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le 22 mars 1999

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N° 1472

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 mars 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 1403) relative à l’enfance en danger et aux mineurs délinquants,

PAR M. PIERRE CARDO,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Enfants.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Pierre Cardo, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, Michel Crépeau, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Bernard Derosier, Franck Dhersin, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Julien Dray, Renaud Dutreil, Jean Espilondo, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Frantz Taittinger, André Thien Ah Koon, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.

INTRODUCTION 5

I. — LA DÉLINQUANCE JUVÉNILE EST DE PLUS EN PLUS PRÉOCCUPANTE 7

A. LA DÉLINQUANCE JUVÉNILE EST EN CONSTANTE AUGMENTATION 7

•  L’approche incomplète des statistiques 7

•  L’augmentation du nombre de mineurs mis en cause 8

B. LA DÉLINQUANCE JUVÉNILE APPARAÎT ÉGALEMENT PLUS INQUIÉTANTE 9

•  Une délinquance plus violente 9

•  Une délinquance difficile à cerner 10

•  Une délinquance plus collective 10

•  Un nombre croissant de récidivistes 11

•  Une délinquance plus jeune 11

II. — FACE À L’AMPLEUR DU PHÉNOMÈNE DÉLINQUANT, LES RÉPONSES ONT SOUVENT ÉTÉ INADAPTÉES 12

A. LA SITUATION SOCIALE S’EST FORTEMENT DÉGRADÉE 12

•  La délinquance juvénile et le chômage des jeunes 12

•  La déstructuration du modèle familial 13

•  La désagrégation des liens sociaux 14

B. LES RÉPONSES ONT SOUVENT ÉTÉ INADAPTÉES 14

•  Des institutions décrédibilisées 14

•  Un cadre juridique inadapté 15

•  Un système éducatif dépassé 17

•  Des parents déresponsabilisés 18

III. — LA PROPOSITION DE LOI APPORTE DES SOLUTIONS CONCRÈTES AUX DYSFONCTIONNEMENTS OBSERVÉS SUR LE TERRAIN 19

A. LA PROTECTION DE L’ENFANCE EN DANGER DOIT ÊTRE RENFORCÉE 20

B. LES PROCÉDURES APPLICABLES AUX MINEURS DÉLINQUANTS DOIVENT ÊTRE PLUS OPÉRANTES 21

EXAMEN EN COMMISSION 29

TABLEAU COMPARATIF 33

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 49

MESDAMES, MESSIEURS,

“ Il est peu de problèmes aussi graves que ceux qui concernent la protection de l’enfance, et parmi eux, ceux qui ont trait au sort de l’enfance traduite en justice. La France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains. ”

Le constat, énoncé dans l’exposé des motifs de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, par le gouvernement provisoire de la République française, paraît près d’un demi-siècle plus tard d’une inquiétante modernité. La part croissante des mineurs dans les personnes mises en cause pour crimes ou délits constitue aujourd’hui encore, à l’évidence, un défi majeur pour notre société, qui ne peut rester passive devant l’inquiétante marginalisation d’une frange de sa jeunesse.

L’insécurité, les explosions de violence, le racket à l’école, pour ne reprendre que certaines manifestations les plus connues de cette délinquance, font tous les jours la une de notre actualité. La couverture médiatique, pour abondante qu’elle soit, ne permet pas toujours, cependant, de montrer la réalité quotidienne de cette délinquance juvénile : des jeunes privés d’avenir, privés de repères, des familles déstructurées, un contexte économique et social dégradé. L’impression d’une jeunesse à la dérive ne se résume bien évidemment pas à l’étude du phénomène délinquant. Les quartiers en difficulté sont également ceux qui connaissent des taux élevés de signalement de mineurs en danger et la courbe des décisions d’action éducative en milieu ouvert, dans le cadre de ces signalements, ainsi que celle des décisions de placement révèlent elles aussi une augmentation inquiétante : entre 1996 et 1997, les décisions d’action éducative ont augmenté de 9,3 % et celles des placements de 6,5 %.

Cette proposition de loi, déposée par votre rapporteur et l’ensemble des membres du groupe Démocratie libérale et indépendants, a pour objet d’analyser les tendances récentes de la délinquance juvénile, d’en comprendre les origines, et, à partir de là, de faire des propositions qui pourraient permettre une meilleure prévention du phénomène délinquant.

Votre rapporteur est bien conscient des limites de l’exercice : cette proposition de loi n’a pas la prétention d’apporter une réponse définitive à la délinquance des mineurs. Il aurait fallu pour cela revoir l’ensemble du système judiciaire consacré à la jeunesse, repenser les structures d’accueil des jeunes à la dérive, inventer un nouveau dispositif de prévention dans les quartiers. Votre rapporteur s’y est toutefois essayé, réfléchissant à des nouvelles structures innovantes : en matière de prévention, la mise en place de pôles d’accueil des jeunes en difficulté, impliquant les parents, les associations, les éducateurs et bien évidemment les jeunes, aurait ainsi pu être une expérience intéressante permettant un signalement efficace du jeune en détresse. De même, en matière de répression, la création de petites unités, réparties en grand nombre sur l’ensemble du territoire, accueillant au maximum quinze jeunes ayant fait l’objet d’une condamnation et menant principalement une action éducative, pourrait également permettre une solution alternative à la prison pour mineurs. La création de ces structures ne figure pas dans la présente proposition de loi : les rigueurs de la recevabilité financière des initiatives parlementaires, imposée par l’article 40 de la Constitution, ne permettent pas de présenter une réflexion complète sur le système. C’est donc une version quelque peu tronquée d’un projet qui se voudrait plus ambitieux, qui est proposée ; la présente proposition de loi se limite ainsi à poursuivre deux objectifs.

Le premier est de faire face à un problème connu de tous les élus de quartiers en difficulté, à savoir l’errance de mineurs de moins de treize ans dans la rue tard le soir. Il s’agit, avec les dispositions proposées, de permettre au maire, lorsque les circonstances l’exigent, d’interdire sur tout ou partie du territoire de la commune, la circulation de ces mineurs entre vingt-deux heures et six heures du matin s’ils sont non accompagnés d’une personne majeure. Le mineur appréhendé dans la rue, après ces heures, serait conduit au commissariat ou à la gendarmerie la plus proche afin d’être remis à ses parents. En cas de multiples réitérations, le juge des enfants pourrait prononcer la suspension des prestations familiales auxquelles le mineur ouvre droit. La décision du juge devra bien évidemment prendre en compte le contexte familial, la suspension n’ayant aucun caractère automatique : il s’agit là, non de pénaliser les parents, mais de les responsabiliser.

Le deuxième objectif poursuivi par la proposition de loi est d’aménager l’ordonnance de 1945, notamment le régime de la garde à vue et de la détention provisoire, afin de mieux prendre en compte le fait que, les mineurs délinquants étant de plus en plus jeunes, la fixation de la majorité pénale à treize ans, et la distinction des seuils d’âge treize ans–seize ans–dix-huit ans fixés par l’ordonnance du 2 février 1945 apparaissent quelque peu désuètes.

Bien qu’il soit dubitatif sur le sort finalement réservé à la présente proposition de loi, inscrite à l’ordre du jour dans le cadre des dispositions de l’article 48, alinéa 6, du Règlement, votre rapporteur espère néanmoins qu’elle sera l’occasion d’un véritable débat au sein de la représentation nationale et que, à défaut de se rejoindre sur les solutions proposées, les parlementaires de toute origine politique pourront au moins être d’accord sur le constat, le caractère inadapté des réponses apportées et finalement, et de manière prioritaire, sur l’urgence de la situation.

I. — LA DÉLINQUANCE JUVÉNILE EST DE PLUS EN PLUS PRÉOCCUPANTE

A. LA DÉLINQUANCE JUVÉNILE EST EN CONSTANTE AUGMENTATION

L’approche incomplète des statistiques

Au-delà des déclarations péremptoires ou de l’exploitation réductrice de telle ou telle donnée isolée de son contexte, il s’agit d’analyser clairement, sans esprit polémique, les données relatives à la délinquance des mineurs.

Les statistiques en la matière sont en effet à manier avec beaucoup de précautions. Sans entrer dans un débat d’experts sur la mesure de la délinquance, il convient de rappeler ici que les méthodes de recensement peuvent différer, notamment entre services de police et services judiciaires, et que, une fois telle ou telle méthode retenue, des biais de différentes natures peuvent intervenir dans l’analyse statistique. A titre d’exemples, les statistiques de la délinquance reflètent, s’agissant notamment d’infractions telles que le trafic ou l’usage de stupéfiants, davantage l’activité des services de police que l’évolution réelle des faits délictueux ; de même, la mesure de la délinquance peut être directement influencée par le comportement des victimes et de leur plus ou moins grande propension à porter plainte.

Toutefois, à l’inverse, il faut rappeler que les statistiques de police ne comptabilisent que les faits et les mises en cause mentionnés dans une procédure transmise aux parquets. Ainsi, tout ce qui est enregistré en main courante ou fait l’objet de rapports classés par les services saisis, à l’exception toutefois des affaires concernant les vols à l’étalage, n’est en principe pas dénombré dans les statistiques de police. Il est exact que le contexte de ces récentes années, sur le plan policier, a pu favoriser la transformation d’un certain nombre d’enregistrements de main courante en signalements formels, sous forme de procès-verbaux ; il n’en reste pas moins vrai qu’un nombre important de petits faits délictueux, d’“ incivilités ” constituées d’insultes, de petites agressions, de fraudes, d’infractions à la police des transports, de dégradations diverses du mobilier urbain, échappent à toutes statistiques, alors même qu’elles contribuent à créer un climat de méfiance et d’insécurité.

Comme l’a souligné Mme Béatrice Patrie, conseillère technique au cabinet du ministre du l’Intérieur, cette petite délinquance, pour laquelle une qualification pénale est envisageable, même si elle ne saurait être que de nature contraventionnelle, est très mal vécue par les citoyens. Son signalement systématique, par transmission aux parquets, présenterait néanmoins le risque, s’agissant d’un contentieux de masse, d’encombrer considérablement les tribunaux. Il n’en reste pas moins qu’une perception claire de l’ampleur du phénomène paraît indispensable. La création d’un “ observatoire de la délinquance ” envisagée par Mme Patrie permettrait sans nul doute de raisonner sur des statistiques complètes et identiques pour l’ensemble des services concernés par la délinquance.

L’augmentation du nombre de mineurs mis en cause

Cela étant, même sans tenir compte de la multiplication des petits faits délictueux, l’analyse des statistiques tenues par la police et la gendarmerie nationale laisse apparaître un nombre croissant de mineurs mis en cause pour crimes ou délits : entre 1977 et 1998, leur nombre a plus que doublé puisqu’il est ainsi passé de 82 151 à 171 787.

Pour reprendre les évolutions les plus récentes, le nombre de mineurs mis en cause a connu une forte progression entre 1997 et 1998, en augmentant de 11,23 %. Cette tendance est d’autant plus préoccupante que le nombre total des personnes mises en cause, quel que soit leur âge, se révèle être en légère diminution, passant de 797 362 à 788 992. Dès lors, parallèlement à un accroissement numérique, la part des mineurs devient plus importante, représentant 21,77 % du total des personnes en cause en 1998, contre 19,4 % en 1997.

Si l’on retient une analyse fondée sur le type d’infractions, les statistiques de 1998 révèlent également une part accrue des mineurs dans toutes les catégories : ils représentent ainsi 34 % des personnes mises en cause pour vol, contre 32 % en 1997, 15 % des personnes mises en cause pour crimes et délits, contre 13 % en 1997, 5 % des personnes mises en cause pour des infractions économiques et financières, contre 4 % en 1997 et, enfin, 19 % des personnes mises en cause pour d’autres infractions, y compris celles liées aux stupéfiants, contre 16 % en 1997.

