-midi à l’écriture. Tout le monde accepte cette proposition. En ce qui concerne les contenus, j’explique que dans la suite logique de ce qui a déjà été fait, j’aimerai que chacun travaille à l’élaboration d’un monologue court parlant de la Prison, de l’homme enfermé, exclu, ; la thématique pouvant être déclinée dans un mode poétique, réaliste, de terreur ; à terme je voudrais que le monologue filmé et diffusé puisse participer au débat...

Tous les détenus sont d’accord sur le principe mais voudraient travailler ces monologues à l’écrit plutôt que des les improviser....une écriture poétique qui parlant du dedans sensibilise le dehors et participe ainsi à la réflexion.

En parallèle de ce travail, nous décidons de continuer, dans le cadre d’improvisations dirigées de décortiquer les textes du Théâtre traditionnel de marionnettes, Théâtre de foire et de marché, populaire, outil de satire sociale aux personnages à l’humanité douteuse, Polichinelle de Duranty et consort...

Après ce point, nous démarrons la séance par des exercices dirigés de manipulation. A. et S., N, AM, manipulent de mieux en mieux, se sentent de plus en plus à l’aise.... Dans l’ensemble tous, hormis P. et S., un peu plus "egocenté" avancent assez vite et la matinée passe sans qu’on s’en rende compte ; à 11h15 nous nous quittons....

Retour à 14h. J’ai décidé de leur faire découvrir « Les plaideurs » de Duranty. 2 avocats en manque de travail, prêts à tout pour plaider, créent une affaire... D’abord lecture, ensuite analyse ; ils apprécient le texte qu’ils trouvent d’une actualité surprenante. La discussion qui suit cette lecture est interessante et même parfois surprenante. Je crois qu’ils commencent vraiment à comprendre les possibilités qu’offre ce Théâtre de marionnette là. Il est décidé que cette histoire pourrait être une des base de notre recherche mais, son langage nécéssite à leur goût un "toilettage"... Il se mettent à l’écriture collective.

Pendant que le groupe travaille, je me mets à part avec G. pour répondre à ses questions en vue d’un article pour le prochain « echo des cellules ». N., au bout d’un moment nous rejoint. Il semble soucieux, préoccupé. Il me dit qu’il en a assez... qu’il attend après un aménagement de peine, que sa vie dehors change sans qu’il puisse y faire grand chose, qu’il a le sentiment qu’elle lui échappe... G. essaie de lui dire qu’il doit accepter sa situation, mais N. ne semble pas, vouloir se résigner... ça lui fait mal, il semble retourné ; ses mots sont durs, ses pensées sont sombres. G. et moi-même discutons avec lui, nous avons tous deux peur pour « cet enfant » qui broie du noir ; nous lui proposons de parler, d’aller voir un « Psy », de sortir les mots qui le rongent, de peut-être aussi se faire préscrire un somnifère pour faciliter ses nuits. Au bout d’un moment passé à tenter de lui démontrer qu’une consultation, au pire ne lui fairait pas de bien, mais ne pourrait lui faire de mal. Il se laisse convaincre. J’appelle donc la surveillance pour les prévenir qu’un détenu ne va pas bien, qu’il a besoin d’aide, de l’aide d’un médecin, qu’il faudrait donc, si c’est possible, l’accompagner à une consultation. Mon interlocuteur téléphonique ne semble pas content du dérangement, il me demande quand cette activité marionnette sera terminé parce que vraiment, ça commence à bien faire... Je me sens presque coupable.... Je me demande pourquoi il y a autant d’incompréhension, d’inhumanité presque.... Quelques minutes plus tard, 5 surveillants débarquent, prêts au pire, à une intervention musclée on dirait. La salle est tranquille, tout le monde travaille, le chef me demande ce qui se passe. Je lui explique, essayant de ne pas m’énerver face à son indifférence et à ses mots "sans esprit" que l’état de N. m’inquiète, qu’il serait bon de l’accompagner, chez un Psy... Il me répéte alors que je dois me borner à "faire des marionnettes", remarquer la détresse d’un individu c’est pas mon boulot... Comment fait-il pour ne pas être sensible aux tourments d’un être humain ? Lorsqu’ils s’en vont avec N., j’ai peur tout à coup, ai-je fait le bon choix, ... La façon dont ce surveillant a réagi, me choque ! Je m’inquiète pour N..

