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2 Chapitre 1 : Le droit pénal appliqué sur Internet

Mise en ligne : 9 février 2008

Texte de l'article :

CHAPITRE I - LE DROIT PENAL APPLIQUE SUR INTERNET

36- Comme nous l’avons vu, loin d’être un "no-law land" [1], Internet est susceptible de se voir appliquer tous les droits de la planète (Section 1). Et c’est ce fait qui constitue la véritable difficulté. Car les frontières sont remises en cause et les situations faisant appel au droit pénal international, hier exceptionnelles, sont aujourd’hui quotidiennes et concernent un plus grand nombre de pays qu’autrefois, pour chaque comportement délictueux. Internet pose également des problèmes de qualification en droit interne (Section 2). Les conflits de lois et de droits qui en résultent posent de sérieuses difficultés (Section 3). 
 
SECTION I - L’APPLICATION DE TOUS LES DROITS DE LA PLANETE

37- En cas d’infraction internationale, c’est à dire d’infraction dont les éléments constitutifs ne peuvent être rattachés à un territoire unique, et au contraire du droit international privé qui dans de telles circonstances désigne une loi nationale unique applicable selon des critères déterminés, la branche du droit pénal international que constitue le droit pénal extranational se contente de renvoyer aux lois internes, qui déterminent elles mêmes leur champ d’application territorial, se contentant chacune de dire si elle a compétence ou non pour régir un fait. Ceci, sans renvoyer à défaut à une loi étrangère, ni même se préoccuper de savoir si une telle loi est applicable, voire plus légitime à s’appliquer que la loi française. 

38- Quant au droit pénal des infractions internationales, il n’existe que pour certaines infractions qui n’ont heureusement pas cours dans le cyber-espace. [2] 

39- Il convient donc d’examiner ce que les droits pénaux internes proposent. A cette fin nous nous attacherons plus spécialement au droit pénal français, tout en conservant à l’esprit que la plupart des autres pays, notamment d’Europe occidentale, ont adopté des règles similaires.

Et nous verrons que si le principe est celui de l’application territoriale du droit (§1), celui ci connaît également une application extra-territoriale (§2) 

Paragraphe 1 - le principe d’application territoriale du droit national

40- Le droit français s’applique sur le territoire français, et, par extension de compétence, à certaines infractions commises hors de France mais réputées l’avoir été en France. La question à étudier est alors celle de savoir selon quels critères une infraction est localisée en France, ce qui nous démontrera que notre droit, quand bien même étudié uniquement dans son application territoriale, permet en réalité de réprimer nombre d’infractions commises en grande partie, voire en totalité, hors de notre territoire, donc une large part de celle commises sur Internet. 

41- Il convient de mentionner ici l’existence du principe de solidarité des compétences judiciaires et législative pénales, que celui-ci soit justifié ou non. Ainsi, la compétence du droit pénal français entrainera automatiquement celle des juges de ce même pays.

A/ Localisation nationale d’infractions internationales

42- Le droit pénal français est applicable à la grande majorité des infractions commises sur Internet. En effet, l’alinéa premier de l’article 113-2 du nouveau code pénal (NCP) dispose que "La loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République". Ce rattachement du délit au territoire, choix de notre droit comme de bien d’autres, pour la raison principale que le territoire est rattaché à la souveraineté, semble opportun. 

43- La détermination de la localisation de l’infraction est cependant beaucoup plus expansive : "L’infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu’un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire" (article 113-2 al.2 NCP). Remarquons ici que la loi de 1992, en réformant le nouveau code pénal, a modifié la rédaction de l’article 693 de l’ancien code pénal, selon lequel était réputée commise sur le territoire toute infraction "dont un acte caractérisant un de ses éléments constitutifs a été accompli en France". Cette nouvelle rédaction n’est pas innocente, et permet d’englober certains éléments constitutifs purement passifs qui ne correspondent pas à des actions, de même que l’élément moral de l’infraction (qui était toutefois un facteur jurisprudentiel de rattachement au territoire de la République, par l’extension par assimilation [3]). 

44- De plus, dès 1882, la jurisprudence a opté pour une équivalence des faits constitutifs, ce que la doctrine désigne sous l’expression de "théorie de l’ubiquité". Il suffit dès lors que n’importe lequel de ces faits ait eu lieu sur le territoire français, à savoir l’acte incriminé ou le résultat dommageable, pour fonder indifféremment la compétence du droit pénal français. Ainsi, celui-ci aura vocation à réprimer des propos disponibles sur Internet incitant à la haine raciale, qu’ils soient émis à partir du sol français, ou qu’ils y soient uniquement reçus. De même, la contrefaçon à l’étranger d’une œuvre protégée est soumise à la loi française dès l’instant où l’atteinte aux droits d’auteurs est ressentie en France, lieu du domicile de la victime [4]

45- De cette compétence territoriale du droit pénal résultent de bien compréhensibles conflits positifs de compétence, dès lors que l’un des autres éléments constitutifs de l’infraction réprimée par le droit français trouve son lieu de réalisation sur le territoire d’un autre Etat prévoyant des règles similaires d’application territoriale de son droit pénal. Et ce problème est encore aggravé par le système français de localisation nationale d’infractions par extension : 

B/ Localisation nationale par extension

46- Ces extensions de compétence législative sont à la fois jurisprudentielles et légales. 

1) Extensions jurisprudentielles

47- Deux extensions prétoriennes de la compétence de la loi française ont été créées : l’extension par indivisibilité, et l’extension par assimilation [5]

48- L’extension par indivisibilité permet au juge d’étendre la compétence de la loi française aux "faits commis à l’étranger par un étranger dès lors que ces faits apparaissent comme formant un tout indivisible avec les infractions également imputées en France à cet étranger et dont elle est légalement saisie" [6].

49- L’extension par assimilation, en revanche, permet de localiser en France une infraction en assimilant certains actes commis en France à un élément constitutif de cette infraction (ou à un "acte caractérisant un de ses éléments constitutifs", sous l’ancien code pénal). Ainsi, est considérée comme commise en France "la tentative de tromperie sur la nature ou les qualités substantielles de toute marchandise lorsque ces dernières sont offertes à la vente en France, alors même que le vendeur serait un ressortissant étranger et les marchandises seraient livrées à l’étranger" [7]. Il en est de même d’un délit d’escroquerie, dès l’instant que seul l’un des éléments d’une mise en scène est commis en France, et qu’il entre dans le cadre des manoeuvres frauduleuses prévues par l’article 313-1 NCP (ancien article 405 c.pén.). Ceci, alors même qu’il est constant qu’un tel acte ne caractérise pas à lui seul cet élément constitutif de l’infraction [8].

50- Les deux affaires précitées ont été jugées pour des faits commis sans relation avec un quelconque réseau informatique, mais elles sont parfaitement transposables à ce qui nous occupe. En effet, si, respectivement, l’offre de la première affaire ou la mise en scène de la seconde avait été faite par l’intermédiaire d’Internet et touché un citoyen français, la solution jurisprudentielle aurait été la même. Il est donc possible d’apprécier, déjà à ce stade, toute l’étendue de la compétence du droit français. 

2) Extensions légales

51- Les extensions légales de la compétence française sont au nombre de trois, et peuvent être traitées en deux catégories : 

52- Elles concernent tout d’abord les infractions commises à bord des navires battant pavillon français, des navires de la marine nationale (et ici la loi française sera exclusivement compétente), ou à l’encontre de l’un ou l’autre de ces navires, en quelques lieux qu’ils se trouvent [9]. Elle l’est de même aux infractions commises à bord des aéronefs militaires français (et ici la compétence de la loi française est exclusive) ou immatriculés en France ou à l’encontre de l’un ou l’autre de ces aéronefs, et ceci en quelques lieux qu’ils se trouvent [10].

Le droit français va même encore plus loin : il s’applique aux crimes et délits commis à bord des aéronefs non immatriculés en France, et sous réserve de l’absence d’un jugement définitif à l’étranger pour les mêmes faits, la peine à cette occasion prononcée devant avoir été effectuée ou être prescrite, lorsque l’appareil atterrit en France après le crime ou le délit. 

53- Ces hypothèses peuvent tendre à faire sourire, étant très spécifiques et semblant hors de propos. Mais nous nous devons de les mentionner pour être exhaustifs, car l’Internet par cable téléphonique est voué à laisser bientôt une large part à l’Internet utilisant les réseaux aériens, et il suffit qu’un ordinateur connecté soit présent dans l’un quelconque des bâtiments précités pour qu’une infraction puisse être commise à leur bord. De même, une infraction à leur encontre peut tout à fait être conspirée par l’intermédiaire du réseau. 
 
54- La seconde catégorie d’extensions légales concerne la complicité accordée en France, à un crime ou un délit perpétré à l’étranger, "si le crime ou le délit est puni à la fois par la loi française et par la loi étrangère et s’il a été constaté par une décision définitive de la juridiction étrangère" [11]. Mais il est évident que cette extension ne concernera que peu de cas du fait des restrictions qu’elle pose, et qu’il n’est donc pas nécessaire de s’y arrêter longuement [12]
 
55- Enfin, mentionnons la théorie générale de la fraude à la loi, qui permet d’appliquer la loi française aux infractions perpétrées à l’étranger, quand leur auteur les y a commises dans le seul but de se soustraire à l’application de la loi française [13]. Et sauf la revendication par celui-ci du bénéfice du droit européen. 
 
Paragraphe 2 - l’application extra-territoriale du droit national

56- Le droit français s’applique encore hors du territoire de la République dans trois cas. Il est tout d’abord compétent pour les "infractions commises au-delà de la mer territoriale, dès lors que les conventions internationales et la loi le prévoient" [14]. Il l’est ensuite en vertu de deux types de compétence complémentaires : la compétence personnelle (A) et la compétence réelle (B). D’application subsidiaire dans l’ordre interne, elles ne sont facteurs de compétence française que lorsque l’infraction ne peut être réputée commise sur le territoire de la République. Et la compétence personnelle sera toujours examinée de prime abord : ainsi, quand l’auteur de l’infraction commise à l’étranger est français, le critère personnel suffira à fonder la compétence des juridictions françaises, sans considération de la nature de l’infraction. En conclusion, la compétence réelle "n’est faite que pour les infractions commises à l’étranger par des étrangers" [15].

