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Tunisie : Travaux de Vérité Action, ONG suisse

2 Approche juridique

Mise en ligne : 28 juin 2004

Texte de l'article :

Introduction

Réglé à l’article 16 du décret n°88-1876 du 04/11/1988 relatif au règlement spécial des prisons comme mesure disciplinaire sanctionnant le non-respect des obligations prévues à l’art 15 du même décret *, l’isolement dans les prisons tunisiennes a pris une ampleur beaucoup plus importante qu’une simple mesure disciplinaire. La pratique connue depuis 1990 a fait de cette mesure une vraie peine qui s’ajoute à celle prononcé par le juge laissé au plein pouvoir d’appréciation de l’administration pénitentiaire il paraît évident que cette mesure, et surtout si elle prend la forme d’isolement durable, viole le principe la légalité des peines et des délits reconnus par la constitution tunisienne dans l’article 13 : « la peine est personnelle et ne peut être prononcée qu’en vertu d’une loi antérieure au fait punissable ».

I. Violation du principe de légalité

 1.1 : Eléments caractéristiques du principe

Le principe de légalité, tel qu’il est reconnu par la constitution tunisienne, et tel qu’il est connu dans l’ordre juridique international (article 11 al. 2 de la déclaration universelle de droit de l’homme faisant de ce principe une règle générale erga omnes) qui consacre le principe de la réserve de loi, découle le principe de séparation des pouvoirs qui exige que la compétence d’ériger des comportements en infractions et d’édicter les peines applicables aux auteurs d’infractions soit l’apanage exclusif du pouvoir législatif. Dès lors, la loi en tant que source du droit pénal devrait être comprise dans la sens de loi au sens formel (formelles gesetz).

Le décret n°88-1876 constitue un acte de l’autorité exécutive(droit au sens formel qui ne peut créer une nouvelle sorte de peine plus restrictive que celle prévu par la loi au sens formel (qui est en l’occurrence le code pénal tunisien ), il doit néanmoins être compris selon le principe de l’interprétation stricte de la loi pénale.

L’isolement, comme le décret n°88-1876 du 04/11/1988 le prévoie, ne peut être envisageable que comme une mesure disciplinaire de dernier recours, ; il ne peut dépasser la durée de 10 jours, l’article 16 alinéa 1 point 7 du décret mentionné dispose que « l’isolement dans une pièce à part répondant aux nécessités élémentaires et sanitaires et ce pour une période ne dépassant pas dix jours ».
L’application de cette sanction disciplinaire prononcée par le conseil de la discipline de la prison doit être faite dans :
 le respect des droits des détenus tel que le droit à l’intégrité corporelle (au sens large du terme : la santé physique, mentale et psychique du détenu).
 le respect du droit de ne pas subir de mauvais traitements comme les mesures d’isolement cellulaire et les pratiques dites de couloir de la mort, respect du droit à la dignité du détenu y compris le droit à des conditions de détention décentes.
 le droit à ne pas être exposé à des mesures dépassant les exigences raisonnables de la détention.

1.2. Principe constitutionnel de l’ordre juridique interne

Tous ses droits découlent directement de l’article 5 de la Constitution tunisienne « la république tunisienne garantit l’inviolabilité de la personne humaine... » ainsi que de l’article 7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques (v. loi tunisienne n° 68-30 du 29 déc.1968) et de la convention de 1984 contre la torture (v. loi tunisienne n° 88-79 du 11 juillet 1988 portant ratification de la convention par la Tunisie).
Les traités ratifiés selon l’article 32 de la constitution tunisienne, ont force de la loi et, sont directement applicables au sein de la législation interne ; en principe le justiciable peut se prévaloir des dispositions internationales devant les organismes nationaux, et le juge peut les appliquer d’office.