Sans pour autant accréditer les discours alarmistes qui évoquent volontiers une progression exponentielle de la délinquance des mineurs, il est de la responsabilité de la classe politique de reconnaître cette tendance préoccupante, qui s’inscrit pourtant dans un contexte démographique où la part des jeunes se réduit, les moins de vingt ans ne représentant plus que 25,8 % de la population en 1998, contre 33,2 % en 1970.

Cependant, davantage que l’analyse des chiffres bruts de la délinquance juvénile, c’est son changement de nature, sa radicalité qui traduisent une évolution inquiétante.

B. LA DÉLINQUANCE JUVÉNILE APPARAÎT ÉGALEMENT PLUS INQUIÉTANTE

Une approche uniquement quantitative n’exprime que partiellement l’urgence de la situation ; une analyse plus fine, retenant des critères qualitatifs, c’est-à-dire par type d’infraction, révèle des réalités préoccupantes : la délinquance juvénile a changé de nature ces dix dernières années. La participation des mineurs dans des actes de délinquance se caractérise par la diminution de l’âge des mineurs mis en cause dans des faits de plus en plus graves, violents et gratuits et la multiplication d’actes de délinquance commis en groupe.

Une délinquance plus violente

En premier lieu, la délinquance juvénile apparaît plus dangereuse car plus violente. Les statistiques de certaines infractions caractéristiques en la matière, notamment les vols et délits contre les personnes, sont à cet égard édifiantes : en 1986, le nombre de mineurs mis en cause pour vols avec violence s’élevait à 2 835. Il est de 9 007 en 1998 ; de même, le nombre de mineurs mis en cause pour viol s’élevait en 1986 à 369 contre 1 199 en 1998, tandis qu’il atteint, pour coups et blessures volontaires, 11 081 en 1998, contre 2 364 douze ans plus tôt. Il est vrai que ces chiffres s’inscrivent dans une tendance générale de notre société, qui se caractérise par un climat de violence plus intense. Toutefois, cette constatation ne doit pas faire oublier que, dans ce contexte, la part, en pourcentage, des mineurs mis en cause augmente.

L’augmentation des vols avec violence semble s’expliquer par une meilleure appréhension du racket entre jeunes, notamment en milieu scolaire. Celle des vols à main armée confirme les constats formulés dans les milieux policiers, aux termes desquels les mineurs sont de plus en plus souvent en possession d’armes par destination, mais aussi d’armes blanches, voire d’armes à feu, à grenaille ou d’alarme. La montée en puissance des crimes et délits contre les personnes traduit notamment l’accroissement extrêmement préoccupant du nombre de viols commis par les mineurs.

Une délinquance difficile à cerner

Il est en effet apparu qu’au cours de la dernière décennie, la délinquance d’appropriation s’est estompée au profit d’une violence et d’une délinquance “ expressives ”. Ainsi, pour reprendre un aspect de la délinquance où les mineurs sont fortement impliqués, les vols liés à l’automobile, les auteurs d’infractions semblent moins s’intéresser aux autoradios qu’aux véhicules, et ceux qui volent des voitures ne cherchent pas toujours un gain économique, mais plutôt un intérêt ludique : les pratiques de voitures volées puis incendiées se multiplient, la couverture médiatique de tels agissements semblant être la seule justification de ces violences.

Cette constatation illustre une autre composante de la délinquance juvénile, liée aux infractions concernant les destructions et dégradations de biens publics ou privés.

En 1986, 6 552 mineurs étaient mis en cause dans de telles affaires. En 1998, ce nombre s’élève à 23 523. La part des mineurs dans les délinquances de voie publique représente ainsi 35 % des mises en cause. A côté d’une délinquance de profit, dont l’aspect est classique, se développent des violences ouvertes, ostensibles, sans perspective de gain visant les autorités au sens large, les institutions ou tout ce qui peut représenter une forme intégrée de socialisation. Il faut, en outre, souligner que ces statistiques ne rendent qu’imparfaitement compte de la détérioration générale du climat, perceptible notamment dans le développement des “ incivilités ” déjà évoquées.

Une délinquance plus collective

Etroitement lié à cette nouvelle forme de délinquance, le caractère collectif des comportements délictueux est très fréquemment souligné par les observateurs ; la délinquance juvénile organisée et structurée sur le modèle du “ gang ” était auparavant une curiosité américaine. Aujourd’hui, il apparaît de plus en plus que les jeunes, en rupture avec tous les processus d’intégration proposés par la société, se regroupent sous forme de bande et retrouvent, dans ce regroupement, une sorte de substitut identitaire. Cette organisation spontanée n’est pas systématiquement critiquable car elle permet de créer de nouveaux liens de solidarité et toutes ces bandes ne sont pas forcément agressives. Néanmoins, il devient patent que dans certains quartiers, la violence prend un caractère collectif par l’affrontement de bandes rivales. Les jeunes invoquent l’identité locale d’une cité, d’un quartier, d’un territoire, pour servir de support à des affrontements de plus en plus violents : alors que l’on dénombrait 17 blessés dans des rixes entre bandes en 1992, on compte 46 blessés et 6 morts en 1995. Le bilan de 1998 s’annonce encore plus lourd. Dans ce contexte, les policiers apparaissent souvent, au même titre que les jeunes d’autres quartiers, comme une bande rivale, sans que soit perçues à aucun moment les notions d’autorité ou d’intérêt général qu’incarnent les forces de l’ordre.

Un nombre croissant de récidivistes

Ce phénomène de bandes permet d’expliquer en partie une caractéristique nouvelle, l’ancrage dans la délinquance, se traduisant par un nombre croissant de mineurs multirécidivistes. Les statistiques sur ce point sont incomplètes. Cependant, une étude menée au tribunal de Nantes en 1997 a permis de montrer que le pourcentage des mineurs qui ont fait l’objet d’une présentation au juge des enfants et qui réitèrent s’élève à 50 %. La minorité des mineurs les plus actifs, définis comme ceux ayant fait l’objet de plus de onze présentations représentent 10% des mineurs présentés ; cette minorité cumule à elle seule une masse de délits supérieure à la masse des délits imputables aux primo-délinquants. Ainsi, à partir d’un exemple, certes partiel, est corroborée l’opinion largement répandue que la délinquance juvénile est constituée d’un noyau dur, composé d’un nombre réduit d’individus et ayant véritablement une carrière délinquante. Perçus comme de véritables meneurs, ils jouissent auprès des plus jeunes, parfois au sein même de la structure familiale, d’un véritable prestige et ce d’autant plus que, bien souvent, leurs revenus, tirés d’une économie illégale, sont bien plus importants que ceux provenant d’une activité professionnelle légale.

Une délinquance plus jeune

Enfin, le rajeunissement des personnes mises en cause est également mis fréquemment en exergue. Ici encore, il n’existe pas de statistiques fiables, mais cette donnée est corroborée par l’ensemble des acteurs sociaux.

Le constat de la délinquance juvénile est inquiétant à plus d’un titre : il révèle certes une jeunesse en danger et désorientée mais illustre également plus généralement le climat d’insécurité et de tension dans lequel vivent quotidiennement nos concitoyens.

Face à ce constat, il est bien évidemment de la responsabilité des hommes politiques d’analyser et de comprendre le malaise des jeunes. Néanmoins, cette démarche ne doit pas se traduire par un angélisme qui a déjà fait les preuves de son inefficacité. Par respect pour les victimes, mais également pour les jeunes auteurs d’infractions, il importe de comprendre mais non d’excuser. Dans cette optique, il convient de rappeler les responsabilités qui incombent à chacun.

II. — FACE À L’AMPLEUR DU PHÉNOMÈNE DÉLINQUANT, LES RÉPONSES ONT SOUVENT ÉTÉ INADAPTÉES

A. LA SITUATION SOCIALE S’EST FORTEMENT DÉGRADÉE

Lier la délinquance, et notamment la délinquance juvénile au taux de chômage est un lieu commun du débat politique. Il est bien évident que le taux de 11,8 % de la population active atteint par la France (représentant plus de 3 050 000 chômeurs) a obligatoirement des incidences sur le climat social. Encore convient-il d’analyser correctement le lien entre chômage et délinquance.

La délinquance juvénile et le chômage des jeunes

Entre 1945 et 1975, période dite des “ Trente glorieuses ”, la délinquance juvénile existe et se caractérise principalement par des vols : dans une société en expansion rapide, la quantité des biens en circulation, les voitures, les appareils électroménagers et la hi-fi augmente considérablement. La délinquance est alors stimulée par une frustration née d’une société à la fois prospère et anonyme. La criminalité est une criminalité d’appropriation, liée à une augmentation des opportunités.

Depuis 1975, la délinquance augmente parce que la fraction de la population privée d’emploi augmente : le ralentissement durable de la croissance économique écarte une masse croissante de jeunes des voies légales de réalisation de soi par l’emploi rémunéré. Les fluctuations de la masse des crimes et délits reflètent alors de manière assez étroite, non plus les occasions de vols, mais les fluctuations du nombre de ceux pour qui la délinquance apparaît comme la voie la plus accessible pour s’en sortir.

On constate ainsi qu’entre 1975 et 1985, les taux d’infractions s’élèvent corrélativement au chômage. L’amélioration relative de la situation de l’emploi entre 1985 et 1989 correspond à une baisse des taux de toutes les catégories d’infractions. Enfin, la détérioration renouvelée de l’emploi des jeunes depuis 1989 coïncide avec une remontée des atteintes. De manière plus précise, il convient de souligner que la courbe de la délinquance, notamment les infractions contre les biens et les actes de violence, est étroitement corrélée au taux de chômage des jeunes non ou très peu diplômés. Ce sont surtout ces jeunes qui sont touchés de façon précoce et durable par le chômage.

La corrélation entre chômage des jeunes et délinquance juvénile apparaît ainsi évidente et a d’ailleurs été maintes fois soulignée par les observateurs politiques. Il convient toutefois de pousser davantage la réflexion afin de percevoir à quel point le chômage remet en cause de façon parfois irrémédiable les fondements du modèle républicain français.

La déstructuration du modèle familial

L’ancrage dans le temps du chômage a profondément modifié la structure familiale et sa fonction. Le chômage des parents a eu pour conséquence la perte de crédit de la génération adulte. Ainsi, beaucoup d’adultes des quartiers en difficulté souffrent d’une dévalorisation et ne sont plus capables de servir de modèles ou de références. La comparaison entre le montant des revenus de substitution proposés par la société – R.M.I., allocations chômage, prestations familiales – et ceux tirés de petits trafics illégaux est, dès lors, rapidement faite et ne plaide pas pour le modèle parental.

A cela s’ajoute bien souvent une structure familiale complexe, recomposée, où la définition de la figure paternelle, figure d’autorité s’il en est, perd de sa netteté. Ainsi, dans les quartiers en difficulté, le taux de familles monoparentales dépasse souvent 15 %.

Il est bien évident que la conjonction des deux phénomènes que sont le chômage et la destructuration familiale, prive le jeune de repères essentiels. Viennent bien souvent s’ajouter à cela les difficultés liées à l’immigration, notamment lorsque les parents d’origine étrangère font face à des problèmes de langue ou d’intégration, alors même que leurs enfants ne se reconnaissent plus dans leur culture d’origine. Les enfants aînés ont alors tendance à se substituer à l’autorité naturelle, provoquant souvent un désinvestissement du père dans l’éducation de ses enfants, désinvestissement pouvant être par la suite lourd de conséquences.

Les crises qui surviennent dans chaque famille lorsque l’enfant devient adolescent et éprouve le besoin de définir clairement son identité par rapport à ses parents sont dès lors démultipliées dans ces contextes familiaux fragiles.

La désagrégation des liens sociaux

L’effondrement de la puissance tutélaire de la famille va de pair avec la disparition des liens sociaux dans les quartiers en difficulté. Il est patent que, depuis une vingtaine d’années, la physionomie de ces quartiers a changé. La population n’est plus une population ouvrière aux revenus modestes, certes, mais ayant un travail, fortement structurée autour de syndicats ou d’associations et ayant développé des liens de solidarité forts. Aujourd’hui, cette vie sociale a disparu et ont disparu avec elle les possibilités qu’avait chaque famille, lorsqu’elle éprouvait des difficultés ou était confrontée à un problème, d’en parler, de demander conseil ou de se faire assister. L’existence de cette médiation sociale constituait très certainement une protection efficace contre les débordements de toutes sortes ou les explosions de violence. Les rapports sociaux sont, de manière unanime, perçus par les observateurs des quartiers en difficulté comme beaucoup plus âpres qu’auparavant.

