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Étude de législation comparée n° 163 - mai 2006 - Le maintien des liens familiaux en prison

18 Canada

Mise en ligne : 3 juin 2006

Texte de l'article :

LE MAINTIEN DES LIENS FAMILIAUX EN PRISON
CANADA

1) Le cadre juridique
a) Les dispositions législatives
La loi du 18 juin 1992 sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition contient un article intitulé « Rapports avec l’extérieur », qui reconnaît à chaque détenu « le droit, afin de favoriser ses rapports avec la collectivité, d’entretenir, dans la mesure du possible, des relations, notamment par des visites [...], avec sa famille, ses amis ou d’autres personnes de l’extérieur ».

Les visites « ordinaires » se déroulent, sauf exception, sans séparation physique entre les détenus et les visiteurs. Par ailleurs, le programme de visites familiales privées (VFP) a été mis en œuvre dans les années 80 par le Service correctionnel du Canada, qui est l’organisme fédéral responsable de la gestion du système pénitentiaire pour les délinquants condamnés à des peines d’emprisonnement d’au moins deux ans.

Ce programme fait suite aux expériences de visites familiales prolongées menées dès la fin des années 60 dans certains établissements provinciaux pour favoriser le maintien des liens familiaux et conjugaux des personnes condamnées à des peines plus courtes.

b) Les mesures réglementaires
L’exercice du droit aux visites familiales privées est encadré par la directive du commissaire du Service correctionnel du Canada n° 770 en date du 17 décembre 2001 relative aux visites, elle-même complétée par une instruction permanente en date du 3 juin 2002.

Ces textes précisent que les visites familiales privées ont pour objet d’encourager les détenus à rétablir et à maintenir des liens avec leur famille et la collectivité, afin de faciliter leur réinsertion sociale et de réduire les effets négatifs de l’incarcération sur les relations familiales. Elles permettent d’entretenir des relations dans un environnement comparable à un foyer normal. L’administration pénitentiaire précise qu’elle considère les visites familiales privées comme un élément du traitement pénitentiaire. C’est pourquoi ces visites font l’objet d’un suivi : lorsqu’elles sont terminées, les agents des services pénitentiaires interrogent les visiteurs, afin d’essayer d’évaluer tout changement chez les détenus.

La directive précitée prévoit que tous les détenus peuvent bénéficier de
visites familiales privées à l’exception de ceux qui :
- risquent de se livrer à des actes de violence familiale ;
- ont des permissions de sortir sans surveillance pour des raisons familiales ;
- sont incarcérés dans une unité spéciale de détention ou sont sur le point d’y être transférés.

Les visites familiales privées doivent être autorisées par le directeur de l’établissement pénitentiaire sur recommandation de l’agent responsable du dossier du détenu, qui doit apprécier « le bien-fondé, la stabilité et les bienfaits de la relation », ainsi que les risques qu’elles présentent au regard de la sécurité. Cet agent doit rencontrer le visiteur annoncé, qui doit signer une déclaration de participation volontaire à ce type de visites. Le contrôle des visites familiales privées doit s’effectuer « de la façon la moins indiscrète possible ».

Les visites familiales privées peuvent être refusées, en particulier si le dossier du détenu révèle un risque de danger. Dans ce cas, les intéressés doivent être informés le plus rapidement possible par écrit des motifs du refus. Ils ont alors la possibilité d’exercer un recours conformément à la procédure prévue pour le traitement des plaintes des prisonniers.

Les visites familiales privées sont réservées au conjoint [1], aux enfants, aux père et mère, aux parents nourriciers, aux frères et sœurs, aux grandsparents, ainsi qu’aux personnes avec lesquelles le détenu a un lien familial étroit.

Lorsque le détenu n’a pas de famille, le directeur peut autoriser des personnes qui ont établi une relation privilégiée avec l’intéressé pendant sa période d’incarcération à bénéficier des visites familiales privées. L’autorisation est subordonnée à l’avis favorable de l’agent de surveillance, qui mentionne la nature de la relation, laquelle doit exister depuis au moins un an.

En principe, un détenu peut bénéficier tous les deux mois d’une visite familiale privée d’une durée maximale de 72 heures. Toutefois, le directeur de l’établissement pénitentiaire peut moduler le régime des visites familiales privées en fonction du nombre de détenus autorisés à en bénéficier.

Par ailleurs, en cas de non-utilisation de l’une des unités de visites familiales privées, les détenus qui souhaitent s’isoler peuvent, indépendamment de toute visite, être autorisés à utiliser les espaces libres.

2) La pratique et le débat
Les visites familiales privées se déroulent dans des unités spéciales, appartements ou bungalows, situées dans une zone particulière de l’établissement pénitentiaire. Il y a environ 150 unités de ce type dans le pays, chaque établissement en comptant en moyenne trois. Chacune d’elles est meublée et se compose en général de deux chambres, d’une cuisine, d’un salon, d’une salle de bains et d’un espace extérieur, cour ou jardin.

L’établissement pénitentiaire fournit les repas pendant la visite, mais ceux-ci doivent être payés à l’avance.

Chaque unité de visite est équipée d’un téléphone qui permet la liaison avec le poste de sécurité de l’établissement. Durant la visite, le personnel entre régulièrement en contact avec le détenu et ses visiteurs en les avertissant, en principe au préalable, de manière à respecter leur intimité.

La visite peut prendre fin à tout moment à la demande du détenu, d’un visiteur ou du personnel de surveillance si la sécurité de l’établissement ou des personnes est mise en danger.

À la fin de la visite, le détenu et ses visiteurs doivent effectuer le ménage, l’état de propreté du local étant vérifié. Les unités de visite familiales font l’objet d’une inspection quotidienne.

Notes:

[1La circulaire assimile au conjoint la personne qui, au jour de la condamnation, vivait de façon notoire avec le détenu depuis au moins six mois et qui avait l’intention de poursuivre la vie commune