A/ La compétence personnelle

57- Elle peut être générale (1) ou spéciale (2). 
 
1) la compétence personnelle générale

58- Cette compétence est déterminée par la nationalité de l’auteur (compétence personnelle active) ou de la victime (compétence personnelle passive) de l’infraction considérée. 

59- Les règles relatives à la compétence personnelle, active et passive, sont prévues par les articles 113-6 à 113-9 du NCP. Elles permettent de faire tomber sous le coup de la loi française toute infraction dont l’auteur ou la victime est de nationalité française, et ceci avec des nuances selon la gravité de l’infraction, celle-ci étant déterminée par la loi française.

Ainsi, la compétence personnelle active comme passive est possible en matière criminelle, sans autres restrictions. Il en est de même en matière délictuelle, à ceci près qu’il existe une exigence de double incrimination en matière de compétence active, et une exigence tenant à la nature de la sanction en matière de compétence passive : l’auteur français d’un délit commis à l’étranger ne peut en effet être poursuivi selon la loi française qu’à la condition que les faits qui lui sont reprochés soient également punis par la législation de ce premier pays. De même, la victime française d’un délit commis à l’étranger ne peut en poursuivre l’auteur selon la loi française, que cet auteur soit français ou étranger, que si ce délit est puni d’emprisonnement. Enfin, en matière contractuelle, la compétence personnelle ne peut pas jouer. 

60- En outre, certaines règles spécifiques concernant les deux cas de compétence personnelle sont à mentionner :

En premier lieu, la compétence personnelle active joue, pour les délits et les crimes, alors même que l’auteur des faits aurait acquis la nationalité française postérieurement au fait qui lui est imputé.

En deuxième lieu, pour tous les cas de compétence personnelle, la poursuite des délits ne peut être exercée qu’à la requête du ministère public. Elle doit de plus être précédée soit d’une plainte de la victime ou de ses ayants droits, soit d’une dénonciation officielle par l’autorité du pays où le fait à été commis [16].

Enfin et pour toutes ces hypothèses, "aucune poursuite ne peut être exercée contre une personne justifiant qu’elle a été jugée définitivement à l’étranger pour les mêmes faits et, en cas de condamnation, que la peine a été subie ou prescrite" [17]

2) les cas de compétence personnelle spéciale

61- A côté de cette compétence personnelle dite générale, existent des cas de compétence personnelle spéciale, soumis à des conditions particulières, et fondés cette fois non plus uniquement sur la nationalité des personnes impliquées dans l’infraction, mais sur tout élément pouvant les rattacher à la souveraineté française. 

62- Ces cas concernent plusieurs catégories d’infractions qui ne seront pas toutes traitées ici en raison de leur faible probabilité à fonder la compétence du droit français dans le cadre d’une infraction commise sur Internet [18].

Nous pouvons toutefois citer le cas des crimes et délits, sous réserve d’une condamnation définitive à l’étranger pour les mêmes faits, la peine à cette occasion prononcée devant avoir été effectuée ou être prescrite, commis à bord ou à l’encontre des aéronefs non immatriculés en France, lorsque la nationalité de l’auteur ou de la victime est française ou encore lorsque l’aéronef a été donné en location sans équipage à une personne dont le siège principal de l’exploitation ou, à défaut, la résidence permanente, est localisé en France. 
 
B/ La compétence réelle

63- La loi française s’applique à des infractions qui n’ont aucun lien avec le territoire français, et qui n’impliquent aucune personne de nationalité française, avec pour seul critère de compétence, nécessaire mais suffisant, la nature de l’infraction. 

64- Le droit pénal français a ainsi compétence pour régir les crimes et délits qualifiés d’atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation et réprimés par le titre 1er du livre IV du NCP, alors même qu’ils sont commis hors du territoire français. Il s’applique également à la falsification et à la contrefaçon du sceau de l’Etat, de pièces de monnaie, de billets de banque ou d’effets publics, telles que ces infractions sont réprimées par les articles 442-1, 443-1 et 444-1 du même code dans le cadre de la compétence territoriale classique, quand ces infractions sont commises à l’étranger. Il s’applique enfin à tout crime ou délit contre les agents ou les locaux diplomatiques ou consulaires français, commis hors du territoire de la République [19].

65- Ce long mais nécessaire développement sur le champ d’application du droit pénal français nous démontre que celui-ci est applicable à l’ensemble des infractions commises sur le réseau, dès l’instant que notre pays s’estime concerné par les actes en question. Mais une fois ceci admis, qu’en est-il au niveau interne ? car il ne suffit pas à un droit d’être territorialement compétent pour pouvoir réprimer une infraction pénale : encore celle-ci doit-elle être expressément prévue par un texte de loi, d’interprêtation stricte, comme chacun sait. Il convient donc d’étudier à présent l’état de notre droit pénal spécial. 

SECTION II - LES CONFLITS MATERIELS DE LOIS PENALES INTERNES

66- Le raisonnement par analogie est prohibé, en droit pénal français. Mais les comportements délictueux qui ont cours sur Internet sont d’une grande nouveauté de par leur ampleur et leur technicité. Il nous incombe alors de rechercher si ces comportements entrent dans les prévisions des textes, de par leurs éléments constitutifs. De cette recherche naîtra la constatation suivante : certaines infractions sont classiques (1§), d’autres sont totalement nouvelles (§2), tandis qu’une troisième catégorie provoque des conflits de textes de loi (3§). 

Paragraphe 1 - Les infractions classiques

67- La plupart des infractions commises sur Internet ne diffèrent en rien des infractions classiques telles que réprimées par notre nouveau Code pénal, qui peut les appréhender de la même manière que si elles étaient commise hors ligne. Elles peuvent être présentées sous la forme de deux catégorie : certaines sont commises sur Internet (1), d’autres le sont par lui (2), précision faite que nous entendons ici sous le terme de "commission", le lieu où est attendu par l’auteur le résultat délictueux  [20]

A/ Internet, lieu de l’infraction

68- Internet permet en premier lieu la commission de toutes les infractions emportant émission, transfert ou échange d’information. Ainsi et par exemple, les atteintes à la vie privée peuvent y être sanctionnées sans difficultés. Citons par exemple l’article 226-2, 2° NCP, qui réprime le fait de commettre cette atteinte "par fixation, enregistrement ou transmission, sans le consentement de celle ci, de l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé". 

69- De même, les atteintes aux données nominatives sont protégées par les dispositions pénales de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dispositions insérées en grande partie dans le nouveau Code pénal par la loi du 16 décembre 1992, sous le titre des "atteintes aux droits de la personne résultant de fichiers ou de traitements informatiques" et sous couvert des articles 226-18 à 226-24 du NCP. 
 
70- Cette dernière loi est très fréquemment sollicitée pour réprimer les infractions commises sur Internet : Le Tribunal de Grande Instance de Privas [21] a par exemple condamné un étudiant en informatique, pour s’être vengé de sa petite amie en stockant dans sa page d’accueil personnelle (ou home page), des photographies scannérisées de celle-ci, à son insu, présentant un caractère fortement pornographique et accompagnées de commentaires sur les mœurs de la jeune fille. Les juges ont fondé leur condamnation sur l’article 226-19 al. 1 du NCP , qui réprime "le fait, hors les cas prévus par la loi, de mettre ou de conserver en mémoire informatisée, sans l’accord express de l’intéressé, des données nominatives qui, directement ou indirectement, font apparaître les origines raciales ou les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou les appartenances syndicales ou les mœurs des personnes", la sanction étant de cinq ans d’emprisonnement et de deux millions de francs d’amende. 

71- L’étudiant a été condamné ici sur la notion de mœurs prévue par l’article précité, et pour avoir procédé ainsi à l’insu de l’intéressée. Mais, comme le note à juste titre M. J. Frayssinet [22], la condamnation aurait pu intervenir sur le fondement de l’article 227-24, si la petite amie en question avait donné son consentement pour la diffusion de ses photos. 

72- En effet, cet article 227-24, qui reprend, en l’élargissant, l’incrimination d’outrage aux bonnes mœurs de l’ancien Code pénal, s’applique également à Internet, et fait partie des dispositions pénales réprimant la mise en péril des mineurs : il réprime le fait "soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d’un tel message, (...) lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur". 
 
73- Il en est de même pour le fait de fixer, d’enregistrer ou de transmettre, en vue de sa diffusion, l’image d’un mineur présentant un caractère pornographique (227-23 NCP), ou la diffusion de cette image. De nombreux réseaux pédophiles ont pu être ainsi démantelés, et leurs acteurs condamnés. 
 
74- Notons ici qu’un dispositif législatif  [23] est venu renforcer la prévention et la répression des atteintes sexuelles ainsi que la protection des mineurs victimes de ces infractions, lorsqu’elles impliquent l’utilisation des nouveaux moyens de télécommunication. Ainsi, l’article 227-23 précité, l’article 225-7 relatif au proxénétisme, de même que les articles 222-4, 222-28, 227-22, 222-26 du NCP, sont complétés par un alinéa prévoyant spécifiquement le cas ou la victime de tels crimes et délits a été mise en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisation d’un réseau de télécommunications, pour la diffusion des messages à destination d’un public non déterminé.  [24]

75- En outre, les incriminations de discrimination (article 225-1 NCP), de diffamation non publique (R 624-3), d’injure non publique (R 624-4), de provocation non publique à la discrimination et à la haine raciale (R.625-7 NCP), sont également parfaitement applicables au réseau. En témoigne par exemple la mise en examen de M. Faurisson par le juge Valat, le 10 novembre 1997, pour avoir été l’auteur d’un texte négationniste sur Internet, intitulé "Les visions cornues de l’Holocauste" [25]. Et ceci alors même que l’une des premières affaires en la matière avait malheureusement pu décevoir et contribuer à développer la thèse de l’impuissance du droit face au réseau [26]
 
76- A l’instar des infractions contre les marques [27] fractions contre les œuvres de l’esprit se voient également réprimées au travers du délit de contrefaçon, qu’elles soient commises sur Internet ou non, et ceci dès lors que lesdites œuvres reproduites sont originales et par là-même protégées par le droit d’auteur [28] En effet, comme l’a affirmé explicitement une ordonnance de référé du 5 mai 1997 [29], "la numérisation d’une œuvre", qui consiste en sa traduction d’un langage littéraire ou analogique en un langage numérique, c’est à dire une suite de deux valeurs correspondant au 0 et au 1, "constitue une reproduction de l’œuvre qui requiert en tant que telle, lorsqu’il s’agit d’une œuvre originale, l’autorisation préalable de l’auteur ou de ses ayants droit". 

