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2001 La tuberculose dans les prisons

Mise en ligne : 11 décembre 2002

Dernière modification : 13 mars 2005

Texte de l'article :

La tuberculose dans les prisons

La tuberculose est plus répandue chez les prisonniers

Partout dans le monde, les taux de tuberculose-infection et de tuberculose-maladie sont plus élevés chez les prisonniers que dans la population en général1. Dans l’ex-Union soviétique, la prévalence de la tuberculose-maladie serait 200 fois plus élevée chez les prisonniers que dans l’ensemble de la population2, tandis qu’aux États-Unis, ce facteur se situerait entre 3 et 113.

Trois raisons expliquent ce risque élevé de tuberculose dans le milieu carcéral. Premièrement, les détenus présentent un risque plus élevé d’être infectés par le bacille tuberculeux que la population générale, car ce sont surtout de jeunes hommes peu instruits provenant de groupes défavorisés sur le plan socioéconomique1,4,5. On observe chez eux des taux extrêmement élevés de pauvreté, d’itinérance et de toxicomanie4, qui sont tous des facteurs de risque de contracter la tuberculose-infection6,7. Deuxièmement, ils présentent des taux plus élevés de facteurs de risque et/ou de comportements à risque qui prédisposent au développement de la tuberculose-maladie une fois le sujet infecté. Par exemple, les taux d’infection par le VIH et d’utilisation de drogues injectables sont plus élevés chez les détenus que dans la population en général4,8. Or ces deux facteurs accroissent la probabilité que la tuberculose-infection évolue vers la maladie active6,7. La hiérarchie du milieu carcéral peut créer des conditions favorisant l’apparition de la maladie dans les sous-groupes vulnérables, par exemple, lorsqu’il y a vente, troc ou vol d’aliments ou de médicaments1,2. Troisièmement, les conditions environnementales qui règnent dans les établissements correctionnels peuvent faciliter la propagation du bacille de la tuberculose.

Transmission de la tuberculose dans les prisons

La transmission de la tuberculose en milieu carcéral est bien documentée dans la littérature. Cette transmission survient aussi bien entre détenus9-12 qu’au sein du personnel13.

On observe un lien significatif entre la durée du séjour en prison et l’accroissement du risque de tuberculose-infection et de tuberculose-maladie14,15. Dans les prisons de la ville de New York, les détenus non infectés à leur arrivée en prison présentent un risque deux fois plus élevé de développer la tuberculose-maladie après un an de détention14. En Russie, les prisonniers incarcérés pendant deux ans et plus risquaient davantage de développer la tuberculose-maladie que ceux qui avaient été détenus pendant moins d’un an2.

La surpopulation des prisons facilite la transmission du bacille tuberculeux entre détenus9,15-17. Il a été établi que la tuberculose se propage rapidement lorsque des détenus pouvant transmettre la maladie sont entassés dans un espace restreint et que, par la suite, les détenus infectés depuis peu sont transférés ailleurs à l’intérieur de l’établissement ou dans un autre établissement1,4,8. Douze détenus atteints de tuberculose active multirésistante ont fait l’objet de transferts entre 20 prisons de l’État de New York, ce qui a contribué à accélérer de façon spectaculaire l’éclosion18.

Le regroupement de prisonniers immunodéprimés a entraîné des éclosions de tuberculose. Dans les prisons de la Californie19 et de la Caroline du Sud20, on a observé d’importantes éclosions de tuberculose dans les quartiers réservés aux détenus infectés par le VIH lorsqu’un prisonnier atteint de tuberculose-maladie non diagnostiquée y a été incarcéré. En 2000, la Cour suprême des États-Unis a fait observer une loi permettant la ségrégation des détenus infectés par le VIH dans les prisons de l’Alabama21. Par conséquent, il est possible qu’un nombre accru d’États regroupent les détenus immunodéprimés malgré le risque documenté de transmission de la tuberculose20.

Une fois les détenus libérés, ils sont, dans bien des cas, incarcérés de nouveau. Dans une grande prison située en milieu urbain, les prisonniers ayant développé la tuberculose-maladie avaient été incarcérés à 15 reprises (valeur médiane)12. Les entrées et sorties des détenus et du personnel peuvent favoriser la propagation de la tuberculose dans la communauté.

Propagation de la tuberculose des prisons à la communauté

La tuberculose survenue d’abord chez les prisonniers a été transmise au personnel12,18,19,24,25, aux visiteurs19, aux travailleurs de la santé de l’extérieur20,22 et aux contacts dans la communauté19,25,26.

Des éclosions de tuberculose multirésistante ont été signalées chez les prisonniers aux États-Unis en 1990-1991 ; la maladie s’est ensuite propagée aux patients des hôpitaux locaux11,18,22. Le taux de mortalité a alors atteint de 72 % à 91 %22. La souche multirésistante provenait d’une prison de l’État de New York et s’est propagée, en deux ans, jusqu’en Floride, au Nevada, en Géorgie et au Colorado23.

Les décisions prises par les autorités carcérales peuvent influer sur les taux de tuberculose locaux. Par exemple, l’amnistie décrétée récemment par les autorités russes entraînera la libération de nombreux prisonniers, dont certains sont atteints de tuberculose multirésistante27.

