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Colloque sur l’enseignement en milieu pénitentiaire organisé les 3 et 4 décembre 2001

1 Ouverture du colloque

Mise en ligne : 14 juin 2004

Texte de l'article :

Jean-Pierre Laurent
Responsable de l’enseignement à la Direction de l’administration pénitentiaire

C’est pour nous une grande satisfaction de voir rassemblés pour ce colloque de nombreux enseignants intervenant en milieu pénitentiaire. Vous êtes en effet une partie très significative de l’ensemble du réseau enseignant exerçant en prison. Je vous rappelle qu’il y a actuellement 361 temps plein. Avec les vacataires, ce sont chaque jour près de 1 000 enseignants qui interviennent en détention. Ainsi l’éducation nationale remplit une mission essentielle qui consiste à offrir à des personnes détenues la possibilité de se former et de prendre un peu de distance par rapport à leur passé en construisant de nouvelles compétences. Vous remplissez jour après jour dans les prisons françaises une mission essentielle et très symbolique au nom du ministère de l’Éducation nationale.
Même si nous avons régulièrement l’occasion de nous rencontrer et si vous pouvez vous réunir au sein des unités pédagogiques Régionales, il était souhaitable de permettre ce rassemblement au niveau national. En effet, la plupart des enseignants qui interviennent en milieu pénitentiaire sont relativement ou totalement isolés et ils ont assez peu l’occasion de réfléchir collectivement sur leur lieu de travail entre pédagogues. De tels moments sont possibles dans le cadre des formations qu’elles soient nationales et générales comme c’est le cas pour les enseignants nouvellement nommés ou qu’elles soient plus techniques sur tel ou tel thème pédagogique. Mais les temps de formation se situent souvent à l’échelle restreinte d’une région et je connais votre souhait de participer régulièrement au dispositif national. C’est l’une des raisons de ce colloque, que nous avons projeté d’organiser depuis près de 3 ans. Il faut d’ailleurs parler de journées d’études plus que de colloque, tant l’objectif est de réfléchir ensemble.
Cette réflexion partagée est déjà, bien sûr, présente dans l’enseignement pénitentiaire : six bulletins de l’enseignement en milieu pénitentiaire sont déjà parus, attestant que les enseignants agissent, produisent, écrivent et réfléchissent sur leur métier et leur action.
Ces journées d’études sont donc une occasion supplémentaire de pouvoir échanger et travailler sur les pratiques. Il s’agit en quelque sorte d’un retour sur soi, d’une possibilité, dans des contextes très différents les uns des autres (entre une maison d’arrêt et un centre pour longues peines, les conditions d’exercice et les publics sont très différents) d’exprimer ce qui se fait. Nous connaissons les limites de chaque situation particulière et nous essaierons d’éviter le piège de l’exemplarité et de la généralisation : chacun parlera de son lieu et en son nom propre.
Le deuxième objectif de ce colloque est de faire que, mises bout à bout, les différentes expériences énoncées puissent constituer, c’est en tout cas le pari que nous faisons, une sorte de carte d’identité actualisée de l’enseignement en prison, donnant une vision diversifiée des pratiques innovantes.
On ne peut en effet travailler dans ce milieu spécifique de l’administration pénitentiaire sans innover car chacun doit y faire sa place, construire ses démarches, expérimenter de nouveaux outils.
En ce sens, l’innovation est inhérente à l’enseignement enmilieu pénitentiaire.
Dans cet environnement difficile, qui n’est pas conçu pour la formation et où il faut se mobiliser pour mettre en oeuvre l’enseignement, chacun d’entre vous doit relever régulièrement de véritables défis pédagogiques : gérer un flux permanent d’entrants et de sortants, s’adresser à des publics détenus très hétérogènes qui ont souvent connu l’échec scolaire et ont une faible disponibilitémentale, construire aussi des trajets de formation sans connaître la durée possible de leur mise en oeuvre. Il y a donc un risque certain d’usure des pédagogues et il n’est possible de faire face à ces conditions qu’en rebâtissant régulièrement de nouvelles hypothèses de travail, en échangeant et en se dotant de nouveaux outils. Ces journées d’études sont donc une opportunité pour amplifier et approfondir ce qui a été engagé dans les six bulletins de l’enseignement.
