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13/10/03 Conclusions : Droits civiques

Mise en ligne : 7 janvier 2004

Texte de l'article :

Relevé de conclusions
Thème : les droits civiques

Introduction de M. Péchillon

Comment donner une signification aux droits civiques ? Comment garantir la liberté d’association et la liberté d’expression ?

 - le droit de vote : comment les détenus peuvent-ils participer à la vie politique ? Doivent-ils ou peuvent-ils être inscris sur la liste électorale du lieu de détention ?
Cela permettrait une inscription de la prison au niveau local.

 - la liberté d’association : elle est garantie par la décision du Conseil Constitutionnel de 1971 et par l’article 11 de la CEDH.
Au Canada, les détenus ont la possibilité de s’associer ou de se réunir de façon pacifique et l’administration a le devoir de permettre aux détenus de la mettre en œuvre.
Comment inscrire la possibilité pour les détenus d’avoir une activité sociale à l’extérieur de la prison en France ?

 - la liberté syndicale : elle est garantie par l’article 11 de la CEDH et l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. C’est un principe absolu. Pour le respecter, la loi doit prévoir un certain nombre d’aménagements.

 - la liberté d’expression : elle représente un des droits fondamentaux de l’individu.
Quelle est la place de l’Administration Pénitentiaire dans le contrôle de la correspondance ?
Plusieurs problèmes doivent être réglés : l’accès au téléphone, le contrôle des publications…

· Le droit de vote
Le droit de vote constitue un attribut de la citoyenneté. La loi de 1994 ne s’applique pas aux détenus condamnés avant sa publication. Tous les détenus ne peuvent donc pas voter. Et pour les détenus condamnés avant 1994, certains d’entre eux ne retrouvent leurs droits civiques que 12 ans après.
Si le droit de vote était accordé aux détenus, il y aurait une sensibilisation des élus au milieu carcéral et à lui donner une place dans les politiques à l’échelle de la commune ou du département. Mais cela ne peut se faire sans adhésion pleine et entière des directeurs des établissements pénitentiaires, qui restent les seuls arbitres.
Cf : Rapport Canivet sur le contrôle extérieur des prisons.

Il faudrait un texte qui sanctionne le lieu ou le type d’élection qui ne permet pas aux détenus de voter normalement (annulation d’élections).

- Le problème de l’éligibilité :
Il doit aussi être pris en compte, surtout en ce qui concerne des prévenus. De manière générale, certains membres du groupe de travail se sont interrogés sur les raisons pour lesquelles un détenu ne pourrait pas se présenter aux élections municipales.
Sur le principe, il n’y a pas de raison pour qu’un détenu ne soit pas éligible, mais la mise en place serait très difficile puisque le détenu élu ne pourrait assister au conseil municipal sans un aménagement de sa peine.
L’Administration Pénitentiaire rappelle que la prison opère une privation de liberté d’aller et venir.

- Le problème du lieu de domiciliation :
Il convient de savoir si la prison est un lieu de domicile ou de résidence. Selon le code électoral, il faut un lieu de résidence pour pouvoir voter.
Comment peut faire un détenu pour s’inscrire sur une liste électorale lorsqu’il n’a pas d’adresse fixe ?
Pourquoi l’établissement pénitentiaire ne serait-il pas reconnu en tant que tel comme domicile ?
Il a été suggéré que les associations acceptent la domiciliation des détenus. Mais dans ce cas, il s’agirait d’un vote par procuration ; les détenus ne voteraient pas eux-mêmes.

· La liberté d’expression

Comment poser ce principe ?
Il doit s’exercer dans les conditions du droit commun. Les justifications tenant au maintien de la sécurité sont, selon certains membres, infondées et juridiquement inacceptables.

Certains membres du groupe de travail ont relevé que le régime répressif qui s’installe dans notre société engendrait une censure telle que les détenus ne pouvaient, dans l’immense majorité des cas, publier de textes.

- Question de la correspondance :
Qu’est ce qui justifie la nécessité d’ouvrir le courrier ?
Pour l’Administration Pénitentiaire, il s’agit surtout de la sécurité. L’Administration Pénitentiaire a une responsabilité par rapport à ce qui sort de l’établissement. Elle ne peut laisser commettre une infraction dans son sein et elle a la garde des détenus.
Certains membres ont pourtant relevé que ces décisions infantilisaient le détenu et ont proposé de faire en sorte que les courriers quittant la prison partent librement (sans contrôles).
En Espagne, les détenus peuvent envoyer les courriers sans censure, et les permis de visite ne sont pas nécessaires.

- Problème du téléphone :
Quelle position adopter ?
Le téléphone n’est pas accessible à tous les détenus, ce qui est très problématique. Il est pratiquement impossible de téléphoner en Maison d’Arrêt.
Pourquoi ne pourrait-on pas installer des cabines téléphoniques dans la cour de promenade ?
Est-ce qu’en cas d’urgence une personne extérieure peut prévenir un détenu ?
Le fait de communiquer avec son entourage familial permettrait de désamorcer certaines situations. Il faudrait poser le principe de l’accessibilité libre au téléphone.

- Internet :
De nombreux détenus suivent les cours du CNED, qui se font surtout via internet. Sans pouvoir y avoir accès, le détenu est handicapé. Cela lui permettrait, dans un souci pédagogique, de se documenter, de s’informer…
On pourrait envisager un système d’accès limité avec des clefs. Il est techniquement possible d’interdire certains sites. En outre, cela permettrait de remplacer la poste en cas de grève ; les détenus pourraient ainsi continuer à échanger des nouvelles avec leur entourage.

Au Canada, les détenus ont un libre accès à internet dans leur cellule.

Pour l’Administration Pénitentiaire, le sujet est à l’étude, mais la technique inquiète. Il faudrait déterminer avec précision l’accès aux courriers, le contrôle effectué…
L’impératif de contrôle pour la sécurité reste primordial.

· La liberté d’association et la liberté syndicale
Au Canada, on a pu constater la reconnaissance de la liberté d’association, ainsi que d’un droit pour les détenus à défendre leurs intérêts. Il faudrait faire de même en France.

Si une association doit être interdite, c’est à la préfecture d’en juger, et non pas aux chefs d’établissements.

La possibilité pour un détenu qui travaille de se syndiquer signifie qu’il pourrait au moins revendiquer le SMIC, ainsi que d’autres avantages. On se retrouverait dans le cadre du droit syndical commun. Se poserait alors la question de participer aux commissions paritaires, aux élections prud’homales…

La liberté syndicale et le droit de vote sont complémentaires.

En ce qui concerne l’étude de la CNCDH :

Il est nécessaire d’établir la liste des droits, mais surtout, d’expliquer comment y accéder. Un travail doit être effectué sur les mentalités, car la France se trouve actuellement dans un blocage. Les moyens d’amener à des réformes sont multiples, et l’aide des associations est primordiale. La France va être obligée de se rapprocher des normes européennes sur ce sujet.

L’avis de la CNCDH peut être un bon levier, et peut porter ses fruits dans l’avenir. L’ensemble des préconisations pourra être pris en compte par les intéressés.

Le droit pénitentiaire est essentiellement régi par des textes, des notes ou des circulaires, alors que cela devrait être fait de manière législative. Ce n’est pas inconstitutionnel sur le fond mais sur la forme.