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Didier Tallineau (décédé le 5 décembre 2006)

(2005) Une suspension de peine crée la polémique

Mise en ligne : 6 décembre 2006

Texte de l'article :

Une suspension de peine crée la polémique
Un meurtrier, malade, a bénéficié d’une suspension de peine. La Chancellerie s’insurge et demande une contre-expertise. Le SM et l’OIP protestent.

 Le Syndicat de la magistrature et l’Observatoire International des Prisons, refusent une justice à double vitesse. Les deux organisations soutiennent que le meurtrier Didier Tallineau "a le droit de bénéficier" de la loi sur les suspensions de peine pour raisons médicales "comme tous les détenus". Une suspension que le ministère de la Justice a demandé au parquet de contrôler après avoir été saisie du cas Didier Tallineau dont la peine a été suspendue pour raison médicale alors que selon l’avocat de l’une de ses victimes son état ne le justifiait pas.
"Il s’agit d’une intervention politique au mépris des conditions posées par la loi Kouchner et en réaction à un non événement puisque la situation de Didier Tallineau n’a changé en rien depuis qu’il a obtenu sa suspension de peine", a dénoncé Délou Bouvier, une responsable du Syndicat de la magistrature (SM, gauche).

Danger

Selon cette loi et la jurisprudence de la cour de cassation, "c’est uniquement l’état de santé qui doit être pris en compte et aucune condition ne tenant à la nature des infractions commises ou à l’existence d’un trouble à l’ordre public n’est fixée par la loi", a rappelé la responsable du SM. 

Ces suspensions sont accordées au "compte-gouttes, de façon très réticente par les juges et peuvent faire l’objet de recours", a-t-elle ajouté.
Selon les derniers chiffres du "pôle suspension de peine", auquel le SM appartient aux côtés notamment d’Act up, de la Croix rouge et du Secours Catholique, 156 suspensions de peine ont été accordées sur 380 demandes depuis l’entrée en vigueur de la loi.
La responsable du SM a jugé "très dangereux" que "le garde des Sceaux réagisse en fonction de l’émoi passager d’une des parties au procès et fasse ainsi pression sur les juges".

L’OIP inquiet

De son côté, l’Observatoire International des Prisons (OIP), craint une réduction de l’application de la loi.
Le meurtrier Didier Tallineau "a le droit de bénéficier" de la loi sur les suspensions de peine pour raisons médicales "comme tous les détenus, qu’ils soient de grands ou de petits délinquants", a estimé mardi l’OIP.
"Lorsque le pronostic vital est engagé, les parties civiles à un procès n’ont pas à se prononcer sur une décision de justice prise après deux avis concordants d’expert médicaux comme l’exige la loi", a déclaré François Besse, un responsable de l’association.
Le risque de cette affaire est, selon l’OIP, "qu’elle réduise encore un peu plus l’application d’une loi qui est déjà très restreinte".
L’Association qui défend les droits des détenus cite ainsi le cas d’un malade du sida, incarcéré à Fresnes, qui a vu refuser sa suspension de peine le 24 décembre dernier. Après appel de cette décision, il devait sortir le 9 février et il est mort le 8, selon la même source.

La famille de la première victime "choquée"

La famille de Catherine Charruau, première victime de Didier Tallineau tuée en août 1989 à l’âge de 23 ans, s’est déclarée mardi "profondément choquée et meurtrie" par la libération de son meurtrier.
"Les différents membres de la famille Charruau habitent sur le littoral vendéen où vient précisément de s’établir le meurtrier", explique Me Yves-Noël Genty, du barreau des Sables d’Olonne, dans un communiqué rédigé à la demande de la famille pour exprimer "sa révolte et ses craintes".
"La famille Charruau est abattue et révoltée à l’idée de pouvoir fortuitement le rencontrer en allant acheter sa baguette de pain au commerce du coin", souligne ce communiqué qui évoque "une atteinte intolérable à la dignité des victimes et de leurs proches".
Il avait tué Catherine Charruau, qui était alors sa compagne, en août 1989, et l’avait enterrée dans le jardin de leur ferme à Oulmes (sud de la Vendée). C’est l’enquête sur le meurtre de Carole Le Yondre, commis en juillet 1999 dans le bar de Didier Tallineau, qui a relancé les enquêteurs sur la disparition jamais élucidée de Catherine Charruau. Placé en garde à vue, Didier Tallineau avait finalement reconnu l’avoir tuée, à la suite d’une dispute.

Tallineau "très diminué"

L’avocat de Didier Tallineau a justifié l’état de maladie de son client mardi. Il est "très diminué" et a "de très grosses difficultés à se déplacer sans l’aide d’un tiers", a affirmé Loïc Cabioc’h.
"Il a fait l’objet comme le prévoit la loi de deux expertises médicales, elles ont toutes les deux conclu que le pronostic vital était engagé", a expliqué Me Cabioc’h, joint par téléphone.
"C’est quelqu’un de très diminué qui a de très grosses difficultés à se déplacer sans l’aide d’un tiers, il est dans l’incapacité à se déplacer seul", a assuré l’avocat.
Selon un voisin des parents de Didier Tallineau qui hébergent leur fils dans une maison neuve d’un quartier résidentiel d’Olonne-sur-mer (Vendée), en périphérie des Sables-d’Olonne, Didier Tallineau est "quelqu’un de vraiment malade".
Préférant garder l’anonymat, le voisin, qui ignorait que Didier Tallineau a été condamné pour meurtre, a expliqué que ce dernier "a du mal à marcher, ça se voit vraiment".

Nouvel Obs