B/ Internet, instrument de l’infraction

77- En second lieu, Internet permet la commission de certaines infractions classiques en ne servant que d’instrumentum à leur réalisation. Il en serait ainsi, par exemple, d’un homme qui commettrait un meurtre sur la personne de sa femme placée sous monitoring, en s’introduisant, via Internet, dans le réseau informatique de l’hôpital. Cet acte devrait logiquement être qualifié de meurtre, le réseau n’étant que "l’instrument" du crime. La chambre criminelle de la Cour de Cassation estime d’ailleurs qu’un "homicide volontaire peut résulter de moyens multiples et successifs employés pendant un temps plus ou moins long, ce qui implique que le crime n’est pas nécessairement commis en un lieu unique" [30]. L’élément intentionnel serait concrétisé, dans de telles circonstances, par l’intrusion frauduleuse dans le système informatique de l’établissement et l’intervention sur les données y contenues. 

78- Peuvent de la même manière être commis sur le réseau des réseaux une escroquerie ou un abus de confiance. 

79- Ainsi, cette énumération, qui ne prétend en aucun cas être exhaustive, démontre que si "L’Internet facilite (...) la commission de certaines infractions, comme l’existence de ponts sur l’Isère facilitait la contrebande de Mandrin" [31], ces dernières sont pour la plupart classiques et notre droit pénal est parfaitement apte à les appréhender. Les seules difficultés sont alors leur répression effective. En effet, si par exemple une condamnation pour diffamation sur le réseau intervient, il paraît difficile de faire cesser la diffusion de l’information litigieuse, et ceci malgré l’injonction d’un juge, dès lors que le message incriminé a été diffusé à "plusieurs milliers de personnes réparties dans le monde entier" [32]. De même, si les délits économiques (détournements de fonds par la voie informatique) ou blanchiments peuvent être réprimés quelque soit la méthode utilisée pour leur réalisation, les réseaux électroniques offrent de telles possiblités de vitesse de circulation de l’information comme d’interconnexion entre les serveurs que tout suivi de celle-ci, comme toute repression, devient rapidement très difficile, faute de moyens policiers et de coopération internationale [33], et ceci malgré les "stratégies offensives"  [34] développées par certains Etats en la matière. 

80- D’autres infractions, cependant, sont totalement nouvelles et une intervention du Législateur s’est avérée ou s’avère nécessaire : 

Paragraphe 2 - Les infractions spécifiques à l’informatique

81- Avec l’avènement de l’informatique, de nouvelles infractions sont apparues, telles la fraude informatique ou l’utilisation non autorisée de programmes informatiques protégés, et notre droit pénal traditionnel, avec ses incriminations de vol, d’escroquerie ou de collecte frauduleuse ou illicite de données nominatives, ne permettait que très difficilement leur répression. Le Législateur français a donc dû intervenir pour les incriminer spécifiquement, à l’instar de ses homologues -entre autres- danois ou américain, et ceci notamment sur l’appel d’Instances internationales tel l’OCDE ou le Conseil de l’Europe [35]. Mais tous les pays n’ont pas encore procédé à ces modifications. 

82- La loi française qui en est résultée en 1988, dite "Loi Godfrain", du nom de son initiateur, permet aujourd’hui d’appréhender les nombreux méfaits ci-dessous énoncés, avec cette précision que les personnes morales peuvent en être aussi déclarées responsables :

l’accès frauduleux dans tout ou partie d’un système de traitement automatisé de données, l’infraction étant aggravée lorsqu’il en est résulté une altération, soit des données y contenues (suppression ou modification), soit du fonctionnement même du système (323-1 NCP).
le maintien frauduleux dans ce système, avec les mêmes causes d’aggravation (323-1 NCP) : en effet, bien que le maintien dans un système suppose un préalable accès, celui ci peut-être autorisé tandis que le maintien, non [36].
L’atteinte volontaire au fonctionnement d’un système de traitement automatisé de données, c’est-à-dire le fait de le fausser ou l’entraver (323-2 NCP).
L’atteinte volontaire aux données contenues dans un système de traitement automatisé de données (introduction frauduleuse de nouvelles données, suppression ou modification des données stockées ; 323-3 NCP).
83- Mais cette "révolution technologique"  [37] engendre aussi des troubles auxquels le droit pénal ne sait que très mal apporter de réponses. Dès lors, il reste silencieux ou s’enrichit de dispositions dépourvues de sens, bien que lourdement sanctionnées. C’est ce que certains dénoncent, et notamment M. N. Ros de Lochounoff [38], concernant respectivement le droit pénal de l’économie, et la transposition française de la Directive sur les programmes d’ordinateurs, harmonisant les législations en la matière.

84- Le travail du Législateur n’est donc pas terminé. Mais peut-être conviendrait-il mieux, au lieu d’élaborer des lois ponctuelles à chaque fois qu’une nouvelle difficulté survient, de repenser chaque secteur du droit en fonction de l’évolution de la société, pour "une cohérence plus forte entre le droit et la technique" [39]

85- Car ne sont pas uniquement concernées quelques branches juridiques. Si Internet est le siège ou l’instrument d’une minorité d’infractions totalement nouvelles, il est cependant le témoin d’une multitude d’actes malveillants qui, bien que connus de notre société, bousculent à tel point les notions juridiques traditionnelles qu’il devient difficile de les appréhender de manière sereine et conforme à nos principes fondamentaux de droit pénal : 
 
Paragraphe 3 - Les infractions classiques posant un problème de qualification

86- Mme Falque Pierrotin a pu écrire avec discernement que "La spécificité de l’Internet repose sur l’imbrication des services et des acteurs qui rend difficile l’application a priori d’un régime juridique déterminé et global" [40]. Ceci a des conséquences en droit pénal, certaines des dispositions de celui-ci supposant souvent, pour leur application, déterminé le régime juridique applicable à l’espèce (ainsi, les délits de presse ne peuvent permettre de sanctionner des infractions, dont les éléments constitutifs seraient par ailleurs réunis, qui seraient commises par un vecteur d’information non qualifié de presse). Plusieurs difficultés vont alors survenir, ces dernières pouvant être classées en trois catégories : le problème de qualification (1), le cumul d’incriminations (2), l’incohérence du fait et du droit (3). 
 
A/ Les problèmes de qualification

87- Comme nous l’avons déjà mentionné, Internet bouleverse les définitions juridiques classiques, et en premier lieu celles du droit de la communication, fondées sur la distinction entre correspondance privée et communication audiovisuelle. Cette distinction est pourtant fondamentale, car qualifier les échanges qui ont lieu sur le réseau de l’une ou de l’autre entrainera des conséquences pénales différentes. 

88- Par exemple, les délits de presse établis par la loi de 1881 (loi applicable à "tout moyen de communication audiovisuelle", termes y ajoutés par une loi du 13 décembre 1985) requièrent l’existence d’une publicité, d’un "public" qui en serait le destinataire (article 23 de cette loi). A défaut, autrement dit en cas de correspondance privée, des propos racistes ne pourront pas être poursuivis sur le fondement de cette loi, mais uniquement sur la base des articles R 624-3 et R 624-4 NCP (diffamation et injure non publiques présentant un caractère raciste ou discriminatoire), ou R 625-7 (provocation non publique à la discrimination). 

89- Nous pouvons également citer le cas de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication audiovisuelle, qui prévoit à son article 43 un régime de déclaration au Procureur de la République de toute création de services de communication audiovisuelle autre que ceux distribués sur réseaux cablés ou hertziens, obligation qui n’existe pas en cas de service de télécommunications. 
 
90- De même, et au contraire des informations émises par le biais d’une communication audiovisuelle, les correspondances privées sont protégées par le secret, conformément à la loi du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des télécommunications. Est ainsi réprimé par l’article 226-15 NCP "Le fait, commis de mauvaise foi, d’ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner des correspondances arrivées ou non à destination et adressées à des tiers, ou d’en prendre frauduleusement connaissance". Est puni des mêmes peines (un an d’emprisonnement et trois cent mille francs d’amende) "le fait, commis de mauvaise foi, d’intercepter, de détourner, d’utiliser, ou de divulguer des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications ou de procéder à l’installation d’appareils conçus pour réaliser de telles interceptions" (sauf interception judiciaire ou administrative, selon les procédures qui les gouvernent). 

91- Enfin, certaines incriminations prévues par le nouveau Code pénal, telle celle de l’article 227-24 que nous avons ci-dessus étudié, prévoient que "lorsque les infractions prévues au présent article sont soumises par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables". Cette mention renvoit à l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, qui dispose que le directeur de la publication de ce service sera pénalement responsable du message incriminé dès lors que celui-ci aura fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public. Selon la circulaire du 14 mai 1993, le Parlement a ainsi voulu lutter, en adoptant cette disposition, contre les excès de certaines messageries conviviales communément désignées sous le terme de "minitels roses". Dès lors, cette disposition ne pourra s’appliquer à Internet que si les documents incriminés sont réputés avoir été diffusés par voie de presse audiovisuelle. Mais un autre problème se pose en aval : celui de savoir qui assume cette fonction éditoriale, sur le réseau. Car, encore une fois, les définitions traditionnelles ont du mal à s’adapter à la technique [41]

92- Donc, de la qualification choisie, entre service de télécommunications et service de communication audiovisuelle, dépendront les dispositions de droit pénal applicables. Mais la question qu’il convient de se poser est celle-ci : ces différents régimes sont ils transposables à Internet ? 

