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1 Les bases historiques

Mise en ligne : 18 novembre 2004

Texte de l'article :

Les évolutions de la prison

Du châtiment à la prison

 " Damiena été condamné le 2 mars 1757 à faireamende honorable devant la principale porte de l’Eglise de Paris, où il devait être mené et conduit dans untombereau, nu, en chemise tenant une torche de cire ardente du poidsde deux livres, puis, dans le dit tombereau, à la place degrève, et sur un échafaud qui y sera dressé,tenaillé aux mamelles, bras, cuisses et gras des jambes, samain droite tenant en icelle le couteau dont il a commis le ditparricide, brûlé de feu de soufre, et sur les endroitsoù il sera tenaillé, jeté du plomb fondu, del’huile bouillante, de la poix résine brûlante, dela cire et soufre fondus et ensuite son corps tiré etdémembré à quatre chevaux et ses membres et corps consumés au feu, réduits en cendres et sescendres jetées au vent. "
 
Des peines sans jugement

 Au vu de la propension des peuples à la docilité, il semble que l’enfermement existedepuis toujours. Mais c’est certainement depuis qu’il saitbâtir que l’homme a fait de la claustration une habitude. Cecaractère systématique de l’emprisonnement a pu servirle bon plaisir du seigneur, la cruauté du maître, oul’aveuglement de l’inquisiteur, car il existe de multiplesjustifications possibles de l’enfermement, mais il n’est en aucun cascompatible avec ce que l’on conçoit de la prison. En effet,seul le respect de la loi à l’intérieur même desmurs de la prison assure un traitement convenable au détenu,et à la prison sa légitimation par la populationqu’elle est censée protéger.

"Les détenus ne peuvent plusméconnaître la justice qui les a condamnéslorsque, pendant leur détention, elle est toujoursprésente pour entendre leurs plaintes."

Sinon, on est en droit de considérerqu’une prison inique, quelle que soit l’époque qu’elletraverse, est promise à connaître le sort de laBastille. Voici peu de temps avant la Révolutionfrançaise un aspect des prisons du roi :

"... Un escalier suintantd’infiltrations glacées menait ainsi dans une profondeurconsidérable, à plus de dix mètres, aux cachotsenfouis dans le pied de la tour. Là, plus de jour que celui detrois ou quatre lucarnes zénithales. Aux pluies d’automneet d’hiver, au redoux de mars, l’eau montait et suffoquaitles prisonniers ; à leurs cris, le concierge employait unepompe. Chaque loge était creusée dansl’épaisseur du mur ; on refermait sur la victime,ferrée aux pieds, une porte scellée qui nes’ouvrait plus. Un judas d’un pied carré assurait larespiration, le passage des aliments et des excréments. Dansles niveau supérieurs de la tour , seuls’atténuait le supplice de l’eau, mais lapénombre demeurait. L’un des malheureux enfermésdans ces trous est là depuis vingt ans, fou, nu et dangereux.On doit abattre au pic sa porte scellée. Un autre cause etfait des ris éclatants jour et nuit seul dans son cachot. Untroisième est couché sur la paille, ayant une partie dela cuisse corrodée. La nommée Guedon a perdu la vueà force d’être dans l’obscurité. Unefois extraite de sa prison elle a tombé du haut de latour."

L’idée d’une peine juste

L’emprisonnement cellulaire en occident et sous sa forme moderne, c’est-à-dire assujetti à l’idée de "punir et d’amender le détenu" , est à l’échelle de l’histoire humaine un phénomène très récent. C’est seulement depuis la réforme pénale datant de la Révolution française, et à laquelle on rattache les noms de Beccaria, et de Jeremy Bentham, que la privation de liberté est venue remplacer les châtiments corporels qui tenaient la place la plus importante de l’arsenal répressif.
Les idées de Beccaria dans son traité de 1764 correspondaient à l’esprit du siècle des lumières incarné par Bacon, Montesquieu et Rousseau. Il réclame des textes simples issus du principe de légalité ; Nullum crimen, nulla pœna sine lege ( Aucun crime ni aucune peine ne sont imputables sans loi ), principe que le juge doit appliquer impartialement. Il prône la séparation de la religion. Il s’élève contre la torture au cours du procès et contre la "barbarie des peines infligées" ; il demande des peines modérées mais inévitables, car "Ce n’est pas la rigueur de la peine encourue qui fait reculer le criminel, mais la certitude d’un châtiment auquel il n’échappera pas" ; c’est dans cette optique qu’il se montre opposé à la prescription et au droit de grâce. Il s’attaque, l’un des premiers, à la peine de mort qu’il veut remplacer par la prison perpétuelle. Il préconise l’égalité de tous (nobles, clercs, marchands, peuple) devant la justice pénale, ceci 30 ans avant la Révolution de 1789 ; d’autre part, il considère que la peine doit être " individuelle et ne point rejaillir sur la famille."

