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(2004) Les systèmes de libération sous condition dans les Etats membres du Conseil de l’Europe

Mise en ligne : 19 mars 2005

Dernière modification : 29 avril 2007

Cet article s’appuie sur les travaux préparatoires à la recommandation du Conseil de l’Europe, adoptée le 24 septembre 2003 sur la libération conditionnelle (LC). Il met en évidence l’existence de trois modèles de LC au sein des Etats membres : le « système de libération discrétionnaire », majoritaire sur le Continent, le « système de libération d’office », développé en Suède et, entre les deux, le « système mixte » mis en place en Angleterre et Pays de Galles, par exemple. Reposant sur une démarche pragmatique, ce dernier modèle combine des procédures de libération automatique pour les condamnés aux courtes peines, à une démarche personnalisée pour les plus longues peines.

Texte de l'article :

Pierre V. TOURNIER

Les systèmes de libération sous condition dans les Etats membres du Conseil de l’Europe (avril 2004) Entre principe d’égalité et individualisation, le pragmatisme

1. Le 24 septembre 2003, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe adoptait une recommandation sur « la libération conditionnelle » (Conseil de l’Europe, 2003) [1]. Son principe en avait été arrête par le Conseil de coopération pénologique quatre ans plus tôt à la suite de l’élaboration d’une précédente recommandation sur « Le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale » (Conseil de l’Europe, 2000). Comme nous allons le montrer, l’intérêt porté par les instances européennes aux procédures de libérations anticipées découlait tout à fait logiquement du diagnostic élaboré précédemment en matière de démographie carcérale.

2. Dans cette recommandation, « on entend par libération conditionnelle la mise en liberté de détenus condamnés, assortie de conditions individualisées après leur sortie de prison ». Le travail de fond réalisé à cette occasion a permis de mettre en évidence l’existence de systèmes très différents de libération conditionnelle et d’entrevoir comment pourraient évoluer ces mesures d’aménagement, sur le plan européen.

1. Dans un contexte d’inflation carcérale

3. Etudiant le phénomène d’inflation carcérale que la France a connu depuis le milieu des années 1970, nous avions été amenés, au début des années 1980, à proposer une approche de type démographique simple [2] dans laquelle le nombre de détenus à un instant donné, noté P (statistique d’état ou de « stock »), est analysé à partir des flux d’entrées en détention d’une année (noté E) et de la durée moyenne de détention (d, durée exprimée en années). Le modèle démographique de référence est celui de « la population stationnaire » où P se trouve être le produit de E par d (P = E x d) [3]. Cette approche à trois dimensions a permis, sur les données françaises, de montrer qu’à partir des années 1981 et suivantes, on est passé d’une inflation carcérale s’expliquant par un accroissement des entrées en détention, la durée de détention restant stable, à un modèle où la croissance du nombre de détenus s’explique exclusivement par l’augmentation de la durée des détentions, les entrées étant stables, voire en baisse (TOURNIER, 1996).

4. Aussi le débat, toujours recommencé, sur les alternatives à la détention, centré jusqu’alors sur les mesures et sanctions ayant pour intérêt d’éviter l’entrée en détention (contrôle judiciaire pour éviter la détention avant jugement, peine de travail d’intérêt général pour éviter les courtes peines privatives de liberté) devait-il aussi concerner les moyens de réduire la durée de détention. La question pouvait être formulée de la façon suivante : comment réduire les durées de détention tout en luttant plus efficacement contre la récidive ? Ce que Nicolas Frize, responsable de la Ligue des droits de l’homme française a pu résumer par la formule « Moins, mais mieux ». Cela signifie des temps de détention réduits, mais de meilleures prises en charge en détention (meilleures conditions générales, respect des droits de l’homme plus rigoureux, maintien des liens familiaux, développement des activités professionnelles et de la formation, des activités culturelles, des prises en charge médico-sociales quand elles s’avèrent nécessaires, etc.) et aussi de meilleures prises en charge en milieu ouvert (supervision) : mesures pouvant s’accompagner de contrôles plus effectifs, voire plus contraignantes quand cela est nécessaire.