93- Les textes relatifs à ces deux secteurs de la télécommunication sont effectivement l’un comme l’autre légitimes à régir le réseau Internet : 

94- En effet, la communication audiovisuelle est définie à l’article 2 al. 2 de la loi de 1986 sur la liberté de l’audiovisuel, comme "toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de télécommunication, de signes, de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature qui n’ont pas le caractère d’une correspondance privée". 

95- Selon Mme Falque-Pierrotin, cette définition peut être appliquée à Internet, notamment car la circulaire du 17 fevrier 88, précisant les services entrant dans cet article, donne des éléments en faveur du réseau. Cette même circulaire indique que le message doit être destiné "indifféremment au public ou à des catégories de public, c’est à dire un ensemble d’individus indifférenciés, sans que son contenu soit fonction de considérations fondées sur la personne". Il doit être "à l’origine mis à la disposition de tous les usagers du service, à titre onéreux ou gratuit". [42]

Il convient cependant de signaler ici que les juges en ont décidé autrement s’agissant du minitel, ce dernier "étant visuel et non audio, il n’est pas un moyen audiovisuel au sens de l’article 23 de la loi sur la presse" [43]. Ceci ne fait que contribuer à la confusion ambiante, car l’on saisit mal la raison d’une discrimination entre minitel et Internet, malgré les quelques caractéristiques qui les séparent. 

96- Les correspondances transmises par la voie des télécommunications englobent quant à elles, selon la loi du 10 juillet 1991, "toute transmission, émission ou réception de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de renseignements de toute nature par fil optique, radioélectricité ou autres systèmes électromagnétiques". Cette définition est également applicable au réseau, à l’instar de la loi de 1991 relative au secret des correspondances privées, et ceci en application de la circulaire du 17 février 1988 selon laquelle "il y a correspondance privée lorsque le message est exclusivement destiné à une personne (ou plusieurs)  [44] physique ou morale, déterminée ou individualisée". 

97- Les deux régimes juridiques sont applicables. Alors lequel appliquer ? La réponse à cette question est très délicate, car certains des services proposés sur Internet entrent dans la première catégorie, d’autres répondent à la définition de la deuxième, tandis que d’autres encore peuvent être tour à tour communication audiovisuelle ou correspondance privée. A cela s’ajoute un désaccord, sur la qualification de chaque service, entre les auteurs ou les juges. 

98- N. Gautraud a d’ailleurs pu écrire qu’ "Internet ne peut à l’évidence être purement et simplement assimilé à de la radiodiffusion". Il "recouvre des formes élaborées de communication individuelle interactive, de multiples formes intermédiaires entre la communication individuelle et la communication de masse, ainsi que des services électroniques d’information" [45]. Les juges de 1ère instance de la Cour du district est de Pennsylvanie estiment quant à eux qu’ Internet est une "conversation mondiale sans fin" [46]

99- En effet, selon les critères de distinction communément admis [47], l’élément de publicité dépend des personnes touchées par l’information (public indéterminé, imprévisible, non cimenté par une communauté d’intérêt), mais non de leur nombre ou du lieu où ce "public" se trouve. Certains, dont les juges, estiment également que l’intention de l’initiateur du courrier est primordiale, et qu’il faut rechercher s’il souhaitait toucher uniquement une personne déterminée ou non. Ainsi, un courrier électronique (E-mail, ou mél) peut être une correspondance privée quand l’émetteur de l’information s’adresse à un ou plusieurs destinataires déterminés, alors qu’il devient une communication au public dès lors que les messages sont envoyés au hasard à de nombreuses personnes, quand bien même liées par un critère déterminé (appartenance à tel secteur professionnel...). Un forum de discussion de même qu’une liste de diffusion semblent a priori publics. De même, un site Internet ne donnant pas lieu à restriction d’accès ou un home page sont soumis aux règles concernant la communication audiovisuelle. 

100- Ces dictinctions sont dangereuses, en ce que la plupart d’entres elles resteront incertaines jusqu’à une qualification judiciaire. Comme le préconise Nathalie Gautraud, il est urgent de reconnaître la spécificité d’Internet "afin de créer un cadre réglementaire adapté à ces techniques nouvelles d’information et de communication tout en assurant la protection du citoyen" [48]. Me N. Brault appelle également de ses vœux "la définition d’un régime juridique plus homogène pour l’ensemble des services en ligne, fondé sur une distinction entre la nature des services, par opposition entre les correspondances privées d’une part (messagerie électronique (...)), et la communication audiovisuelle d’autre part" [49], bien que cette aproche ne semble pas être la meilleure car comme nous l’avons dit, un E-mail peut très bien relever des unes ou de l’autre. 
 
B/ Les cumuls d’incriminations

101- Nous l’avons vu, les incriminations de droit commun, les incriminations spécifiques aux délits informatiques, de presse, ou commis à l’encontre des donnés personnelles, permettent de couvrir la quasi-totalité des infractions commises sur Internet. Le problème est que cette classification même n’a aucune signification sur ce réseau, et peut y être commise une infraction de droit commun (le meurtre, par exemple), au moyen d’une atteinte à des données personnelles (falsification des données médicales relatives à une patiente sous monitoring), atteinte commise elle même au moyen d’ une atteinte à un système informatique (accès frauduleux au système de traitement automatisé de l’hôpital). En ce cas, la solution proposée par le droit pénal général est connue : il s’agit de déterminer si ce concours possible d’incriminations constitue un concours d’infractions, idéal ou réel.

 102- Il y a concours réel d’infraction, selon l’article 132-2 NCP, "lorsqu’une infraction est commise par une personne avant que celle-ci ait été définitivement condamnée pour une autre infraction". Ce sera le cas par exemple de l’accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données (article 323-1 NCP), suivi d’une collecte frauduleuse ou illicite d’informations nominatives contenues dans ce système (article 226-18 NCP), puis de l’utilisation de ces données pour commettre une escroquerie à l’encontre d’un tiers (article 313-1 NCP). Ces diverses infractions, réalisées successivement, et sans intervention, entre chacune d’elles, d’un jugement définitif, seront en concours réel. Il en sera de même si leur auteur est poursuivi pour les deux premières, avant que la troisième ne soit découverte quelques mois plus tard : car aucune décision ne sera intervenue entre la consommation de chaque acte. 
 
103- Le concours réel aboutit alors à autant de poursuites, et éventuellement de condamnations, qu’il existe d’infractions commises. Et cela ne fait pas échec au principe non bis in idem [50], car à chaque poursuite correspond un fait distinct. 
 
104- Il y a en revanche concours idéal d’infractions, expression à laquelle M. Yves Mayaud préfère la terminologie, à notre avis plus appropriée, de "conflit de qualification légale" [51], lorsqu’un unique fait contraire à la loi pénale est susceptible de plusieurs qualifications. 

105- Ainsi, le fait de divulguer sur Internet des informations concernant une personne physique, de nature à porter atteinte à sa considération et sans l’accord de celle-ci, peut être saisi par l’article 29 de la loi de 1881 sur la presse, réprimant la diffamation, comme par l’article 226-22 NCP, qui sanctionne la divulgation à un tiers non autorisé de données nominatives ayant pour effet de porter atteinte, notamment, à la considération de l’intéressé. 
 
106- Ce cumul est a priori prohibé, en raison de la règle non bis in idem. Cependant la majorité des auteurs appelle à faire une distinction, au sein de cette classe de concours : 
 
107- Lorsque les différentes qualifications applicables au même fait protègent la même valeur sociale  [52] (l’honneur ou la dignité, dans notre exemple ; l’intégrité physique, en cas de conflit entre les qualifications de "torture et actes de barbarie" et de "viol"...), alors les qualifications ne peuvent pas être cumulées, et un choix doit être opéré en leur sein. Ce choix se fera souvent par rétention du texte correspondant à l’expression pénale la plus haute, c’est-à-dire à la qualification la plus sévère, sauf si les deux incriminations en présence relèvent l’une d’un texte spécial, l’autre d’un texte général, auquel cas le texte spécial devra être retenu par priorité, en vertu du principe specialia generalibus derogant [53]
 
108- A l’inverse, lorsque les valeurs sociales protégées par chacune des qualifications possibles sont différentes (le système informatique, les données personnelles et la vie d’une personne, dans notre exemple cité au n° 101), alors le cumul redevient possible, sans aller à l’encontre des principes de droit pénal général car si le fait est unique, les atteintes sont multiples et l’on en revient à l’hypothèse d’un concours réel d’infractions. 

109- Cette démarche paraissait tout à fait opportune avant l’apparition de méfaits sur Internet. Elle le reste et n’est pas à remettre en cause, mais elle est source de difficultés quant à sa mise en oeuvre : car les régimes juridiques applicables sur Internet ont à l’heure actuelle pour source, et cela sera de plus en plus vrai si la démarche législative actuelle est poursuivie, des lois spéciales. Ce qui aboutit inexorablement à se perdre dans la spécialité. De cet état du droit naissent des situations qui tendent à l’aberration, et si le droit s’applique sur Internet, il s’y applique d’une manière à notre avis non conforme à l’un de ses objectifs, qui est de sanctionner l’infraction commise de manière proportionnée, sur le fondement d’une loi claire et simple, définissant strictement le comportement réprimé. 

110- Deux disfonctionnements sont donc à noter, le second pouvant être perçu comme un corollaire du premier : une complexification inopportune du droit, et une sanction souvent inadaptée à l’infraction réellement commise. 

111- Complexification inopportune en ce que, d’une part et comme nous l’avons déjà dénoncé, les textes spéciaux se multiplient pour réprimer des actes spécifiques qui ont cours dans un domaine technique particulier (loi du 6 janvier 1978, loi Godfrain...). D’autre part, les infractions classiques sont souvent complétées d’un alinéa ou de quelques mots aux fins de leur meilleure application au Réseau informatique (incriminations concernant les atteintes sexuelles [54], le faux en écriture de l’article 441-1 NCP...). Tout ceci a pour résultat de mettre en présence des incriminations souvent applicables de manière équivalente à l’infraction commise, dès lors que les régimes juridiques qui les concernent respectivement trouvent à s’appliquer simultanément au cadre dans lequel seront commis les éléments constitutifs de cette infraction. 
 