Le contrôle de la tuberculose dans les prisons

Selon les spécialistes en santé publique, l’efficacité de la lutte antituberculeuse en milieu carcéral est essentielle à la protection de la santé des détenus, du personnel et de l’ensemble de la société. Plusieurs lignes directrices ont été élaborées qui soulignent l’importance d’assurer une surveillance adéquate de la tuberculose-infection et de la tuberculose-maladie dès l’incarcération des contrevenants, de détecter le plus tôt possible les détenus atteints de tuberculose-maladie et de leur fournir le traitement approprié, d’isoler les prisonniers contagieux, de traiter les cas d’infection latente, d’effectuer tous les ans le dépistage de la tuberculose-infection chez les détenus et les membres du personnel, et de retracer tous les contacts des personnes exposées à un cas infectieux de tuberculose-maladie1,4,8,28.

L’application de ces mesures de santé publique a permis de contrôler efficacement la tuberculose en milieu carcéral15,16,29. La prise en charge de la tuberculose doit être assurée en continu entre les autorités carcérales et les autorités sanitaires de la communauté, surtout dans le cas des détenus qui purgent de courtes peines et qui réintégreront rapidement la communauté4,8,30.

La tuberculose dans les prisons au Canada

Les gouvernements provinciaux et territoriaux sont responsables des détenus purgeant une peine de moins de deux ans ou faisant l’objet d’une ordonnance de probation, ainsi que des jeunes contrevenants5. Le Service correctionnel du Canada (SCC) a la responsabilité des adultes condamnés à deux ans de prison et plus5.

Le SCC et Santé Canada collaborent étroitement depuis des années afin de lutter contre la tuberculose dans les pénitenciers fédéraux canadiens. En 1998, le SCC ainsi que la Division de la lutte antituberculeuse et l’Agence d’hygiène et de sécurité au travail de Santé Canada ont mis sur pied conjointement le Système de dépistage de la tuberculose du SCC (SDT SCC) afin d’étudier systématiquement les cas de tuberculose-infection chez les détenus et le personnel des 52 pénitenciers fédéraux du Canada.

Les données du SDT SCC révèlent qu’en 1998, sur cinq contrevenants qui entraient dans un pénitencier fédéral, un était atteint de la tuberculose-infection. Le risque de développer la tuberculose-maladie est plus élevé chez les détenus que chez les autres Canadiens31.

Malgré la présence documentée de cas de tuberculose-infection et de tuberculose-maladie chez les détenus des pénitenciers fédéraux au Canada, le taux de virage tuberculinique observé parmi les détenus et le personnel était très faible31. Cette observation donne à penser que le programme de lutte antituberculeuse au sein des établissements du SCC porte fruit et permet effectivement de freiner la propagation de la tuberculose.

Le rôle de Santé Canada au XXIe siècle

Partout dans le monde, on observe des taux plus élevés de tuberculose-infection et de tuberculose-maladie chez les détenus que chez les autres citoyens, et le Canada n’y échappe pas. À l’aube du XXIe siècle, le gouvernement du Canada continuera de protéger la santé des détenus et des personnes qui travaillent dans les établissements correctionnels fédéraux.

En collaboration avec le SCC, Santé Canada s’efforce d’améliorer sans cesse la surveillance au moyen du SDT SCC, afin de cerner tous les cas de tuberculose-infection et de tuberculose-maladie, et d’évaluer le risque infectieux. Une étude plus approfondie des facteurs de risque spécifiques de la tuberculose-infection et du développement ultérieur de la tuberculose-maladie pourrait nous permettre de déterminer une ou plusieurs interventions optimales en matière de prévention.

Santé Canada fournit l’information la plus récente sur la tuberculose afin d’aider SCC à réviser sa politique et ses procédures de prise en charge de la tuberculose. De l’éducation sera offerte aux détenus et au personnel des établissements correctionnels fédéraux afin de leur donner de l’information sur cette ancienne maladie et sur les méthodes modernes de prévention et de contrôle.

Au Canada, les experts ont la ferme volonté d’éradiquer la tuberculose au pays32, tandis que le gouvernement du Canada s’est engagé, au sommet du G-8 de juillet 2000, à faire en sorte que le nombre de décès attribuables à la tuberculose et la prévalence de cette maladie dans le monde soient réduits de moitié d’ici 2010. Pour atteindre ce but, le traitement de l’infection latente sera encouragé afin d’éviter l’apparition de la tuberculose active. Une attention spéciale sera accordée à l’infection par le VIH, à la tuberculose multirésistante et à l’importation de la tuberculose au Canada en provenance des pays où elle est endémique. Cette initiative sera cruciale pour les années à venir, car ces facteurs risquent de faire échec au contrôle de la tuberculose dans les prisons et à l’extérieur des prisons.

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Site source : Agence de Santé publique du Cananda

Pour obtenir plus de renseignements consulter :

Division de la lutte antituberculeuse
Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses
Agence de santé publique du Canada
Pré Tunney, Indice de l’adresse 0900B1
Ottawa, (Ontario) K1A 0L2
Tél. : (613) 941-0238
Fax : (613) 946-3902
www.phac-aspc.gc.ca/hast-vsmt/index_f.html