5. Ainsi la question de l’inflation carcérale débouche-t-elle logiquement sur celle de l’aménagement des peines privatives de liberté et, en particulier, sur la mesure phare : la libération conditionnelle. Or son usage n’a cessé de diminuer en France depuis 30 ans (TOURNIER, 1997, COMMISSION FARGE, 2000). Dans notre pays, le sujet a été largement débattu après le retour de la gauche au pouvoir en juin 1997, la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d’innocence et les droits des victimes se trouvant enrichie d’un volet « aménagement des peines » qui améliorait, de façon significative, le respect des droits du condamné, en particulier en matière d’octroi de la libération conditionnelle : élargissement des critères d’octroi, droit à l’assistance d’un avocat, motivation des décisions, possibilité d’appel, etc. [4] 

6. A la même époque, nous avons été amenés à travailler sur la recommandation du Conseil de l’Europe concernant le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale [5]. Ces travaux ont permis de montrer que la situation observée en France que nous venons de décrire rapidement (nouveau modèle d’inflation liée à la croissance des durées de détention, baisse de la libération conditionnelle, etc.) se retrouvait dans une majorité de pays européens.

7. Cette recommandation, adoptée le 30 septembre 1999, proposait de lutter contre ces phénomènes par une approche pluri-factorielle, impliquant l’ensemble du processus pénal : de l’examen de « l’opportunité de décriminaliser certains types d’infractions ou de les requalifier de façon à éviter qu’ils n’appellent des peines privatives de liberté » au développement des mesures permettant de réduire la durée effective de la peine purgée en détention et surtout de la libération conditionnelle (TOURNIER, 2000, 2002).

8. Il nous paraît important de reproduire ici les propositions 22 à 26 par lesquelles la recommandation s’achève : Art. 22. Pour faire des sanctions et des mesures appliquées dans la communauté des alternatives crédibles aux peines d’emprisonnement de courte durée, il convient d’assurer leur mise en œuvre efficiente, notamment : en mettant en place l’infrastructure requise pour l’exécution et le suivi de ces sanctions communautaires, en particulier en vue de rassurer les juges et les procureurs sur leur efficacité ; en mettant au point et en appliquant des techniques fiables de prévision et d’évaluation des risques ainsi que des stratégies de supervision, afin d’identifier le risque de récidive du délinquant et de garantir la protection et la sécurité du public.

9. Art. 23. Il conviendrait de favoriser le développement des mesures permettant de réduire la durée effective de la peine purgée, en préférant les mesures individualisées, telles la libération conditionnelle, aux mesures collectives de gestion du surpeuplement carcéral (grâces collectives, amnisties).

10. Art. 24. La libération conditionnelle devrait être considérée comme une des mesures les plus efficaces et les plus constructives qui, non seulement, réduit la durée de la détention mais contribue aussi de manière non négligeable à la réintégration planifiée du délinquant dans la communauté.

11. Art. 25. Il faudrait, pour promouvoir et étendre le recours à la libération conditionnelle, créer dans la communauté les meilleures conditions de soutien et d’aide au délinquant ainsi que de supervision de celui-ci, en particulier en vue d’amener les instances judiciaires ou administratives compétentes à considérer cette mesure comme une option valable et responsable.

12. Art. 26. Les programmes de traitement efficaces en cours de détention ainsi que de contrôle et de traitement au delà de la libération devraient être conçus et mis en œuvre de façon à faciliter la réinsertion des délinquants, à réduire la récidive, à assurer la sécurité et la protection du public et à inciter les juges et procureurs à considérer les mesures visant à réduire la durée effective de la peine à purger ainsi que les sanctions et mesures appliquées dans la communauté, comme des options constructives et responsables.

2. Confrontation des différents systèmes

13. Cherchant à analyser la réalité du droit positif et des pratiques en matière de libération conditionnelle au sein de l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe, les rédacteurs de la nouvelle recommandation en sont venus à distinguer deux modèles fort différents de LC : le « modèle discrétionnaire » de libération conditionnelle (discretionary release system) et le « modèle de libération d’office » (Mandatory release system) : Il s’agit de deux pôles entre lesquels vont se situer d’autres systèmes que l’on peut regrouper dans une troisième catégorie : les « modèles mixtes ».

2.1 - Le modèle discrétionnaire

14. Le système de libération discrétionnaire est celui qui existe dans la plupart des pays européens qui connaissent le principe de libération conditionnelle. C’est le cas en France où les détenus condamnés « primaires » peuvent bénéficier d’une libération conditionnelle à mi-peine, tandis que les condamnés récidivistes doivent au moins attendre d’avoir effectué les 2/3 de leur peine en détention, avant d’effectuer le reliquat en milieu ouvert sous l’autorité du juge de l’application des peines (JAP) et la supervision d’un conseiller d’insertion et de probation (CIP). Il s’agit là d’une condition nécessaire mais non suffisante. En réalité seule une petite minorité bénéficie d’une telle mesure. Le mot qui définie le mieux ce système est individualisation.