112- Il en est ainsi de l’altération frauduleuse de données contenues dans un système informatique : selon l’article 441-1 NCP, "Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques". "Le faux et l’usage de faux sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 F d’amende". Du fait de l’insertion dans cet article, par le nouveau Code pénal, de la phrase "tout autre support d’expression de la pensée", qui permet son application aux délits commis par la voie informatique, le législateur de 1992 n’a pas jugé bon de reprendre, dans le chapitre du nouveau Code pénal consacré aux atteintes aux systèmes de traitement informatisé de données, l’article 462-5 de l’ancien Code pénal né de la loi Godfrain, qui sanctionnait la falsification de documents informatisés. 

113- Nous en arrivons donc à une situation dans laquelle, en cas d’atteinte à un système informatique par "falsification" (terme employé par l’article 462-5 de l’ancien Code pénal) de données y stockées, deux textes sont applicables : l’article 441-1, censé en partie remplacer l’ancienne incrimination que nous pouvons dénommer "faux en informatique", et l’article 323-3 de l’actuel Code pénal, qui, rappelons-le, réprime le fait de modifier frauduleusement les données contenues dans un système informatique. Bien entendu il existe une différence entre ces deux textes et si l’article 323-3 ne prévoit que le fait de modifier les données, l’article 441-1 exige une altération frauduleuse de la vérité, cette dernière devant pouvoir constituer la preuve d’un fait ou d’un acte ayant des conséquences juridiques, ainsi qu’un préjudice en résultant. Mais très souvent les faits à réprimer correspondront à l’une comme à l’autre de ces définitions, des données stockées étant souvent représentatives de la vérité (tout dépendra de ce que le Législateur comme le juge entendront sous le vocable de "vérité"), l’altération n’étant pas fondamentalement différente de la modification, une donnée ayant très souvent vocation à produire un effet juridique, et enfin une telle action portant nécessairement préjudice au "propriétaire" du fichier. Certes et par chance, les sanctions prévues par l’une et l’autre de ces incriminations sont identiques : mais ceci est très représentatif de la complexité, inopportune, qui règne au sein de notre droit, sachant que ce développement pourrait être mené pour nombre de nos textes de droit pénal. 

114- Pour un second et dernier exemple, citons l’affaire, concernant un étudiant en informatique, dont nous avons déjà fait mention plus haut  [55] : la condamnation, on le sait, est intervenue sur le fondement de l’article 226-19 NCP. Mais comme le note M. Frayssinet dans son commentaire de l’espèce [56], étaient applicables de multiples autres textes de ce même code : alternativement (conflit de qualifications légales), les articles 226-22, 226-1 relatif à la protection de la vie privée [57], 226-18 si la jeune fille eut été photographiée à son insu ; simultanément (concours réel d’infractions), les articles 226-16 (non déclaration du site à la CNIL), 226-17 (défaut de prise de mesures de sécurité pour assurer la sécurité des images - mais la raison en est ici évidente-), 227-24 (protection des mineurs contre la vue d’images pornographiques). Il en est de même pour l’article 227-23, si la jeune fille eut été mineure, mais la possibilité de cumul peut être ici contestée. 
 
115- Est-il bien raisonnable que pour un fait unique, même s’il implique l’utilisation de plusieurs techniques obéissant à des régimes juridiques parfois distincts, autant de textes aient cette vocation plus ou moins légitime à s’appliquer ? Il paraît ici approprié, même si nous y reviendrons, de dénoncer une absence flagrante de clarté et de généralité de la loi, caractères qu’il lui serait possible de préserver tout en subissant les adaptations nécessaires à l’apparition de certaines technologies. 

116- La conséquence en est parfois, et ceci constitue notre second point, que le méfait sanctionné ne sera pas forcément celui que l’auteur voulait commettre et a par ailleurs commis, mais celui commis par "nécessité", en qualité d’instrumentum, pour la bonne réalisation de l’infraction principale.

Ceci est vrai à un moindre degré  [58] dans l’affaire précitée du meurte commis par un homme sur la personne de sa femme par le biais d’Internet. Nous comprenons mal, en communion avec M. Frayssinet, la légitimité de la loi de 1978, protectrice des libertés, à s’appliquer à une espèce ou le seul but recherché par l’auteur des faits était une atteinte à la vie d’autrui. Certes, le droit pénal français ne tient pas compte des objectifs et sanctionne l’impact effectif de l’infraction sur la société. Ceci est une bonne chose mais elle ne doit pas nous faire perdre pied d’avec la réalité.

Ceci est par contre totalement effectif s’agissant du vol d’information  [59] : il est constant que le vol suppose la soustraction frauduleuse d’une chose matérielle possédée par autrui. Ainsi le vol d’informations, et ceci quelque soit l’importance de ces dernières, ne peut être poursuivi qu’à travers leur support matériel. Ce n’est donc pas ce que l’auteur des faits a volé selon son intention première qui est effectivement protégé, mais ce qu’il a dû voler pour y parvenir. Si cela n’a pour causes que l’obligation d’interprêtation stricte de la loi pénale et le défaut de cohésion entre le fait et le droit que nous allons à présent aborder, les conséquences sur l’application du droit en restent inexorablement les mêmes. 

C/ Le défaut de cohésion entre fait et droit

117- Ce défaut de cohésion vient d’être démontré, avec le vol d’information. Il en est de même du recel de celle-ci, ou d’autres dispositions plus spécifiques tel le droit de décompilation. Bien entendu cette difficulté est déjà ancienne, et ne provient en aucun cas de la spécificité d’Internet. Mais elle n’est que mieux révélée par le réseau et nous oblige à dénoncer une situation dans laquelle nous nous confortions. Ainsi, il serait bon que le Législateur s’attache à rétablir une certaine cohésion entre le droit et la réalité, au lieu de créer sans cesse des incriminations -ou compléments d’incriminations- spécifiques destinées à saisir une illusion de vide juridique. Notamment, le vol devrait enfin être admis pour toute "chose", matérielle ou immatérielle. Et quand bien même l’obligation de l’existence d’un support viendrait à être conservée, il serait au moins opportun d’admettre au rang de ces supports, si l’on ne veut à l’extrème y admettre l’air, support des ondes accoustiques qui nous permettent de percevoir les sons, les supports magnétiques et les cables téléphoniques [60]
 
118- Ce que nous venons d’étudier est rassurant et effrayant tout à la fois. Rassurant en ce qu’il est évident que le droit français est présent sur le réseau, tant de par son champ d’application territorial que de par son application matérielle. Mais effrayant, si l’on songe, dans une approche internationale, qu’il en est de même s’agissant de la plupart des droits pénaux de nos voisins. Internet est donc littéralement asphyxié par le droit. De ceci résultent de nombreux disfonctionnements : 
 
SECTION III - LES CONSEQUENCES DE L’APPLICATION DE TOUTES LES LOIS

119- La possible application simultanée, au même comportement infractionnel, de plusieurs droits et, en leurs seins respectifs, de plusieurs incriminations, provoque un choc de valeurs morales (1§) comme un affaiblissement du droit pénal (2§). Bien sûr ces difficultés sont connues du droit international comme de notre système législatif interne. Mais, hier exceptions, elles sont aujourd’hui la règle. Elles deviennent quotidiennes et incontournables. 

Paragraphe 1 - Le choc des valeurs morales

120- Que tous les droits de la planète aient vocation à s’appliquer n’appelle pas de difficulté majeure dès lors que ceux-ci sont identiques, mais il en est autrement dès lors qu’ils n’incriminent pas les mêmes faits, ou qu’ils répriment le même acte de manière différente. Et comme l’énonce Mme Marcellin-Taupenas dans une phrase désormais célèbre, "Le droit présente des disparités quant à la liberté d’expression : le contenu d’un message transporté sur Internet peut être jugé innocent ici, indécent là et criminel ailleurs" [61]

121- En effet, les systèmes législatifs, mis en présence, révèlent leur hétérogénéité, et les conflits de valeurs morales qui en résultent posent l’essentiel des problèmes.

122- Ceci est vrai de la liberté d’expression, mais également d’une multitude de faits et d’actes, tels les atteintes aux systèmes informatiques (tous les pays n’ont encore pas adopté de dispositions similaires à celles que nous connaissons avec la loi Godfrain). 

123- Mais c’est la différence entre les conceptions étatiques de cette liberté d’expression qui pose la réelle difficulté, car tenter de la résorber ne relève plus de l’ordre technique, mais de l’ordre moral. La souveraineté des Etats est mise en cause. Et la résorber devient pourtant nécessaire, car les conceptions s’entrechoquent, et créent des conflits. 
 
124- Conflits car, si, comme le rappelle M. Vivant [62], la conception américaine de la liberté d’expression est tout aussi respectable que la nôtre, "car il s’agit bien d’une véritable conception de la liberté et des libertés", et que ce raisonnement pourrait très bien être appliqué à d’autres pays, il faut "savoir choisir, sauf à ne plus assumer sa responsabilité d’homme". Et les choix en ce domaine, qu’ils soient personnels ou étatiques, suscitent des passions et des combats pour leur sauvegarde. 
 
125- Conflits encore, car admettre le respect dû à une conception de la liberté ne permet pas toujours de supporter l’intolérable [63], pour quiconque "croit en certaines valeurs" pour reprendre une autre expression de M. Vivant [64]. Et nous désirons aller plus loin en affirmant que certaines valeurs sont irréversiblement universelles, que l’on y croie ou non, que l’on désire y adhérer ou non. Et c’est à ceux qui y croient de tout faire pour les défendre [65]

126- Ces conflits sont multiples : ainsi, un propos incitant à la haine raciale ou révisionniste, déposé sur un serveur américain, n’enfreint en aucun cas la loi dudit pays, tandis que le même propos est sévèrement combattu par la loi française et la plus grande partie des Etats européens. 