De l’isolement religieux à l’isolement carcéral

On l’a vu (extrait sur la prison de Caen), jusqu’au XVIIIe siècle le châtiment corporel était la condamnation réservée aux criminels et délinquants. En attente de leur châtiment, ils étaient entassés dans des cachots sans hygiène, sans eau et sans lumière : peu importait la maladie, la promiscuité ou la folie des détenus, puisqu’ils étaient condamnés le plus souvent à la déchéance, voire à la mort. Ces conditions d’emprisonnement nous semblent difficilement concevables. En effet, les quelques détentions qui ont traversé l’Histoire, sont celles souvent de seigneurs ou de monarques, dont l’incarcération constituait l’assurance d’une rançon, ou de gloire pour leurs geôliers. Ce type de détention est, en terme de modèle d’étude de la vie carcérale, négligeable puisqu’il s’assimilait souvent à de la résidence surveillée.
 

Bien que l’isolement cellulaire ait existé, dans les mouvements monastiques par exemple, dès le XIe siècle la détention institutionnalisée comme châtiment n’apparaît que vers le XVIIe siècle.

Les maisons de correction apparaissent en Angleterre et en Hollande, c’est un moyen de lutter contre la misère des villes en plein développement, en enfermant les vagabonds et les petits délinquants dans des lieux où les dortoirs remplacent les paillasses, et le travail l’oisiveté. On sera sensible à l’évolution notamment religieuse de la pensée de l’enfermement, qui sera présente jusque très récemment dans le concept même de la détention (le mur d’enceinte de la prison des Baumettes à Marseille, construite en 1936, comportait les sculptures des sept péchés capitaux ; on peut les y voir encore aujourd’hui).

Les bases de la prison moderne

Ainsi la discipline et le travail, souvent accompagnés d’une éducation religieuse intense, sont les bases de la prison moderne. Déjà au début du XVIIIe siècle, l’Italie instaure un véritable régime de détention, basé sur l’exemple monastique, Saint Michel de Rome (1703) est une véritable prison cellulaire. Les détenus sont isolés les uns des autres, mais la prison est construite comme une église et toutes les cellules donnent sur une nef centrale qui sert pour l’office ou comme atelier.
Les bases de la prison actuelle sont données par la prison cellulaire de Gand (Belgique), construite en 1773, et où, pour la première fois, la répartition des détenus se fait par quartiers. Les femmes sont séparées des hommes, ainsi que les criminels du reste de la population carcérale. On y organise le travail et les soins médicaux, quant à son architecture basée sur un plan octogonal, elle fait progresser la sécurité et la salubrité. Elle est l’image de cette fin de XVIIIe siècle qui voit naître la grande mutation de la prison. 

Une architecture adaptée à l’enfermement

En 1777, John Howard, pour qui l’architecture des prisons était la base d’une réforme de celle-ci, édictait les principes fondamentaux qui devaient au cours des décennies s’imposer aux bâtisseurs de centres pénitentiaires :
- leur emplacement doit se situer loin des lieux d’habitation et des villes,
- l’hygiène et la propreté doivent être adaptées,
- les bâtiments rectangulaires doivent surmonter des arcades abritant les cours d’exercice,
- une séparation des prisonniers par sexe, âge et nature du crime doit être effectuée,
- la ventilation et le chauffage des bâtiments doivent être prévus,
- des champs de vision dégagés, permettant une meilleure surveillance et donc une meilleure sécurité, doivent être intégrés.
A la même époque, " Le traité des délits et des peines " de Cæsar Beccaria, préconise une réforme du système pénitentiaire et de sa législation ; il apporte un éclairage nouveau sur la délinquance en recommandant la prévention tout autant que la punition.
Jeremy Bentham, quant à lui, étudie dans son " Panopticon " une nouvelle forme de surveillance basée sur l’architecture, qui va influencer d’une façon ou d’une autre tous les projets de prisons modernes à partir du XIXe siècle.