Il est remarquable que beaucoup, parmi vous, aient souhaité intervenir (nous n’avons d’ailleurs pu retenir toutes les propositions de communications). Près de la moitié des présents se sont engagés dans cette dynamique et c’est un signe de l’excellente santé du dispositif d’enseignement en prison. Bien sûr deux jours constituent un temps très limité, et chacun sera conduit à condenser son propos. Ce principe a été accepté par chaque intervenant.
Pour faciliter les échanges en amphi un secrétariat a été constitué pour recueillir les questions de la salle. Les responsables d’UPR, qui ont largement participé à la préparation de ces journées, animeront les débats. Par ailleurs, les temps de pause seront une occasion de poursuivre les réflexions sur un mode plus direct.
La thématique du colloque qui a été retenue n’est pas exhaustive et n’épuise pas l’ensemble des questions posées sur la prison aujourd’hui. Il fallait faire des choix.
Nous avons décidé de partir de l’interrogation la plus large sur l’organisation de l’enseignement dans trois situations différentes, (Maison d’arrêt, Centre de détention, Établissement à gestion mixte) parce qu’elle pose tous les problèmes des relations partenariales avec les différents services pénitentiaires et la mise en cohérence de l’action pédagogique avec tous les autres intervenants.
De même, aborder une thématique que nous avons appelée « travailler sur le sens » de l’enseignement (ce qui ne se confond pas avec les réflexions fréquentes actuellement sur le sens de la peine), c’est se demander comment une personne détenue, à ce moment bien particulier de sa vie, en situation d’enfermement, peut réfléchir, construire de nouvelles significations par des interventions qui portent sur la philosophie, la citoyenneté, l’histoire, la relation à l’écrit, c’est-à-dire les voies d’accès aux racines de notre société et de notre culture.
Par ailleurs, deux thèmes, qui constituent nos axes prioritaires, se sont imposés à nous :
- la formation des bas-niveaux et la lutte contre l’illettrisme
- la formation des mineurs détenus.
Ces deux types de publics, pour des raisons différentes, constituent un véritable défi pour les pédagogues, les uns par l’ampleur de leurs difficultés d’apprentissage, les autres par les attitudes fréquentes de rejet à l’égard du système scolaire.
Enfin d’autres questions sont apparues incontournables :
- la recherche de supports technologiques nouveaux pour la pédagogie,
- le problème récurrent de la relation à la rémunération des détenus.
Sur cette question, on notera qu’en règle générale, l’enseignement en milieu pénitentiaire n’ouvre pas droit à une rémunération pour les détenus. En un sens, c’est rassurant car nous savons que les 20 % de la population pénale qui sont scolarisés viennent pour un projet qui n’est pas étayé par l’intérêt d’une rémunération.
Il n’empêche que se pose fortement la question des indigents, demandeurs de formation, qui ont le souci d’avoir un minimum de subsides pour continuer à subvenir à leurs besoins, tenir leur rôle d’adulte ou de parent, sans être dépendant des autres.
À ce niveau, l’enseignement ne peut éluder le problème et nous entendrons des enseignants qui ont engagé des pratiques innovantes en matière de bourses d’études ou de rémunération en recherchant un meilleur accès à l’enseignement pour ces publics.
Enfin, pour terminer cette brève ouverture de colloque, je tiens à remercier le Cnefei de Suresnes pour sa coopération. Je suis très satisfait que ces journées aient lieu dans ses murs, car la coopération entre le centre national d’études et de formation pour l’enfance inadaptée et l’administration pénitentiaire dure depuis plus de vingt ans pour des formations, des recherches, des expérimentations et des publications.
C’est donc aussi votre lieu et nous allons bénéficier des compétences techniques du Cnefei, de son accueil et de la rencontre avec les équipes présentes lors de ces journées qui contribueront à l’élaboration des Actes.

Merci à tous pour votre collaboration.