127- Au sujet des propos et images à caractère sexuel, un vif débat s’est pourtant ouvert aux Etats-Unis en 1995-1996, qui a donné lieu au vote par le Congrès, le premier février 1996, du "Communication Decency Act", texte modifiant la loi sur les télécommunications et pénalisant tout "message indécent ou obsène, le sachant accessible à un mineur de 18 ans" [66]. Mais certaines de ses dispositions ont été jugées inconstitutionnelles par le Tribunal comme la Cour d’appel de Pennsylvanie, ce qui a été confirmé par la Cour suprême [67]. En effet, selon la Cour d’appel, ces dispositions "constituent une ingérence des autorités publiques dans le domaine de la liberté d’expression, alors que le message, quand bien même serait-il considéré comme "indécent" ou "offensant", doit bénéficier de la protection de la constitution". 

128- Une telle décision, paradoxale si l’on songe que la pornographie est plus sévèrement réprimée dans ce dernier pays qu’en France, laisse pour certains présager qu’aucun propos, et notamment à caractère raciste, n’est susceptible d’être interdit sur Internet par les Etats-Unis. 

129- Ceci est cependant à relativiser pour deux raisons :

La première est que les juges ont déclaré l’inconstitutionnalité pour des raisons étrangères à une éventuelle "protection" de l’indécence : le texte de loi présentait selon eux des restrictions disproportionnées au but à atteindre (à savoir la protection des mineurs), il était trop imprécis en ce qu’il ne définissait pas la notion d’ "indécence", et il fondait ses dispositions sur un critère (la "rareté" des fréquences) qui ne correspondait pas à Internet, donc qui ne pouvait s’y appliquer.

La seconde raison est qu’à la suite de la confirmation de cette décision par la Cour suprême, la Maison-Blanche a appelé la mise en place d’un groupe de travail destiné à élaborer un projet de mesure qui serait applicable en substitution du Decency Act. De même, le Congrès s’attache aux difficultés concernant Internet, et s’apprête à intervenir. Ce qui fait dire à certains, à l’inverse, que "les Etats-Unis [sont peut-être] en train de marcher sur les traces du Législateur français" [68].

130- Pour en conclure avec cette affaire, il semble que le continent américain ne soit pas totalement indifférent aux problèmes suscités par les messages envoyés sur Internet par ses habitants, et ceci peut être perçu comme encourageant. Il n’en demeure pas moins que les différences persistent entre valeurs protégées. 
 
131- A l’extrème opposé citons la Chine, qui, voyant dans Internet un instrument servant à dévoiler les secrets d’Etat ou à diffuser des informations malfaisantes, a révisé pour la seconde fois, le 11 décembre 1997, une législation de février 1996. Ces nouvelles dispositions pénales, entrées en vigueur le premier janvier 1998, prévoient des "punitions criminelles" et des amendes envers les auteurs, fournisseurs d’accès ou internautes, personnes physiques comme morales, de violation de secrets d’Etat, de subversions politiques, de fraude informatique, ou de propos violents ou pornographiques. 

132- M. Denis Duclos  [69] écrivait, s’agissant des nouvelles technologies (et notamment des armes chimiques) que "le véritable risque technologique est celui d’une circulation de la haine dans la culture de masse, ce milieu ambiant où nous fantasmons, en nous gardant bien d’en faire matière à conversation civile". Cette pensée est transposable à Internet, et nous nous devons de remédier rapidement à ces problèmes si nous ne voulons pas que ce réseau devienne, sous couvert de liberté d’expression ou d’une autre valeur, un risque. Nous nous le devons pour qu’il conserve ses caractères vertueux que tant chérissent, et ceci quand bien même on ne peut dire qu’il fédére l’ensemble de la planète, quand "1,2 milliards d’habitants n’ont toujours pas accès à l’eau potable" [70], quand quelques millions de personnes connectées sont répertoriées pour l’ensemble du monde. Car souvenons nous d’une triste période de notre histoire, où le mal est venu du côté d’où on l’y attendait le moins. 

Paragraphe 2 - l’affaiblissement du droit pénal

133- Ces conflits de lois, externes et internes, provoquent un affaiblissement marqué des principes de droit pénal. 

A/ Le déclin de la légitimité de la loi pénale

134- En premier lieu, la loi pénale se doit d’être légitime, si elle veut atteindre ses objectifs, qui sont en France de prévenir et réprimer les comportements non respectueux des valeurs protégées par la société. Elle doit pour partie cette légitimité à ses caractères de généralité, d’abstraction et de pérennité (1), ainsi qu’à la sécurité qu’elle apporte au citoyen (2). 

1) La loi : générale, abstraite et pérenne ?

135- Comme le rappelle M. Gautier [71], "depuis Rome, en passant par l’inaltérable Portalis, les titres de gloire de nos lois sont (étaient ?) [72] leur caractère général, abstrait, et bien frappé, justifiant que les situations nouvelles se placent doucement et comme naturellement sous leurs auspices". 
 
136- Comme nous pouvons le constater, les textes de loi en vigueur aujourd’hui sont particuliers pour la plupart, entrent dans les méandres du comportement avec une étonnante précision, et sont souvent édictées rapidement, sans réflexion préalable, car trop souvent instruments politiques pour calmer les lobbies faisant partie de l’électorat.

Citons, pour illustrer cette dernière particularité, l’exemple des dispositions sur la décompilation [73], prises pour répondre rapidement à un problème technique. Elles risquent de ne plus servir "qu’aux fraudeurs"  [74] à l’avenir, du fait de l’apparition de langages d’interfaçage permettant de résoudre les questions d’interopérabilité. Et si leur édiction a été quelque peu efficace, les mesures de sécurité qu’elles prévoient pour préserver l’œuvre "décompilée" des atteintes éventuelles au droit d’auteur dont elle pourrait être l’objet ne sont pas contrôlables. De plus, le reverse engineering, leur source, est incompatible, théoriquement, avec le droit d’auteur. 

137- "Il y a [donc] une incontestable perte d’unité du droit positif " [75], d’où naissent de multiples contradictions et incompatibilités entre dispositions. Cette situation est dangereuse et il conviendra d’y remédier rapidement si l’on ne désire pas "un affaiblissement du jeu démocratique" [76], si l’on veut éviter que les citoyens, et notamment les cybercitoyens, ne se détournent de la loi ou ne soient totalement désillusionnés quant à son application, et qu’Internet n’envenime une situation dont les premières pierres ont été jetées il y a déjà longtemps. 

2) L’ignorance de la loi applicable

138- "Plus il y aura de gens qui comprendront le code sacré des lois et qui l’auront entre les mains, moins il se commettra de crimes, car il n’est pas douteux que l’ignorance et l’incertitude des châtiments viennent en aide à l’éloquence des passions" [77]. Le réalisme de cette citation de plus de deux siècles d’âge sera certainement contesté par certains, pour lesquels les théoriciens sont d’éternels utopistes, et que, même s’il est établi que la sanction pénale poursuit un but comminatoire, elle n’a jamais empêché les personnes déterminées à commettre l’infraction qui la fonde, à l’instar des écoles qui n’ont pas su fermer les prisons. 
 
139- Il n’est cependant pas contestable que ne pas connaître ce à quoi on s’expose en commettant un acte (ouverture d’un site, navigation sur le réseau, téléchargement de fichiers nominatifs...), non seulement facilite la commission d’infractions, et cela souvent en toute bonne foi, mais n’est également pas conforme à l’un des principes de base de notre droit pénal, qui est le maintien de la sécurité au sein de la société. L’affirmation du principe selon lequel "nul n’est censé ignorer la loi" [78], hier hypocrite, en devient comique. 
 
140- Et la confusion qui règne au sein des droits applicables sur Internet empêche ses acteurs, même ceux de bonne volonté, de savoir quel droit suivre et quelles formalités accomplir. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir des auteurs d’infractions s’étonner de leur interpellation, pour n’avoir pas par exemple déclaré à la CNIL  [79] leur home page ou leur site, de n’avoir pas déclaré ces mêmes "lieux" au Procureur de la République [80], ou pour être entrés en toute bonne foi dans un réseau informatique sans droit d’accès. 

141- Preuve est de cette confusion, l’aspiration de ces acteurs à une meilleure connaissance du droit applicable sur Internet : dans une étude sur la responsabilité relative au contenu circulant sur Internet  [81] diffusée le 11 mars 1997 par Industrie Canada, on peut effectivement lire que les "participants aux groupes de discussion ont déploré la continuelle incertitude au sujet de leurs droits, obligations et responsabilités découlant de leurs rôles de participant à la diffusion du contenu dans la chaîne de distribution Internet". 

142- Il convient de noter que cette confusion de textes ternit un peu le travail du juge qui, ayant "une latitude d’appréciation de plus en plus étendue", ne choisira pas toujours le même fondement pour condamner deux faits pourtant similaires : d’où "une jurisprudence trop diversifiée pour dégager de véritables principes directeurs" [82]

B/ Une mauvaise application de la loi pénale

143- La loi applicable, quand elle est finalement choisie, connaît également une application douteuse dans la décision ou ineffective dans sa concrétisation : les juges ne semblent pas suivre à la lettre le principe de prohibition des interprêtations par analogie (1), la loi appliquée semble ineffective (2) et les risques de Forum Shopping comme de déni de justice sont présents (3). 

1) L’interprétation analogique

144- Le droit pénal est d’interprêtation stricte, en aucun cas analogique. Ceci est, pour Beccaria [83], la conséquence du droit de punir.

Les magistrats sont cependant souvent poussés à modifier le champ d’application matérielle d’une loi, ou à faire entrer un comportement dans une incrimination définie trop strictement pour pouvoir appréhender celui-ci avec l’harmonie qu’il se devrait [84]. L’interprétation par extension, interprêtation analogique qui ne dit pas son nom, est une cause de plus au désarroi des acteurs que nous dénoncions plus haut [85]. Bien qu’ancienne, elle n’est, comme tous les disfonctionnements que nous notons, que mieux révélée par Internet. 
 
2) L’ineffectivité de la loi applicable

145- La loi, une fois choisie par le juge, lequel prononce une condamnation sur son fondement, est souvent ineffective dans son application.