Les Règles minima pour le traitement des détenus, diffusées en 1955 à Genève par le Premier Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, indiquaient :

"Le but et la justification des peines et mesures privatives de liberté sont, en définitive, de protéger la société contre le crime. Un tel but ne sera atteint que si la période de privation de liberté est mise à profit pour obtenir dans toute la mesure du possible que le délinquant une fois libéré soit non seulement désireux mais aussi capable de vivre en respectant la loi et de subvenir à ses besoins." 

L’influence de la Révolution

En France, la Révolution et l’élaboration de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1793 instaurent dans le pays la privation de liberté en tant que peine. Les châtiments corporels sont rapidement réduits aux peines d’enfermement, parfois alourdis de peines complémentaires comme les fers, la gêne (isolement total), la déportation, la dégradation physique, le carcan et la peine capitale pour les crimes les plus graves. Cette forme de la prison française se confirme avec le code pénal (code Napoléon) de 1810, qui dresse une gradation des peines privatives de liberté et qui demeurera sans grands changements jusqu’à l’époque contemporaine. La sanction la plus lourde est la condamnation aux travaux forcés à perpétuité, lourde dans tous les sens du terme :
Les hommes condamnés aux travaux forcés seront employés aux travaux les plus pénibles. Ils traîneront à leurs pieds un boulet ou seront attachés deux à deux avec une chaîne, lorsque la nature du travail auquel ils seront employés le permettra. 

Ainsi, la prison telle qu’on la connaît aujourd’hui n’est que l’évolution d’une idée relativement récente (moins de deux siècles) de l’enfermement. Nous allons voir qu’à travers les deux siècles qui nous séparent de la Révolution française, les évolutions de la prison furent le plus souvent dictées par des contraintes économiques et politiques, rarement sociales ou idéologiques.

Les prisons d’alors sont rarement appropriées, il s’agit souvent d’anciens couvents, de citadelles ou de léproseries faiblement aménagées, il n’y a aucune séparation, souvent les dortoirs sont communs. Il en découle une promiscuité néfaste au calme qui doit accompagner une peine de prison ; violence et complots sont le ferment d’une agitation permanente.

De nombreux utopistes de l’époque, prenant comme exemple les modèles de détention " aux Amériques " se partagent sur le régime des prisons à adopter (mixte, tout cellulaire, isolement).

La monarchie de Juillet recommande en 1836 l’adoption du régime cellulaire pour les maisons d’arrêt et de justice et l’accompagne en 1841 d’un atlas de plans modèles devant servir d’enseignement aux architectes appelés à bâtir des prisons.

En 1818, une ordonnance royale crée la Société Royale des Prisons chargée de développer une réforme pénitentiaire. Cependant, les premiers établissements destinés à remplir la fonction de " prison " seront construits en France vers 1830. Sous la Restauration et la monarchie de Juillet, on commence à construire quelques prisons, mais la situation des détenus ne s’améliore guère. Ils couchent par terre, sur un peu de paille, sans hygiène et quasiment sans soins.

Les grands principes de l’emprisonnement et leur traduction architecturale

Il est question ici de la prison dans un but punitif et dissuasif, nous n’aborderons donc pas le sujet des camps de détention militaires ou des camps de concentration qui n’ont pour but que la disparition du détenu. Disparition de la scène sociale, du champ de bataille , bref leur isolement pour raison idéologique ou politique, voire leur anéantissement. La seconde guerre mondiale fut, par son ampleur et son radicalisme, un électrochoc social, qui fit ressentir l’importance de traiter avec humanisme les concepts d’enfermement qui furent élaborés au XIXe siècle. Comme nous allons le voir, le plan panoptique, par exemple, s’il apporte des éléments novateurs dans la surveillance, peut, par une certaine manière, laisser présager de la "déshumanisation" de l’homme et de son traitement systématique et scientifique, comme un animal ou un objet.

