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(2003-02-26) CEDH, France, Affaire Hakkar

Mise en ligne : 20 octobre 2003

Dernière modification : 19 juin 2005

Texte de l'article :

Abdelhamid Hakkar

26 février 2003 : Condamné à perpétuité
20 février 2003 : Accablé par les témoins
19 février 2003 : Procès Hakkar devant la cour d’assises de Nanterre
Novembre 2002 : Tribunal de Troyes : Abdelhamid Hakkar assigne Perben en référé

Abdelhamid Hakkar a assigné en référé le ministre de la Justice, Dominique Perben, en tant que représentant de l’Etat, pour demander sa libération, a-t-on appris, hier, auprès d’un de ses avocats, Me Mourad Benkoussa. L’audience est prévue ce mercredi matin (6 novembre 2002) au tribunal de grande instance de Troyes.
« Il s’agit de faire constater que M. Hakkar a déjà exécuté la peine qu’il purge actuellement. Il a été condamné en vertu du nouveau code pénal qui n’était pas en vigueur lors de ses évasions. La justice doit donc appliquer l’ancien code pénal selon lequel il devrait être libéré », a indiqué Me Benkoussa.

Abdelhamid Hakkar, 46 ans, qui a vécu à Besançon où se trouve encore sa famille, est détenu depuis 1984. Il a été condamné, le 8 décembre 1989, à la réclusion à perpétuité assortie d’une mesure de sûreté de 18 ans par la cour d’assises de l’Yonne pour le meurtre du policier auxerrois, Claude Schaffer, le 30 août 1984 ; meurtre qu’il a toujours nié.

En 1997, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) avait jugé ce procès inéquitable, car l’accusé, qui avait récusé ses avocats, s’était également retiré de la salle d’audience. Elle avait condamné la France en l’enjoignant d’octroyer au détenu un nouveau procès, prévu en janvier prochain (2003) devant la cour d’assises des Hauts-de-Seine à Nanterre.
Dégagé de sa condamnation à la perpétuité dans l’attente d’un nouveau procès, il purge actuellement à la prison de Clairvaux (Aube) une condamnation pour tentative d’évasion. En mars dernier (2002), la cour d’appel de Paris avait rejeté une précédente demande de libération.
L’Yonne Républicaine, 06.11.02 à 06h01

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(19 février 2003)Vingt ans après les faits, Hakkar entame son vrai procès
Il a été imposé par la Cour européenne des droits de l’homme.

« Que faisiez-vous le 30 août 1984 ? » Depuis hier, la cour d’assises de Nanterre cuisine Abdelhamid Hakkar, 48 ans, sur son emploi du temps de cette journée-là. Sur des faits vieux de près de vingt ans. Ce procès est une première judiciaire en France, et une étrange victoire pour celui qui occupe le box des accusés : au terme d’un combat procédural obstiné, passant par une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), il a obtenu d’être rejugé par une deuxième cour d’assises. En 1989, celle de l’Yonne l’avait condamné à une peine de réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une période de sûreté de dix-huit ans, pour avoir tué un policier et en avoir très grièvement blessé un autre.

Commis d’office.
Svelte dans son costume gris et col roulé noir, Abdelhamid Hakkar revient sur cette condamnation, à la demande de la présidente. « L’avocat que j’avais régulièrement choisi et désigné ne pouvait être présent à l’audience. Nous avions donc demandé un renvoi de l’affaire, mais le président a refusé. » Deux avocats furent alors commis d’office et réclamèrent aussitôt un report du procès. Nouveau refus du président. Abdelhamid Hakkar avait alors quitté la salle et ordonné à ses avocats commis d’office de rester muets. C’est sur cette base que la CEDH a considéré, en 1995, que les droits de la défense avaient été violés et que le condamné devait être libéré en attendant une révision de son procès.

