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(2002) Convention relative à l’enseignement en milieu pénitentiaire

Mise en ligne : 19 octobre 2004

Dernière modification : 16 avril 2005

Texte de l'article :

CONVENTION
Une convention relative à l’enseignement en milieu pénitentiaire a été signée entre :

le ministre de l’éducation nationale, représenté par le directeur l’enseignement scolaire, d’une part,
et la garde des sceaux, ministre de la justice, représentée par le directeur de l’administration pénitentiaire, d’autre part.
Exposé des motifs
L’enseignement dispensé dans les établissements pénitentiaires correspond à un droit pour les personnes privées de liberté.

La loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire, rappelle les deux missions qui lui incombent, à savoir assurer l’exécution des décisions et sentences pénales et le maintien de la sécurité publique d’une part, et favoriser la réinsertion sociale des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire d’autre part.

L’article L.111-1 du code de l’éducation affirme que l’éducation est la première priorité nationale et fixe les grandes orientations en particulier le droit pour chacun à une éducation permettant le développement de sa personnalité, son insertion dans la vie sociale et professionnelle et l’exercice de sa citoyenneté.

Dans le souci de donner au public détenu les meilleures chances de formation et de réinsertion professionnelle, la direction de l’enseignement scolaire et la direction de l’administration pénitentiaire créent, dans chacune des neuf régions pénitentiaires, une unité pédagogique régionale en vue de structurer l’enseignement en milieu pénitentiaire.

Cet enseignement se caractérise par le fait qu’il s’exerce en milieu fermé, pour des jeunes et des adultes, qui sont en majorité peu qualifiés : il doit s’adresser en priorité aux plus démunis tout en répondant à l’ensemble des demandes à tous les niveaux de formation.

Cette unité pédagogique est coordonnée avec tous les partenaires institutionnels impliqués dans la politique de réinsertion : formation continue des adultes, travail, développement de la politique de la culture, prise en charge sociale et éducative...

Les ministères de la justice et de l’éducation nationale exercent conjointement un rôle d’impulsion, de suivi et de régulation de l’ensemble du dispositif.

Article 1 - Les unités pédagogiques régionales
Une unité pédagogique de l’éducation nationale en milieu pénitentiaire est implantée dans chaque région pénitentiaire. Elle réunit les différents niveaux d’enseignement et rassemble les diverses ressources de formation initiale fournies par l’éducation nationale pour l’enseignement aux personnes détenues. Pour son fonctionnement cette unité pédagogique est rattachée administrativement à la direction régionale des services pénitentiaires.

Article 2 - Les dimensions de l’enseignement en milieu pénitentiaire
L’unité pédagogique doit permettre que, conformément au code de procédure pénale et à la recommandation du Conseil de l’Europe sur « l’éducation en prison », tous les détenus puissent avoir accès à une éducation de qualité équivalente à celle dispensée dans le monde extérieur, particulièrement ceux qui n’ont ni qualification ni diplôme et parmi eux, en priorité, les détenus illettrés ou analphabètes.

Dans le contexte spécifique de la détention, l’enseignement s’inscrit dans la mission essentielle du service public d’éducation qui est :

d’accueillir toutes les demandes de formation avec le même souci d’exigence et d’ambition ;
de développer à tous les niveaux du parcours de formation une approche différenciée du public, en donnant plus à ceux qui en ont le plus besoin ;
de permettre aux personnes d’acquérir, outre les savoirs fondamentaux, les repères et références indispensables à l’exercice de la responsabilité et de la citoyenneté ;
de préparer les diplômes ou, si besoin, de rechercher les moyens de validation des acquis les plus pertinents pour chaque personne.
L’enseignement en milieu pénitentiaire s’inscrit dans une perspective d’éducation permanente et de formation tout au long de la vie.

Pour les publics détenus qui suivaient des études avant leur incarcération, l’enseignement dispensé dans les établissements pénitentiaires assure la poursuite de leur formation initiale.

Pour les personnes les plus en rupture avec les cursus scolaires initiaux le dispositif d’enseignement met en œuvre des démarches de remobilisation et de parcours individualisés. Pour les moins de 21 ans ces démarches peuvent se faire en collaboration avec les acteurs de la mission générale d’insertion (MGI) de l’éducation nationale et les CIO spécialisés auprès des tribunaux.

Pour les autres, il s’agit de la reprise soit d’une formation générale de base, d’une formation générale intégrée dans une formation professionnelle ou d’une formation à visée diplômante.

Article 3 - Le directeur de l’unité pédagogique régionale
L’unité pédagogique régionale en milieu pénitentiaire est placée sous l’autorité d’un responsable, choisi parmi les personnels de direction de l’éducation nationale ou parmi les personnels enseignants titulaires du diplôme de directeur d’établissement d’éducation adaptée et spécialisée.