Le reste du groupe, même s’il est inquiet, continue de travailler à l’écriture de l’adaptation...

Nous finirons la séance sur la lecture de ce qui a été écrit, c’est de bon augure...

Lorsque nous sortons de la salle, pour la première fois depuis le début des interventions, les détenus ont été tous fouillés... Même si je sais que pour des régles de sécurité évidente les fouilles impromptues sont possible, cette fouille, après ce qui vient de se passer, me met mal à l’aise. A., voyant ma gène me rassure ; il relativise, il a la tranquillité de l’habitude. De mon côté je m’interroge sur la relation entre l’appel et cette fouille ; le pourquoi m’échappe et, comme je le disais sur un de mes premier billet, je ne comprends pas toute cette méfiance, et les réactions négatives que sucite cette activité auprès de certains surveillants. Et tout en écrivant que je ne comprends pas, je sais pourquoi je ne suis pas le bienvenu pour ceux-là (heureusement que tous ne sont pas comme ça) ; certains doivent penser que ma présence, c’est un regard de plus, le regard d’une personne libre se déplaçant dans leur territoire avec un "laisser-passer" ne dépendant pas d’eux (et c’est mieux ainsi ; en effet, la mise en oeuvre d’activités dépendraient de ceux-là, elles n’éxisteraient pas, "ces conneries du SPIP" comme ils les appellent). Territoire et tout ce qui s’y trouve sont normalement sous leur autorité presque absolue. L’intervenant éxtérieur, tel ma pomme, respectant les régles de sécurité, reste quand même libre, parole et pensée et, libre, ils pensent qu’il sape l’autorité du roi en essayant de construire, autour de sa pratique artistique, une confiance partagée par les partenaires institutionnels, l’administration pénitentiaire et les usagers. Et la confiance, pour moi, a plus de valeur que l’or ; c’est dans la confiance que tout se construit, sans elle, rien n’est possible, rien. Quand je bute sur cette méfiance, comme aujourd’hui, je me sens conforté dans mon geste, dans mes actions, je sais, je me souviens que c’est juste d’être là et finalement, plutôt que déstabilisé plein de l’envie de m’éloigner, de prendre mes jambes à mon cou, c’est renforcé et prêt à m’accrocher encore plus que je sors de ces confrontations...

24/08/2006 Fatigue et joie

Fatigue, fatigue, fatigue....
Je crois que ce mot ici,
je l’ai utilisé, usé, à n’en plus finir...
Loin de la fatigue,
je vois,
ce deuxième souffle poindre et,
mon corps en parcelles,
recomposées, après la course se reconstruit.
Qui, le "je", après le temps court ?
Qui, le "tu" derrière l’horloge attend ?
Qui, demain, sera encore ?
De temps en seconde, de minute en sentiment, ce qui ici aujourd’hui existe,
ne laisse passer sans...
Profites alors de la seconde avant que ton coeur cesse...

25/08/2006 Quelques nouvelles...

Il s’est passé tant depuis les derniers mots. Courant d’ici, de là, je veux tenter de l’extraction d’évènement plutôt que l’exhaustif compte-rendu.

Mercredi à Valenciennes, tenant un stand dans le cadre de la fête de clôture de Nos Quartiers d’Eté, nous avons exposé les marionnettes faites à Loos. Les visiteurs étaient impressionés de la qualité de leur travail. Dominique Riquet, maire de Valenciennes et par ailleurs président du FRAC m’a mêmE dit que leur beauté, telle un coup de poing vaudrait une exposition, qu’il faudrait y réfléchir.... Lorsque hier, à Loos, je l’ai répété aux Apprentis-Marionnetistes, ils étaient fiers !!! [...]

Ceux des quartiers extérieurs, sont comme ceux des quartiers intérieurs, tellement touchants....

Hier à Loos, le groupe a franchi un cap, j’en parlerai dans un prochain billet ; ce que j’en peux dire tout de suite que les sept détenus qui restent constituent un groupe soudé et que leur travail grandit de séance en séance. Je vois avec appréhension, la fin de cette action arriver. Comment pourrons nous arrêter là ?

Hier les têtes des marionnettes se sont dotées de corps et de main pour que les orientaux puissent enfin s’exprimer, que les mains, que les corps, que tout construise une nouvelle humanité....