Le plan panoptique

"Une maison de pénitence sur le plan que l’on vous propose seroit un bâtiment circulaire ; ou plutôt, ce seroient deux bâtiments emboîtés l’un dans l’autre. Les appartements des prisonniers formeroient le bâtiment de la circonférence sur une hauteur de six étages : on peut se les représenter comme des cellules ouvertes du côté intérieur parce qu’un grillage de fer peu massif les expose tout entiers à la vue. Une galerie à chaque étage établit la communication ; chaque cellule a une porte qui s’ouvre sur cette galerie.
Une tour occupe le centre : c’est l’habitation des inspecteurs ; mais la tour n’est divisée qu’en trois étages, parce qu’ils sont disposés de manière que chacun domine en plein deux étages de cellules. La tour d’inspection est aussi environnée d’une galerie couverte d’une jalousie transparente, qui permet au regard de l’inspecteur de plonger dans les cellules, et qui l’empêche d’être vu, en sorte que d’un coup d’œil, il voit le tiers de ses prisonniers, et qu’en se mouvant dans un petit espace, il peut les voir tous dans une minute. Mais fut-il absent, l’opinion de sa présence est aussi efficace que la présence même.

[...]

Des tubes de fer correspondent depuis la tour d’inspection à chaque cellule, en sorte que l’inspecteur, sans aucun effort de voix, sans se déplacer, peut avertir les prisonniers, diriger leurs travaux, et leur faire sentir sa surveillance. "

Il faut que le prisonnier puisse être tenu sous un regard permanent, étudié, surveillé. Le "panopticon", utopie de l’organisation, de l’individualisation de chacun au sein d’un groupe, est la forme idéale de classification de l’être. Bentham trouve le moyen de dénombrer, compter, observer, surveiller et classer les êtres, au sein d’un hôpital, d’une institution et, bien sûr, d’une prison.

Le principe en est simple : une tour centrale, entourée d’un bâtiment circulaire divisé en cellules qui sont ouvertes par des grilles de part et d’autre du bâtiment. Par ombre chinoise, le gardien central (un seul gardien est nécessaire) peut observer chacun des détenus. Chaque détenu est isolé de l’autre par un mur plein, aucun contact, autre que verbal, n’est possible, aucun geste n’échappe à la surveillance, le détenu n’est plus dissimulé mais au contraire exposé. Plus de cachots sombres et insalubres, plus de rassemblement de détenus ni de promiscuité, mais une claire organisation, correspondant à un esprit hygiéniste avant la lettre. Mais il n’est pas indispensable que le détenu soit observé à tout moment, il est intéressant qu’il puisse l’être, mieux, il suffit qu’il soit persuadé de l’être. En effet, c’est là que réside une grande part de l’habileté de Bentham, le détenu n’a pas besoin d’être surveillé effectivement, s’il ne voit pas quand on l’observe. Pour cela Bentham part du principe que le pouvoir doit être visible et invérifiable. Visible, car sans cesse le détenu aura devant les yeux la tour centrale d’où il est observé. Invérifiable, car c’est à travers des persiennes, dans une tour sans lumière, munie de sas, pour n’y voir aucun mouvement, que des yeux le guettent... peut-être.

Il n’a aucun moyen de savoir s’il est épié ou non, la prééminence du pouvoir est totale car sa représentativité est permanente. Il est omniprésent, au moins dans l’esprit du détenu. De plus ce système "harmonise" la peine puisque la surveillance peut être effectuée par n’importe qui :

"Peu importe qui exerce le pouvoir, un individu quelconque, presque pris au hasard, peut faire fonctionner la machine, le gardien, à défaut, sa famille, son entourage, ses amis. Comme est indifférent le motif qui l’anime : la curiosité d’un indiscret, la malice d’un enfant, l’appétit de savoir d’un philosophe, ou la méchanceté de ceux qui prennent plaisir à épier et à punir." (Jeremy Bentham)

La dissymétrie de la surveillance crée un assujettissement réel du condamné à partir d’une relation virtuelle ; il n’est plus nécessaire d’avoir recours à des moyens de force pour contraindre le condamné à une bonne conduite. Le principe permet une économie de moyens, tant en hommes qu’en structures. En effet, dans l’esprit de Bentham, il n’est plus besoin de chaînes ni de lourds moyens de pression.
"Avec notre plan les murs les plus minces sont suffisants, fait qui doit contribuer d’éclatante façon à réduire la dépense de la construction, car pour creuser des sapes sous les murs, pour forcer des barreaux, il faut généralement une action commune et toujours une certaine période de temps où l’on n’est pas dérangé. Mais qui songerait à entreprendre un labeur demandant des heures et des jours, sans avoir la moindre assurance de pouvoir tenter même le premier geste dans cette voie sans être observé ?" 
 
