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10 Des passerelles entre le dedans et le dehors

Intervention de Nathalie Vallet, Arapej

Mise en ligne : 5 avril 2008

L’accueil des sortants de prison et l’aménagement de peine

L’accueil des sortants de prison et l’aménagement de peine

Texte de l'article :

L’Association réflexion action prison et justice (Arapej), en Seine-Saint-Denis, accueille des détenus bénéficiant d’aménagements de peines : placements extérieurs, libérations conditionnelles... en particulier avec des problèmes de santé. Travailleuse sociale, Nathalie Vallet, souligne l’intérêt de bien préparer la sortie en amont et détaille les difficultés rencontrées.

À peine libérée, la personne incarcérée doit troquer son identité de détenu, qu’elle s’est parfois forgée durant de longues années, contre celle de travailleur, de citoyen, de personne réinsérée. Ce passage est souvent difficile. Pour l’adoucir, une bonne préparation à la sortie est indispensable. C’est pour faciliter cette transition « entre le dedans et le dehors » que l’Arapej a mis en place plusieurs dispositifs. L’association, qui dispose d’un lit « permissionnaire », accueille des détenus autorisés par le JAP à sortir ponctuellement pour construire leur projet : mener des entretiens en vue d’obtenir un hébergement, mettre en place des soins à l’extérieur, se rendre à l’hôpital le plus proche du futur lieu de résidence, etc. Lorsqu’une permission de sortir n’est pas envisageable ou qu’il faut suivre avec régularité une personne, des visites en détention sont également organisées.

Le placement extérieur, un bon sas. L’Arapej suit par ailleurs des détenus dans le cadre d’aménagements de peine et, en particulier, de placements extérieurs. « Cette formule est intéressante car elle inclut des repères, un cadre. Elle peut donc servir de sas entre le dedans et le dehors, explique Nathalie Vallet. Par exemple, les personnes qui bénéficient d’un des appartements dont nous disposons doivent y être rentrées le soir à 20 heures. Elles peuvent avoir le droit de sortir le week-end, mais sinon, elles doivent mener l’activité prévue : emploi, soins... » Des placements extérieurs peuvent en effet être octroyés pour des raisons de santé. « Nous avons mis en place des contrats d’aide à l’emploi, ce qui permet de moduler le temps car nous avons un atelier d’insertion. Lorsque des personnes doivent se rendre à l’hôpital ou débuter un traitement, ce temps est comptabilisé comme du temps consacré à l’emploi », précise-t-elle. L’équipe est néanmoins confrontée à plusieurs difficultés. Tout d’abord, la durée trop courte de certains placements - parfois seulement un mois ou quinnze jours avant la libération - ce qui interdit toute véritable prise en charge. La question des papiers et de l’accès aux droits revient aussi régulièrement. « Il y a peu, la Caisse primaire d’Assurance-maladie de Seine-Saint-Denis a estimé, dans une circulaire, que c’était à l’administration pénitentiaire de prendre en charge les soins des personnes sous écrou. Nous ne pouvons donc pas leur ouvrir des droits à la CMU. La réponse de la Sécurité sociale est d’envoyer les personnes se faire soigner à la maison d’arrêt de Villepinte, ce qui est quasi impossible ! », dénonce Nathalie Vallet. L’Arapej doit alors recourir aux dispensaires associatifs.

Des problèmes évitables. L’association accueille aussi des personnes ayant obtenu une libération conditionnelle pour raison médicale. Souvent parce qu’il a été trop difficile d’obtenir une suspension de peine et qu’elles sont juridiquement dans les temps. Dans ce cadre, la personne n’est tenue qu’à la mise en place des soins. « L’une des difficultés majeures est alors de récupérer le dossier médical qui, bien souvent, ne suit pas la personne, témoigne Nathalie Vallet. Celle-ci n’est d’ailleurs pas toujours au courant des traitements qu’elle prend. Nous devons alors la faire hospitaliser pour effectuer un bilan de santé. Ce qui a un coût élevé pour la Sécurité sociale.  »
De manière générale, beaucoup de personnes sortent sans papiers, ordonnance ni traitement. « Même celles qui bénéficient d’un traitement de substitution ! ». C’est alors à l’Arapej nous de tout remettre en place, « ce qui est évidemment très compliqué. » Pour la travailleuse sociale, «  il serait indispensable de bien préparer la sortie en amont. D’autant qu’une libération conditionnelle ou un placement extérieur ne se décident pas du jour au lendemain ! ». L’équipe se heurte aussi à la réticence des centres d’hébergement et des structures gérant des ACT, lesquelles sont peu enclines à accueillir des malades issus de détention.
Un dernier problème taraude l’équipe : le sort des étrangers ayant obtenu un titre de séjour pour raison médicale. « De plus en plus, nous sommes confrontés à des expulsions de personnes qui, après avoir obtenu un titre séjour pour soins, ont fait leur vie ici et travaillent. Au moment du renouvellement, le médecin de la Préfecture estime qu’ils pourront être soignés dans leur pays d’origine. C’est très inquiétant. »