L’article 7 de l ’« ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement » adopté par l’assemblée générale de l’ONU dans sa Résolution n°43/173 du 09/12/198 ) qui tend à multiplier les « efforts tendant à l’abolition du régime cellulaire ou à la restriction du recours à cette peine doivent être entrepris et encouragés ». Cette tendance internationale vise à l’abolition de la sanction disciplinaire limitée comme telle est prévue dans l’article 16 du décret, l’interdiction absolue de l’isolement durable demeure réservée selon les règles les plus élémentaires de l’ordre public transnational.

Apparemment, l’article 16 du décret n°88-1876 du 04/11/1988 qui ne fait de l’isolement qu’une simple sanction disciplinaire de dernier recours s’oriente vers cette tendance internationale de limiter le recours à cette mesure dans les milieux carcéral ; mais il faut souligner que dans la pratique, l’isolement dans les prisons tunisiennes prend l’allure d’une peine aggravée laissée au libre arbitre des autorités administratives pénitentiaires (conseil de discipline) et façonnées selon des considérations d’ordre politique tout en n’étant en aucun cas protégé par l’autorité judiciaire qu’on lui a soustrait cette compétence.

1.3. Une lourde peine ou une simple sanction disciplinaire

L’isolement n’est pas conçu pour être en soi une peine, de même qu’il ne saurait être une souffrance inhérente à quelconque peine que pour une durée strictement limitée dans le temps et en respect de tous les droits qui le priment « sauf pour ce qui est des limitations qui sont évidemment rendus nécessaires par leur incarcération, tous les détenus doivent continuer à jouir des droits de l’homme et des libertés fondamentales énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme22 /, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Protocole facultatif qui l’accompagne 23/, et de tous les autres droits énoncés dans d’autres pactes des Nations Unies. » ( article 5 de la Résolution l’assemblé général de l’ONU n°43/173 du 09/12/198).

La pratique de l’isolement durable tel qu’il est décrit dans ce rapport, et tel qu’il est soulevé par les Organisations non gouvernementales (ONG). (Voir par exemple le rapport alternatif de la Fédération Internationale des ligues des droits de l’homme (fidh), ?dition web), ainsi que l’isolement prolongé par alternance, constitue in concreto, des nouvelles peines qui s’ajoutent à celles prononcées par le juge, des mesures qui alourdissent la peine et tend à la destruction systématique des détenus jugés politiquement dangereux, c à d qui ont des opinions politiques différant de celle du parti au pouvoir, le RCD. L’administration pénitentiaire a en fait, en recourant à une interprétation extensive du décret n°88-1876 crée une peine aggravée qui a remplacé celle de travail forcé aboulie du code pénal pour éliminer les opposants les plus dérangeants.

En conséquence, l’autorité tunisienne enfreint non seulement le principe de légalité de rang constitutionnel, mais va à l’encontre également de l’ordre juridique international tel qu’il est consacré dans la déclaration des droits de l’homme et le pacte relatif aux droits civils et politiques.

1.4. Champ d’application

Le champ d’application temporel de la sanction disciplinaire de l’isolement, laissé à l’appréciation de l’administration, n’a été jamais respecté au moins vis à vis des détenus politiques ; son impact sur les droits élémentaires des détenus ; le définit comme un élément caractériel de toute une politique sécuritaire et pénitentiaire.

L’isolement est souvent accompagné de mauvais traitements, de torture au sens de l’article premier de la « convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». A cet égard, la réserve de « la douleur ou souffrances résultant de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles » ne s’applique pas.

II. Violation de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradant

Le droit de ne pas subir de traitements contraires à la dignité de l’homme doit être considéré comme un attribut inaliénable de la personne humaine, fondé sur des valeurs communes à tous les patrimoines culturels et systèmes sociaux. L’interdiction de la torture figure incontestablement parmi les rares normes impératives du droit international des droits de l’homme, énonçant des droits absolus (intangibles) qui forment le noyau dur des droits de l’homme.

La convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradant distinguent, comme d’ailleurs la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, entre l’acte de torture proprement dit et celui de traitement inhumain ou dégradant. En tenant compte des exemples cités et des témoignages accueillis, en va essayer de qualifier l’isolement, comme il se manifeste dans les prisons tunisiennes.

2.1. Définition juridique 

Le centre international de criminologie comparé de Montréal a défini l’isolement comme étant la réclusion solitaire, dans une cellule, pour une période d’au moins 23 heures sur 24, cette mesure étant ordonnée par les autorités administratives pour diverses raisons (protection, sécurité, mesure thérapeutique ou punitive).

Les formes les plus répondues de l’isolement dans les milieux carcéral sont l’isolement carcéral prolongé ou total(régime pennsylvanien)et l’isolement carcéral disciplinaire.

Il s’agit d’un exercice du pouvoir disciplinaire confié au chef d’établissement avec ou sans contrôle, selon les systèmes juridiques en place.

2.2. Critères de qualification de l’acte de l’isolement.

2.2.1. Le critère de seuil de gravité

En principe, un mauvais traitement revêtant un minimum de gravité est interdit par la convention de 1984, c à d il faut au moins constater la présence des mesures quoi prêtent à être qualifier au moins de traitement dégradant. Les actes qui atteignent ou dépassent le seuil minimum sont des tortures ou des traitements inhumains ou dégradants. Ainsi on peut établir à l’intérieur de la convention(comme c’est d’ailleurs le cas pour la CEDH)une hiérarchie des seuils de souffrances dont le franchissement commande respectivement la qualification des peines ou traitement dégradant, de peine ou traitement inhumain et, enfin de torture. Nécessairement, comme le note la commission européenne dans l’affaire Cambell et Cosans du 25 février 1982 « toute torture ne peut être qu’un traitement inhumain et dégradant et tout traitement inhumain ne peut être que dégradant ».

L’article 1 de la convention avance une définition à la torture, elle se rattache souvent aux traitements inhumains délibérés provoquant de fort graves et cruelles souffrances physiques ou mentales. (Seuil supérieur). Elle peut être non corporelle et s’analyser en moyens de pression propres à causer une souffrance psychologique en occasionnant chez la victime un sentiment d’angoisse(arrêt de la commission européenne : Irlande c/ Royaume-Uni du 25 avril 1978).

Selon la convention de 1984, on peut énoncer trois éléments constitutifs de la torture :
intensité des souffrances
intention délibérée
but déterminé.

Par traitements inhumains, on vise tous actes qui provoquent volontairement des souffrances mentales ou physiques d’une intensité particulière, sans cependant pouvoir les qualifier de torture (seuil intermédiaire).

Le traitement dégradant qui se présente comme le palier inférieur pris en compte par la convention, se situe à un niveau inférieur au traitement inhumain, c’est le traitement qui humilie l’individu grossièrement devant autrui ou le pousse à agir contre sa volonté ou sa conscience (seuil minimum).

Concernant la Tunisie, dans son deuxième rapport périodique au comité contre la torture devant être soumis en 1993 (présenté huit ans plus tard !), Le gouvernement tunisien prétend que le droit tunisien connaît une définition large de la torture et ne se limite pas à la répression de la torture physique, la torture morale étant également réprimée ! ; le comité a constaté en revanche le contraire, en soulignant clairement que la définition de la torture en vertu de l’article 101 CPT n’est pas conforme à l’article 1 de la convention et qu’il existe « un écart important entre la loi et la pratique en ce qui concerne la protection des droits de l’homme. L’emploi généralisé de la torture et d’autres traitements dégradants par la force de sécurité et de police ont conduit dans certains cas à la mort des détenus... ».

2.2.2. Le critère de l’appréciation relative

Les actes doivent être examinés in concreto, l’appréciation du seuil de gravité dépend selon l’ensemble des donnés de la cause :

 Circonstances internes : notamment de la nature et du contexte du traitement ou de la peine ainsi que de ses modalités d’exécution, de sa durée, de ses effets physiques et mentaux, ainsi que parfois, de l’âge, et de l’état de santé de la victime.