La nomination du directeur de l’unité pédagogique régionale ou de ses adjoints éventuels relève des autorités compétentes du ministère chargé de l’éducation nationale.

La même autorité procède à l’appel des candidatures au niveau national et une commission mixte examine les candidatures. Le ministère de l’éducation nationale prononce la nomination après avoir pris connaissance des conclusions de la commission et après avoir recueilli l’accord de la direction de l’administration pénitentiaire.

Le directeur de l’unité pédagogique est nommé auprès du recteur du siège de la direction régionale des services pénitentiaires ; il conseille en tant que de besoin le recteur pour l’enseignement en milieu pénitentiaire.

Article 4 - Rôle du responsable de l’unité pédagogique régionale
Le directeur reçoit ses missions conjointement, pour l’éducation nationale, du recteur de l’académie, siège de la direction régionale et, pour l’administration pénitentiaire, du directeur régional des services pénitentiaires.

Ces missions sont déterminées en fonction des orientations définies conjointement par les deux ministères.

Auprès du directeur régional des services pénitentiaires, et au sein du département insertion et probation, le responsable de l’unité pédagogique a pour mission d’organiser l’ensemble des activités d’enseignement, en recherchant leur intégration dans la politique de réinsertion de l’administration pénitentiaire. Il établit et met en œuvre le projet pédagogique de l’unité régionale.

Pour faciliter son intégration dans la logique régionale et dans la politique de réinsertion, son siège est à la direction régionale des services pénitentiaires.

Le responsable de l’unité pédagogique participe à l’élaboration et à la validation du projet régional d’insertion et de formation dans le cadre du département « insertion et probation », sous la responsabilité du directeur régional.

Sous la responsabilité des recteurs des académies concernées ou des inspecteurs d’académie, directeurs des services départementaux de l’éducation nationale (IA-DSDEN), le responsable de l’unité pédagogique organise, coordonne et anime les activités d’enseignement des différentes unités locales d’enseignement. Il exerce cette mission en liaison avec les corps d’inspection compétents.

Le responsable de l’unité pédagogique régionale et les corps d’inspection s’informent réciproquement sur la situation administrative et les activités des enseignants dans leur champ respectif de compétences.

Article 5 - Les modalités d’inspection
L’inspection des enseignants du premier degré est assurée pour tous les établissements pénitentiaires du département par un inspecteur chargé de l’adaptation et de l’intégration scolaires (AIS).

L’inspection des enseignants du second degré est assurée par les corps d’inspection compétents selon les disciplines.

Outre l’inspection pédagogique individuelle des personnels, une évaluation régulière de la mise en œuvre du projet pédagogique dans l’établissement associe l’inspecteur chargé de l’AIS, le responsable de l’UPR, le responsable local de l’enseignement et l’équipe pédagogique.

Sous la responsabilité des recteurs concernés, le responsable de l’unité pédagogique régionale organise annuellement une réunion des inspecteurs pour réfléchir aux conditions de mise en œuvre des projets pédagogiques.

Article 6 - Moyens complémentaires de l’unité pédagogique régionale
Le responsable de l’unité pédagogique régionale sollicite et facilite les interventions des services d’information et d’orientation.

Par ailleurs, au-delà des actions assurées par l’unité pédagogique régionale avec les moyens mis à disposition par l’éducation nationale, le projet pédagogique s’articule :

d’une part, avec les actions d’enseignement et de formation à distance, notamment celles qui s’inscrivent dans le cadre de conventions avec l’administration pénitentiaire : CNED, Auxilia, EAD-AFPA... ;
d’autre part, avec des associations de bénévoles prestataires d’enseignement ;
enfin, avec les actions conduites par les organismes de formation continue des adultes.
En outre, les unités pédagogiques régionales ont vocation à initier et être partie prenante de conventions entre la direction régionale des services pénitentiaires et des établissements publics d’enseignement, des universités ou des organismes de formation pour enrichir les enseignements proposés et élargir les modalités de validation au-delà des examens classiques.

Article 7 - Convention et commission de suivi régionales
Le recteur d’académie du siège de la direction régionale, en liaison avec les autres recteurs d’académies concernés, et le directeur régional des services pénitentiaires :

complètent la présente convention par une convention régionale conjointe définissant les moyens et les conditions de mise en œuvre régionale des orientations fixées par les deux ministères ;
instaurent conjointement une commission de suivi chargée, sur le rapport du responsable de l’unité, d’apprécier les conditions de mise en œuvre, les moyens mis à disposition, les résultats obtenus et d’examiner le projet pédagogique prévu pour l’année scolaire suivante.
Le bilan annuel de l’unité pédagogique régionale est communiqué aux différentes unités locales d’enseignement de la région pénitentiaire.