27/08/2006 Reportage pour le Conseil Régional

Tout à l’heure on reprendra la route vers Loffre. Aujourd’hui, il ne devrait pas y avoir de report ou d’annulation de la représentation de "Les Aventures de Germain Lenain" puisqu’elle est prévue dans une salle des Fêtes.

Le ciel bas et lourd...

Envie de vacances, je repense à la dernière séance à la Maison d’Arrêt de Loos. Nous avons donné des vêtements de fortune aux visages. Ainsi, recouvert de nos vestes les visages on endossé des humanités diverses.

En tête de manipulation, A, S. et A qui maitrisant la bouche, découvrent les finesses de la voix. Les personnages paraissent et la distance se creuse (enfin) entre l’éxpérience particulière de l’homme et celle, plus universelle de l’objet. Les mots aidés des vêtements revêtent avec la main les sens que chacun veut bien y mettre.

En fin de matinée cette découverte essentielle nous remplissait tous et nous commencions à imaginer avec une impatiente appréhension le regard des spectateurs sur notre travail.

L’après-midi Patrice était là. Devant réaliser un reportage pour le compte de la région. Face à la médiatisation, après l’article de Nod-Eclair, ce blog dont je leur parle, ils sont tous comme des enfants. Voulant montrer combien leur travail était avancé. Par moment dans la discussion, la tension de la détention revenait, mais, au final plus rarement que ce qu’on pourrait croire.

30/08/2006 Marionnettes et prisonniers, les Mille et une Vies de l’atelier

L’atelier à La Maison d’Arrêt de Loos approche de sa fin prévue alors que le travail commence à devenir de plus en plus intéressant. Il faudra bientôt que j’écrive des bilans et que très vite je propose une suite....

Mardi, après un temps de point nous nous sommes mis au travail. Sur la petite scène de la salle d’activité, j’ai installé une table recouverte d’un tissus noir. Au revoir structure et fenêtre du castelet, bonjour personnage manipulés à vue par 2 manipulateurs (1 la tête et un bras et l’autre les second bras). Je ferais des photographies bientôt pour que vous puissiez voir ce que ces personnages, ces visages colportent d’humanité.

Le matin et l’après-midi, à table, les duos de manipulateurs de succèdent et recherchent la façon de faire exister ces personnages à l’humanité grandissante. Les improvisations abordent souvent la prison, l’injustice mais, avec une distance nouvelle, que je recherche depuis le démarrage....

A la fin de la journée, dans le cadre d’un débat de travail, nous tombons tous d’accord sur la forme définitive que nous donnerons à voir de notre travail ; nous privilégierons notre recherche pour créer une forme audiovisuelle ; nous voudrions imaginer une sorte de journal télévisé en marionnettes. Ce choix nous permettra d’utiliser tout le travail que nous avons fait autour des textes de Gripari et de Duranty en les intégrant comme sujets de l’émission. Pour ce qui concerne une forme vivante de spectacle, nous verrons plus tard si nous donnons une représentation et, si c’est le cas, nous pourrons extraire des morceaux choisis de notre recherche audiovisuelle.

Lorsque mardi je suis parti de la détention, j’étais plein de l’humanité et des rêves que ce travail m’apporte. Oubliant les difficultés que la Compagnie Les Mille et une Vies rencontre, je ressentais une émotion immense de voir ces hommes grandir avec ce projet et dans leur gratitude si souvent exprimée trouve une récompense que je ne pouvais imaginer aussi grande.

31/08/2006 Deux articles, pour une intervention

A chaque fois, lorsque finie mon intervention, il me faudrait écrire deux comptes rendus. A chaque fois, passant la porte bleue de la Maison d’Arrêt de Loos, il y a le sentiment éprouvé au contact des participants à l’exploration marionnettique et de leur travail. A chaque fois passant la porte bleue de la Maison d’Arrêt de Loos, il y a le regard de certains surveillants ; regard qui parfois, comme hier, devient mots désobligeants. A chaque fois il faut que je me contienne. A chaque fois c’est la même incompréhension, la même révulsion pour la bétise.