 Circonstances externes ou paramètre sociologique : tenir compte du contexte socio-politique dans lequel s’inscrit l’affaire en cause.

Sur la base de ses paramètres et de ses critères, on va essayer de situer la mesure d’isolement comme elle est connue dans les prisons tunisiennes à la lumière de la convention de 1984.

III. L’isolement carcéral prolongé ou total

Pour qu’on puisse parler d’isolement cellulaire total, il faut voir si les conditions d’un tel isolement sont réunies.

On peut surtout retenir les indices suivants :
Détention séparée des autres prisonniers ;
Cellules non contiguës aux fenêtres aveugles ou totalement bouchées, à un étage ou un coin de la prison n’abritant aucun autre détenu ;
Eclairage artificiel permanent ou absence d’éclairage ;
Absence de tout contact avec d’autres détenus et de toute visite ;
Interdiction de presse et de radio ;
Surveillance constante par circuit interne de télévision ou par les gardiens dans les prisons à cachot ouvert ( prison de Chéba à Mahdia à titre d’exemple).

En tenant compte de ces faits, on peut arriver au conclusions suivantes , à la lumière du droit international et la doctrine dominante.

3.1. Droit international

L’article 5 de la déclaration universelle des droits de l’homme qui dit « nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, bien qu’il n’ait pas d’effet juridique direct sera presque pris textuellement par l’article 7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques (ainsi que l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme) et il a donné le titre à la convention contre la torture du 10 déc. 1984, entrée en vigueur le 26 juin 1987 qui ont un effet direct dans le système juridique tunisien.
La commission européenne, dans sa décision de principe Ensslin, Baader et Raspé (déc. 8 juillet 1976 Req. n°831 7/76 et autres), a prononcé une condamnation de principe très ferme de l’isolement absolus : un isolement sensoriel complet, combiné à un isolement social peut aboutit à une destruction de la personne et constituer une forme de traitement inhumain qui ne saurait se justifier par les exigences de la sécurité ou toute autre raison. elle a également condamné les pratiques d’isolement prolongé qui « n’est guerre souhaitable surtout lorsque la personne est en détention préventive. (Bonzi c/ Suisse du 12 juillet 1978, req. n°7854/77.), une jurisprudence abondante de la commission considère que l’isolement cellulaire constituait un traitement inhumain et dégradent prohibé par l’article 3 CEDH même dans les cas ou le détenu est considéré comme dangereux aux yeux des autorités.

Certaines juridictions étrangères n’ont d’ailleurs pas hésité à comparer de telles mesures avec l’enfer(v. en ce sens les citations rapportées par R. de Beco in ’’ Le droit disciplinaire et les détenus en Belgique ’’R.T.D.H, 1995, p. 315 et spés. P. 334).

3.2. Qualification juridique

En tenant compte de critères appréciations précédents, on peut aisément qualifier l’isolement total tel qu’il est connu dans les prisons tunisiennes (notamment le cas d’Ali Larayedh ) comme un acte de torture qui dépasse largement le seuil maximal fixé par la convention, c’est une mesure grave et un traitement cruel destiné à punir, détruire la personnalité ou briser la résistance des détenus, ces mesures se sont dangereuses pour autant que les victimes soient des leaders politiques populaires, car l’intention de détruire physiquement et psychiquement les prisonniers se manifestent très clairement et ne laisse aucune possibilité à songer à des autres motifs qui peuvent justifier ses actes de barbaries.

La Fédération internationale des ligues des droits de l’homme en collaboration avec la Ligue tunisienne défense des droits de l’homme, et le Comité pour le respect des libertés et des droits de l’homme en Tunisie, dans son rapport alternatif au comité contre la torture, a dénoncé les mauvaises conditions d’incarcération, elle a parlé même d’acharnement de l’administration pénitentiaire en citant le cas de Ali Larayedh, asthme et ulcère, détenu à la prison de 9 avril sa fenêtre a été bouchée le régime d’isolement est total même lors des visites.