En effet, si l’auteur de l’infraction commise réside à l’étranger, ne pourront être appréhendés que les éventuels biens dont il dispose en France. Certes, une convention d’extradition lie la France à d’autres pays, mais d’une part ses signataires sont, et de loin, moins nombreux que les pays concernés par Internet, d’autre part elle est d’application très difficile, dans une branche du droit ou l’application territoriale de la loi subit une expansion fondée uniquement sur un critère de souveraineté, et enfin, l’obligation de double incrimination qui existe dans certains cas ne permettra pas la poursuite.

De même, si la fermeture d’un site pour le rouvrir dans un "paradis virtuel" peut être appréhendée sous couvert de fraude à la loi, sera rencontré le même problème suscité, plus celui de la possible invocation du bénéfice du droit européen. 

146- Mais sanctionner le coupable de l’infraction pose également des difficultés, alors même que cette personne est française et domiciliée en France. Car les contours de la responsabilité des faits délictueux est encore mal définie. Si par exemple [86] certains voulaient au départ une responsabilité systématique des fournisseurs d’accès, il semble aujourd’hui , et on peut s’en féliciter, que cela ne soit possible qu’à la triple condition que ceux-ci aient connu le contenu délictueux ou criminel de l’information, qu’ils aient eu la possibilité d’agir, et qu’ils s’en soient abstenu [87].

Mais même dans cette hypothèse, est-il sain qu’un provider ait à juger de l’illégalité ou non d’un contenu, ceci n’est il pas le travail normalement réservé aux magistrats ? 

3) Entre Forum Shopping et déni de justice...

147- Les victimes d’infractions commises sur le réseau peuvent alors être tentées de poursuivre l’auteur dans le pays où il se trouve, en cas de poursuite jugée difficile en France. La plupart des infractions que nous connaissons étant incriminées ailleurs, et notamment en Europe, il est des chances pour que cet autre pays s’estime compétent, lui aussi, à régir l’espèce. Nous entrons alors dans la définition du Forum Shopping, qui consiste pour les plaideurs, en droit international privé, à choisir le tribunal le plus accueillant à leur égard, pour faire condamner la personne qui leur a porté préjudice. Ceci peut sembler intéressant pour les victimes, si ce n’est que le Forum Shopping est totalement exclu par le droit pénal international, un fait déterminé ne devant être régi que par une loi déterminée. Le danger est ici extrème, car une généralisation de cette pratique aboutirait à rendre le droit pénal tout à fait insécuritaire et trouver une justification à l’application d’une sanction deviendrait difficile, sauf à enfin reprendre une réflexion de fond sur le droit pénal, et élaborer véritablement un droit international pénal, à l’instar du droit international privé. 

148- De la même manière, si la loi française ne s’estime pas compétente, la victime court le risque de se voir opposer une impossibilité de réparation, proche du déni de justice. Car la loi française, après avoir proclamé son incompétence, ne renvoit pas à une loi étrangère en substitution. C’est alors à la victime de la rechercher et de l’actionner, sous réserve de son existence. 

149- A l’inverse et enfin, le principe non bis in idem peut se voir lui aussi remis en cause [88], car les champs étendus de compétence de chaque loi dont le pays est concerné par une infraction commise sur Internet provoquent fréquemment des conflits positifs. 

150- Nous venons d’étudier le droit qui est appliqué sur Internet, et nous avons pu noter de nombreux disfonctionnements qui, s’ils ne provoquent pas le chaos et s’ils ne sont pas si dévastateurs que ce que nous en avons pu dire, ne serait-ce que par le faible volume des infractions commises sur Internet eu égard aux infractions commises dans chaque société "matérielle" [89], ne serait-ce que du fait du peu de personnes connectées au réseau par rapport au nombre d’êtres humains qui vivent sur notre planète, un problème existe, beaucoup en parlent, et il s’agit d’y remédier. Ce problème prend naissance dans la trop grande diversité des droits pénaux et des lois pénales applicables. Dans cette confusion, il faut se diriger vers un véritable droit pénal applicable sur Internet : 

Notes:

[1"The Cyberspace is not a no-law land" est le titre d’une étude sur la responsabilité en matière de contenu d’Internet, commandé par Industrie Canada, et diffusé le 11 mars 1997. Le texte est disponible en français à l’adresse Suivante : "Etude Internet", Bypress Printing and Copy Centre, Tour Jean-Edmonds Nord, 300 Slater, Ottawa (Ont.), KIP 6A6. Ce texte est également disponible en plusieurs versions à partir de l’adresse suivante : http://strategis.ic.gc.ca

[2Il s’agit notamment des crimes contre l’humanité, des crimes contre la paix, et des crimes de guerre, selon les principes de Nuremberg, adoptés par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 14 décembre 1974

[3Pour un développement plus complet de la question, se reporter à C. Lombois, op. précit. note 36, p.306

[4Cass. Crim. 2 février 77, Bull.crim. n°41

[5Voir les notes, sous l’article 113-2 NCP, édition Dalloz, 1998/1999

[6Crim. 23 avr. 1981, Rev. Sc. Crim. 1982. 609, obs. Vitu

[7Crim. 19 avr. 1983 : Bull. crim. n°108

[8Paris, 8 janv. 93 : Gaz. Pal. 1994. 1. 327, note J.-P. M. Voir également C. Lombois, op. préc. en note 36, p. 270

[9Article 113-3 NCP

[10Article 114-4 NCP

[11Article 113-5 NCP

[12Une condamnation pour complicité à l’étranger d’une infraction soumise à la loi française est inversement possible. Voir C. Lombois, op. préc. en note 36, n°265

[13Cette théorie a d’ailleurs été consacrée par le décrêt du 1er septembre 1992 (J.O. du 2 septembre 1992) relatif aux services de radiodiffusion sonore et de télédiffusion distribués par cable, selon lequel ses dispositions sont applicables aux services qui ont "établi leur activité hors de France dans le seul but de se soustraire aux règles qui leur seraient applicables s’ils étaient établis en France". Voir également Me Brault, art. précit. en note 30

[14Article 113-12 NCP

[15C. Lombois, op. précit. en note 36, n°292

[16Article 113-8 NCP

[17Article 113-9 NCP

[18Nous renvoyons, sur cette question, aux développements de C. Lombois, in Droit pénal international, précis Dalloz, deuxième édition, 1979, p.380

[19Article 113-10 NCP

[20Qui ne correspond pas forcément au lieu où le dommage a été subi

[21TGI Privas, 3 septembre 1997, exp. des syst. d’inf., n°213, p. 79. Voir également le commentaire de M. Jean Frayssinet, "Internet et protection des données personnelles [ou comment (mal) régler un conflit personnel par internautes interposés...]", exp. des syst. d’inf., avril 1998, doctrine p. 99

[22J. Frayssinet, op. précit

[23Le projet de loi, adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale le premier octobre 1997, JO Sénat, 2 oct. 1997, n°11, a donné naissance à la Loi n° 98-468, 17 juin 1998, JO 18 juin, p.9255

[24Nous verrons plus loin (V/infra n°111 et note 89) que ce dispositif, loin de mieux adapter notre législation à Internet, provoque de nouvelles questions

[25Exp. des syst. d’inf., décembre 1997, n°210, première page

[26TGI Paris, Ordonnance de référé 12 juin 1996 (UEJF), consultable à l’adresse : http://www.aui.fr/affaires/UEFJ/ordonnance.html . Si le juge a rejeté la demande, c’est surtout en raison de ses caractères généraux et imprécis, et non en raison de l’impuissance du droit à réprimer les information illégales sur Internet

[27TGI Draguignan, 21 août 1997, cité dans exp. des syst. d’inf., octobre 97, références p.294

[28Plusieurs décisions de justice sont intervenues en la matière : Concernant la reproduction d’une base de donnée sur Internet : voir T. Com. Nanterre," Edirom/Global Market Network", 27 janvier 1998, Exp. des syst. d’inf., mai 1998, p. 157 et commentaire p.149 ; pour la reproduction de paroles de chansons : TGI Paris, 14 août 1996, réf., 2 espèces (Brel et Sardou), Dalloz 96, jur. p.490, note P. -Y. Gautier ; JCP 1996, II, n°22727, obs. Olivier et E. Barbry ; pour une contrefaçon en ligne de logiciel, et une première condamnation en "nature", voir T. Com. Paris, 3 mars 1997, JCP 1997, II, 22840, note F. Olivier et E. Barbry ; ou http://www.legalis.net/legalnet/judiciaire/asi.htm, cité par P. -Y. Gautier, "Suite à la promenade à travers un site immatériel : des condamnations de justice en nature sur l’Internet", Dalloz 1997, chron. p.176

[29TGI Paris, Aff. Queneau contre Christian L., Exp. des syst. d’inf., juin-juillet 1997, n°206, p.242

[30Cass.Crim. 13 mai 1965, Bull. Crim. n°139. Idem Cass.Crim. 9 juin 1977, Rev. sc. crim. 1978. 97, obs. Levasseur

[31J. -F. Chassaing, "L’Internet et le droit pénal", Dalloz 1996, chron. p.329

[32J.-F. Chassaing, op. précit., qui cite le cas de l’affaire Y. Rocher (TGI Paris, 16 avril 1996), dans laquelle le tribunal a fait injonction à ladite société de faire cesser toute diffusion sur le réseau des propos qu’elle avait tenu à l’égard du groupe BNP. Ces informations litigieuses, diffusées sur le réseau Usenet, avaient dès lors été recopiées sur des milliers d’ordinateurs ce qui rendait l’ordonnance "techniquement et pratiquement impossible", s’agissant des informations déjà émises

[33Une estimation évalue à 44% les méfaits informatiques ayant pour objet le vol d’argent, selon Marc Pinguet, Chef de service et Adjoint au Directeur général des douanes et droits indirects. Voir "La douane et la Cyber-délinquance", GP vendredi 25, samedi 26 oct., dossier spécial Internet, p.53

