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Approche indisciplinaire de la question pénale (Pierre V. Tournier - Centre d’Histoire Sociale du XXème siècle)

10 B Annexes

Mise en ligne : 6 avril 2007

Texte de l'article :

Annexe technique sur les intervalles

Quand on étudie la distribution d’une population selon une variable continue, on est nécessairement amené à définir des tranches ou intervalles. C’est le cas, par exemple pour l’âge des personnes mises en cause par la police une année donnée, ou de la durée de détention d’une cohorte de libérés, ou du quantum de la peine ferme prononcée à l’encontre des condamnés d’une année donnée. On distingue deux types d’intervalles, les intervalles fermés à gauche et ouverts à droite (par exemple « 20 ans à moins de 25 ans ») et les intervalles ouverts à gauche et fermés à droite (par exemple « plus de 20 ans à 25 ans »). Les statisticiens et démographes français - francophones ? - ont pour habitude d’utiliser plutôt des intervalles fermés à gauche et ouverts à droite. Ainsi une distribution selon l’âge se présentera de la manière suivante : « Moins de 16 ans », « 16 ans à moins de 18 ans », « 18 ans à moins de 25 ans », « 25 ans à moins de 30 ans », « 30 ans et plus ». La personne qui a 30 ans se trouvera dans la cinquième classe et non dans la quatrième. Une personne de 18 ans sera comptabilisée dans la troisième classe et non dans la deuxième, etc.
Or, en général, le droit pénal français ne raisonne pas ainsi. L’article 131-4 du code pénal définit l’échelle des peines d’emprisonnement de la façon suivante : 1° Dix au plus, 2° Sept ans au plus 3° Cinq ans au plus, etc. En matière d’octroi de la libération conditionnelle (LC), c’est le juge de l’application des peines (JAP) qui est compétent « Lorsque la peine privative de liberté est d’une durée inférieure ou égale à 10 ans, ou que, quel soit la peine initialement prononcée, la durée de détention restant à subir est inférieure ou égal à trois ans ». Dans les autres cas, la compétence revient au Tribunal de l’application des peines (TAP). On distinguera donc les peines de « 10 ans ou moins » et les peines « de plus de 10 ans », les reliquats de « 3 ans ou moins » ou de « plus de 3 ans ». De la même manière, l’article 723.15 du code de procédure pénale (loi du 9 mars 2004, art. 49.1 avant cette loi) qui permet au JAP de déterminer les modalités d’exécution des peines en considération de la situation de l’intéressé concerne les peines « d’un an ou moins »  [1] (2).
Dans la statistique des condamnations issue du casier judiciaire, les classes utilisées pour les répartitions selon le quantum de la peine ferme prononcée ne tiennent pas compte de cette façon de faire, en droit : par exemple, pour les peines de réclusion criminelle (de « 5 ans à moins de 10 ans », « 10 ans à moins de 20 ans », « 20 ans et plus », perpétuité).
Dans la Statistique trimestrielle population prise en charge en milieu fermé, les données sont présentées de façon différente pour les condamnés à une peine d’emprisonnement et pour les condamnés à une peine de réclusion ou de détention criminelle. Dans le premier cas, on a recours à des intervalles fermés à gauche, ouverts à droite (« moins de 6 mois », « 6 mois à moins d’un an, « un an à moins de 3 ans », etc.). Pour les peines de réclusion ou de détention criminelle, l’ambiguïté est totale : « de 5 ans à 10 ans », « de 10 ans à 15 ans » de « 15 ans à 20 ans », « de 20 ans à 30 ans ». Où sont classées les peines de 10 ans, 15 ans, 20 ans ? Il ne s’agit pas ici d’un problème mineur car nombre de peines correspondent naturellement à des « nombres ronds » de mois ou d’années.
Ne serait-il pas souhaitable, en la matière, de choisir la cohérence avec la façon de faire du droit pénal français ? Le problème des comparaisons internationales reste entier. Mais elles recèlent bien d’autres pièges.

Notes:

[1 On trouve aussi, mais plus rarement, des cas où le droit pénal se réfère à des intervalles fermés à gauche et ouvert à droite. Voir par exemple « Surveillance judiciaire ».