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Date : 30-10-2004

2004 12 Une obligation morale et légale d’agir

Mise en ligne : 29 décembre 2004

Texte de l'article :

English
Romana

Le devoir de l’État en matière de santé
L’incarcération implique la perte du droit à la liberté. Cependant, les détenus conservent tous leurs droits et privilèges « sauf ceux qui sont limités ou retranchés du fait de leur peine ». En particulier, les détenus, comme toute autre personne, ont « droit au plus haut niveau atteignable de santé physique et mentale » : le devoir de l’État en matière de santé ne s’arrête pas à la porte des prisons. Les recommandations sur le VIH/sida et l’usage de drogue en prison soulignent toutes l’importance de la prévention et suggèrent toutes que des condoms, de l’eau de Javel, du matériel d’injection stérile et des traitements d’entretien à la méthadone soient à la disposition des détenus. Elles soulignent aussi la nécessité de fournir aux détenus des soins, des traitements et du soutien équivalents à ceux offerts dans la communauté. En vertu des Directives de l’OMS sur l’infection à VIH et le sida dans les prisons (1993), « [t]ous les détenus ont le droit de recevoir, y compris à titre préventif, des soins équivalant à ceux qui sont mis à la disposition de la communauté sans discrimination aucune ». L’OMS affirme que les autorités ont la responsabilité d’implanter des politiques et des pratiques pour un environnement plus sûr et qui diminueront le risque de transmission du VIH entre les détenus et le personnel. Ceci concorde avec la Mission du Service correctionnel du Canada, d’après laquelle la provision d’un « environnement sûr, sécuritaire et propre qui contribue à la santé et au bien-être » constitue un « objectif stratégique ».

Action en justice par des détenus
Le recours au droit peut servir à contraindre les systèmes carcéraux de mettre en œuvre des mesures préventives ou à faire reconnaître leur responsabilité pour ne l’avoir pas fait et pour la transmission conséquente du VIH dans les prisons. Des détenus ont intenté des actions en justice afin d’obtenir l’accès à des condoms et à des traitements à la méthadone. Cette approche a catalysé l’avènement de changements prônés depuis longtemps. Les tribunaux n’ont pas eu besoin de se prononcer sur le contenu des causes en question : les gouvernements et les autorités carcérales, au moins en partie à cause des poursuites intentées, ont toujours réagi en fournissant les condoms et la méthadone avant que les cours ne leur ordonnent de le faire.

Par ailleurs, dans au moins deux cas, des détenus australiens ont intenté des actions en justice pour toucher des compensations en dommages pour le fait qu’ils aient contracté le VIH en prison. Le premier était un détenu dont la séroconversion a eu lieu pendant qu’il était dans un établissement à sécurité maximum du Queensland (Australie) et qui a intenté une action en dommages pour négligence contre la Corrective Services Commission. L’autre détenu a livré son témoignage de son lit d’hôpital, affirmant qu’il avait contracté le VIH pendant qu’il était sous le contrôle et la garde des autorités carcérales de l’État de la Nouvelle-Galles du Sud. Il avait intenté une poursuite pour négligence contre les autorités pour ne pas lui avoir fourni de condoms et de seringues pendant son incarcération. Il est cependant décédé peu de temps après le début des audiences préliminaires et n’a laissé ni succession, ni dépendants - ce qui a clos l’affaire.

Au Canada, un détenu soutient avoir contracté le VIH en prison en raison de négligence de la part du système correctionnel, et qu’après avoir contracté le VIH il n’a pas eu accès aux soins appropriés. Il poursuit en justice le Service correctionnel du Canada pour obtenir des dommages-intérêts.

Ces affaires judiciaires revêtent de l’importance, mais il serait regrettable que les détenus doivent continuer de s’adresser aux tribunaux pour revendiquer et faire reconnaître leur droit d’avoir accès à des moyens de prévention. Sans contredit, pour fournir les moyens préventifs, il serait préférable que les systèmes correctionnels agissent rapidement, au lieu d’attendre des décisions judiciaires.