15. Dans les systèmes discrétionnaires, l’individualisation ­ ou personnalisation ­ de la décision va jouer au moins à trois niveaux . Niveau 1. - décision d’octroi de la libération conditionnelle : un détenu condamné à une peine à temps peut très bien sortir sans bénéficier d’une libération conditionnelle (sortie en fin de peine). Niveau 2. - choix de la date de libération conditionnelle, après exécution en détention d’une période minimale (définie en termes absolus et/ou par référence à une proportion de peine). Niveau 3. ­ choix des conditions que l’on va imposer au condamné après sa libération, pendant la période de supervision de le mesure en milieu ouvert.

16. Les pays européens où est appliqué le système discrétionnaire, sont souvent confrontés, depuis un certain nombre d’années, à une baisse de l’octroi de la libération conditionnelle dont les raisons ont été analysées lors de la recommandation du Conseil de l’Europe sur le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale. Ces raisons sont multiples :

a. « L’opinion publique : généralement très mal informée sur les questions de l’exécution des peines, elle considère les mesures de libération anticipée comme une manifestation du laxisme judiciaire.

b. Le contexte socio-économique : les conditions d’octroi de la libération conditionnelle sont souvent inaccessibles à une population qui est de plus en plus marginalisée. A cela s’ajoute la difficulté à trouver, à la sortie, un hébergement à peu près stable et surtout un emploi.

c. La transformation de la structure des populations carcérales selon la nature de l’infraction poursuivie ou sanctionnée ; le nombre grandissant, dans beaucoup de pays, de personnes détenues pour violences sexuelles ou trafics de stupéfiants ne favorise pas la fréquence des libérations anticipées car la décision à prendre peut être lourde de conséquences si on pense en terme de récidive.

d. La concurrence des mesures d’aménagements non individualisées ; certains pays ont recours aux amnisties et/ou aux mesures de grâces collectives, aux réductions de peine dont les conditions d’octroi sont liées exclusivement à la conduite en détention (critère positif), voire à l’absence d’incident grave en détention (critère négatif) ; l’octroi devient alors presque systématique et la mesure perd de ce fait tout caractère individualisé. Ces procédures de pure gestion de la pénurie de places et de la discipline en détention sont fort éloignées de l’esprit même de la libération conditionnelle. »

17. L’argument donné en (a) dans la recommandation de 1999 mériterait sans doute d’être fortement relativisé. Dans le rapport accompagnant la recommandation sur la LC de 2003, les auteurs notent qu’une seule enquête d’opinion sur le sujet leur a été signalée par les Etats membres consultés à l’occasion du travail préparatoire (TUBEX, Coll. TOURNIER, 2003). Cette enquête a été réalisée en France par une association d’étudiants qui enseignent en prison à titre bénévole (GENEPI, 1998). Cette absence d’enquête d’opinion, au niveau européen, laisse perplexe quand on sait que les décisions politiques en matière de LC sont souvent motivées par une connaissance présupposée de l’opinion publique, ce qui est clairement démontré dans l’exemple belge ( SNACKEN, TUBEX,1999).

18. En revanche, l’argument (d) sur la concurrence des mesures d’aménagements non individualisées est particulièrement prégnante dans l’analyse de la situation française : tout concourt, sur près de vingt-cinq ans, à un recul des pratiques d’individualisation au profit de mesures de masse : raréfaction des mesures de libération conditionnelle, réduction en 1986, des possibilités légales d’individualisation en matière de réduction de peine, introduction et développement des périodes de sûreté, et, dans l’autre sens, octroi presque systématique des réductions de peine pour bonne conduite (et cela dès l’année 1973), recours annuel systématique, par le Président de la République ­ qu’il soit de gauche ou de droite, aux grâces collectives depuis 1991 à l’occasion de la fête nationale.

2.2 Le modèle de libération d’office

19. Le système de libération d’office (ou à période fixe) existe en Suède depuis 1998 (appliqué à compter du 1er janvier 1999). Notre collègue, Norman Bishop, le décrit de la façon suivante : « les détenus qui subissent une peine à temps doivent faire l’objet d’une libération conditionnelle après avoir purgé les deux tiers de leur peine - avec un minimum d’un mois de détention. La libération conditionnelle peut être retardée d’un nombre fixe de jours à titre de sanction disciplinaire. La libération conditionnelle ne peut pas être appliquée dans le cadre d’une peine d’emprisonnement de courte durée, combinée avec une mesure de probation ou dans le cas d’une peine à perpétuité. Cette peine à vie peut être commuée en peine à temps par une mesure de grâce. La règle de la libération aux deux tiers de la peine peut alors s’appliquer. »