Au niveau des prisons, l’administration a recours à des sanctions corporelles et morales pour des raisons diverses, certains détenus, considérés comme des leaders ou comme dangereux, subissent un isolement continu en dehors de toute mesure disciplinaire.
Les mesures disciplinaires comme l’interdiction de visite ou de nourriture apportée par la famille, l’isolement temporaire et l’interdiction de recevoir du courrier, des journaux et de la correspondance, semblent être quasiment systématiques pour les détenus d’opinion.

Il ressort de ce qu’on vient d’indiquer, et qui reprend en fait les constatations des ONG sur le niveau international, que la mesure d’isolement durable très vraisemblablement un traitement cruel, l’isolement disciplinaire comme il est pratiqué présente un cas typique de mesures inhumain et dégradant prohibé par la convention qui, sans toucher au seuil maximum (torture), dépasse largement le seuil minimum qui ne doit pas être franchi par les Etats. 

Le gouvernement tunisien viole ainsi son devoir de se comporter conformément à la convention de 1984 (obligation de comportement passive : devoir de ne pas violer les droits découlant de la convention ; et active : devoir de prévention ) ainsi que de l’article 7 du pacte civil de ONU, elle enfreint ainsi des normes impératives du droit international, voire le noyau dur même des droits de l’homme en se précipitant à anéantir les doits intangibles des détenus, voir leur santé mentale, physique et psychique pour des motifs purement politiques.

IV. L’isolement carcéral disciplinaire

Le décret n° 88-1876 du 40 novembre 1988 relatif au règlement des prisons (JORT n° 75 du 04 novembre 1988, p.1524), énumère exhaustivement dans son article 16, les peines que le détenu peut en être exposé, en cas de violation du règlement de la prison ou de sécurité à l’intérieur de la prison. La mesure la plus dure est l’isolement, cette peine est la dernière mesure envisageable à l’encontre des détenus, dans al systématique de la loi, elle figure à la fin de l’article (point 7), avec des limitations dans le temps et des conditions minimales à respecter concernant l’hygiène, et les nécessités élémentaires.

Néanmoins, cet article est de loin respecté dans les prisons tunisiennes, l’isolement peut durer même quelques semaines, voire quelques mois pour les détenus politiques jugés dangereux, sans parler de l’isolement durable étudié plus haut.

4.1. Réglementation insuffisante

Les articles 16 à 19 du décret n° 88-1876 traite de la procédure à suivre pour infliger des telles sanctions à l’intérieur des prisons. le détenu doit être entendu et doit présenter ses justifications devant le conseil de discipline (art.18), composé du directeur de la prison en qualité de président, de son adjoint et de l’agent chargé de l’assistance sociale entant que membre, de l’agent qui a constaté l’infraction sans voix délibératoire, ainsi que d’un détenu dont la conduite est correcte, choisi par le directeur de la prison. (Art.19).

Le détenu conserve le droit de faire opposition contre la mesure prononcée dans les deus jours qui suivent la notification de la décision auprès de la direction de la prison qui transmet immédiatement l’opposition à la direction générale des prisons ; l’opposition n’a pas néanmoins d’effet suspensif.

La direction générale des prisons (art.18 al.4) ne peut qu’approuver la mesure disciplinaire ou en réduire la gravité ( pas de pouvoir de cassation réel ).

Il est manifestement clair que la composition du conseil de discipline ne peut guerre être en faveur du détenu, on ne peut pas qualifier ce conseil de tribunal impartial et indépendant apte à conserver les droits du justiciable qui se trouve en face de l’administration même qui joue le rôle de l’accusateur.