Hier matin, arrivant en détention, je signale ma présence aux surveillants et demande à l’un d’eux, dans le bureau du rez-de-chaussée s’il peut passer l’appel habituel de démarrage d’atelier ; appel qui donne le signal à tous les surveillants d’étage des sections A et D. Il le fait, je le remercie. Il me demande quand cet atelier est sensé se terminer ; je lui répond que la fin est prévue dans quinze jours ; à ce moment il lève les bras et chante un hymne de joie à la gloire de la fin des marionnettes... Je devrais rire ? je ne ris pas ! Son attitude me surprend tellement que je ne trouve rien à dire à sa danse ridicule et je le regarde, éberlué, sans aucune grâce chanter et danser pendant quelques instants puis reprendre son sérieux. Lorsqu’il a fini, je ne souris pas, je le remercie pour l’appel et son aide en général puis tourne les talons et monte les escaliers vers la salle d’activité.

A chaque fois que je me trouve face à une attitude comme celle là, les mêmes questions reviennent sans réponse trouver. Pour ce surveillant, en particulier, il avait jusque là l’habitude, de chatonner "ainsi font font font, les petites marionnettes" lorsqu’il me croisait pour me signifier l’absence d’intérêt pour cette activité. Aujourd’hui il a encore plus dit, encore mieux et seul le sourd n’entend pas ! Pourtant, du travail que nous faisons en atelier, il n’a rien vu. Pourtant des échanges que nous avons et des contenus que nous abordons, il ne sait rien... Pour lui, certainement, le travail autour de la marionnette en particulier et de l’art en général ne peut qu’être un caprice de précieux et, dans le monde dans lequel il vit, le précieux n’a rien à faire.

Bien sur la réaction de ce surveillant n’est pas majoritaire ; bien sur mes relations avec le personnel de surveillance, en général, sont meilleures que celle là ; bien sur, les relais et le personnel du SPIP, Emmanuelle, Michel, Caro, Pierre, Guillaume, Soizic sont là, entendent mon expérience et m’aident à surmonter ce genre d’incidents...

A chaque fois, il faudrait donc que j’écrive des mots sombres et des mots clairs. Des mots qui donnent à entendre ce qui derrière la porte fermée de la salle d’activités se passe. La construction marionnettique qui est en train de se faire. Les improvisations et les débats qu’elles engendrent ; la forme plutôt audiovisuelle, qui est en train de paraître . A chaque fois il faudrait que j’écrive ensemble "je crois" et "je ne crois pas". A chaque fois il faudrait dans un même mot dire "le mieux" et "le pire".

Hier, je suis sorti de la Maison d’arrêt de Loos, comme souvent, plein de sentiments contradictoires et mes pensées faisaient se rencontrer la nécessité de cette activité et des interventions en général et leurs fragilités. Hier, je suis sorti de la Maison d’arrêt, plein de la serenité du travail qui avance et plein aussi d’une lassitude grandissante face au regard de certains surveillants... et même si tous ne sont pas ainsi, ceux qui le sont, contaminent et rendent plus difficiles mes interventions, alors, j’ai regardé le ciel.

06/09/2006 Les Marionnettes se laissent filmer.

Je pourrais commencer comme Dorothée : Hier à mon grand soulagement... et puis ensuite continuer : je n’ai pas, comme je le cauchemardais, eu de problème pour arriver en détention avec le matériel de prise de vue.

Le surveillant "Ainsi font font font les petites..." continue de pousser sa chansonette, peu importe...

Ils sont maintenant moins nombreux dans la salle. En effet, N a bénéficié d’un aménagement de peine, la semaine dernière, et hier, mardi, c’était le tour de G.

A deux semaine de la fin, à cinq séances de la clôture de cette action à la Maison d’Arrêt de Loos, essayer d’intégrer de nouveaux participants, me semble délicat, et au groupe aussi. Alors, nous finirons en petit groupe, les 5 restants devront assumer...

Hier, S. a bénéficié d’une permission, ils étaient donc seulement cinq.

Nous avons consacré la journée a filmer de courtes séquences, qui serviront de modèles.

Autour de la caméra, tous se bousculent et, après chaque séquence regardent le rendu en s’extasiant ; ils rêvent, ils apprécient la qualité de notre travail...

Encore une fois, loin les barreaux, loin la détention, dans les têtes, sur les visages s’affiche le sourire de la liberté pendant un instant retrouvée.