20. Dans le système de libération d’office, l’individualisation ne porte que sur le niveau 3. (choix des conditions après la libération). Ses partisans insistent sur la difficulté à définir des critères scientifiques permettant de déterminer le moment où un détenu peut bénéficier d’une libération conditionnelle. Pour éviter l’arbitraire et la très grande diversité des décisions en fonction des attitudes de ceux qui les prennent, mieux vaut mettre tout le monde à la même enseigne. Toute l’attention doit alors porter sur la personnalisation de la supervision (mesures de contrôle et d’assistance), aux conditions qui devront être respectées par le détenu après sa sortie de prison. Ces conditions doivent être strictement nécessaires. Dans certains cas, elles peuvent même être jugées tout à fait inutiles. La libération se fera alors sans aucune forme de supervision. Malgré la différence de traitement au niveau des conditions de contrôle en milieu ouvert, le système de libération d’office se veut, avant tout, égalitaire.

21. Au cours d’échanges récents avec Norman Bishop, nous avons appris que ce système était loin de faire l’unanimité, en Suède, et pourrait être remis en cause par le législateur, sous la pression... de l’opinion publique qui le trouverait trop favorable aux condamnés (voir supra).

2.3. - Le système mixte de libération conditionnelle

22. A coté de ces deux systèmes fondés sur des choix radicalement différents se développent depuis quelques années des systèmes mixtes qui vont combiner système discrétionnaire, pour les longues peines, et système de libération d’office pour les courtes peines. Ils peuvent être présentés comme essentiellement pragmatiques. En effet, pour les courtes peines, l’existence ou non d’une libération anticipée n’a guère d’influence pratique, la libération étant avancée de quelques jours, voire de quelques semaines. Pourquoi alors dépenser, dans des procédures individuelles, lourdes et nombreuses, des ressources qui peuvent être mieux utilisées, et ce pour une procédure a priori inégalitaire ? La procédure de sélection se trouve ainsi réservée aux cas les moins nombreux (les longues peines) pour lesquels la décision est lourde de conséquence pour le détenu et pour la société en cas de récidive.

23. Il en est ainsi du système de l’Angleterre et Pays de Galles (TUBEX, Coll. TOURNIER, 2003) : une révision générale du système a été introduite en 1991, prévoyant une libération d’office pour les peines de moins de quatre ans, avec possibilité de supervision, le système discrétionnaire étant maintenu pour les peines de quatre ans et plus.

24. Plus précisément, les détenus condamnés, à compter du 1er octobre 1992, à une peine inférieure à un an sont automatiquement libérés à mi-peine. Ils ne font pas l’objet d’un suivi après leur libération, mais peuvent être réincarcérés en application de l’article 40 de la Loi de 1991 au cas où ils seraient condamnés, avant l’expiration complète de la peine, pour une nouvelle infraction passible d’une peine privative de liberté.

25. Les détenus purgeant une peine comprise entre un et quatre ans sont automatiquement libérés à mi-peine et soumis, jusqu’aux trois quarts de son exécution à un régime de suivi et d’autorisation assortie de conditions, sauf assignation à domicile avec heures de rentrée obligatoires. Les articles 38 ou 39 de la Loi de 1991 prévoient une éventuelle réincarcération en cas de non-respect des clauses du suivi. Comme dans le cas précédent, les condamnés peuvent également être remis en détention en application de l’article 40 de la Loi de 1991.

26. Enfin, les détenus condamnés depuis le 1er octobre 1992 purgeant une peine égale ou supérieure à quatre ans sont soumis au régime suivant de la LC : aux termes de l’article 35 de la Loi de 1991, ils peuvent prétendre à une LC à mi-peine. Cette possibilité existe jusqu’aux deux tiers de l’exécution de la sanction et est étudiée dans le cadre des examens annuels des dossiers par le Parole Board. Les détenus qui ne sollicitent pas leur LC ou se la voient refuser bénéficient d’un élargissement automatique une fois purgés les deux tiers de la peine (article 33, par. 2, de la Loi de 1991).

3. La libération conditionnelle a-t-elle un avenir en Europe ?

27. Dans la recommandation, le Comité des Ministres, « reconnaissant que la LC est une des mesures les plus efficaces et les plus constructives pour prévenir la récidive et favoriser la réinsertion sociale des détenus dans la société lors d’un processus programmé, assisté et contrôlé » invite les gouvernements des Etats membres à « introduire la mesure de libération conditionnelle dans leur législation si celle-ci ne la prévoit pas encore ». Mais il se garde bien d’affirmer la supériorité de tel système sur tel autre, même si chacun des membres du groupe de rédaction avait ses préférences. Le texte se contente de montrer les avantages et les inconvénients de chacun d’entre eux.