Il incite d’autre part la société à se préoccuper de ce qui se passe à l’intérieur des prisons, puisque chacun (curieux, visiteur, scientifique, autant de personnes dont les intérêts divergent) peut y venir et participer par sa seule présence, réelle ou non (puisque le détenu ne peut les voir), à la surveillance du détenu mais aussi du surveillant. Une prison ouverte au public efface les pouvoirs obscurs et favorise le "règne de l’opinion". A l’époque de la Révolution française, il n’en fallait pas plus pour que l’on y voit une avancée humanitaire.

Le panoptique de Bentham est devenu, au milieu du XIXe siècle, l’inspiration de la plupart des programmes architecturaux concernant les prisons. Bien qu’il ne fut jamais réalisé dans son intégralité il était devenu le moyen de "traduire dans la pierre l’intelligence de la discipline". A la contrainte et à la force, on substitue l’efficacité d’une surveillance douce mais sans faille. Pourtant Bentham traduisait davantage par son projet la naissance d’un pouvoir économique qu’un nouvel humanisme, on conçoit ce que le panoptique pouvait avoir de terrifiant ( Bentham l’appliquait aux prisons, mais aussi aux hôpitaux, aux écoles...) cependant il était à l’image de l’époque à venir, hygiéniste, fonctionnaliste et industrielle.

La théorie de Bentham fut mieux appliquée et moins bien connue que bien des méthodes moins critiquables mais plus "visibles". La technologie aidant, toute forme de pouvoir tend à s’exercer à travers un principe "Benthamien". Aux artifices architecturaux, percements et perspectives, sont venus s’ajouter les caméras de vidéo surveillance, les vitres sans tain, les appareils optiques, qui sont autant de moyens, pour celui qui représente l’autorité, de surveiller sans être reconnu. Lieux publics, magasins, salles de classe ou de cours, usines, hôpitaux, il est nombre d’espaces où la surveillance s’exerce à notre insu, par une vitre ou derrière une caméra, mais où la seule présence de ce regard plonge le conducteur, l’écolier, ou l’employé, dans une crainte du "malfaire". Or, s’il est bien un endroit où il est légitime de surveiller, c’est là où la faute a déjà été commise. Il est deux conditions toutefois, pour que fonctionne cette relation d’assujettissement : que le moyen de surveillance soit visible, et qu’il soit adapté. Inutile donc de cacher ou de miniaturiser une caméra. Au contraire elle doit être clairement signalée, mais une caméra au sommet d’un mur est bien moins dissuasive qu’un mirador, alors qu’on ne peut imaginer ce même mirador pour surveiller un parloir.

Auburnien et pennsylvanien

A la fin du XVIIIe siècle, l’adoucissement des mœurs judiciaires donne à la peine privative de liberté la place principale et conduit à une réflexion sur le système pénitentiaire et sur ses expressions architecturales. Deux écoles s’opposent : Auburnien et Pennsylvanien.
Le système dit pennsylvanien ou philadelphien (Eastern Penitentiary à Philadelphie, par John Haviland, 1829) impose la réclusion totale du prisonnier, dans une cellule individuelle, l’isolement se fait de jour comme de nuit, il est absolu, le prisonnier ne sort que rarement de sa cellule et n’aperçoit jamais ses compagnons de captivité. On pensait imposer ainsi au détenu une introspection morale d’où devait jaillir la rédemption et par là, lui permettre de s’amender de sa faute. D’une influence morale toute religieuse, ce type de structure, à défaut d’amendement, se caractérisait par une forte propension à la folie.

Le système mixte, dit encore auburnien (prison d’Auburn, Etat de New York, 1816-1826), lui, structurait la vie des prisonniers entre les cellules individuelles pour la nuit et les ateliers de jour pour le travail en commun. Si l’isolement, comme à Philadelphie, a pour but la méditation moralisatrice, les ateliers, où règnent le silence et la rigueur, ont, eux, une valeur correctrice, ce doit être pour le prisonnier un moyen de racheter sa faute.

Les architectes n’auront de cesse, sur ces deux principes, de trouver un type de construction permettant d’assembler le plus de cellules possible dans un espace restreint avec une surveillance limitée.