Face à cette situation sociale dégradée, qui ne permet pas de donner aux jeunes des repères suffisamment clairs, les réponses apportées se sont révélées finalement inadaptées.

B. LES RÉPONSES ONT SOUVENT ÉTÉ INADAPTÉES

Des institutions décrédibilisées

La première des responsabilités à mettre en avant est bien évidemment celle des politiques. Il convient en premier lieu d’aller au-delà de la polémique qui a opposé en janvier dernier le ministre de l’intérieur et la ministre de la justice sur les réponses à apporter à la délinquance juvénile, reprenant de manière schématique le débat entre répression et prévention.

La première des réponses à apporter est plutôt de constater l’urgence de la situation. Il est indispensable de placer la lutte contre la délinquance juvénile comme une des priorités nationales, ce qui implique inévitablement une redéfinition des choix budgétaires. Tous les interlocuteurs rencontrés par votre rapporteur ont en effet prioritairement mis en avant le manque de moyens et les conditions de travail difficiles sur le terrain. Certes, des mesures ont été prises, à la fois dans le domaine de la prévention et de la répression ; néanmoins, les promesses de création de 50 centres de placement immédiat ou de 100 unités de centres éducatifs renforcés d’ici 2001 apparaissent bien dérisoires face à l’ampleur du phénomène.

Insuffisante dans les moyens mis en œuvre, la réponse politique est aussi parfois apparue inadaptée. La lutte contre le chômage s’est en effet révélée mal ciblée. Trop centrée sur les jeunes, elle n’a pas permis de redonner aux parents leur dignité perdue et a même parfois contribué davantage à la perte de l’autorité parentale. Dans certains quartiers, moins de 30 % des familles vivent des revenus du travail, les autres tirant leurs ressources des transferts sociaux. Les politiques menées dans la lutte contre le chômage ont ainsi trop eu tendance à favoriser le traitement social du chômage, développant en conséquence une logique d’assistance, au détriment de politiques plus actives, mettant davantage en avant les valeurs fondées sur le travail. Par ailleurs, les annonces gouvernementales, relayées par tous les médias, ont suscité des espoirs qui n’ont pu être concrétisés. L’exemple des emplois jeunes créés à l’automne 1997 est à cet égard édifiant : la majorité des embauches faites dans ce cadre privilégie les jeunes ayant des diplômes. Dans le département des Yvelines, 66 % des jeunes recrutés ont un niveau baccalauréat ou supérieur. La déception des jeunes des quartiers en difficulté a été d’autant plus forte que ces emplois leur avaient été annoncés à l’origine comme s’adressant en priorité à eux. L’amertume qui en a résulté et un sentiment d’exclusion accru ont été ressentis par l’ensemble des acteurs sociaux sur le terrain.

De manière plus générale, il faut souligner que l’impuissance du politique à résorber le chômage contribue fortement à la dévalorisation des institutions. Ajoutons à cela le climat des affaires impliquant des hommes politiques, qui a pu donner aux jeunes des quartiers en difficulté un sentiment à la fois de défiance et de complète impunité.

Un cadre juridique inadapté

Le cadre juridique de l’ordonnance de 1945 n’apparaît plus adapté à l’urgence de la situation.

En premier lieu, la primauté de l’éducatif sur le répressif, affirmée par l’ordonnance, n’est envisageable que si les moyens adéquats sont mis en œuvre. Les acteurs locaux sont unanimes à dénoncer une insuffisance de moyens. Toutefois, cette insuffisance ne suffit pas, contrairement à ce que semble avancer Mme Fabienne Klein-Donati, conseillère technique au cabinet du garde des sceaux, à expliquer l’ampleur du phénomène délinquant. Il convient en effet également d’insister sur l’inadéquation de ces moyens face à l’urgence de la situation : le système développé par l’ordonnance de 1945 s’appuie en large partie sur les travailleurs sociaux, et notamment les éducateurs, censés effectuer la médiation entre les jeunes en difficulté et les institutions. Le problème qui se pose aujourd’hui est que les travailleurs sociaux ne sont plus assez présents dans les familles. Les éducateurs envoyés dans les quartiers sensibles sont le plus souvent des jeunes femmes sorties il y a peu de leur école de formation et qui n’ont, par la force des choses, ni la présence ni la connaissance suffisante des quartiers pour pouvoir s’imposer. Dès lors, la prévention de la délinquance n’est plus assurée dans la mesure où le signalement de l’adolescent en dérive ne peut plus se faire.

M. Hervé Hamon, président du tribunal pour enfants de Créteil, a reconnu que, faute de moyens adéquats, le système instauré par l’ordonnance de 1945 pouvait présenter des limites ; une expérience menée dans le département du Val-de-Marne a ainsi pu mettre à jour la vision divergente des policiers et des magistrats sur les mineurs multirécidivistes : sur 72 mineurs bien connus par la police pour leurs agissements, 11 étaient restés totalement inconnus des services judiciaires, avaient échappé à tout signalement et ne faisaient l’objet d’aucune mesure d’assistance éducative.

Insuffisante dans son aspect préventif, l’ordonnance de 1945 apparaît également inadaptée sur le plan répressif.

En premier lieu, un mineur n’ayant pas l’âge de treize ans au moment du délit ne peut faire l’objet d’une condamnation pénale ; il ne peut non plus être placé en garde à vue ; tout au plus, s’il est âgé de plus de dix ans, peut-il être retenu pendant dix heures, s’il existe une présomption que le mineur a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni de sept ans d’emprisonnement au moins. Enfin, il ne peut être mis en détention provisoire.

Un mineur de treize à seize ans peut être mis en garde à vue mais ne peut être placé en détention provisoire, s’il est soupçonné uniquement d’un délit.

De telles dispositions posent plusieurs problèmes : en premier lieu, elles ne tiennent pas compte des évolutions récentes de la délinquance. Le mineur de treize ans n’est plus celui de 1945 : il évolue dans une société beaucoup plus violente et se trouve confronté beaucoup plus tôt à la délinquance. Dès lors, il semble urgent de redéfinir une nouvelle majorité pénale. En second lieu, elles contribuent à faire accroire l’idée d’une totale impunité du mineur de treize ans, idée aussi insupportable pour les victimes que pour les jeunes délinquants à la recherche de repères. Il convient dès lors de réintroduire la notion de sanction pour ces mineurs : sans sanction, le mineur ne peut prendre conscience de la gravité de la faute et se retrouve un peu plus tard, âgé de plus de treize ans, devant le juge et condamné sans avoir réalisé en quoi il est plus coupable que la fois précédente. Le rétablissement de la sanction ne doit pas être compris comme un désir de répression accrue, mais comme la nécessité d’instaurer très tôt des repères. Après l’âge de treize ans, il est trop tard pour inculquer de telles notions à l’enfant, et une simple admonestation par le juge ne suffit plus. Directement liée à ce problème, la majorité pénale à treize ans a pour conséquence de présenter devant des juges pour enfants des jeunes de plus de treize ans comme primo-délinquants, alors qu’ils ont en fait un lourd passé de récidiviste. La plupart du temps, le signalement par les services sociaux ou les services de police ne s’est pas fait à temps ou n’a pas été communiqué aux juges.

Il faut, de plus, insister sur le fait que, même lorsqu’une condamnation est prononcée, la portée réelle de cette sanction reste aléatoire. Comme le soulignait M. Jean Berkani, procureur de la République près le tribunal de grande instance d’Evreux, les juges des enfants ne peuvent, bien souvent, faute de moyens, faire exécuter leurs sentences. Les mesures d’assistance éducative ou de liberté surveillée se voient ainsi parfois réduites à la visite mensuelle d’un éducateur. Quant à la condamnation à une peine de prison, l’ensemble des personnes auditionnées par le rapporteur ont dénoncé les conséquences dramatiques qu’elle pouvait avoir pour le jeune délinquant. Mme Béatrice Patrie a ainsi mis en avant son caractère particulièrement inadapté, l’insuffisance de moyens disponibles conduisant à copier les structures pour adultes en se limitant à introduire une dose supplémentaire de mesures éducatives.

Un système éducatif dépassé

C’est principalement à l’école que se manifestent les ruptures précoces avec les institutions de la société adulte. La délinquance en forte croissance, notamment par les pratiques de racket, a longtemps été niée par le milieu scolaire ; les enseignants ont refusé, à juste titre, de troquer leur rôle d’éducateur contre celui de gardien-surveillant. Aujourd’hui, le système éducatif se trouve dépassé par ces nouvelles manifestations de violence. Les réponses apportées sont, dès lors, maladroites : exclure un enfant de l’école ne fait que le renvoyer à un quotidien plus violent encore et contribue à le pousser inexorablement vers la délinquance.

Les enseignants ne sont pas assez nombreux et peu préparés à cette violence. Comme le soulignait Me Marie-France Ponelle, avocate à la Cour de Paris, présidente de l’antenne des mineurs, les procédures de signalement auprès de la protection judiciaire de la jeunesse leur sont encore quasiment inconnues. La création d’internats urbains ou le développement de classes relais vont évidemment dans le bon sens ; ces actions sont toutefois trop marginales pour pouvoir réintégrer et resocialiser les jeunes en difficulté sur l’ensemble du territoire national.

Des parents déresponsabilisés

On a déjà évoqué la déstructuration de certaines familles des quartiers en difficulté et le contexte social dans lequel elles évoluent. Il n’en reste pas moins que la question de la responsabilité des parents dans l’augmentation de la violence mérite d’être posée. Des logements sociaux peu adaptés pour accueillir des familles nombreuses conduisent souvent les enfants à rester tard dehors. Face à cette errance de l’enfant, soumis très tôt aux lois de la rue et de la cité, beaucoup de parents ont un comportement à la limite de l’inconscience ou du fatalisme.

Il est même courant que certains ferment les yeux sur des petits trafics ; de même ils ne s’interrogent plus sur l’origine de l’argent ou du matériel ramené par leurs enfants à la maison. Le cadre judiciaire les conforte quelque peu dans cette attitude : l’absence de sanction pour les délits commis par leurs enfants de moins de treize ans les incite à penser que la faute n’est pas vraiment grave puisqu’elle n’est pas punie. L’enfant grandissant et les ennuis judiciaires s’accumulant, les parents tentent parfois de le reprendre en main et d’essayer de lui inculquer de nouveaux repères. Il est bien souvent trop tard et cette tentative se traduit par de nouveaux conflits. Le jeune choisit ainsi parfois, par la fugue, de retrouver avec les jeunes de la rue une solidarité qu’il a perdue en quittant sa famille. C’est le début de l’ancrage dans la délinquance que nous avons évoqué plus haut.

Le constat peut paraître alarmiste ; il est bien évident qu’il ne présente aucun caractère systématique et qu’il n’existe aucune fatalité. Il est important de distinguer en la matière, comme l’a souligné M. Jean-Marie Petitclerc, éducateur, directeur de l’association Le Valdocco, les parents “ dépassés ” qu’il faut aider, des parents “ démissionnaires ” qu’il faut sanctionner.

Il existe en effet des procédures qui permettent de responsabiliser et d’impliquer davantage les parents dans la prise en charge de leurs enfants : ainsi, l’article L. 552-6 du code de la sécurité sociale prévoit que, lorsque les conditions d’alimentation, de logement ou d’hygiène sont manifestement défectueuses ou lorsque le montant des prestations familiales n’est pas employé dans l’intérêt de l’enfant, les prestations sont versées non plus à la famille, mais à un tuteur qui a pour mission de les affecter aux besoins exclusifs des enfants. Environ 30 000 familles sont concernées chaque année par cette mise sous tutelle. Outre ces dispositions, il existe également des procédures pénales permettant d’incriminer le comportement des parents à l’égard de leurs enfants. L’article 227-17 du code pénal punit “ le fait, par le père ou la mère légitime, naturel ou adoptif, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations au point de compromettre gravement la santé, la sécurité ou l’éducation de son enfant mineur ” d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 200 000 F d’amende.