28. Pour les systèmes discrétionnaires, l’exposé des motifs accompagnant la recommandation identifie les faiblesses potentielles suivantes : - il n’existe pas de critères explicites pour l’octroi de la libération conditionnelle, ce qui rend erratique le processus de décision ;

- on constate des disparités entre les décisions lorsque plusieurs instances sont appelées à statuer sur la libération conditionnelle (ce qui est naturellement le cas en France).

- les évaluations de la probabilité d’une récidive effectuées sans l’aide d’instruments scientifiques spécialisés manquent de fiabilité ;

- l’incertitude quant à la date de libération fait qu’il est difficile de prendre des dispositions pratiques en prévision de celle-ci ;

- les facteurs indiqués supra risquent d’ébranler la confiance dans le système, ainsi que la motivation des détenus à se montrer coopérants dans le respect des conditions et exigences de la prise en charge.

29. Quant aux systèmes de libération d’office, ils risquent de présenter les faiblesses suivantes : - le fait de connaître avec certitude la date de la libération conditionnelle risque de réduire la motivation des détenus à prendre part aux cours et programmes conçus pour leur permettre de ne pas récidiver et, notamment, de ne plus user de stupéfiants ou commettre de nouvelles infractions une fois libérés ;

- le fait de connaître avec certitude la date de leur libération pourrait amener les détenus à se comporter plus mal pendant leur détention ;

- l’impossibilité de différer la libération conditionnelle entraînerait une nette augmentation de la délinquance de la part des individus ayant bénéficié de cette mesure ;

- la libération automatique amène les autorités judiciaires à imposer des peines de prison plus longues.

30. Ces assertions ne sont, pour la plupart, que des hypothèses et certaines seraient fort difficiles à prouver, de façon empirique. Aussi la recommandation insiste-t-elle, à juste raison, sur la nécessité de développer les recherches en la matière, sur les différents systèmes, et surtout de les faire connaître aux responsables politiques comme aux acteurs de la Justice pénale et à l’ensemble des citoyens des pays concernés. L’une des difficultés de ces études, menés dans une perspective comparative, ne doit pas être sous-estimée : on ne peut pas étudier la libération conditionnelle, ses modalités d’octroi et son efficacité, de façon isolée, c’est-à-dire sans prendre en compte l’ensemble des procédures d’aménagement des peines [6].

31. Cette recommandation de septembre 2003 aura peut-être pour heureuse conséquence d’œuvrer à la convergence des évolutions de chaque système national vers une solution qui emprunterait à chacun d’eux, ce qu’il a de meilleur ; et ce pour que l’application des peines se fasse dans un respect plus convaincant des droits de l’homme.

Paris, le 16 janvier 2004

Références bibliographiques

Source
Pierre V. Tournier . « Les systèmes de libération sous condition dans les Etats membres du Conseil de l’Europe (avril 2004) ». champpenal, Vol I (2004)
http://champpenal.revues.org/document37.html

English
Abstract
This article is based on the preparatory work for the recommendation of the Council of Europe on conditional release (parole), adopted by the Committee of Ministers on 24 September 2003. It displays three models of conditional release (parole) in member states : “discretionary release system”, - the most frequently in the Continent -, “Mandatory release system” developed in Sweden, and, between this two alternatives, the “mixed system” initiated in England and Walls, for example. Founded on a pragmatic approach, this third model combines automatic proceedings of early release for prisoners serving a short sentence and individual proceedings for the long sentences.

Notes:

[1Notes 1 La recommandation fut élaborée par les sept membres du Conseil de coopération pénologique aidé dans cette tâche par trois experts scientifiques Norman Bishop (Suède), Pierre V. Tournier (France) et Hilde Tubex (Belgique)

[2Ces travaux ont été menés avec Marie Danièle Barré, CNRS-CESDIP

[3Nombre d’entrées en détention constant d’une année sur l’autre, calendrier des libérations identique pour toutes les cohortes d’entrées. Evidemment, l’évolution de la population carcérale est bien éloignée d’un tel modèle

[4Au moment où nous écrivons, nous ne savons pas ce que deviendra le projet de loi, en discussion au Sénat portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité qui pourrait transformer considérablement le droit de l`application des peines en France.

[5En particulier avec André Kuhn (Suisse) et Roy Walmsley (Royaume-Uni)

[6Dans le cas de la France, par exemple : permissions de sortir, réductions de peine, grâces individuelles collectives, amnisties, semi-liberté, placement à l’extérieur, placement sous surveillance électronique (PSE)