De Tocqueville à la réforme de 1875

Tocqueville fut fortement impressionné par le système "philadelphien". Il rédige, en 1843, un rapport dans lequel il condamne les ateliers de travail en commun d’Auburn et se prononce pour un régime cellulaire de jour et de nuit pour le détenu. Ainsi : "Le châtiment tout intellectuel qui lui est infligé jette au fond de son âme une terreur plus profonde que les chaînes et les coups". On peut lire s’agissant du projet qu’il défend : "la prison de Tocqueville répressive, dissuasive, rigoureuse, organisée, austère, soustraite à l’arbitraire administratif comme au profit des entrepreneurs, se soucie moins du criminel que de la défense de la société". L’architecture de l’enfermement cellulaire se traduit par une séparation rigoureuse des détenus, enfermés la plus grande partie du temps dans un espace juste assez grand pour pouvoir y dormir, y manger et y faire quelques pas. Influencé par le souci d’économie révélé par Bentham, le système pennsylvanien (c’est ainsi qu’il est nommé par le ministère de l’intérieur en 1841) adopte le principe d’un œil central pouvant surveiller chaque couloir de détenus. C’est la naissance du rond-point central et des bâtiments de type radial qui seront adoptés jusqu’à nos jours (maison d’arrêt de Luynes, 1992).
La France prend un retard certain sur le reste de l’Europe et du "nouveau monde", pour qui le développement des prisons est vital. Elle mettra presque un siècle à rattraper ce décalage. C’est à travers les multiples architectures présentes sur le territoire que l’on voit l’application des multiples principes de l’incarcération, développés à l’étranger et "importés" à différentes époques.

Fondée sur un esprit de progrès social et moral la loi du 18 juin 1875 instaure à nouveau l’isolement cellulaire de jour comme de nuit pour les prévenus, accusés et condamnés à de courtes peines au sein des prisons départementales.

Quant aux condamnés à des peines supérieures, ils doivent pouvoir, à leur demande, subir leur peine dans les mêmes conditions. Conséquence de cette loi : il est enjoint aux départements de construire des prisons cellulaires ou d’aménager celles construites auparavant.

En 1867, a déjà été ouverte la prison de la Santé à Paris, qui est due à l’architecte Emile Vaudremer. Elle est de forme trapézoïdale et comprend mille quatre cents cellules.

La prison de Fresnes, ouverte en 1899, en compte deux mille cinq cents. Entre 1875 et 1910, on construit ou on aménage plus de quatre-vingts établissements pénitentiaires qui existent toujours pour la plupart. La maison d’arrêt des Baumettes est construite à l’image de Fresnes avec des nuances notables dues à sa situation.

On tente de trouver la réponse républicaine à la définition de la prison : "une prison idéale qui punirait, dissuaderait et amenderait".

Les formes d’une architecture des prisons

L’évolution américaine.

Le développement des Etats-Unis au début du siècle fut un moteur formidable de recherche et d’innovation pour les prisons. En effet, le développement de la délinquance, qui va de pair avec celui de l’industrialisation des grandes villes, associé aux premières grandes crises financières (le jeudi noir, 24 Octobre 1929) fournissant la "matière" (les détenus) et la latitude d’un pays en plein développement, espaces libres et insuffisance des constructions appropriées, ont été les éléments de l’essor du système carcéral américain et des constructions concomitantes. 

Les architectes américains de cette époque, à la demande du gouvernement fédéral, ont fait une recherche permanente qui a contribué à l’évolution et au développement du plan des établissements pénitentiaires. On notera le livre de l’architecte Alfred Hopkins : " Prisons et construction de prisons ", qui tente de trouver des solutions à l’organisation des prisons, ainsi que le travail du " bureau fédéral des prisons ".

De même, on trouvera en Europe des exemples de concepts d’enfermement qui ne sont pas des plus banals, tant par leurs idées novatrices que par leur traduction.

Les différents typesd’architecture existants.

Le type panoptique

Très peu développé telquel, il est l’application directe du panoptique de Benthamprésenté précédemment. Des prisons commele Western Penitentiary à Pittsburgh (1826) ou comme celled’Autun, par Berthier (1847-1856), tour cylindriqueévidée, appliquent assez exactement le programmebenthamien.

Le type en anneau

Evolution du principe monastique, il permet, comme à l’intérieur d’un cloître, un isolement de l’extérieur, une bonne surveillance et des circulations aisées. Mais s’il est fonctionnel, il ne permet pas une surveillance aisée. De plus il n’a que peu de possibilités d’extension. Il fut très peu développé. 