Ces procédures apparaissent cependant manifestement inadaptées pour prévenir la délinquance des enfants. Les dispositions du code de la sécurité sociale n’ont en effet qu’un caractère limité ; celles du code pénal peuvent éventuellement apporter une réponse, mais le rapporteur n’est pas persuadé que ce soit en mettant les parents en prison, qu’on leur permette de s’impliquer davantage dans l’éducation de leurs enfants. Ces dispositions par ailleurs ne suffisent pas à prévenir la délinquance. Elles interviennent une fois la situation devenue irréversible, lorsque l’adolescent se trouve déjà en rupture avec la société. La responsabilisation des parents “ en amont ” est réclamée par un nombre important d’intervenants sur le terrain, comme l’ont rappelé MM. Alain Com et Marc Calieros, commissaires de police.

Face à ce constat, il est urgent de réfléchir à des solutions nouvelles, permettant à la fois de concilier les aspirations légitimes de nos concitoyens pour une société plus sûre et les attentes des jeunes des quartiers difficiles.

III. — LA PROPOSITION DE LOI APPORTE DES SOLUTIONS CONCRÈTES AUX DYSFONCTIONNEMENTS OBSERVÉS SUR LE TERRAIN

La proposition comprend vingt et un articles, les deux premiers étant consacrés à l’enfance en danger, les dix-huit suivants à l’enfance délinquante et le dernier gageant la proposition pour compenser les pertes de recettes pouvant éventuellement résulter de son adoption.

Quel que soit le sujet concerné, les dispositions nouvelles se fondent sur des principes communs : intervenir le plus tôt possible dans le processus conduisant immanquablement à la délinquance et responsabiliser les parents. Même s’il n’est pas nommément visé - il est fait référence à un établissement figurant sur une liste fixée par décret -, le pôle d’accueil des jeunes en difficulté a une place centrale dans le dispositif proposé.

A. LA PROTECTION DE L’ENFANCE EN DANGER DOIT ÊTRE RENFORCÉE

Les dispositions nouvelles relatives à l’enfance en danger sont symboliquement placées en tête de l’ordonnance du 2 février 1945 : aux yeux de votre rapporteur, il s’agit des articles les plus importants de la proposition.

L’article 1er complète le titre de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, afin de mentionner également l’enfance en danger qui, jusqu’à présent, n’est évoquée que dans les dispositions du code civil relatives à l’assistance éducative (art. 375 et suivants).

L’article 2 insère un nouveau titre en tête de l’ordonnance du 2 février 1945 consacré à l’enfance en danger et composé des articles 1er A à 1er C.

— L’article 1er A permet au maire, en cas de menaces graves à l’ordre public, d’interdire aux mineurs de moins de treize ans de circuler non accompagnés sur tout ou partie du territoire de la commune entre vingt-deux heures et six heures. Le procureur de la République est informé de la décision du maire et en contrôle l’application.

— L’article 1er B institue un dispositif à trois étages, concernant tant les enfants que les parents, applicable lorsque le mineur ne respecte pas l’interdiction d’errer seul sur la voie publique pendant la nuit :

·   Lorsque les policiers ou les gendarmes interpellent pour la première fois un enfant de moins de treize ans seul dehors en pleine nuit, le mineur est conduit au commissariat ou à la gendarmerie pour être remis, après avertissement, à ses parents. La violation de l’interdiction de circuler figurera, pendant deux ans, dans un registre placé sous le contrôle du procureur de la République.

·   En cas de récidive, le mineur est conduit dans un établissement adapté figurant sur une liste fixée par décret : dans l’esprit de votre rapporteur, il s’agit du pôle d’accueil des jeunes en difficulté. Puis, dans les quarante-huit heures, il est présenté, accompagné de ses parents (ou de la personne qui en a la garde), au juge des enfants. Le juge adresse un avertissement écrit aux parents pour mise en danger de l’enfant : cela signifie qu’il va pouvoir ordonner des mesures d’assistance éducatives compte tenu de la déficience, ou de l’incapacité, des parents à préserver la santé, la sécurité ou la moralité de leur enfant.

·   En cas de nouvelle récidive, le juge des enfants peut affecter les prestations familiales auxquelles l’enfant ouvre droit à des dépenses liées à sa scolarisation ou prononcer, pour une durée maximale de six mois, la suspension de ces prestations ; il dispose des mêmes prérogatives en cas de refus des parents de déférer à ses convocations. Il s’agit donc d’une faculté et non d’une sanction automatique à l’égard des parents négligents, c’est-à-dire de ceux qui ne s’imposent pas d’obligation de moyens, sans même parler d’une obligation de résultats. Cette menace est bien plus adaptée pour responsabiliser les parents que les peines d’amendes ou d’emprisonnement prévues par le code pénal pour délaissement de mineur (art. 227-1 et 227-2) ou mise en péril des mineurs (art. 227-15 et suivants).

— L’article 1er C renvoie à un décret en Conseil d’Etat le soin de préciser les conditions d’application des articles 1er A et 1er B.

B. LES PROCÉDURES APPLICABLES AUX MINEURS DÉLINQUANTS DOIVENT ÊTRE PLUS OPÉRANTES

La proposition de loi modifie, notamment, les dispositions applicables aux mineurs en matière de garde à vue, de détention provisoire, de mesures de réparation, de liberté surveillée et de placement. Le but poursuivi est de mieux adapter les réponses judiciaires à la délinquance juvénile.

L’article 3 introduit un titre II dans l’ordonnance du 2 février 1945 relatif à l’enfance délinquante, dans lequel sont insérés les quarante-neuf articles qui constituent actuellement l’ordonnance.

L’article 4 (art. 4 de l’ordonnance du 2 février 1945) modifie les dispositions relatives à la garde à vue des mineurs.

— Il supprime les dispositions qui interdisent de placer un mineur de moins de treize ans en garde à vue et permettent à un officier de police judiciaire de retenir un mineur de dix à treize ans, à titre exceptionnel et avec l’accord d’un magistrat, pour une durée de dix heures renouvelable une fois (1).

— Il supprime l’impossibilité de déroger à l’obligation d’informer les parents d’un mineur placé en garde à vue au-delà de douze heures, lorsque la garde à vue n’est pas prolongeable (2).

— Il prévoit que la garde à vue du mineur doit être limitée au temps nécessaire à sa déposition et à sa présentation à un magistrat et que les parents sont autorisés à s’entretenir avec le mineur si la garde à vue dépasse douze heures (3).

L’article 5 (art. 8 de l’ordonnance du 2 février 1945) redéfinit les fonctions d’instruction et de jugement du juge des enfants.

— Il prive le juge des enfants de la possibilité de prescrire le contrôle judiciaire (1).

— Il substitue à la possibilité de placer le mineur dans un centre d’accueil ou d’observation, l’obligation pour le juge de placer le mineur dans un établissement figurant sur une liste fixée par décret après en avoir informé les parents : il s’agira du pôle d’accueil des jeunes en difficulté (2).

— Il supprime la faculté ouverte au juge de n’ordonner aucune des mesures prévues par l’article 5 ou que l’une d’entre elles (3).

— Il retire au juge la possibilité d’ordonner une mesure de liberté surveillée à titre provisoire, avant de se prononcer pour un éventuel renvoi devant le tribunal pour enfants et de communiquer le dossier au parquet (4).

— Il substitue trois alinéas aux six alinéas permettant actuellement au juge d’opter, par jugement rendu en chambre du conseil, pour l’une des mesures suivantes :

·  relaxer le mineur, si l’infraction n’est pas établie ;

·  le déclarer coupable, mais en le dispensant de toute autre mesure si son reclassement est acquis, le dommage réparé et le trouble résultant de l’infraction terminé, cette décision pouvant ne pas être mentionnée au casier judiciaire ;

·  l’admonester ;

·  le remettre à ses parents ;

·  prononcer sa mise sous protection judiciaire pour une durée maximum de cinq ans ;

·  le placer dans l’un des établissements visés aux articles 15 et 16 de l’ordonnance (établissement d’éducation ou de formation professionnelle, établissement médical ou médico-pédagogique, internat approprié aux mineurs délinquants s’il est âgé de moins de treize ans, établissement d’éducation surveillée s’il a plus de treize ans).

Dans la version retenue par la proposition de loi, le juge des enfants n’aura plus le choix qu’entre trois solutions (5) :

· relaxer le mineur ;

· prononcer sa mise sous protection judiciaire ;

· le placer dans l’un des établissements visés à l’article 15 qui, dans la rédaction que lui donne l’article 9 de la proposition, substitue au placement dans un établissement d’éducation surveillé, le placement dans un pôle d’aide aux jeunes en difficulté.

L’article 6 (art. 10 de l’ordonnance du 2 février 1945) a trait à la comparution du mineur mis en examen.

— Il remplace par un seul alinéa les six alinéas laissant au juge des enfants, ou au juge d’instruction, le choix de confier provisoirement le mineur mis en examen :

· à ses parents ;

· à un centre d’accueil ;

· à une institution habilitée à cet effet ;

· au service de l’assistance à l’enfance ou à un établissement hospitalier ;

· à un établissement d’éducation, de formation ou de soins.

Aux termes de la proposition, le mineur mis en examen est placé, jusqu’au prononcé du jugement, dans un établissement mentionné dans une liste fixée par décret, à savoir le pôle d’accueil des jeunes en difficulté (1).

— En conséquence, les deux derniers alinéas de l’article 10 de l’ordonnance relatifs à la garde provisoire sont supprimés (2).

L’article 7 (art. 11 de l’ordonnance du 2 février 1945) modifie le régime de la détention provisoire des mineurs.

— Actuellement, le mineur âgé de plus de treize ans peut être placé en détention provisoire. Toutefois, en matière correctionnelle, seul le mineur âgé d’au moins seize ans peut être détenu provisoirement et pour une durée limitée à un mois, renouvelable une fois, lorsque la peine encourue n’est pas supérieure à sept ans d’emprisonnement.

— La proposition supprime toutes les dispositions relatives à la détention provisoire en matière correctionnelle (1 à 3), l’article 7 de l’ordonnance étant exclusivement consacré à la détention provisoire en matière criminelle qui relève de deux régimes différents selon que le mineur est âgé de moins ou de plus de seize ans.

L’article 8 (art. 12-1 de l’ordonnance du 2 février 1945) porte sur les mesures ou les activités d’aide ou de réparation, à l’égard de la victime ou dans l’intérêt de la collectivité, que le procureur ou la juridiction ont la faculté de proposer au mineur.

La proposition prévoit que seule la juridiction de jugement, et non plus la juridiction chargée de l’instruction ou le procureur de la République, pourra proposer une telle mesure ou activité (1). En conséquence, les deuxième et troisième alinéas de l’article 8 sont supprimés (2) et le quatrième alinéa adapté (3).

L’article 9 (art. 15 de l’ordonnance du 2 février 1945) énumère les mesures de protection, d’assistance, de surveillance ou d’éducation, que le tribunal pour enfants prononce à l’égard d’un mineur âgé de moins de treize ans. Dans le texte actuel de l’ordonnance, ces mesures sont les suivantes :

·  remise aux parents, au tuteur, à la personne ayant la garde ou à une personne digne de confiance ;

·  placement dans un établissement d’éducation ou de formation professionnelle ;

·  placement dans un établissement médical ou médico-pédagogique ;

·  remise au service de l’assistance à l’enfance ;

·  placement dans un internat approprié aux mineurs délinquants.

La proposition de loi apporte les modifications suivantes :

·  si l’enfant est remis à ses parents, à son tuteur ou encore à la personne ou au service auquel il est confié, un suivi sera en outre assuré par une personne habilitée dont le nom figurera sur une liste fixée par arrêté préfectoral ;

·  au placement dans un internat est substitué le placement dans un établissement figurant sur une liste fixée par décret, le pôle d’accueil des jeunes en difficulté, ce placement étant prononcé d’office à l’égard des mineurs récidivistes en matière correctionnelle.