La France a mis du temps à s’exécuter, malgré les interventions réitérées du Parlement européen. Doctement, Abdelhamid Hakkar disserte alors sur le choix de la garde des Sceaux Elisabeth Guigou d’opter pour la création d’une commission de réexamen des décisions pénales, en juin 2000, lors du vote de la loi sur la présomption d’innocence. Quoi qu’il en soit, le 30 novembre 2000, cette commission se prononçait pour une suspension de sa peine à perpétuité, et pour un réexamen de son affaire par la cour d’assises des Hauts-de-Seine. C’est ainsi qu’Abdelhamid Hakkar inaugure le nouveau dispositif.

Altercation.
As de la procédure, il patauge dans le flou quand on aborde les faits. Ce 30 août 1984, il roule avec Gilles Blanchard dans une camionnette volée, vers Auxerre, où ils arrivent vers 20 heures. « On voulait faire une bijouterie, mais vu l’heure tardive, d’un commun accord, on a décidé de reporter au lendemain », explique-t-il. Il est question de brasserie, de rendez-vous avec un fournisseur de « bons tuyaux » sur des « affaires » à effectuer dans le secteur, un mystérieux « Jeff ». Puis survient l’altercation avec un passant. Michel Groult se promène dans une rue piétonne avec sa grand-mère et ne supporte pas de s’y faire bousculer par deux hommes à moto : Hakkar et Blanchard. Le ton monte, Michel Groult se prend un coup, « une gifle », selon Hakkar.

Après avoir appelé la police, il se lance à la recherche des deux motards et les retrouve à la terrasse d’un café. Deux policiers ­ Alain Gounel et Claude Schaffer ­ le rejoignent pour une course-poursuite tragique. Dans une impasse, Gilles Blanchard parvient à s’échapper en escaladant un mur. Hakkar se retrouve face au gardien de la paix Alain Gounel. « Il braque son arme sur ma poitrine et me demande de ne pas faire le con, dit l’accusé. Au moment où j’obtempère, un coup de feu part et le policier se retrouve projeté à un mètre. » Alain Gounel s’en sortira avec un rein et un morceau de foie en moins. Claude Schaffer, qui prend le relais, sera tué d’une balle en plein coeur à quelques rues de là.

Accablant.
Abdelhamid Hakkar met tout sur le compte du troisième homme, « Jeff ». Certes, le 357 magnum est le sien, mais il le lui avait passé parce qu’il voulait le lui vendre. Et puis non, c’était pour franchir plus aisément le mur à la suite de Blanchard. C’est à travers son blouson qu’a été tiré le coup de feu meurtrier. Mais il ne l’avait plus sur le dos, il l’avait échangé avec « Jeff ». Pourquoi ? « Je ne sais pas, il me l’avait demandé pour brouiller les pistes. »

Psychologues et psychiatres viennent lire des expertises vieilles de seize ou dix-sept ans qui accablent l’accusé : instable, manipulateur, imbu de lui-même, paranoïaque qui se place toujours en position de victime d’injustice... Aîné d’une famille de 12 enfants, il a vécu dans les bidonvilles de Nanterre et tenté plus tard de trouver les ferments de sa révolte. Mais il y a des faits, des aveux en garde à vue. Et des témoins qui vont défiler tels des revenants à partir d’aujourd’hui.
Libération, Par Jacqueline COIGNARD, jeudi 20 février 2003, p. 16
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(20 février 2003) Hakkar accablé par des témoins

Le temps ne fait rien à l’affaire. Dix-huit ans après les faits, la mémoire des témoins ne connaît pas de défaillance. Pour tenter de se disculper du meurtre du policier pour lequel il comparaît, Abdelhamid Hakkar évoque pourtant une fois encore l’existence d’un troisième complice, dénommé Jeff, qui serait, selon lui, l’auteur des coups de feu. Cet argument, souligne jeudi le procureur, n’est apparu qu’après après huit mois de silence et des aveux niés par la suite. Hakkar ne désarme pas et fait une "révélation" : Jeff était avec lui dans le camion quand il a pris la fuite. Tout le monde est surpris. "De qui vous moquez-vous ?," demande le procureur.