Le type carré ou quadrillé

Ce principe de bâtiments orthogonaux entourant des cours intérieures, autour desquelles se répartissent cellules, activités et ateliers, bien que difficile à surveiller, permet une séparation des détenus par catégories et en quartiers. Il autorise un traitement isolé de chaque groupe de détenus, mais les bâtiments de ce type qui furent construits étaient de trop grande dimension pour que cette politique puisse s’y appliquer. Aux Etats-Unis, on notera la prison d’Attica (1937) et celle de Leesburg dans le New Jersey ; en France, le centre de détention de Muret (1966) qui comporte 610 places et quatre cours intérieures. 
 
Le type citadelle

Claude Nicolas Ledoux débuta en 1776un projet pour la prison d’Aix-en-Provence qui ne fut pasachevé. Le plan en est carré, subdivisé enquatre espaces distincts avec quatre cours de promenade oùapparaît déjà une séparation desdétenus (hommes, femmes, enfants). L’aspect est massif, prochedes citadelles de Vauban (1633-1707) : fenêtres basses, toursde guet et mâchicoulis. La prison construite à Pontivysous le premier Empire comme celle de Würzburg, due àSpeeth (1809), toutes deux détruites, avaient égalementl’apparence d’une bastille.

Le type linéaire

Adaptée au système auburnien, c’est une prison tout en longueur, qui donne des conditions de sécurité maximales, des coûts de maintenance plus faibles, et une facilité de circulation et d’entretien. L’absence de vue directe et l’isolement maximum en font un des plans les plus austères, bien qu’il soit un des plus faciles à surveiller. On peut citer comme exemple Sing-Sing (1819) aux Etats-Unis, réputée pour son faible nombre d’évasions et son taux élevé de suicides, mais aussi Gradignan, en France (1967), qui s’élève sur six niveaux. 

Le type radial

Le type radial fut très répandu à la fin du XIXe siècle, d’abord aux Etats-Unis, puis dans toute l’Europe. Il est dérivé du système pennsylvanien d’isolement de jour et de nuit, associé au principe de surveillance centralisée dérivé du panoptique. On compte un certain nombre d’exemples de ce type : la Santé (1867), Anvers (1840), Rennes (1809), Rouen, ou encore Nice (1887). Il a été appliqué à de grandes dimensions avec la construction de Fleury-Mérogis (1969) en France et de Rebibbia en Italie. C’est encore le plus utilisé actuellement. Le nombre de bâtiments convergents est variable. La structure qui permet d’obtenir pour le plus grand nombre de détenus des espaces extérieurs conséquents est la structure tripale.

Le type radioconcentrique

Une série de bâtiments en hexagone sont reliés à un bâtiment central par une série de bâtiments intermédiaires ou de passerelles. Cet ensemble en roue de vélo permet, tout comme le type carré, de cloisonner les cours de promenade, et d’éloigner les cellules (sur la périphérie) du réfectoire et des lieux d’activités (au centre). La forme en hexagone permet une surveillance par trois tours de guet et la centralisation de la chapelle et du réfectoire montre une orientation vers le système auburnien. L’exemple français en est la Petite Roquette conçue et érigée par l’architecte Hippolyte Lebas en 1836 (détruite en 1974).

Le type ouvert ou groupement d’unités

La colonie pénitentiaire de Mettray (Lyon) en 1839, ou plus récemment Mauzac (1986), sont des essais d’architecture éclatée, dans laquelle les bâtiments sont distants les uns des autres, recréant des unités de vie souvent rassemblées autour des bâtiments d’activités. Il n’y a donc pas de forme standard traduisant cette façon assez rare de concevoir la prison, mais elle est souvent semblable à l’image que l’on peut se faire d’un village avec un axe principal et de petites maisons régulières. Ainsi, Mettray comportait en son centre une église, comme tous les villages de sa région.
 
Le type parallèle

Il s’agit d’une suite de bâtiments parallèles reliés par un couloir central, les blocs cellulaires sont distants et séparés par des cours de promenade. Ce plan permet de séparer les détenus par catégories. Tiré d’un exemple américain, il fut mis en application pour la prison de Fresnes (Poussin, 1898), puis pour celle des Baumettes à Marseille (G.Castel, 1935), ainsi que celle de Châteauroux (1975).