L’article 10 (art. 16 de l’ordonnance du 2 février 1945) supprime l’article 16 de l’ordonnance, qui énumère les mesures de protection et de rééducation prononcées par le tribunal pour enfants à l’égard des mineurs âgés de plus de treize ans :

·  remise aux parents, au tuteur, à la personne ayant la garde ou à une personne digne de confiance ;

·  placement dans un établissement d’éducation ou de formation professionnelle ;

·  placement dans un établissement médical ou médico-pédagogique ;

·  placement dans une institution d’éducation surveillée.

L’article 11 (art. 16 bis de l’ordonnance du 2 février 1945) permet au tribunal pour enfants et à la cour d’assises des mineurs de prononcer également, à titre principal, la mise sous protection judiciaire d’un mineur âgé de seize ans pour une durée maximale de cinq ans.

La proposition insère un nouvel alinéa dans cet article (1) : en cas de récidive en matière correctionnelle, les juridictions précitées devront prononcer, pour une durée n’excédant pas cinq années, le placement dans un établissement dont la liste est arrêtée par décret, le pôle d’accueil des jeunes en difficulté. En conséquence, il est procédé à une modification de référence d’alinéa (2).

L’article 12 (art. 17 de l’ordonnance du 2 février 1945) supprime le deuxième alinéa de l’article 17 de l’ordonnance, qui ne rend possible la remise d’un mineur âgé de plus de treize ans à l’Assistance que dans trois hypothèses : si l’enfant a besoin d’un traitement médical, s’il est orphelin ou si ses parents ont été déchus de l’autorité parentale.

L’article 13 (art. 19 de l’ordonnance du 2 février 1945) prévoit que le mineur, qui a fait l’objet d’une des mesures prévues aux articles 15 et 16 ou d’une condamnation pénale, peut être placé sous le régime de la liberté surveillée.

La proposition de loi exclut l’application de cette disposition lorsqu’il s’agit d’un mineur de treize ans, délinquant récidiviste, placé dans un établissement médical ou médico-pédagogique.

L’article 14 (art. 21 de l’ordonnance du 2 février 1945) concerne les contraventions de police des quatre premières classes commises par des mineurs, lesquelles sont déférées au tribunal de police. S’il estime utile l’adoption d’une mesure de surveillance, le tribunal peut transmettre, après le prononcé du jugement, le dossier au juge des enfants, qui aura la faculté de placer le mineur sous le régime de la liberté surveillée.

La proposition offre au juge des enfants une possibilité supplémentaire : le placement du mineur dans un établissement mentionné sur une liste fixée par décret, en l’occurrence le pôle d’accueil des jeunes en difficulté.

L’article 15 (art. 22 de l’ordonnance du 2 février 1945) porte sur l’exécution provisoire des décisions du juge des enfants et du tribunal pour enfants. Concernant les mesures de protection, d’assistance, de surveillance ou d’éducation prévues à l’article 15 relatif au mineur de treize ans, il est précisé que le mineur sera conduit et retenu dans un centre d’accueil, dans une section d’accueil d’une institution, dans un dépôt de l’assistance ou dans un centre d’observation.

La proposition prévoit que le mineur sera dorénavant conduit dans un établissement, mentionné sur une liste fixée par décret, qui dans l’esprit de votre rapporteur ne peut être que le pôle d’accueil des jeunes en difficulté.

L’article 16 (art. 28 de l’ordonnance du 2 février 1945) procède à une simplification procédurale. Actuellement, le juge des enfants, et le cas échéant le tribunal pour enfants, statue sur les incidents, les instances en modification de placement ou de garde et les demandes de remise de garde : il peut ordonner toutes mesures de protection ou de surveillance et rapporter ou modifier les décisions prises. Toutefois, seul le tribunal pour enfants est compétent lorsqu’il y a lieu de prendre à l’égard d’un mineur, soit laissé à la garde de ses parents ou de son tuteur, soit laissé ou remis à une personne digne de confiance, une des autres mesures prévues aux articles 15 et 16.

La proposition de loi attribue au juge des enfants les compétences actuellement conférées au seul tribunal pour enfants.

L’article 17 (art. 40 de l’ordonnance du 2 février 1945) modifie les dispositions relatives à la part des frais d’entretien et de placement mise à la charge de la famille, qui actuellement ne s’appliquent que lorsque le mineur est remis à une personne autre que son père, sa mère ou son tuteur ou à une personne autre que celle qui en avait la garde.

La proposition de loi apporte les modifications suivantes :

·  dans tous les cas où le mineur fait l’objet d’une mesure de placement (y compris, par exemple, s’il est placé dans un pôle d’accueil des jeunes en difficulté), la décision déterminera la part des frais mise à la charge de la famille (1) ;

·  les allocations familiales, majorations et allocations d’assistance auxquelles le mineur ouvre droit seront versées directement non seulement à la personne ou à l’institution ayant la charge du mineur pendant la durée du placement mais aussi à la victime du délit commis par le mineur à concurrence d’un montant déterminé par la juridiction (2) ;

·  l’alinéa précisant que la part des frais d’entretien et de placement n’incombant pas à la famille est mise à la charge du Trésor est supprimé (3).

Les articles 18 à 20 (art. L. 513-1, L. 521-2 art. et L 552-6 du code de la sécurité sociale) assurent la coordination entre les modifications apportées à l’ordonnance du 2 février 1945 et les dispositions du code de la sécurité sociale relatives aux prestations familiales.

— Les prestations familiales sont dues à la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l’enfant, sous réserve des dispositions prévues à l’article 40 de l’ordonnance du 2 février 1945 dans la rédaction que lui donne l’article 17 de la proposition.

— Lorsque le mineur est confié au service de l’aide sociale à l’enfance, la part des allocations familiales due à la famille pour cet enfant est en principe versée à ce service. Toutefois, à la demande du conseil général ou de la juridiction à la suite d’une mesure prise en applications des articles 15 et 16 de l’ordonnance du 2 février 1945, l’organisme débiteur peut décider de maintenir le versement à la famille, si celle-ci participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant en vue de faciliter le retour de l’enfant dans son foyer.

La proposition étend cette possibilité à toutes les hypothèses nouvelles de placement prévues par ses articles 14 et 15 modifiant les articles 21 et 22 de l’ordonnance.

— Le juge des enfants peut d’ores et déjà ordonner que les prestations familiales soient, en tout ou partie, versées à une personne physique ou morale qualifiée - dite tuteur aux prestations sociales -, lorsque l’enfant donnant droit aux prestations est élevé “ dans des conditions d’alimentation, de logement et d’hygiène manifestement défectueuses ou lorsque le montant des prestations n’est pas employé dans l’intérêt de l’enfant ”.

La proposition ouvre la même faculté au juge lorsque l’enfant fait l’objet d’une des mesures de placement prévues par l’ordonnance du 2 février 1945.

L’article 21 prévoit la compensation des pertes de recettes éventuellement engendrées par la présente proposition de loi : pour l’Etat, par une majoration des droits sur les tabacs ; pour la sécurité sociale, par la création de taxes additionnelles au droit de consommation sur les alcools.

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* *

Après l’exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

M. Jean-Antoine Léonetti a fait observer que la délinquance des mineurs concernait des personnes de plus en plus jeunes et de plus en plus violentes, alors même que se développe un sentiment d’impunité dans les quartiers en difficulté. Indiquant qu’un mineur délinquant sur deux était arrêté par la police et qu’un sur dix seulement recevait une sanction effective, il a considéré qu’il revenait avant tout à la famille, et non à la société, de prendre ses responsabilités. Exprimant son accord avec la démarche de M. Pierre Cardo consistant à renforcer le volet répressif de l’ordonnance de 1945, sans pour autant la modifier totalement, il a estimé que le système de prévention avait montré ses limites. Il a ainsi déclaré que les travailleurs sociaux n’étaient pas présents dans les quartiers difficiles, que les juges pour enfants exerçaient davantage une fonction d’assistance sociale que de répression et que la police ne pouvait entrer dans les quartiers difficiles, qui vivaient de manière autonome et fermée, fonctionnant sur le mode clanique. Il a par ailleurs observé que les mineurs étaient utilisés par les adultes afin de commettre des délits, jugeant qu’il serait nécessaire de responsabiliser leur famille et de les écarter momentanément de la société pour préparer leur réinsertion. Il a, en outre, considéré que la suppression des allocations familiales pour les familles dont les mineurs sont délinquants pourrait contribuer à leur responsabilisation. Il a indiqué que, s’il s’était abstenu sur la proposition de résolution de M. Jacques Myard tendant à créer une commission d’enquête sur la délinquance juvénile, c’est parce qu’il estimait préférable l’adoption de mesures concrètes à la création d’une nouvelle structure de réflexion. Pour cette même raison, il a fait part de son soutien à la proposition de loi de M. Pierre Cardo, en précisant que, si elle constituait une réponse incomplète au problème de la délinquance des mineurs, elle permettait cependant d’envoyer un message clair et pragmatique aux habitants des quartiers difficiles.

Mme Véronique Neiertz a indiqué qu’elle avait écouté le rapporteur avec d’autant plus d’intérêt qu’il était un homme de terrain, ayant une grande expérience du sujet qu’il évoquait. Tout en soulignant que le problème de la délinquance des mineurs constituait une préoccupation constante pour les élus, elle a considéré que légiférer dans ce domaine revenait toujours à avancer sur un terrain miné. Elle a rappelé que l’Assemblée nationale avait déjà débattu de cette question à l’occasion du vote de la loi du 1er juillet 1996 portant modification de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. Elle a fait état de sa propre expérience dans ce domaine, indiquant qu’elle avait contribué à mettre en application des dispositions de la loi concernant les procédures de prise en charge en temps réel des mineurs délinquants. Estimant que tout le débat se jouait autour du délicat équilibre entre la prévention et la répression, elle a jugé que la proposition de loi de M. Pierre Cardo était trop axée sur le volet répressif. Elle a considéré, en effet, que la politique du tout répressif avait montré ses limites aux Etats-Unis. Affirmant que le véritable objectif à atteindre était celui de la rééducation des mineurs confrontés à un environnement difficile, elle a jugé que la politique des moyens menée par le Gouvernement était la plus viable. Elle a exprimé la crainte que certaines des dispositions de la proposition de loi, notamment celles relatives à l’interdiction de sortie des mineurs de treize ans la nuit, ne soient de nature à susciter des comportements violents dans les quartiers difficiles et que, sur le plan politique, elle ne tende à favoriser les discours les plus extrémistes. Elle a ajouté que la loi du 1er juillet 1996 n’avait pu encore produire tous ses effets et s’est déclarée favorable à une application des dispositions existantes sur la mise sous tutelle des allocations familiales. Elle a considéré qu’une véritable politique des moyens devait porter à la fois sur les acteurs sociaux et institutionnels ainsi que sur le logement social, jugeant que ce dernier ne répondait plus à l’accroissement des demandes et aux moyens des plus défavorisés. Estimant que la proposition de M. Pierre Cardo avait pour seul objectif de permettre qu’un débat s’engage à l’Assemblée nationale, elle a proposé que la Commission ne formule pas de conclusions.