[34Marc Pinguet op. précit., p. 54. L’auteur cite notamment la création, par décret du 9 mai 1990, de la cellule française "TRACFIN", "centrale du renseignement financier et cellule de coordination", pour la lutte contre les virements éléctroniques de fonds

[35Recommandation n° R (89) 9 sur la criminalité en relation avec l’ordinateur et rapport final du Comité Européen pour les problèmes criminels, Conseil de l’Europe, Strasbourg, 1990

[36Pour un exemple de condamnation pour maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données et pour entrave au fonctionnement de celui-ci : CA Paris (11° chambre, sect. A), 14 janv. 1997, Légipresse n°146, novembre 1997, Inf. d’actualité, I, 133 ; Juris-data, référence 020128

[37Terme employé par M. N. Ros de Lochounoff, " La société d’information : histoire technique, histoire politique, les juristes...", GP vendredi 25, samedi 26 octobre 1996, dossier spécial Internet, p.32

[38Art. précit., p.48

[39Art. précit

[40Mission interministérielle sur l’Internet, 16 mars 1996 - 16 juin 1996, Rapport de Mme Isabelle Falque-Pierrotin, disponible notamment à l’adresse : http://www.telecom.gouv.fr/francais/comdis/cp240496.htm

[41Dans ce cas, Me S. Lilti préconise que soit considéré comme éditeur, au sens de la loi de 1881 sur la presse, la personne qui héberge une information sur son ordinateur. "Pour faire barrage à l’"indignité on line"", interview, exp. des syst. d’inf., juin 1996, p.175

[42Mme Falque-Pierrotin estime quant à elle que devrait être mis en place un système simplifié de responsabilité en cascade, adapté au réseau, rapport précit.

[43C.A. Metz, 22 mai 1991, JCP 1992. IV. 1841

[44Parenthèse ajoutée par Mme Isabelle Falque-Pierrotin, rapport précit. en note 76, qui nous dit également que M. J. Toubon, alors Ministre de la Justice, "a précisé que le terme de "correspondances" devait être entendu au sens de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, à savoir comme une communication d’une personne à une autre"

[45N Gautraud, "Internet, le législateur et le juge", dossier spécial Internet, Gaz. du Palais, 25-26 octobre 1996

[46Décision citée par N. Gautraud, art. précit.. Elle peut être trouvée aux adresses suivantes : http://www.argia.fr et http://www.eff.org

[47Pour un développement complet de la question, voir le rapport de Mme Falque-Pierrotin, précit. en note 76

[48N. Gautraud, art. précit. en note 80

[49Me N. Brault, "Le droit applicable à Internet : De l’abîme aux sommets", 28 mars 1997, que l’on peut trouver à l’adresse suivante : http://www.grolier.fr/cyberlexnet/COM/A970428.htm

[50Principe selon lequel un même fait ne peut donner lieu à plusieurs condamnations

[51Yves Mayaud, cours de droit pénal des affaires de Maîtrise de droit privé mention "Carrières Judiciaires" de l’Université Lyon 3, 1997

[52Il convient de signaler qu’un débat doctrinal oppose les auteurs sur ce critère de "valeur sociale protégée", débat auquel il n’est pas de notre ressort de prendre part. La Cour de Cassation estime notamment que plusieurs peines peuvent être prononcées pour des faits procédant d’une même action coupable, lorsque ces faits "sont distincts dans leurs éléments constitutifs" : Cass. crim. 3 mai 1960, Bull. crim. n° 236

[53Les textes spéciaux dérogent aux textes qui ont une portée générale

[54M. Sébastien Cavenet, sur le site Internet de JurisNet, critique vivement ces nouvelles dispositions, et nous renvoie à la lecture du dossier "d’IRIS", à http://girafe.ensba.fr/iris/lejuriste/pedophilie.htm

[55V/supra n°70, et note 57

[56M. Jean Frayssinet, "Internet et protection des données personnelles [ou comment (mal) régler un conflit personnel par internautes interposés...]", exp. des syst. d’inf., avril 1998, doctrine p.99

[57Cet article n’aurait cependant pas saisi les commentaires accompagnant les photos, n’offrant sa protection qu’aux paroles et images : M. Frayssinet, dans son commentaire, le regrette et souhaiterait une extension de l’incrimination... ce qui offrirait une possibilité supplémentaire de cumul

[58Car toutes les atteintes portées à la société, l’homicide y compris, ont été sanctionnées

[59Pour un exemple, voir C.A. Grenoble, 15/02/1995, Juris-data, réf. 004145, ou CA Paris, 03 juillet 1991, Juris-data, réf. 023592, où l’on peut remarquer que le vol et l’élimination d’informations nominatives sont considérés comme un vol et une destruction "d’objet mobilier"

[60M. J.- F. Chassaing (art. précit. en note 67, notes de l’auteur n°45 et n°46) pense également que les supports magnétiques devraient se voir appliquer ce régime

[61Sabine Marcellin-Taupenas, Lamy droit de l’informatique, supplément n° 74, octobre 1995, p.1

[62Michel Vivant, "Cybermonde : Droit et droits des réseaux", JCP 1996, éd. G, doctrine n°3969

[63Il est difficile de ne pas s’indigner en lisant, par exemple, qu’ Hitler mérite une juste vénération (voir Casimir J., "Racistes de tous les pays...", The Sydney Morning Herald, reproduit et traduit dans Courr. Intern., 12/18 oct. 1995 p. 11, cité in Lamy Droit de l’Informatique, édition 1997, n° 2120

[64M. Vivant, art. précit. en note 97

[65Pour nos propositions de solutions, voir chapitre II

[66Le lecteur intéressé pourra se reporter à l’article de Joseph S. Tuman, "Contrôle de constitutionnalité de la loi américaine réglementant l’obscénité sur Internet", légipresse avril 1997, n° 140, II, p.47

[67Le 26 juin 1997. Exp. des syst. d’inf., août/septembre 1997, références p.254

[68Exp.des syst. d’inf., art. précit

[69M. Denis Duclos, "La culture de la haine, des campus aux mégalopoles", in Ravages de la technoscience, Le Monde diplomatique, Manière de voir n° 38, mars-avril 1998, p. 56

[70M. Bernard Cassen, "Apprendre à savoir sur les savoirs", in Ravages de la technoscience, Le Monde diplomatique précité, p.96

[71P.- Y. Gautier, "Du droit applicable dans le "village planétaire", au titre de l’usage immatériel des œuvres", Dalloz 1996, 16° cahier, chronique p.131

[72Cette parenthèse est de l’auteur de la citation

[73La décompilation, version communautaire et allégée du "reverse engineering" ou "ingénierie inverse" connu aux Etats-Unis, permet à la personne habilitée à se servir d’un logiciel de reproduire le code de celui-ci ou de traduire la forme de ce code, à des fins - et uniquement - d’interopérabilité avec d’autres logiciels. Pour un développement de la question, voir Lamy droit de l’informatique, 1997, n°141

[74Philippe Challine, "L’informatique, outil d’évaluation de l’impact du droit sur le milieu", exp. des syst. d’inf., octobre 1997, interview, p.301

[75Philippe Challine, art. précit

[76Expression employée par M. Alain Richard, dans le discours qu’il a prononcé lors de la session ministérielle "Justice-Intérieur" du G7/P8, à Washington le 10 décembre 1997

[77Cesare Beccaria, op. précit. en note 1, p.70

[78Selon l’adage Nemo censetur ignorare legem, selon lequel il n’est pas possible d’arguer de son ignorance du droit pour échapper à ses obligations

[79Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, à laquelle doit être adressée, en vertu de l’article 16 de la loi du 6 janvier 1978, les créations de fichiers automatisés d’informations nominatives, sauf cas particuliers

[80V/supra, n°89

[81Le texte est disponible en français à l’adresse Suivante : "Etude Internet", Bypress Printing and Copy Centre, Tour Jean-Edmonds Nord, 300 Slater, Ottawa (Ont.), KIP 6A6. Ce texte est également disponible en plusieurs versions à partir de l’adresse suivante : http://strategis.ic.gc.ca

[82Philippe Challine, art. précit. en note 109, p.302. Voir aussi J. -F. Chassaing, "L’Internet et le droit pénal", Dalloz 1996, chron. p.329, pour lequel "La création d’un sentiment d’insécurité par l’utilisation désordonnée des poursuites pénales susceptibles de conduire à autocensurer des activités parfaitement légales paraît contraire à l’objet même du droit pénal qui est la sécurité"

[83Op. précit. en note 1, p.68

[84Nous pouvons citer l’exemple des arrêts CA Rennes, 24 juin 1986, et Cass.Crim. 3 nov. 1987, commentés par M. J. Frayssinet au JCP 1988, éd. G, doctrine n° 3323, ou Cass. Crim. 12 nov. 96, Rev. sc. crim., p. 144, pour laquelle (selon le sommaire) il semble que le fait de distribuer un logiciel infecté d’un virus sans avoir informé le client de la présence de celui-ci, constitue le délit de fausser le fonctionnement d’un système de traitement automatisé de données, tel que prévu par la loi Godfrain

[85Cette interprétation extensive n’est cependant pas toujours nécessaire du fait de la rédaction législative, qui vient en aide au juge en lui permettant certaines fois de pouvoir faire entrer toute une série de comportements sous un seul terme, tel le délit d’entrave, que nous pouvons rencontrer dans plusieurs branches du droit

[86Un problème se pose également pour la détermination de la personne qui doit être qualifiée de "directeur de publication", lequel est désigné responsable de la diffusion d’information litigieuse, selon la loi de 1881

[87Ceci est constaté par de nombreux auteurs ainsi que dans de nombreux rapports (notamment celui de Mme Falque-Pierrotin), et se retrouve dans le raisonnement actuel des juges

[88Est également de cet avis Me N. Brault, "Le droit applicable à Internet : De l’abîme aux sommets", 28 mars 1997, que l’on peut trouver à l’adresse suivante : http://www.grolier.fr/cyberlexnet/COM/A970428.htm

[89Selon les satistiques présentées par M. Marc Pinguet, "La douane et la Cyber-délinquance", GP vendredi 25, samedi 26 oct., dossier spécial Internet, p.53