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(2000) Rapport moral

Mise en ligne : 31 octobre 2003

Dernière modification : 12 juin 2005

Texte de l'article :

CONGRÈS 2001
RAPPORT MORAL 2000 PRÉSENTÉ PAR LILIANE CHENAIN, SECRÉTAIRE GÉNÉRALE

Année 2000, " année prison " pourrait-on dire. En effet, du livre de Véronique Vasseur, médecin-chef à La Santé, paru en janvier, aux rapports de nos parlementaires rendus en juin 2000, soit six mois après, que de dénonciations, de paroles et de discours sur la prison. Encore aujourd’hui puisque, vous le savez, une grande loi pénitentiaire est en cours d’élaboration par le ministère de la Justice. Notre association a été conviée à participer aux réflexions que ce projet de loi suscite. Ne l’aurait-elle pas été, nous aurions tout de même fait entendre notre voix, la vôtre par conséquent. Pour entrer dans le vif du sujet, je vous dirai sans plus attendre - mais vous l’aurez compris - que cette année fut une année un peu particulière du fait des nombreux débats autour de la prison auxquels l’ANVP a participé. C’est ainsi qu’au nom du Bureau et de tous, nous avons été entendus, notre présidente Chantal Crêtaz et moi-même, par la commission Canivet chargée de rendre un rapport sur le contrôle extérieur des prisons et par les deux commissions parlementaires chargées d’enquêter sur la situation dans les prisons françaises. Je rappelle qu’à ce jour notre Conseil d’administration est composé de 23 membres et que le Bureau est composé de 8 membres, dont 6 représentent la province. Il s’est réuni tous les mois pour débattre des questions posées par l’incarcération. Je ne citerai ici que nos préoccupations majeures : celles liées aux indigences et à l’aide que nous pouvons apporter aux personnes, ainsi que celles liées à la sortie de prison, à l’insertion ou la réinsertion, mais aussi la longueur des peines. C’est d’ailleurs, préoccupés par les questions concernant les longues peines et les peines de sûreté contraires à l’individualisation des peines, que des membres du Bureau ont rencontré, le 16 novembre, M. Robert Badinter, afin d’échanger avec lui sur ces questions. " Ce qui va sans le dire, va mieux en le disant ", puisque je parle du Bureau et de son travail, permettez-moi, en tant que secrétaire générale, de remercier tous ses membres, notre présidente Chantal Crêtaz, notre vice-président Bruno Alefsen, notre trésorier Hubert Charvet, Dominique Bonne, Jean-Marie Peter, Odette Theil, pour la richesse des échanges et leur gentillesse empreinte de bonne humeur. Je n’ai pas, bien entendu, oublié Raphaël Bonte qui a droit à une mention particulière puisqu’il a eu la charge d’organiser, avec les visiteurs de Lille, notre Assemblée générale et notre colloque de demain. Je lui adresse un chaleureux merci pour tous les talents et efforts déployés. Un instant encore sur ce chapitre. Nous sommes dans les remerciements et je ne crois pas inutile de remercier Catherine Coéroli, notre déléguée générale, actuellement seule permanente de notre association, tout au moins en ce moment, pour son efficacité et son dévouement, lesquels sont d’ailleurs bien connus. Merci Catherine. Comme je vous le disais, l’année 2000 fut riche, très riche même, en initiatives, rencontres et contributions diverses. Je ne les citerai certainement pas toutes. Les membres du Bureau, Chantal Crêtaz, Bruno Alefsen et moi-même ont eu à cœur d’être parmi vous, à chaque fois que cela était possible, lors des réunions régionales qui sont si précieuses par le partage et les échanges qui peuvent s’y faire. C’est aussi une véritable occasion de mieux se connaître les uns avec les autres. Les délégués régionaux n’ont pas non plus ménagé leur peine pour organiser des réunions, à Rennes sur le suicide en prison, à Bordeaux sur le sens de la peine, à Dijon, à Strasbourg sur le rôle des visiteurs de prison, à Lyon sur la psychiatrie, à Paris sur la prévention de la récidive, pour ne citer que celles-ci. Pour mémoire, juste quelques repères. En matière de communication, La Lettre bimestrielle a vu le jour en mars. Un site ANVP est aussi apparu sur le Net ; il va être sérieusement développé dans les prochains mois. Nous avons rencontré en septembre, à Agen, siège de la nouvelle École nationale de l’administration pénitentiaire, la personne chargée de la formation des personnels en matière d’insertion, et ce en compagnie de Brigitte Ploux, déléguée régionale pour la DR de Bordeaux. C’est à elle, avec son équipe, que revient la tâche de présenter notre rôle auprès des élèves-surveillants. Vous savez combien nous considérons important cette action d’information auprès des personnels. " Vivre en prison ", tel était le thème du colloque qui a suivi notre Assemblée générale d’Aix-en-Provence, et les nombreux témoignages que nous avons pu entendre ont été fort instructifs. Comme chaque année maintenant, nous avons remis, le 30 septembre, le prix des Talents Cachés lors de la manifestation organisée par l’association PSTI (pour la Promotion Sociale par le Travail et l’Insertion). Nous avons décerné trois prix : un premier de 1 000 francs et deux autres de 500 francs. A cette occasion, l’ANVP a fait l’acquisition du tableau ayant reçu le premier prix, pour décorer son nouveau local. Il s’agit d’une œuvre réalisée par un détenu du centre de détention de Melun. Je signale qu’à chaque fois, des membres du Bureau sont allés remettre leur prix aux personnes détenues. Nous sommes donc allés à la maison centrale de Saint-Maur, à la maison d’arrêt des femmes de Fresnes et au centre de détention de Melun. " La famille devant la prison " était le thème de la Journée nationale prison (JNP) du 25 novembre. Nombre de visiteurs et de sections locales de l’ANVP se sont impliqués dans cette journée en partenariat avec d’autres associations. La section de Lille notamment s’y est particulièrement consacrée, comme chaque année. Notre association a offert à la maison d’arrêt de La Santé, à Paris, grâce au Centre Chopin et à sa directrice Danièle Kertudo, un piano, afin que les détenus puissent bénéficier, s’ils le désirent, d’une formation musicale. Pour inaugurer l’instrument, Gérard Parmentier, pianiste, et l’un de ses amis, violoniste, ont donné un concert. La section Yvelines/Hauts-de-Seine et les visiteuses de la maison d’arrêt des femmes de Versailles ont organisé dans la ville une exposition de photos, " Femmes en prison " qui fut le prétexte de bien des discussions autour de l’incarcération des femmes qui, rappelons-le, sont peu nombreuses puisqu’elles ne représentent que 3,7% de la population carcérale. Dans un tout autre domaine, nous avons signé une convention avec le Consulat général d’Italie concernant l’aide que les détenus italiens incarcérés pouvaient recevoir de leur consulat, les visiteurs de prison faisant le lien, lorsque cela est possible, entre le détenu et le consulat. Il me faut maintenant faire l’état des lieux. Veuillez me pardonner pour les chiffres un peu abrupts auxquels je vous soumets. Notre association compte aujourd’hui 1 317 membres dont 937 visiteurs de prison qui se répartissent de manière très différente d’un établissement à l’autre, d’une région pénitentiaire à l’autre.