Evoquant l’expérience qu’il avait en la matière en sa qualité d’élu local, M. Pascal Clément a constaté que la France ne savait pas traiter le problème des mineurs délinquants. Contestant les propos de Mme Véronique Neiertz, il a affirmé que le principe de la “ tolérance zéro ” pratiqué aux Etats-Unis avait conduit à une baisse des délits. Il a déploré que le discours sociologique sur les déterminismes environnementaux n’imprègne désormais celui des politiques et jugé qu’il alimentait le ressentiment des électeurs, victimes de la délinquance des mineurs. Indiquant qu’il n’était pas favorable à une politique du tout répressif, il a néanmoins souligné les limites de la prévention, prenant l’exemple des événements survenus à Strasbourg lors de la Saint-Sylvestre. Il a remarqué que M. Jean-Marie Bockel, maire de Mulhouse, avait également proposé la suppression des allocations familiales des parents de mineurs délinquants récidivistes, soulignant, par ailleurs, que les dispositions existantes n’étaient guère appliquées. Il s’est interrogé ensuite sur l’efficacité des foyers particuliers accueillant les jeunes délinquants, qui n’imposent pas de réelles obligations en matière de travail et de rééducation. Déplorant les coûts de fonctionnement de ces établissements, il a, par ailleurs, constaté que le nouveau président de S.O.S. Racisme s’était déclaré favorable à la responsabilisation des mineurs et très critique à l’égard de la logique d’assistance qui prédomine actuellement. Il a, cependant, observé que seule une politique globale serait à même de répondre aux problèmes d’insécurité. Rappelant que la présence de l’Etat et de ses acteurs était nécessaire dans les quartiers difficiles, il a ajouté que les choix faits en matière d’urbanisme après la guerre pesaient lourd dans le développement du sentiment de mal-être dans ces quartiers. Il a déclaré que la reconstruction de la ville devait constituer un véritable projet national. Il a annoncé qu’il voterait en faveur de la proposition, considérant que l’Assemblée nationale devait s’en saisir afin de rassurer l’opinion sur ces questions.

Mme Catherine Tasca, présidente, a estimé qu’il était essentiel de mener de front une réflexion de fond sur le problème de la délinquance des mineurs et la mise en place de mesures concrètes et rapides. Soulignant l’intérêt du débat sur cette proposition de loi, elle a considéré qu’il faisait ressortir trois points principaux : l’errance des jeunes dans les villes, la responsabilité des familles et l’insuffisance des effectifs et des moyens des travailleurs sociaux. Elle a, par ailleurs, estimé qu’il était totalement injustifié de reprocher au Gouvernement l’absence d’action dans ce domaine, ajoutant qu’il convenait d’éviter d’aborder cette question uniquement sous un angle punitif.

Mme Nicole Feidt a indiqué que, dans beaucoup de régions, la situation n’était pas aussi dramatique qu’en Ile-de-France. Citant le cas de sa circonscription, elle a précisé que les problèmes des mineurs étaient heureusement limités à des faits de petite délinquance. Elle a, par ailleurs, considéré que les établissements de placement effectuaient le plus souvent un travail de qualité, ajoutant qu’ils souffraient principalement d’un manque de moyens. Soulignant qu’il était difficile de distinguer ce qui relève de la responsabilité directe des familles de ce qui provient de leurs difficultés économiques, elle a exprimé son accord sur le diagnostic établi par M. Pierre Cardo, tout en s’opposant cependant aux dispositions de sa proposition de loi.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

—  Il est indispensable que le législateur exprime clairement sa volonté en matière de délinquance des mineurs ; la pire des réponses serait l’immobilisme ; il convient, au contraire, de ne pas hésiter à s’engager dans la voie de l’expérimentation.

—  S’il est exact que l’équilibre entre répression et prévention est délicat à trouver, il serait néanmoins erroné d’analyser les dispositions de la proposition de loi comme étant uniquement de nature répressive. Il importe avant tout de définir ce qui relève du répressif et ce qui est préventif : l’exemple de la police de proximité, par nature répressive, mais exerçant des missions préventives, démontre la difficulté de définir une frontière claire entre les deux concepts. Ainsi, pour reprendre les dispositions de la proposition de loi, la suspension des allocations familiales en cas d’errance répétée de l’enfant peut apparaître comme une mesure répressive, alors qu’elle institue pourtant une procédure beaucoup plus souple que les dispositions existantes du code pénal, qui prévoient peine de prison et amende en cas de désengagement des parents vis-à-vis de l’enfant.

—  Il est urgent de responsabiliser davantage les parents. Les dispositions de la proposition de loi n’imposent pas aux parents une obligation de résultat, mais une obligation de moyens : il n’est pas demandé aux parents de faire de leurs enfants des citoyens modèles, mais de leur donner au moins la possibilité de le devenir. La proposition de loi permettrait ainsi de recréer un lien entre les diverses allocations et revenus sociaux attribués par la collectivité aux parents et le devenir des enfants. La suspension des allocations familiales serait ainsi perçue comme un signal fort par les parents, et semblerait, dès lors, beaucoup plus adaptée que les dispositions existantes.

—  Il est exact que la situation ne connaît pas la même gravité sur l’ensemble du territoire, mais, compte tenu du taux élevé du chômage et du caractère inadapté de la politique de prévention, le risque d’une augmentation de la violence et de la délinquance partout en France existe véritablement. Actuellement, le problème qui se pose est celui d’une répartition des moyens ; l’Etat pratique une politique égalitaire, qui se traduit dans les faits par une politique égalitariste, insuffisante pour certains départements et inutile pour d’autres.

—  Le problème du logement des personnes habitant les quartiers en difficulté a souvent été évoqué pour expliquer l’errance des enfants. Il est évident qu’il est important de comprendre le phénomène, mais cela ne doit pas conduire à l’excuser, ni, bien évidemment, à le condamner. L’errance des enfants a pour conséquence d’amener les grands adolescents, qui font la loi dans les cités et vivent de petits trafics, à faire l’éducation des plus petits. L’avenir qui se prépare, si le législateur ou les pouvoirs publics ne réagissent pas, s’il n’y a pas une volonté de mieux connaître les quartiers difficiles, apparaît, dès lors, bien compromis.

Mme Catherine Tasca, présidente, a insisté sur l’importance de la proposition de loi qui a permis, au-delà du dispositif proposé, qu’un véritable débat s’engage au sein de la Commission sur la question de la délinquance des mineurs.

A l’issue de la discussion générale, la Commission a décidé de ne pas procéder à l’examen des articles et, en conséquence, de ne pas formuler de conclusion.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

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Texte de la proposition de loi

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Article premier

 

Le titre de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est ainsi rédigé :

Ordonnance n° 45-174
du 2 février 1945 relative à
l’enfance délinquante

“ Ordonnance relative à l’enfance en danger et à l’enfance délinquante. ”

 

Article 2

Avant l’article 1er de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, il est inséré un titre Ier et des articles 1er A, 1er B et 1er C ainsi rédigés :

 

“ TITRE IER

 

“ ENFANCE EN DANGER

 

“ Art. 1er A. —  En cas de menaces graves à l’ordre public, le maire peut décider, pour une période déterminée, sur tout ou partie du territoire de la commune, l’interdiction pour les mineurs de moins de treize ans non accompagnés par un de leurs parents, par une personne mandatée par leurs parents, par leur tuteur, par une personne ou un service auquel il est confié, de circuler entre vingt-deux heures et six heures du matin.

 

“ La décision mentionnée au premier alinéa est portée sans délais à la connaissance du procureur de la République qui en contrôle l’application. ”

 

“ Art. 1er B. —  Tout mineur de moins de treize ans qui sera appréhendé en application de l’article 1er A est conduit au plus proche commissariat ou à la plus proche gendarmerie pour être remis après avertissement à ses parents. Il est tenu un registre des violations des interdictions de circuler prises en vertu de l’article 1er A. L’inscription est supprimée du registre deux ans après la violation de l’interdiction de circuler. Le registre est placé sous la responsabilité du procureur de la République et est tenu à la disposition des acteurs de la protection de l’enfance du secteur concerné.

 

“ En cas de récidive, le mineur est conduit dans un établissement adapté figurant sur une liste fixée par décret puis présenté, accompagné de ses parents, de son tuteur, de la personne ou le service auquel il est confié, au juge des enfants dans un délai qui ne peut excéder quarante-huit heures.

 

“ Le juge des enfants adresse un avertissement écrit aux parents du mineur concerné ou à la personne qui en a officiellement la garde, pour mise en danger de l’enfant selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’Etat.

 

“ En cas de nouvelles récidives, le juge des enfants peut prononcer la suspension des prestations familiales auxquelles l’enfant ouvre droit, pour une durée qui ne peut excéder six mois. Il peut également affecter les prestations à des dépenses liées à la scolarisation de l’enfant concerné. Il en est de même en cas de refus des parents, du tuteur, de la personne ou du service auquel est confié le mineur de déférer à la convocation du juge des enfants.

 

“ Art. 1er C. —  Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions d’application du présent titre. ”

 

Article 3

Avant l’article 1er de l’ordonnance de 1945 précitée, il est inséré un titre ainsi rédigé :

 

“ TITRE II

 

“ ENFANCE DÉLINQUANTE

 

Article 4

L’article 4 de l’ordonnance de 1945 précitée est ainsi modifiée :

Art. 4. — I. — Le mineur de treize ans ne peut être placé en garde à vue. Toutefois, à titre exceptionnel, le mineur de dix à treize ans contre lequel il existe des indices graves et concordants laissant présumer qu’il a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’au moins sept ans d’emprisonnement peut, pour les nécessités de l’enquête, être retenu à la disposition d’un officier de police judiciaire avec l’accord préalable et sous le contrôle d’un magistrat du ministère public ou d’un juge d’instruction spécialisés dans la protection de l’enfance ou d’un juge des enfants, pour une durée que ce magistrat détermine et qui ne saurait excéder dix heures. Cette retenue peut toutefois être prolongée à titre exceptionnel par décision motivée de ce magistrat pour une durée qui ne saurait non plus excéder dix heures, après présentation devant lui du mineur, sauf si les circonstances rendent cette présentation impossible. Elle doit être strictement limitée au temps nécessaire à la déposition du mineur et à sa présentation devant le magistrat compétent ou à sa remise à l’une des personnes visées au II du présent article.

1. Le I est supprimé.

Les dispositions des II, III et IV du présent article sont applicables. Lorsque le mineur ou ses représentants légaux n’ont pas désigné d’avocat, le procureur de la République, le juge chargé de l’instruction ou l’officier de police judiciaire doit, dès le début de la retenue, informer par tout moyen et sans délai le bâtonnier afin qu’il commette un avocat d’office.

 

II. — Lorsqu’un mineur est placé en garde à vue, l’officier de police judiciaire doit informer de cette mesure les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel est confié le mineur.

 

Il ne peut être dérogé aux dispositions de l’alinéa précédent que sur décision du procureur de la République ou du juge chargé de l’information et pour la durée que le magistrat détermine et qui ne peut excéder vingt-quatre heures ou, lorsque la garde à vue ne peut faire l’objet d’une prolongation, douze heures.

2. Dans le deuxième alinéa du paragraphe II, les mots : “ ou lorsque la garde à vue ne peut faire l’objet d’une promulgation, douze heures ” sont supprimés.

 

3. Le deuxième alinéa du même paragraphe est complété par des phrases ainsi rédigées :

 

“ Si la garde à vue dépasse douze heures, les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel il est confié, sont autorisés à s’entretenir avec le mineur concerné. La garde à vue doit être strictement limitée au temps nécessaire à la déposition du mineur et à sa présentation devant le magistrat compétent. ”

III. — Dès le début de la garde à vue d’un mineur de seize ans, le procureur de la République ou le juge chargé de l’information doit désigner un médecin qui examine le mineur dans les conditions prévues par le quatrième alinéa de l’article 63-3 du code de procédure pénale.

 

IV. — Dès le début de la garde à vue, le mineur de seize ans peut demander à s’entretenir avec un avocat. Il doit être immédiatement informé de ce droit. Lorsque le mineur n’a pas sollicité l’assistance d’un avocat cette demande peut également être faite par ses représentants légaux qui sont alors avisés de ce droit lorsqu’ils sont informés de la garde à vue en application du II du présent article.

 

V. — En cas de délit puni d’une peine inférieure à cinq ans d’emprisonnement, la garde à vue d’un mineur âgé de treize à seize ans ne peut être prolongée.

 

Aucune mesure de garde à vue ne peut être prolongée sans présentation préalable du mineur au procureur de la République ou au juge chargé de l’instruction. En cas d’urgence, il peut être fait application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 7.