Pourquoi faut-il s’en occuper ?
Les détenus font partie de nos communautés. Tôt ou tard, la plupart y retournent. Certains vont et viennent entre la communauté et la prison. Les personnes incarcérées ont droit au même niveau de soins et de protection que tout le monde - leur punition consiste à passer du temps en prison, non pas à contracter des infections :

...les détenus sont condamnés à l’emprisonnement pour leurs crimes ; ils ne devraient pas être condamnés au VIH/sida. Il ne fait aucun doute que les gouvernements ont une responsabilité morale et légale de prévenir la propagation du VIH parmi les détenus et les employés, et de prendre soin de ceux qui vivent avec le VIH/sida. Ils ont aussi une responsabilité de prévenir la propagation du VIH dans les communautés. Les détenus font partie de la communauté ; ils en viennent et y retournent. Protéger les détenus, c’est protéger nos communautés. (Commission des Nations Unies sur les droits de la personne, 1996)

La mise en œuvre de mesures préventives, en prison, et la fourniture aux détenus de soins médicaux équivalents à ceux du reste de la communauté sont dans l’intérêt de toutes les parties concernées. Des mesures adéquates pour prévenir la propagation du VIH et d’autres infections en prison profiteront aux détenus mais aussi au personnel carcéral et au grand public. Les détenus seront protégés contre l’exposition à des maladies possiblement mortelles qui ne devraient pas faire partie de leur peine. Le personnel sera protégé parce que la diminution de la prévalence d’infections dans les prisons diminuerait du même coup le risque d’exposition à ces infections dans leur travail. Le grand public en tirera aussi profit puisque la plupart des détenus réintègrent la communauté. Pour protéger la population générale, les mesures de prévention doivent être accessibles en prison comme à l’extérieur.

Lectures complémentaires

Analyse des responsabilités légales des systèmes de prisons - G. Betteridge, R. Jürgens, Prisoners, HIV/AIDS, and Human Rights, Montréal, Réseau juridique canadien VIH/sida, 2004. Accessible via www.aidslaw.ca/Maincontent/issues/prisons.htm

D. Kloeze, « Poursuite d’un détenu contre le SCC », dans R. Jürgens (éd.), « Le VIH/sida en prison : nouveaux développements », Revue canadienne VIH/sida et droit, 2002, 6(3) : 14-16. www.aidslaw.ca/francais/Contenu/docautres/bulletincanadien/Vol6no32002/prison.htm

Service correctionnel du Canada, La mission du Service correctionnel du Canada, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1997. (www.csc-scc.gc.ca/text/pblct/mission/index_f.shtml)

Déclaration à l’effet que le traitement des détenus dans plusieurs pays constitue une violation de leurs droits humains - Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida, Commission des Nations Unies sur les droits de l’homme (52è session, item 8 à l’ordre du jour), HIV/AIDS in Prisons - Statement by UNAIDS, Genève, avril 1996. (Accessible via www.unaids.org)

Un rapport qui devrait inciter les gouvernements à dépasser le stade des approches fragmentées et réactives, devant la crise de santé publique qui sévit dans les prisons - Honorable H. Krever, Commission d’enquête sur l’approvisionnement en sang au Canada : rapport final, 3 volumes, Ottawa, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 1997.

Neuf leçons à retenir de la commission Krever - J. Skirrow, « Leçons de la Commission Krever - un point de vue personnel », Bulletin canadien VIH/sida et droit, 1999, 4(2-3) : 39-47. www.aidslaw.ca/francais/Contenu/docautres/bulletincanadien/printemps99/f-krever.htm

Troisième version révisée et mise à jour, 2004. On peut télécharger ce feuillet à partir du site Web du Réseau juridique <http://www.aidslaw.ca/francais/Contenu/themes/prisons.htm> ou le commander auprès du Centre canadien d’information sur le VIH/sida (courriel : aidssida@cpha.ca). Il est permis de faire et de distribuer (mais non de vendre) des copies de ce feuillet, en indiquant que l’information provient du Réseau juridique canadien VIH/sida. Pour information, veuillez contacter le Réseau juridique (tél. : (514) 397-6828, téléc. : (514) 397-8570, courriel : info@aidslaw.ca). This info sheet is also available in English.

Financé par Santé Canada dans le cadre de la Stratégie canadienne sur le VIH/sida. Les constats, interprétations et points de vue exprimés dans cette publication sont ceux de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement les positions ou politiques officielles de Santé Canada.

Site source Réseau juridique canadien VIH/sida, 2004