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(2005) Isolement carcéral : l’arme des juges ?

Mise en ligne : 10 décembre 2005

Texte de l'article :

DÉTENTION. UN PERMIS DE VISITE QUI N’ARRIVE PAS. UN DÉTENU QUI SE SUICIDE. UNE JUSTICE QUI ESTIME NE RIEN AVOIR À DIRE. 

Isolement carcéral : l’arme des juges ?

Le 30 août dernier, Diego Gimenez, 24 ans, se pendait dans sa cellule de la prison de Montauban... Il était en détention provisoire depuis trois mois dans le cadre d’un dossier « où sa culpabilité était très loin d’être établie », selon son avocat, Me Luc Fiorina. Mais aujourd’hui, ce sont les conditions de détention de Diego Gimenez et sa mise au secret de fait, qui sont dénoncées par l’avocat et la mère du jeune homme.

Le 7 juin dernier, peut après l’incarcération de son client, Luc Fiorina sollicitait du magistrat instructeur un permis de communiquer. Refus... Le 30 juin, Diego Gimenez formulait lui-même une demande dans ce sens au magistrat. Me Fiorina obtenait finalement ce permis le 13 juillet. « Trois semaines avaient déjà été perdues », constate l’avocat qui le 15 juillet, recevait les premiers éléments du dossier qu’il avait également sollicités : « Plus d’un mois s’était donc passé au préjudice des droits de la Défense ».

« JE VAIS CRAQUER »
Avant son départ en congé, Me Fiorina rencontrait Diego Gimenez dans sa cellule de Montauban : « Je vais craquer. je veux voir ma mère », confiait-il à son avocat. Mais sa mère rencontrait elle aussi les pires difficultés pour rencontrer son fils. Une demande égarée par les services de la justice suivie d’une seconde aboutissaient finalement à l’obtention du permis de visite tant attendu. Mais la mère recevait en même temps, le certificat de décès de son fils. Le 22 septembre, Me Fiorina écrivait donc au procureur de la République afin de solliciter, dans l’intérêt de la maman, les renseignements que le décès de son fils méritait. « La mère de Gimenez souhaitait avoir des éclaircissements sur les motifs de ces retards expliquant pour une large part, le décès de son fils » assure l’avocat. Sans réponse du parquet, ce dernier écrivait à nouveau (par courrier recommandé en date du 18 octobre) au Procureur afin de lui assurer que la mère de ce détenu avait au minimum, « besoin d’une preuve de compassion ». La Justice n’a jamais répondu. Pas plus à l’avocat qu’à la famille qui avait enclenché les mêmes démarches. « La mort qui nous préoccupe, estime Me Fiorina, est le corollaire d’un isolement dû aux tergiversations, aux obstructions aux mécanismes de délivrance des permis de communiquer qui sont le gage de l’équilibre psychologique du détenu, notamment lorsqu’il est jeune et intellectuellement démuni... L’isolement ne doit pas devenir l’arme absolue qui arbitrairement suscite des aveux et la fracture psychologique ». Et l’avocat d’espérer « une justice équilibrée et mesurée dans sa façon de gérer les souffrances des détenus et de leurs familles crucifiées par le poids du silence et de l’indifférence »... Une justice humaine tout simplement capable de percevoir, derrière tout détenu, une réalité humaine.

Pierre Mazille.

Source : La dépêche du midi

« Sans commentaire »
Contacté le Procureur, JeanKubiec, précise qu’il ne souhaite pas polémiquer : « Je n’ai donc aucun commentaire à faire ». Ce silence de la justice confinant à l’autisme face à une démarche qui se voulait « avant tout humanitaire » provoque la colère de la mère de Diego Gimenez : « Je suis révoltée. Ils m’ont interdit de voir mon fils pendant 4 mois. Si je l’avais vu, il ne serait pas pendu. On dirait qu’on me cache quelque chose ». Le désarroi fait aujourd’hui place à la suspicion.