 

Art. 8. — Le juge des enfants effectuera toutes diligences et investigations utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et à la connaissance de la personnalité du mineur ainsi que des moyens appropriés à sa rééducation.

Article 5

L’article 8 de l’ordonnance de 1945 précitée est ainsi modifié :

A cet effet, il procédera à une enquête, soit par voie officieuse, soit dans les formes prévues par le chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de procédure pénale.

 

Dans ce dernier cas, et si l’urgence l’exige, le juge des enfants pourra entendre le mineur sur sa situation familiale ou personnelle sans être tenu d’observer les dispositions du deuxième alinéa de l’article 114 du code de procédure pénale.

 

Il pourra décerner tous mandats utiles ou prescrire le contrôle judiciaire en se conformant aux règles du droit commun, sous réserve des dispositions de l’article 11.

1. Dans le troisième alinéa, les mots : “ ou prescrire le contrôle judiciaire ” sont supprimés.

Il recueillera, par une enquête sociale, des renseignements sur la situation matérielle et morale de la famille, sur le caractère et les antécédents du mineur, sur sa fréquentation scolaire, son attitude à l’école, sur les conditions dans lesquelles il a vécu ou a été élevé.

Le juge des enfants ordonnera un examen médical et, s’il y a lieu un examen médico-psychologique. Il décidera, le cas échéant, le placement du mineur dans un centre d’accueil ou dans un centre d’observation.

2. La deuxième phrase du cinquième alinéa est remplacée par une phrase ainsi rédigée :

“ Il prononcera toutefois dans l’intérêt du mineur concerné après en avoir informé les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel il est confié, le placement du mineur dans un établissement mentionné sur une liste fixée par décret.

Toutefois, il pourra, dans l’intérêt du mineur, n’ordonner aucune de ces mesures ou ne prescrire que l’une d’entre elles. Dans ce cas, il rendra une ordonnance motivée.

3. Le sixième alinéa est supprimé.

Ces diligences faites, le juge des enfants pourra soit d’office, soit à la requête du ministère public, communiquer le dossier à ce dernier.

 

Il pourra, avant de se prononcer au fond, ordonner à l’égard du mineur mis en examen une mesure de liberté surveillée à titre provisoire en vue de statuer après une ou plusieurs périodes d’épreuve dont il fixera la durée.

4. Le huitième alinéa est supprimé.

Il pourra ensuite, par ordonnance, soit déclarer n’y avoir lieu à suivre et procéder comme il est dit à l’article 177 du code de procédure pénale, soit renvoyer le mineur devant le tribunal pour enfants ou, s’il y a lieu, devant le juge d’instruction.

 

Il pourra également, par jugement rendu en chambre du conseil :

5. Les alinéas 11 à 16 sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

1° Soit relaxer le mineur s’il estime que l’infraction n’est pas établie ;

“ 1° Soit relaxer le mineur s’il estime que l’infraction n’est pas établie ;

2° Soit, après avoir déclaré le mineur coupable, le dispenser de toute autre mesure s’il apparaît que son reclassement est acquis, que le dommage causé est réparé et que le trouble résultant de l’infraction a cessé, et en prescrivant, le cas échéant, que cette décision ne sera pas mentionnée au casier judiciaire ;

 

3° Soit l’admonester ;

 

4° Soit le remettre à ses parents, à son tuteur, à la personne qui en avait la garde ou à une personne digne de confiance ;

 

5° Soit prononcer, à titre principal, sa mise sous protection judiciaire pour une durée n’excédant pas cinq années dans les conditions définies à l’article 16 bis ;

“ 2° Soit prononcer, à titre principal, sa mise sous protection judiciaire pour une durée n’excédant pas cinq années dans les conditions définies à l’article 16 bis.

6° Soit le placer dans l’un des établissements visés aux articles 15 et 16, et selon la distinction établie par ces articles.

“ 3° Soit le placer dans l’un des établissements visés à l’article 15. ”

Dans tous les cas, il pourra, le cas échéant, prescrire que le mineur sera placé jusqu’à un âge qui n’excédera pas celui de sa majorité sous le régime de la liberté surveillée.

 

Art. 10. — Le juge d’instruction ou le juge des enfants avise les parents du mineur, son tuteur, ou la personne ou le service auquel il est confié des poursuites dont le mineur fait l’objet. Cet avis est fait verbalement avec émargement au dossier ou par lettre recommandée. Il mentionne les faits reprochés au mineur et leur qualification juridique. Il précise également qu’à défaut de choix d’un défenseur par le mineur ou ses représentants légaux le juge d’instruction ou le juge des enfants fera désigner par le bâtonnier un avocat d’office.

Article 6

L’article 10 de l’ordonnance de 1945 précitée est ainsi modifié :

Quelles que soient les procédures de comparution, le mineur et ses parents, le tuteur, la personne qui en a la garde ou son représentant, sont simultanément convoqués pour être entendus par le juge. Ils sont tenus informés de l’évolution de la procédure.

 

Lors de la première comparution, lorsque le mineur ou ses représentants légaux n’ont pas fait le choix d’un avocat ni demandé qu’il en soit désigné un d’office, le juge des enfants ou le juge d’instruction saisi fait désigner sur-le-champ par le bâtonnier un avocat d’office.

 
 

1. Les alinéas 4 à 9 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

Le juge des enfants et le juge d’instruction pourront charger de l’enquête sociale les services sociaux ou les personnes titulaires d’un diplôme de service social, habilités à cet effet.

 

Ils pourront confier provisoirement le mineur mis en examen :

“ Le mineur mis en examen est dans l’attente du prononcé du jugement placé dans un établissement mentionné sur une liste fixée par décret. ”

1° A ses parents, à son tuteur ou à la personne qui en avait la garde, ainsi qu’à une personne digne de confiance ;

 

2° A un centre d’accueil ;

 

3° A une section d’accueil d’une institution publique ou privée habilitée à cet effet ;

 

4° Au service de l’assistance à l’enfance ou à un établissement hospitalier ;

 

5° A un établissement ou à une institution d’éducation, de formation professionnelle ou de soins, de l’Etat ou d’une administration publique, habilité.

 

S’ils estiment que l’état physique ou psychique du mineur justifie une observation approfondie, ils pourront ordonner son placement provisoire dans un centre d’observation institué ou agréé par le ministre de la justice.

 

La garde provisoire pourra, le cas échéant, être exercée sous le régime de la liberté surveillée.

2. Les deux derniers alinéas sont supprimés.

Le juge des enfants saisi de la procédure est compétent pour modifier ou révoquer la mesure de garde jusqu’à la comparution du mineur devant le tribunal pour enfants.

 
 

Article 7

L’article 11 de l’ordonnance de 1945 précitée est ainsi modifié :

Art. 11. — Le mineur âgé de plus de treize ans ne pourra être placé provisoirement dans une maison d’arrêt, soit par le juge des enfants, soit par le juge d’instruction, que si cette mesure paraît indispensable ou encore s’il est impossible de prendre tout autre disposition. Toutefois le mineur âgé de moins de seize ans ne pourra être détenu provisoirement, en matière correctionnelle. Dans tous les cas le mineur sera retenu dans un quartier spécial ou, à défaut, dans un local spécial ; il sera, autant que possible, soumis à l’isolement de nuit.

1. Au début de la première phrase du premier alinéa sont insérés les mots : “ En matière criminelle ”.

2. La deuxième phrase du premier alinéa est supprimée.

En matière correctionnelle, lorsque la peine encourue n’est pas supérieure à sept ans d’emprisonnement, la détention provisoire des mineurs âgés d’au moins seize ans ne peut excéder un mois. Toutefois, à l’expiration de ce délai, la détention peut être prolongée, à titre exceptionnel, par une ordonnance motivée comme il est dit au premier alinéa de l’article 145 du code de procédure pénale, et rendue conformément aux dispositions du quatrième alinéa de cet article, pour une durée n’excédant pas un mois ; la prolongation ne peut être ordonnée qu’une seule fois.

3. Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés.

Dans les autres cas, les dispositions du premier alinéa de l’article 145-1 du code de procédure pénale sont applicables, en matière correctionnelle, aux mineurs âgés d’au moins seize ans ; toutefois, la prolongation doit être ordonnée conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l’article 145 du code de procédure pénale, et elle ne peut être prolongée au-delà d’un an.

 

En matière criminelle, la détention provisoire des mineurs âgés de plus de treize ans et moins de seize ans ne peut excéder six mois. Toutefois, à l’expiration de ce délai, la détention peut être prolongée, à titre exceptionnel, pour une durée n’excédant pas six mois, par une ordonnance rendue conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l’article 145-1 du code de procédure pénale et comportant, par référence aux 1° et 2° de l’article 144 du même code, l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ; la prolongation ne peut être ordonnée qu’une seule fois.

 

Les dispositions de l’article 145-2 du code de procédure pénale sont applicables aux mineurs âgés d’au moins seize ans ; toutefois, la détention provisoire ne peut être prolongée au-delà de deux ans.

 

Les dispositions des quatrième et cinquième alinéas du présent article sont applicables jusqu’à l’ordonnance du règlement.

 
   
 

Article 8

L’article 12 de l’ordonnance de 1945 précitée est ainsi modifié :

 

1. Le début du premier alinéa est ainsi rédigé :

Art. 12-1. — Le procureur de la République, la juridiction chargée de l’instruction de l’affaire ou la juridiction de jugement ont la faculté de proposer au mineur une mesure ou une activité d’aide ou de réparation à l’égard de la victime ou dans l’intérêt de la collectivité. Toute mesure ou activité d’aide ou de réparation à l’égard de la victime ne peut être ordonnée qu’avec l’accord de celle-ci.

“ La juridiction de jugement a la faculté ... (le reste sans changement). ”

Lorsque cette mesure ou cette activité est proposée avant l’engagement des poursuites, le procureur de la République recueille l’accord préalable du mineur et des titulaires de l’exercice de l’autorité parentale. Le procès-verbal constatant cet accord est joint à la procédure.

2. Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés.

La juridiction chargée de l’instruction procède selon les mêmes modalités.

 

Lorsque la mesure ou l’activité d’aide ou de réparation est prononcée par jugement, la juridiction recueille les observations préalables du mineur et des titulaires de l’exercice de l’autorité parentale.

3. Dans le quatrième alinéa, les mots : “ lorsque la mesure ou l’activité d’aide ou de réparation est prononcée par jugement ” sont supprimés.

La mise en œuvre de la mesure ou de l’activité peut être confiée au secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse ou à une personne physique, à un établissement ou service dépendant d’une personne morale habilités à cet effet dans les conditions fixées par décret. A l’issue du délai fixé par la décision, le service ou la personne chargé de cette mise en oeuvre adresse un rapport au magistrat qui a ordonné la mesure ou l’activité d’aide ou de réparation.

 
 

Article 9

L’article 15 de l’ordonnance de 1945 précitée est ainsi rédigé :

Art. 15. — Si la prévention est établie à l’égard du mineur de treize ans, le tribunal pour enfants prononcera, par décision motivée, l’une des mesures suivantes :

“ Si la prévention est établie à l’égard du mineur de seize ans, le tribunal pour enfants prononcera par décision motivée, l’une des mesures suivantes :

1° Remise à ses parents, à son tuteur, à la personne qui en avait la garde ou à une personne digne de confiance ;

“ 1° Remise à ses parents, à son tuteur, à la personne ou au service auquel il est confié avec un suivi assuré par une personne habilitée et dont le nom figure sur une liste fixée par arrêté préfectoral ;

2° Placement dans une institution ou un établissement public ou privé, d’éducation ou de formation professionnelle, habilité ;

“ 2° Placement dans une institution ou un établissement public ou privé, d’éducation ou de formation professionnelle habilitée ;

3° Placement dans un établissement médical ou médico-pédagogique habilité ;

“ 3° Placement dans un établissement médical ou médico-pédagogique habilité ;

4° Remise au service de l’assistance à l’enfance ;

5° Placement dans un internat approprié aux mineurs délinquants d’âge scolaire.