4.2 Absence d’un « tribunal » impartial et indépendant

On entend par tribunal non seulement les organes judiciaires de type classique intégré aux structures judiciaires ordinaires du pays, mais aussi tout organe ayant comme tache de trancher sur la base de normes de droit et à l’issue d’une procédure organisée, toute question relevant de sa compétence (Cour européenne, Belilos c/ suisse du 29 avril 1988, série A n°132).

L’indépendance doit exister à l’égard de l’exécutif comme à l’égard des parties en causes, en tenant en compte les apparence d’une telle indépendance « justice must not only be done, it must also be seen to be done ».La présomption d’innocence doit être pleinement respectée, les témoins à charge ne peuvent en principe pas être membre du conseil du discipline (en l’occurrence l’agent qui a constaté l’infraction ).

En pratique, la procédure est enclenchée par un rapport d’incident établi quand un agent se rend compte de faits concernant un détenu de nature à motiver une action disciplinaire. L’agent doit rédiger le rapport avec objectivité, le directeur de la prison dispose de la faculté de classement sans suite, autrement il forme le conseil de discipline pour saisir l’affaire. On constate que la procédure envisagée manque de pointillisme nécessaire dans de tels cas.

Le directeur de la prison tient en main un pouvoir de décision pénitentiaire énorme renforcé par l’absence d’un éventuel effet suspensif de l’opposition de l’art.18 al.3 du décret de 1988 et ça, sans aucune garantie au détenu, à l’exception de son droit très formel d’être entendu, puisqu’il ne peut recourir à un avocat pour l’assister dans sa défense.

4.3 La fragilité du recours offert à l’isolé

La possibilité de faire opposition offerte par le décret demeure un recours théorique virtuel sans aucune importance pratique, puisqu’elle est privée de tout effet suspensif, et soumis à la pleine arbitraire des agents et du directeur de la prison qui refusent en pratique même la réception de l’opposition, cette dernière ne peut en tout cas franchir la porte du bureau du directeur.

Les anciens prisonniers témoignent qu’il est fort possible de passer quelques années en prison et subir toutes sortes de mauvais traitements, y compris l’isolement disciplinaire, sans entendre même de la possibilité de faire opposition.

4.4 La rigueur des conditions de détention

Les cellules prévues pour l’isolement en Tunisie sont privées des nécessités les plus élémentaires pour la vie humaine ; avec des murs peints en noir, un éclairage faible permanent, une toilette ouverte dans un coin de la cellule qui dégage des odeurs insupportables et des insectes de tous genres, un drap unique pleins de poux, une surveillance permanente à travers un siège métallique tout en haut de la cellule et, avec une interdiction absolue de communiquer avec les autres détenus, la vie dans ses conditions rassembles vraiment à un vrai enfer terrestre.

La règle concernant la durée, elle est soumise au plein pouvoir disciplinaire de l’administration, al limite de 10 jours du décret n’a guerre d’importance car on peut être isolé par une simple décision d’un agent jusqu’à ce que le conseil de discipline prononce la peine qui ne prend pas en compte les jours, voire les semaines déjà passées en cachot. Usage non modéré de l’isolement(violation du principe de proportionnalité et mise en ouvre incontrôlé).

L’usage de l’isolement n’est soumis à aucun contr0le sérieux de deuxième instance ou au moins d’une instance à plein pouvoir de cognition indépendante de l’administration.

Le décret parle d’une possibilité de faire opposition auprès de la Direction Générale des prisons par l’intermédiaire de la direction de la prison. Dans les cas où l’opposition qui n’a pas d’effet suspensif échappe, à l’élimination, et son auteur à l’intimidation - ce qui est malheureusement la règle-, la direction générale des prisons ne peut qu’approuver ou réduire la gravité de la sanction sans pouvoir casser la décision.
La mise en œuvre est complètement incontrôlable, puisque la direction de la prison ne craint aucun contrôle sérieux de ses activités. La direction générale des prisons penche au contraire à féliciter les bons directeurs qui arrivent à maîtriser la situation dans leurs prisons et à bien soumettre les prisonniers politiques jugés dangereux.