Parmi les moyens spécifiques définis par les conventions régionales, un enseignant peut être affecté au siège de la DRSP auprès du responsable de l’UPR pour soutenir l’animation pédagogique régionale. Cet enseignant expérimenté est nommé sur proposition du recteur du siège de l’UPR avec l’accord du directeur régional des services pénitentiaires et après consultation du responsable de l’UPR et des commissions administratives paritaires compétentes. Les conditions d’exercice de cette fonction sont définies dans le cadre des conventions régionales.

Article 8 - L’unité locale et le responsable local de l’enseignement
Sur chaque site pénitentiaire, l’unité locale d’enseignement intègre l’ensemble des moyens mis à sa disposition par l’éducation nationale (emplois et heures d’enseignement) et par l’administration pénitentiaire. Bien que relevant pour sa gestion du rectorat ou de l’inspection académique, la dotation de l’éducation nationale en emplois et heures supplémentaires est identifiée comme moyen mis à disposition de l’unité pédagogique régionale.

L’un des enseignants titulaires exerçant sur le site est nommé, par l’autorité académique compétente, dans la fonction de responsable local de l’enseignement, après avis du responsable de l’unité pédagogique régionale et du chef d’établissement pénitentiaire et consultation des commissions administratives paritaires compétentes.

Le responsable local élabore avec son équipe le projet pédagogique local de l’enseignement. Il organise et anime le service de l’enseignement au niveau de l’établissement pénitentiaire.

Le responsable local de l’enseignement tient compte des orientations générales rappelées par le projet de l’UPR, des caractéristiques du site pénitentiaire, du projet élaboré par le chef d’établissement ainsi que du projet départemental du service pénitentiaire d’insertion et de probation.

Il veille à l’articulation des activités d’enseignement avec les actions pilotées par les services pénitentiaires, notamment sur les champs du travail, de la formation professionnelle et de l’action culturelle. En tant que responsable du service, il participe régulièrement au titre de l’enseignement aux réunions des chefs de service et au dispositif d’insertion : commission locale de formation, commissions pluridisciplinaires...

Une lettre d’objectifs du responsable de l’UPR au responsable local de l’enseignement précise chaque année le contexte et l’orientation des actions à mener.

Les RLE sont réunis par le responsable de l’unité pédagogique régionale au moins une fois par trimestre.

Article 9 - Services pénitentiaires et service d’enseignement
Les services pénitentiaires doivent prendre en compte les actions de formation assurées par l’éducation nationale afin de garantir leur cohérence et leur complémentarité avec les autres activités. Ils favorisent les modes d’organisation de la détention permettant aux détenus indigents de combiner enseignement et activités rémunérées ou bien l’accès à des allocations compensatrices. Ils assurent également le budget de fonctionnement de l’enseignement, le financement des actions d’enseignement à distance et les achats de matériels pédagogiques sur le budget de l’établissement.

L’organisation efficace des activités d’enseignement et leur articulation avec les autres secteurs d’activités pilotés par l’administration pénitentiaire suppose que le bilan des activités pédagogiques et le projet pédagogique de l’année à venir dans chaque établissement soient connus et présentés régulièrement aux différents responsables des services pénitentiaires du site comme aux services départementaux de l’éducation nationale.

Les rapports semestriels établis par le responsable local de l’enseignement sont communiqués aux instances de l’éducation nationale, inspecteur de l’AIS et responsable de l’UPR et aux services pénitentiaires, chef d’établissement et service pénitentiaire d’insertion et de probation. Ils sont intégrés dans le bilan présenté une fois par an dans le cadre d’une commission consacrée à l’enseignement.

Article 10 - La commission annuelle des unités locales d’enseignement
Une commission de l’enseignement se réunit annuellement à l’instigation et sous la co-présidence du responsable d’UPR et du chef du département insertion et probation, sous la responsabilité des recteurs concernés et du directeur régional des services pénitentiaires.

La commission examine les moyens mis en œuvre par les deux administrations (postes, heures, locaux, budget, organisation des activités, de l’année scolaire, des examens...), et dans le cadre des orientations fixées par les deux ministères, recherche une complémentarité des actions d’enseignement et des autres activités en détention et une articulation des actions conduites au sein de l’établissement pénitentiaire et à l’extérieur.

