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Étude de législation comparée n° 151 - octobre 2005 - Le traitement pénal de la transmission du sida par voie sexuelle

20 Canada

Mise en ligne : 17 novembre 2005

Dernière modification : 26 mars 2007

Comme il est difficile d’apporter la preuve du lien de causalité entre les relations sexuelles et la contamination et comme, en cas de concurrence d’infractions, une seule peine - la plus élevée - est infligée, les articles 178 et 179 du code pénal sont plus souvent retenus dans les cas de transmission du virus du sida par voie sexuelle que les articles relatifs aux lésions corporelles.

D’après la fédération des associations autrichiennes de lutte contre le sida, quatorze condamnations pour transmission du virus du sida par voie sexuelle ont été prononcées en 2002 et 2003 au titre des articles 178 et 179 du code pénal.

Texte de l'article :

CANADA

Depuis la fin des années 80, on dénombre une vingtaine d’affaires dans lesquelles des poursuites pénales ont été intentées contre des personnes séropositives accusées d’avoir transmis le virus du sida ou d’avoir exposé autrui au risque de contamination à la suite de relations sexuelles.

En l’absence d’infraction spécifique, les tribunaux ont recours aux dispositions existantes du code pénal pour sanctionner les activités sexuelles comportant un risque de transmission du virus du sida. Ils les qualifient généralement de voies de fait.

Selon la Cour suprême du Canada, qui s’est prononcée à deux reprises, en 1998 et en 2003, dans de telles affaires, les personnes séropositives ainsi que celles qui ont des doutes sur leur séropositivité doivent dévoiler leur situation sérologique. 

1) L’absence d’infraction spécifique

En 1985, le Parlement a abrogé la loi de 1919 qui faisait de la propagation, volontaire ou non, d’une maladie sexuellement transmissible un crime. La loi de 1919 exonérait de toute responsabilité la personne qui « n’avait pas de raison de se douter et qui ne se doutait pas » qu’elle était atteinte d’une maladie sexuellement transmissible. Au moment de son abrogation, la loi n’avait pas été mise en oeuvre depuis plus de cinquante ans.

En 1988, un député a présenté une proposition de loi visant à ériger en infraction pénale le comportement de qui se sait séropositif et « pose sciemment un acte qui peut exposer une personne » au virus du sida. Le texte prévoyait d’exempter de toute responsabilité pénale les personnes qui auraient indiqué le risque couru à leur partenaire, lorsque ce dernier aurait « sciemment consenti à prendre ce risque ». La proposition de loi n’a pas été adoptée.

En janvier 1995, le ministre fédéral de la justice a annoncé qu’il envisageait de modifier le code pénal pour créer l’infraction de « transmission volontaire » du virus du sida, mais cette annonce est restée sans suites.

En octobre 1995, une seconde proposition de loi a été présentée. Elle prévoyait la création de deux nouvelles infractions pénales : la « transmission de l’infection par le VIH » et, en l’absence de transmission du virus, « l’exposition par insouciance ». Les auteurs de la première infraction auraient été passibles de la réclusion criminelle à perpétuité, et ceux de la seconde d’une peine maximale de sept ans de prison. Adopté en première lecture, ce texte a été déclaré caduc en février 1996 et n’a pas été repris.

2) La position de la Cour suprême

D’après la décision rendue en 1998 dans l’affaire Cuerrier, le fait de ne pas divulguer sa séropositivité constitue une fraude susceptible d’invalider le consentement des partenaires aux relations sexuelles quand l’activité sexuelle présente un « risque important de lésions corporelles graves ». Par conséquent, la personne séropositive peut être reconnue coupable de voie de fait, voire de voie de fait grave dans la mesure où il y a mise en danger de la vie d’autrui. Les voies de faits sont punissables d’une peine de prison, qui peut atteindre cinq ou quatorze ans, selon qu’elles sont simples ou graves.

Depuis l’arrêt Cuerrier, toute personne séropositive a donc l’obligation de divulguer sa séropositivité avant de s’adonner à une activité sexuelle qui comporte un risque important de contamination. La Cour suprême n’a pas défini les activités comportant un tel risque. Elle a toutefois suggéré que l’obligation de divulgation ne concernait pas les personnes séropositives utilisant des préservatifs, mais cette interprétation n’a pas été confirmée.

En 2003, à l’occasion de l’affaire Williams, la Cour suprême a étendu l’obligation de divulgation aux personnes qui ont des doutes sur leur séropositivité : une personne consciente du fait qu’elle pourrait être séropositive doit le dire à son partenaire avant d’avoir une relation sexuelle non protégée, faute de quoi elle encourt le risque de voir sa responsabilité pénale engagée pour « tentative de voie de fait grave ». La peine de prison maximale est alors de sept ans.

3) Les infractions au titre desquelles des poursuites sont engagées

a) La voie de fait

Le plus souvent, conformément à la position de la Cour suprême, les personnes séropositives qui exposent leur partenaire au risque de contamination sont poursuivies pour voie de fait ou pour tentative de voie de fait.

Elles peuvent l’être aussi pour « nuisance publique » et pour « négligence criminelle causant des lésions corporelles ».

b) La nuisance publique

D’après le code pénal, une personne se rend coupable d’une nuisance publique si, en accomplissant un acte illégal ou en omettant d’accomplir une obligation légale, elle met en danger la vie, la sécurité ou la santé du public. La peine de prison maximale est de deux ans.

Des personnes séropositives ont été déclarées coupables de nuisance publique pour avoir eu des relations sexuelles non protégées sans informer leur partenaire de leur séropositivité.

c) La négligence criminelle causant des lésions corporelles

Le code pénal définit la négligence criminelle comme le fait de manifester « une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui » en faisant ou en omettant de faire quelque chose.

Dans les affaires relatives à la transmission du virus du sida, la négligence criminelle est considérée comme « causant des lésions corporelles ». La peine de prison maximale est de dix années.