Nous tournons chaque essai en deux fois. Cinq personnages-marionnettes seront testés et filmés ; dix courts monologues aux mains agiles sur l’attente ; nous filmons aussi l’ombre de leur visage, projetée sur un drap blanc ; ils deviennent acteurs, ils deviennent metteurs en scènes, et regardant leurs vies avec distance, grandissent.

Entre les prises nous avons des discussions, sur mon intervention en prison et le système. Ils me remercient de ma présence et comprennent mes doutes actuels. C’est étrange, ils sont en train de me rassurer, eux enfermés, travaillés au corps par la vie, ils essaient de me soutenir... Cela me touche profondément....

11/09/2006 Les Marionnettes, en prison c’est bientôt Fini.

Voilà, les marionnettes et l’exploration marionnettique à la Maison d’arrêt de Loos se finissent ; la semaine prochaine cela sera du passé... Depuis la semaine dernière, avec tous les "apprentis" , tout au moins les cinq qui restent (plusieurs ont bénéficié d’aménagement de peine) la relation est plus forte ; la fin approche et nous somme tous pleins de cet "et après ?" . Pour eux, certainement, envisagent-ils le retour à l’habitude avec plus d’appréhension encore...

J’ai le sentiment que séance après séance, ils profitent de ce que les marionnettes peuvent dire et aspirent à grosse goulée l’air de liberté que celles-ci leur amènent. Leurs peines auront une fin, ils le savent, je le sais, mais souvent dans la nuit de leurs cellules, le temps s’étire et semble se figer....

C’est quoi une seconde exactement ? C’est quoi un jour ? Un mois ? Un an ?

Alors au cours des séances de réalisations, les personnages, habillent leurs vêtements de liberté, de détention et se parent des mots les plus crus pour qu’un instant, un instant seulement, parlant de la prison, ils ne soient plus en prison....

Jeudi les mots étaient beaux ; nous ne sommes plus dans un théâtre de poupée qui fait rire ; ce sont des masques antiques et ils crient ; la solitude, la peur, les démons qui habitent l’homme sont là....

Tous les mots dits semblent être les derniers, ils se répètent, ils se cherchent, lassent et lassant grandissent.

S. me disait : je parle de moi, mais ce n’est pas moi....

A. me disait : ne pensons pas après, après c’est pas le problème ; le problème maintenant c’est qu’est-ce qu’on leur fait dire à nos poupées ; parce que dans le cadre elles sont belles, cest du cinéma mais, si en plus elle peuvent dire des choses belles, alors, c ’est de l’art....

Alors pendant les séances, on cadre, puis on filme, on fait du rush et pour le spectacle ? Et bien il n’y aura pas de spectacle, cela sera une émission filmée que plus de gens pourrons voir et on prend tout le temps pour ça.

Et le "après" de La Cie Les Mille et une Vies en prison, on verra quand il sera là.... Mon sentiment sur le "et après" n’est pas évident ; un mélange étonnant d’envie, de constat d’impuissance, d’instrumentalisation, un manque de considération sur ces actions de la part d’une partie du personnel de surveillance...

Ecrivant ces mots, sur le "et après ?" je sais que construire une suite sera très difficile, mon regard n’est plus le même et plein de doutes et constats je ne sais pas si je pourrais encore demain construire des projets comme hier je l’ai fait...

22/09/2006 A la MA de Loos c’est fini

C’est fini.... Pendant plus de deux mois, presque trois mois j’ai entretenu des relations privilégiées avec Said, Ahmid, Alex, Salah, Nacer, Patrick, Georges... j’ai croisé de nombreuses autres personnes, humanités enfermées, pendant plus de deux mois, j’ai pensé, vécu, écrit, relaté, j’ai mis mon horloge à l’heure de la prison et la semaine dernière cette horloge s’est détraquée, l’action se terminait, et, les liens privilégiés ne pouvait rien changer à l’enfermement de ces hommes...

De semaine en semaine, j’ai grandi, vieilli au contact de la prison. Mon sourire est différent, ma pensée aussi. Les adultes enfermés que j’ai rencontré en détention, il m’a semblé que c’était les enfants que je croise dans les quartiers et que la société n’a pas réussi à entendre, orienter, accueillir, oui, en prison, j’ai eu le sentiment de (re)trouver les exclus des quartiers dans lesquels nous intervenons dehors, j’ai eu le sentiment de retrouver dedans un certain monde de la pauvreté et de l’exclusion....