Selon les situations, cette commission peut concerner un ou plusieurs établissements, mais, dans tous les cas, elle a vocation à réunir :

au titre de l’administration pénitentiaire, les chefs d’établissement pénitentiaire du département et les directeurs de service pénitentiaire d’insertion et de probation des sites concernés ;
au titre de l’éducation nationale, les responsables locaux de l’enseignement, l’IA-DSDEN ou son représentant, l’inspecteur chargé de l’adaptation et de l’intégration scolaire, l’inspecteur de l’orientation (IEN-IO) avec le coordonnateur départemental des actions de la mission générale d’insertion ;
des acteurs du réseau public d’insertion des jeunes, notamment un représentant de la direction départementale de la PJJ, et, le cas échéant, les gestionnaires des groupements d’établissements privés.
Article 11 - Les moyens de fonctionnement de l’unité pédagogique régionale
Dans chaque unité pédagogique régionale en milieu pénitentiaire sont à la charge du ministère de l’éducation nationale :

les moyens nécessaires pour assurer les fonctions de direction pédagogique et administrative ;
les emplois des personnels enseignants du premier degré, instituteurs ou professeurs des écoles spécialisés, affectés à plein temps ou à temps partiel ;
les emplois des personnels du second degré ; ces derniers sont tenus d’assurer au moins un demi-service dans leur établissement d’origine ;
un contingent d’heures supplémentaires effectives permettant la rémunération d’enseignants du premier et du second degré qui, au-delà de leurs obligations de service, acceptent d’assurer ce type d’enseignement ;
pour les personnels exerçant à temps plein ou à mi-temps, l’indemnité instituée par le décret n° 2000-876 du 6-9-2000.
Dans chaque unité pédagogique régionale sont à la charge du ministère de la justice :

les moyens de fonctionnement de l’unité pédagogique régionale (secrétariat à temps complet ou à mi-temps selon la taille de l’unité ; déplacements des personnels de l’éducation nationale effectués dans le cadre de l’exercice en milieu pénitentiaire, locaux, mobilier, équipements pédagogiques...) ;
une indemnité représentative du logement, équivalente à celle versée par la commune de résidence administrative, pour les instituteurs ou l’indemnité différentielle pour les professeurs des écoles ;
le logement de fonction du responsable de l’unité pédagogique régionale et de ses adjoints, ou, à défaut, une indemnité forfaitaire.
Article 12 - Le budget de l’enseignement
L’enveloppe budgétaire nécessaire au fonctionnement de l’unité pédagogique régionale (budget de fonctionnement des unités locales d’enseignement et budget régional pour projet particulier) est arrêtée chaque année par le directeur régional de l’administration pénitentiaire, sur proposition du responsable de l’unité pédagogique, dans le cadre du budget de la direction régionale des services pénitentiaires.

La direction de l’administration pénitentiaire fixe chaque année par lettre d’orientation une norme budgétaire que les services déconcentrés peuvent ajuster en fonction des besoins identifiés par les unités locales et communiqués au chef d’établissement pénitentiaire et au responsable d’unité pédagogique régionale.

Article 13 - La formation des enseignants
La spécificité de la fonction des personnels enseignants de l’unité pédagogique régionale étant la formation de jeunes et d’adultes incarcérés, des actions de formation initiale et continue leur sont proposées conjointement par la direction de l’enseignement scolaire ainsi que par l’administration pénitentiaire pour une adaptation à ces postes de travail.

Article 14 - Le suivi de l’enseignement au niveau national
Chaque année, une réunion de concertation est organisée à l’initiative de la direction de l’enseignement scolaire, et de la direction de l’administration pénitentiaire pour évaluer la mise en œuvre de la présente convention à partir d’informations fournies aux deux administrations par les différents services. Les autres directions concernées des ministères participent à cette réunion, ainsi que des recteurs et des directeurs régionaux des services pénitentiaires, ou leurs représentants.

Un fonctionnaire détaché par le ministère de l’éducation nationale auprès de la direction de l’administration pénitentiaire est chargé, au sein du bureau du travail, de l’emploi et de la formation, d’assurer l’articulation entre les deux ministères qui, par une lettre conjointe définissent ses missions.

Article 15
La présente convention prend effet à compter de la date de signature. Elle se substitue à la convention signée le 19 avril 1995 entre le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et le ministre de l’éducation nationale. Elle est prorogée par tacite reconduction d’année en année, sauf dénonciation précédée d’un préavis de neuf mois par l’une ou l’autre des parties.

Fait à Paris, le 29 mars 2002

Pour le ministre de l’éducation nationale et par délégation,
Le directeur de l’enseignement scolaire
Jean-Paul de GAUDEMAR

Pour la garde des sceaux, ministre de la justice et par délégation,
Le directeur de l’administration pénitentiaire
Didier LALLEMENT