Certains témoins sont catégoriques : "Je me rappellerai toujours de ses yeux noirs," dit une infirmière. Claude Brouillard, qui buvait un verre à une terrasse, l’a vu passer, "avec quelques chose d’enveloppé autour de la main". "Si vous vous en souvenez, dites-le, si vous ne vous en souvenez pas, ça ne fait rien", dit la présidente à ceux qui ont assisté aux courses-poursuites ponctuées de coups de feu dans le centre-ville d’Auxerre.

Certitude

Au deuxième jour des débats, la dizaine de témoins qui ont défilé jeudi ne sont quasiment sûrs que d’une chose : "C’est Hakkar qui a tiré". Pourtant les coups de feu eux-mêmes n’ont eu que deux témoins, le policier blessé notamment, dont le témoignage est très attendu.

Le nom et le visage de celui qui s’était rendu le lendemain après avoir été encerclé par la police étaient dans tous les journaux, rappellent les avocats. Cette affaire avait fait grand bruit à l’époque, c’était le douzième policier tué en fonction depuis le début de l’année 1984. Le ministre de l’Intérieur Pierre Joxe avait assisté à la cérémonie funèbre.
tf1.fr, news, mus en ligne le 20 février 2003
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Abdelhamid Hakkar condamné à la perpétuité à l’issue d’un nouveau procès

Abdelhamid Hakkar a été condamné mercredi 26 février (2003) à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une peine de sûreté de dix-huit ans pour plusieurs crimes dont le meurtre d’un policier en 1984 à Auxerre.

Cette peine est la même que celle qui avait été prononcée en 1989 par la cour d’assises de l’Yonne. Elle avait été annulée à la suite d’une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui avait notamment jugé le procès, mené en France, "inéquitable".

M. Hakkar, livide, a accueilli l’annonce de sa condamnation en silence avant de se retirer. Les quelques membres de sa famille étaient entourés de nombreux policiers pour éviter tout incident. Après le verdict, ses avocats ont déclaré leur intention de faire appel de cette condamnation. .

Lors de son premier procès, Abdelhamid Hakkar, un Algérien de 52 ans, avait refusé d’assister à l’audience et avait interdit à ses avocats, commis d’office, de le défendre. L’instruction, émaillée de nombreux incidents, avait duré cinq ans, ce qui avait valu à la France d’être également condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme.

Après une semaine d’un nouveau procès devant la cour d’assises des Hauts-de-Seine, l’avocat général Hervé Guarrigues a repris point par point l’accusation de 1989, accusant Abdelhamid Hakkar d’avoir tué le sous-brigadier Schaffer, alors qu’il était poursuivi par la police dans le quartier piétonnier d’Auxerre. Reprochant à Abdelhamid Hakkar d’utiliser les droits de l’homme "pour les tourner à son avantage", il l’a qualifié de "petit voyou de province" dont l’histoire est "mal ficelée" et a requis la perpétuité.

Pour le défendre, les avocats Philippe Sarda et Thierry Lévy n’ont pas plaidé l’innocence mais répété que les débats n’avaient pas non plus prouvé la culpabilité. Contradictoires parfois et souvent confuses, les explications d’Abdelhamid Hakkar mettant en cause un certain "Jeff", un complice qui aurait tiré sur l’agent de police, n’ont pas convaincu. "Jeff, c’est la chimère d’Hakkar", a dit Me Lévy. En début d’après-midi, Me Sarda a tenté d’expliquer qu’après ses trois tentatives d’évasion, Abdelhamid Hakkar n’était de toute façon pas libérable avant fin 2011 et que même s’il n’était condamné "qu’à" une peine temporelle, il devrait accomplir, avant de la purger, quatorze années et demie de réclusion. "Fixez un terme à cette inhumanité", a-t-il demandé aux jurés.

M. Hakkar a exprimé des regrets pour "tout ce qui s’est passé". Répondant mardi 25 février à une question de l’avocat général, il avait affirmé que ce procès, commencé le 19 février, avait été "équitable".
Abdelhamid Hakkar est emprisonné depuis le 2 septembre 1984.

Source : Site Denis Touret