Et ça fait mal...

Ces hommes, ces enfants ne méritent pas ça. Les hommes ne méritent pas ça...

Par ailleurs, un traitement inhumain ne change pas ce qui a été fait ou commis. Ce n’est pas en transformant en victime un bourreau qu’on le change ; de plus pour ceux que j’ai rencontré, ni violeurs, ni tueurs, je me demande en quoi la prison participera à leur faire entendre raison ? quelle raison ?

C’est pour cela mon silence ; depuis la fin de l’action mes sentiments s’entrechoquent, mes pensées bouillonnent, et mes mots, mes mots sont blancs....je crois que lentement j’apprends à ne plus croire en l’homme...je ne peux dire plus aujourd’hui, ni de hier, ni de demain pour ce qu’il en reste.

8/10/2006 Le film est fini. Il sera diffusé le 12 octobre.

Voilà, jeudi prochain je reviens à Loos.

En effet, le 12 octobre je présenterai le film que nous avons fait avec les détenus. D’une durée de 20 minutes, ce film me semble réussi. Mais peut-être n’ai je pas la distance necessaire pour bien en apprécier la valeur.

Le montage m’a pris du temps, mais, en même temps, il m’a permis de rester en relation avec ceux, avec lesquels, derrière les barreaux, j’avais entretenu des relations si proches, si humaines et auxquels malgré mon envie, je n’ai pas encore fait de signe.

Ces derniers temps, j’ai eu du mal à entretenir ce blog, je me sentais tellement étrange, un peu vide, un peu cassé.... mes yeux ouverts sur le monde des prisons, n’en revenaient pas de ce qu’ils avaient découverts et, malgré l’envie de dire, je n’ai pas encore réusis à trouver les mots justes... pour exprimer mes sentiments...

Je mettais peut-être prochainement des extraits, en ligne, du film réalisé... qi parle mieux des 9m², de la perte d’identité, de l’infantilisation, des rapports de force, de l’inhumanité...

14/12/2006 Un visage, une pensée de marionnettes


J’imprimais des photographies des marionnettes construites cet été à la Maison d’Arrêt de Loos. Préparant un porte folio pour Dominique Riquet, maire de Valenciennes ; il avait été ému-touché par ce travail et préparant le portefolio, je regardais ce visage. Absorbé par le regard, dans le visage de l’objet, par cette tristesse dans la matière.
Et puis, regardant la photographie, presque plongeant en elle, je pense à A. derrière les barreaux ; l’objet silencieux lui ressemble, je pense à A. et je le vois, encore dans la cellule, son visage c’est ce masque, ce visage.
Cette expérience en prison, comme aucune autre expérience avant celle-là, me hante, me travaille. La prison m’a transformé. Ce visage, ce silence... Et puis dans le regard, la question survient, qu’est-ce qu’il en reste de ce temps, de ce temps là ? Pour eux une fracture pendant l’été, pour moi, une fracture encore aujourd’hui...
Et puis encore, regardant cette photographie, ce visage, je suis à nouveau dans la salle polyvalente de la maison d’arrêt de Loos, cette odeur si particulière, cette sonorité saturée, l’absence d’air, l’étouffement, la chaleur, à cet endroit là, plus insuportable que dans n’importe quel ailleurs ; je retrouve la sueur, je palpe le temps, son étirement, je perçois la liberté qui s’éloigne, fragile, je ressens le regard de la surveillance même lorsque j’échappe au regard de la surveillance ; j’apprends à mesure de mes pas, le temps de la prison et dans un regard, je sens mon absence d’intimité prendre forme, une forme que je ne connaissais pas ; je retrouve cela dans cette photographie, dans ce visage, dans ce masque ; ce n’est plus une marionnette ; c’est une âme à vue ; âme qui se donne, ici, à regarder, à penser, comme l’oeilleton, par la porte de la cellule pénétrant l’intime, rompant la solitude, mais aussi organisant le temps. En la regardant je ne vois que cela. Une souffrance, celle de A., une souffrance qui me ressemble.
Hasard de la vie, volonté, ces derniers jours, ma pomme et le blog Marionnettes en prison(s), on a rejoint le réseau des Freemen (des infos là ou là) et pourtant, je serais en prison ?
Et toi, qu’est-ce que tu vois ?

Source : Cie Les Mille et une Vies