“ 4° Placement dans un établissement mentionné sur une liste fixée par décret ; ce placement est prononcé d’office à l’égard des mineurs récidivistes, en matière correctionnelle. ”

Art. 16. — Si la prévention est établie à l’égard d’un mineur âgé de plus de treize ans, le tribunal pour enfants prononcera par décision motivée l’une des mesures suivantes :

Article 10

L’article 16 de l’ordonnance de 1945 précitée est supprimé.

1° Remise à ses parents, à son tuteur, à la personne qui en avait la garde ou à une personne digne de confiance ;

 

2° Placement dans une institution ou un établissement public ou privé, d’éducation ou de formation professionnelle, habilité ;

 

3° Placement dans un établissement médical ou médico-pédagogique habilité ;

 

4° Placement dans une institution publique d’éducation surveillée ou d’éducation corrective.

 

Art. 16 bis. — Si la prévention est établie à l’égard d’un mineur, le tribunal pour enfants et la Cour d’assises des mineurs pourront aussi prononcer, à titre principal et par décision motivée, la mise sous protection judiciaire pour une durée n’excédant pas cinq années.

Article 11

L’article 16 bis de l’ordonnance de 1945 précitée est ainsi rédigé :

Les diverses mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation auxquelles le mineur sera soumis seront déterminées par un décret en Conseil d’Etat.

1.  Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

 

“ En cas de récidive correctionnelle, les juridictions mentionnées au premier alinéa du présent article prononcent le placement dans un établissement dont la liste est arrêtée par décret pour une durée n’excédant pas cinq ans. ”

Le juge des enfants pourra, à tout moment jusqu’à l’expiration du délai de mise sous protection judiciaire, prescrire une ou plusieurs mesures mentionnées à l’alinéa précédent. Il pourra en outre, dans les mêmes conditions, soit supprimer une ou plusieurs mesures auxquelles le mineur aura été soumis, soit mettre fin à la mise sous protection judiciaire.

2. Dans le troisième alinéa, les mots : “ à l’alinéa précédent ” sont remplacés par les mots : “ au deuxième alinéa du présent article ”.

Lorsque, pour l’accomplissement de la mise sous protection judiciaire, le placement d’un mineur de plus de seize ans dans un des établissements désignés à l’article précédent aura été décidé, ce placement ne se poursuivra après la majorité de l’intéressé que si celui-ci en fait la demande

 

Art. 17. — Dans tous les cas prévus par les articles 15 et 16 ci-dessus, les mesures seront prononcées pour le nombre d’années que la décision déterminera et qui ne pourra excéder l’époque où le mineur aura atteint sa majorité.

Article 12

La remise d’un mineur à l’assistance ne sera possible, si l’enfant est âgé de plus de treize ans, qu’en vue d’un traitement médical ou encore dans le cas d’un orphelin ou d’un enfant dont les parents ont été déchus de la puissance paternelle.

Le deuxième alinéa de l’article 17 de l’ordonnance de 1945 précitée est supprimé.

 

Article 13

Le début du premier alinéa de l’article 19 de l’ordonnance de 1945 précitée est ainsi rédigé :

Art. 19. — Lorsqu’une des mesures prévues aux articles 15, 16 et 28 ou une condamnation pénale sera décidée, le mineur pourra, en outre, être placé jusqu’à un âge qui ne pourra excéder celui de la majorité, sous le régime de la liberté surveillée.

“ Hormis le cas de placement du mineur délinquant récidiviste prévu au 3° de l’article 15, lorsqu’une des mesures ... (le reste sans changement). ”

Le tribunal pour enfants pourra, avant de prononcer au fond, ordonner la mise en liberté surveillée à titre provisoire en vue de statuer après une ou plusieurs périodes d’épreuve dont il fixera la durée.

 

Art. 21. — Sous réserve de l’application des articles 524 à 530-1 du code de procédure pénale, les contraventions de police des quatre premières classes, commises par les mineurs, sont déférées au tribunal de police siégeant dans les conditions de publicité prescrites à l’article 14 pour le tribunal pour enfants.

 

Si la contravention est établie, le tribunal pourra soit simplement admonester le mineur, soit prononcer la peine d’amende prévue par la loi. Toutefois, les mineurs de treize ans ne pourront faire l’objet que d’une admonestation.

 

En outre, si le tribunal de police estime utile, dans l’intérêt du mineur, l’adoption d’une mesure de surveillance, il pourra, après le prononcé du jugement, transmettre le dossier au juge des enfants qui aura la faculté de placer le mineur sous le régime de la liberté surveillée.

Article 14

Le troisième alinéa de l’article 21 de l’ordonnance de 1945 précitée est complété par les mots : “ ou dans un établissement mentionné sur une liste fixée par décret ”.

L’appel des décisions des tribunaux de police est porté devant la cour d’appel dans les conditions prévues à l’article 7 de l’ordonnance n° 58-1274 du 22 décembre 1958 relative à l’organisation des juridictions pour enfants.

 

Art. 22. — Le juge des enfants et le tribunal pour enfants pourront, dans tous les cas, ordonner l’exécution provisoire de leur décision, nonobstant opposition ou appel.

 

Les décisions prévues à l’article 15 ci-dessus et prononcées par défaut à l’égard d’un mineur de treize ans, lorsque l’exécution provisoire en aura été ordonnée, seront ramenées à exécution à la diligence du procureur de la République, conformément aux dispositions de l’article 707 du code de procédure pénale. Le mineur sera conduit et retenu dans un centre d’accueil ou dans une section d’accueil d’une institution visée à l’article 10 ou dans un dépôt de l’assistance ou dans un centre d’observation.

Article 15

La dernière phrase de l’article 22 de l’ordonnance de 1945 précitée est ainsi rédigée :

“ Le mineur sera conduit dans un établissement mentionné sur une liste fixée par décret. ”

Art. 28. — Le juge des enfants pourra, soit d’office, soit à la requête du ministère public, du mineur, de ses parents, de son tuteur ou de la personne qui en a la garde, soit sur le rapport du délégué à la liberté surveillé, statuer sur tous les incidents, instances en modification de placement ou de garde, demandes de remise de garde. Ils pourront ordonner toutes mesures de protection ou de surveillance utiles, rapporter ou modifier les mesures prises. Le tribunal pour enfants est, le cas échéant, investi du même droit.

Article 16

Toutefois, le tribunal pour enfants sera seul compétent lorsqu’il y aura lieu de prendre à l’égard d’un mineur qui avait été laissé à la garde de ses parents, de son tuteur ou laissé ou remis à une personne digne de confiance, une des autres mesures prévues aux articles 15 et 16.

Le deuxième alinéa de l’article 28 de l’ordonnance de 1945 précitée est supprimé.

 

Article 17

L’article 40 de l’ordonnance de 1945 précitée est ainsi modifié :

 

1. Le premier alinéa est ainsi rédigé :

Art. 40. — Dans tous les cas où le mineur est remis à titre provisoire ou à titre définitif à une personne autre que son père, mère, tuteur ou à une personne autre que celle qui en avait la garde, la décision devra déterminer la part des frais d’entretien et de placement qui est mise à la charge de la famille.

“ Dans tous les cas où le mineur fait l’objet d’une mesure de placement, la décision devra déterminer la part des frais d’entretien et de placement mise à la charge de la famille. ”

Ces frais sont recouvrés comme frais de justice criminelle au profit du Trésor public.

 

Les allocations familiales, majorations et allocations d’assistance auxquelles le mineur ouvre droit seront, en tout état de cause, versées directement par l’organisme débiteur à la personne ou à l’institution qui a la charge du mineur pendant la durée du placement.

2. Le troisième alinéa est complété par les mots : “ et à la victime du délit commis par le mineur à concurrence d’un montant déterminé par la juridiction. ”

Lorsque le mineur est remis à l’assistance à l’enfance, la part des frais d’entretien et de placement qui n’incombe pas à la famille est mise à la charge du Trésor.

3. Le dernier alinéa est supprimé.

Code de la sécurité sociale

Article 18

L’article L. 513-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

Art. L. 513-1. — Les prestations familiales sont, sous réserve des règles particulières à chaque prestation, dues à la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l’enfant.

“ Art. L. 513-1. — Les prestations familiales sont, sous réserve des règles particulières à chaque prestation ainsi que des dispositions prévues au 2° de l’article 40 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance en danger et à l’enfance délinquante, dues à la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l’enfant. ”

Art. L. 521-2. — Les allocations sont versées à la personne qui assume, dans quelques conditions que ce soit, la charge effective et permanente de l’enfant.

 

Lorsque la personne qui assume la charge effective et permanente de l’enfant ne remplit pas les conditions prévues au titre I du présent livre pour l’ouverture du droit aux allocations familiales, ce droit s’ouvre du chef du père légitime, naturel ou adoptif ou, à défaut, du chef de la mère légitime, naturelle ou adoptive.

 

Lorsqu’un enfant est confié au service de l’aide sociale à l’enfance, les allocations familiales continuent d’être évaluées en tenant compte à la fois des enfants présents au foyer et du ou des enfants confiés au service de l’aide sociale à l’enfance. La part des allocations familiales dues à la famille pour cet enfant est versée à ce service. Toutefois, l’organisme débiteur peut décider, à la demande du président du conseil général ou de la juridiction, à la suite d’une mesure prise en application des articles 375-3 et 375-5 du code civil ou des articles 15, 16, 16 bis et 28 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, de maintenir le versement des allocations à la famille, lorsque celle-ci participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant ou en vue de faciliter le retour de l’enfant dans son foyer.

Article 19

Dans la troisième phrase du troisième alinéa de l’article L. 521-2 du code de la sécurité sociale, les mots : “ des articles 15, 16, 16 bis et 28 ” sont remplacés par les mots : “ des articles 10, 15, 16 bis, 21, 22 et 28 ”.

Un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions d’application du présent article, notamment dans les cas énumérés ci-dessous :

 

a) Retrait total de l’autorité parentale des parents ou de l’un d’eux ;

 

b) indignité des parents ou de l’un d’eux ;

 

c) divorce, séparation de corps ou de fait des parents ;

 

d) enfants confiés à un service public, à une institution privée, à un particulier.

 

Art. L. 552-6. — Dans le cas où les enfants donnant droit aux prestations familiales sont élevés dans des conditions d’alimentation, de logement et d’hygiène manifestement défectueuses ou lorsque le montant des prestations n’est pas employé dans l’intérêt des enfants, le juge des enfants peut ordonner que les prestations soient, en tout ou partie, versées à une personne physique ou morale qualifiée, dite tuteur aux prestations sociales.

Article 20

L’article L. 552-6 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

 

“ Il en est de même lorsque les enfants ouvrant droit aux prestations visées à l’alinéa précédent font l’objet d’une mesure de placement prévue par les articles de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance en danger et à l’enfance délinquante. ”

 

Article 21

La perte des recettes pour l’Etat est compensée à due concurrence par le relèvement de droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et pour les régimes de sécurité sociale par la création de taxes additionnelles sur les droits prévus aux articles 403 et 403 A du code général des impôts.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

PAR LE RAPPORTEUR

graphique

– M. Jean BERKANI, procureur de la République près le tribunal de grande instance d’Evreux ;

– M. Hervé HAMON, président de l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille, président du tribunal pour enfants de Créteil ;

– Mme Fabienne KLEIN-DONATI, conseillère technique au cabinet de la garde des sceaux, ministre de la justice ;

– Mme Marie-France PONELLE, avocate à la Cour, présidente de l’antenne des mineurs du barreau de Paris ;

– Mme Béatrice PATRIE, conseillère technique au cabinet du ministre de l’intérieur.

MM. Marc CALIEROS et Alain COM, commissaires de police, et M. Jean-Marie PETITCLERC, éducateur, directeur de l’association Le Valdocco, ont également communiqué leurs observations au rapporteur.

N°1472. - RAPPORT de M. Pierre CARDO (au nom de la commission des lois) sur la proposition de loi (n° 1403) relative à l’enfance en danger et aux mineurs délinquants.