Dans la DR de Bordeaux,
on compte 91 visiteurs de prison pour 3 878 détenus, soit 1 visiteur ANVP pour 43 détenus.

Dans la DR de Dijon :
56 visiteurs ANVP pour 2 891 détenus, soit 1 pour 52 détenus.

Dans la DR de Lille :
124 visiteurs ANVP pour 6 893 détenus, soit 1 pour 56 détenus.

Dans la DR de Lyon :
82 visiteurs ANVP pour 3 947 détenus, soit 1 pour 48 détenus.

Dans la DR de Marseille :
68 visiteurs ANVP pour 5 561 détenus, soit 1 pour 82 détenus.

Dans la DR de Paris :
265 visiteurs ANVP pour 10 285 détenus, soit 1 pour 39 détenus.

Dans la DR de Rennes :
133 visiteurs ANVP pour 4 200 détenus, soit 1 pour 32 détenus.

Dans la DR de Strasbourg :
53 visiteurs ANVP pour 3 663 détenus, soit 1 pour 69 détenus.

Dans la DR de Toulouse :
54 visiteurs ANVP pour 3 767 détenus, soit 1 pour 70 détenus.

Dans la Outre Mer :
11 visiteurs ANVP pour 3 328 détenus, soit 1 pour 302 détenus.

Nous pouvions remarquer l’année dernière la grande disparité entre la région Ouest et celle de Toulouse. La situation n’a guère évoluée. La région Ouest compte 1 visiteur ANVP pour 32 détenus, celle de Toulouse 1 pour 70. Le nombre de détenus était au 1er avril dernier de 48 413. Pour avoir une petite idée des efforts à accomplir, nous constaterons tout d’abord qu’il y a ainsi 1 visiteur ANVP pour 52 détenus. Vous n’ignorez pas que nous défendons l’idée qu’il devrait y avoir 1 visiteur pour 20 détenus. Il convient donc, une fois de plus, de veiller à augmenter le nombre de visiteurs. Ce combat-là n’est certes pas gagné d’avance quand on constate parfois la lenteur des procédures d’agrément, quand il n’y a pas tout simplement une certaine mauvaise volonté des services pénitentiaires d’insertion et de probation, peu convaincus de l’importance, parfois pas même de l’intérêt, de notre rôle et de notre mission. Aux délégués régionaux qui n’ont pas ménagé leurs efforts cette année pour recruter, fédérer et encourager les visiteurs, je dis qu’ils peuvent espérer l’aide de l’association et des interventions auprès de l’administration pénitentiaire pour tenter de résoudre ces problèmes d’agrément. Il serait aussi souhaitable de mener à bien quelques actions en direction des services pénitentiaires d’insertion et de probation. A ce sujet, une enquête va leur être envoyée, afin que nous puissions mieux connaître les représentations qu’ils se font de nous et leurs attentes. La récente réforme des services pose un certain nombre de questions. Il serait bon de savoir quelle est notre place dans ce (ou ces) nouveau(x) dispositif(s). Les réunions trimestrielles, par ailleurs, prévues par le code de procédure pénale, existent encore de manière trop rare. Il semble souhaitable de les initier à nouveau. Enfin, si un large consensus se fait autour de La Lettre bimestrielle et de nos actions en général, on regrette l’absence de documents à remettre ou à distribuer largement aux personnes incarcérées. Nous y penserons donc très prochainement. Il reste aussi des actions à mener afin que les visiteurs qui ont une activité professionnelle puissent plus facilement intervenir le samedi matin. Si des établissements permettent effectivement que l’on intervienne le samedi matin, ils demeurent en nombre insuffisant. Le " pessimisme est d’humeur, l’optimisme est de volonté " disait Alain, alors soyons optimistes et espérons que la grande loi pénitentiaire en cours d’élaboration, qui devrait prendre en compte le sens de la peine, redéfinir les droits et les obligations des détenus, de même que les missions des personnels, pourra permettre aux citoyens que nous sommes d’être plus nombreux dans les établissements. De fait, on ne peut pas vouloir donner une véritable priorité à l’insertion et laisser des hommes et des femmes tutoyer les murs et s’enfermer dans le non-sens.