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Date : 18-04-2005

(2004) Saisine no 2004-6 pour connaitre les conditions de l’accouchement de Mme P. détenue

Mise en ligne : 19 avril 2005

Dernière modification : 12 avril 2006

Texte de l'article :

Saisine no 2004-6

AVIS ET RECOMMANDATION
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité à la suite des saisines, du 10 février 2004, par M. Robert Bret, sénateur des Bouches-du-Rhône, et M. Julien Dray, député de l’Essonne.

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 10 février 2004, par M. Robert Bret, sénateur des Bouches-du-Rhône, et M. Julien Dray, député de l’Essonne, des conditions dans lesquelles Mme P., détenue à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, a accouché le 31 décembre 2003.
La Commission a demandé au garde des Sceaux de lui transmettre la copie du rapport de l’inspection, ainsi que les circulaires en vigueur quant à la conduite à tenir lors des accouchements de détenues.

- LES FAITS

Sur prescription du docteur R., médecin de l’UCSA, Mme P., détenue à Fleury-Mérogis, fait l’objet d’une extraction le 31 décembre 2003 à 23 heures pour être hospitalisée à Évry, en vue de son accouchement.
L’escorte de cette détenue est confiée à Mme T., surveillante à la maison d’arrêt des femmes, et M. G., surveillant au centre des jeunes détenus.
Après avoir subi la fouille réglementaire, cette détenue est allongée sur un brancard mobile et menottée à l’arrière du véhicule des sapeurs-pompiers.
M. G., surveillant principal, remet à Mme T. l’imprimé d’hospitalisation sur lequel figuraient les mesures de sécurité à mettre en œuvre à l’égard de cette détenue. Il était notamment mentionné : « Surveillance particulière : la détenue conserve en permanence les menottes. »
Arrivée au service des urgences de la maternité, Mme P. dut se déshabiller pour revêtir la tenue spécifique en vue de son accouchement, ceci nécessita le retrait momentané des menottes.
En salle d’accouchement, installée sur la table de travail, elle était menottée ; ses menottes lui furent retirées afin qu’il soit procédé à une anesthésie péridurale.
Par la suite, la surveillante a fixé l’un des bracelets des menottes à une barre longitudinale de la table de travail, l’autre étant maintenu à son poignet gauche. C’est dans ces conditions que Mme P. a accouché à 2 heures 30, le 1er janvier 2004.

- AVIS

L’article D. 294 du Code de procédure pénale dispose que « les détenus sont fouillés minutieusement avant le départ. Ils peuvent être soumis, sous la responsabilité du chef d’escorte, au port des menottes ou, s’il y a lieu, des entraves. »
La circulaire no 117 du 15 juillet 2003 précise l’organisation des escortes pénitentiaires des détenus conduits en milieu hospitalier, Celle-ci indique en particulier : « Il appartient au chef d’établissement, en considérant de la dangerosité du détenu pour autrui ou pour lui-même, des risques d’évasion, et de son état de santé, de définir si le détenu doit ou non faire l’objet de moyens de contrainte et d’en préciser leur nature. »
C’est sur la base de cette circulaire qu’un imprimé utilisable pour l’ensemble des situations médicales a été conçu.
Entendue par l’inspection des services pénitentiaires, la surveillante, chef d’escorte, a indiqué qu’elle avait maintenu le menottage pendant l’accouchement pour exécuter l’ordre écrit, reçu du chef de poste du dispatching qui stipulait : « Surveillance particulière : la détenue conserve en permanence les menottes. »
Elle précise qu’elle avait proposé à Mme P. de lui retirer ses menottes à la condition de pouvoir rester dans la salle d’accouchement, car celle-ci comportait deux issues. La détenue avait refusé cette proposition.
Interrogé sur les motifs qui l’ont conduit à prescrire une surveillance particulière pour cette détenue qui ne présentait pas de signe de dangerosité, M. G., surveillant chef de poste, a indiqué qu’en service de nuit il choisissait systématiquement cette solution. Affecté depuis douze ans à ce poste, le surveillant chef a indiqué que sa manière d’opérer n’a jamais été remise en cause par la hiérarchie, et il précise qu’à sa connaissance, à Fleury-Mérogis, aucune mesure spécifique n’a été préconisée pour les détenues extraites en vue d’un accouchement.
Alerté par ces manquements au respect de la dignité des détenues, le garde des Sceaux a fait compléter la circulaire no 117 du 15 juillet 2003 par des directives spécifiquement applicables à la garde des femmes enceintes dans les hôpitaux (circulaire no 30 du 10 février 2004). Quatre « principes intangibles » sont prescrits :
- la personne détenue ne doit en aucun cas être menottée pendant l’accouchement, c’est-à-dire tant dans la salle de travail que pendant la période elle-même de travail ;
- lorsque la détenue est présente en salle d’accouchement, la surveillance pénitentiaire ne doit pas s’exercer à l’intérieur même de cette salle ;
- l’escorte pénitentiaire devra comporter au moins un personnel féminin.
Le chef d’établissement déterminera la solution la plus appropriée aux circonstances afin de désigner le personnel de surveillance féminin de l’escorte ;
- le cas d’accouchement est médicalement assimilable à une urgence.
Aussi, j’attire votre attention sur le fait que tout retard serait susceptible de mettre en danger l’état de santé de la mère et de l’enfant à naître.

- RECOMMANDATION

La Commission approuve les instructions données et recommande leur application stricte.

Adopté le 2 juillet 2004

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis à M. Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la Justice, dont la réponse a été la suivante :


Lire la note de l’Administration pénitentiaire sur la garde des femmes enceintes dans les hopitaux