De 1945 à nos jours

L’influence de la guerre

La seconde guerre mondiale crée un fort taux de surpopulation au sein des prisons, ceci en raison de "l’épuration" ; soixante mille détenus s’entassent dans les locaux prévus pour en accueillir moins de la moitié.
Mais, en parallèle, un vaste mouvement de réforme pénitentiaire s’engage dès la fin de la guerre. Dès 1944, une Commission de réforme des institutions pénitentiaires insiste sur l’importance de la notion d’amendement.

En mai 1945, sont formulées bon nombre des idées devant servir de base à une action future dans ce domaine, parmi lesquelles on peut noter les 14 principes suivants :

-1- La peine privative de liberté a pour but essentiel l’amendement et le reclassement social du condamné.
-2- Son exécution est organisée dans la métropole ou en Algérie à l’égard de tous les individus condamnés par l’Algérie, pour des infractions de droit commun.
-3- Le traitement infligé au prisonnier, hors de toute promiscuité corruptrice, doit être humain, exempt de vexations et tendre principalement à son instruction générale et professionnelle et à son amélioration.
-4- Tout condamné de droit commun est astreint au travail et bénéficie d’une protection légale pour les accidents survenus pendant son travail. Aucun ne peut être contraint à rester inoccupé.
-5- L’emprisonnement préventif est subi dans l’isolement de jour comme de nuit.
-6- Il en est de même en principe de l’emprisonnement pénal jusqu’à un an.
-7- La répartition dans les établissements pénitentiaires des individus condamnés à une peine supérieure à un an a pour base le sexe, la personnalité et le degré de perversion du délinquant.
-8- Un régime progressif est appliqué dans chacun de ces établissements en vue d’adapter le traitement du prisonnier à son attitude et à son degré d’amendement. Ce régime va de l’encellulement à la semi-liberté.
-9- Dans tout établissement pénitentiaire où sont purgées des peines de droit commun, privatives de liberté, d’une durée supérieure à un an, un magistrat exclusivement chargé de l’exécution des peines aura, seul, compétence pour ordonner le transfert du condamné dans un établissement d’un autre type, pour prononcer l’admission aux étapes successives du régime progressif, et pour rapporter les demandes de libération conditionnelle auprès du comité institué par le décret du 16 février 1888.
-10- Dans tout établissement pénitentiaire fonctionne un service social et médico-psychologique.
-11- Le bénéfice de la libération conditionnelle est étendu à toutes les peines temporaires.
-12- Assistance est donnée aux prisonniers pendant et après la peine en vue de faciliter leur reclassement.
-13- Tout agent du personnel pénitentiaire doit avoir subi les cours d’une école technique spéciale.
-14- Il pourrait être substitué à la relégation, un internement de sûreté en colonie pénale. Cet internement serait en principe perpétuel. Toutefois, le relégué pourrait bénéficier de la libération d’épreuve.

Le principe d’amendement

"Si le système de réaction anticriminelle de l’ancienne Europe consistait à assurer la protection de la société par l’élimination brutale du criminel, et si le système qui lui a succédé à la fin du XVIIIe siècle était fondé sur la répression, il existe une autre tradition qui tend à l’amendement, voire à la guérison du délinquant. On la voit se manifester successivement dans la maison de résipiscence (sophronisterion) que Platon proposait d’instituer pour les criminels "curables" ; dans l’affirmation par certains Pères de l’Église, comme Saint Augustin, que le châtiment doit tendre non à la destruction mais à l’amélioration du coupable ; dans la notion de "peine médicinale" des canonistes du Moyen Âge ; dans la création par certains papes (notamment Clément XI à Rome en 1703) d’établissements de rééducation pour jeunes délinquants ; dans les institutions d’éducation par le travail des Pays-Bas au XVIe &emdash ; XVIIe siècle ; dans le mouvement de réforme pénitentiaire des Quakers de Pennsylvanie à la fin du XVIIIe siècle et l’action en Angleterre, à la même époque du mouvement de défense sociale.
 

À ce stade de l’évolution, de sérieux doutes sont nés sur l’aptitude de la mesure privative de liberté à remplir le rôle socio-éducatif qui lui était attribué. L’emprisonnement de courte durée a été critiqué en premier. On lui a reproché d’être "un remède pire que le mal". Il peut se révéler nocif pour l’intéressé qui, livré à une fâcheuse promiscuité, risque de se corrompre au lieu de s’amender. Il est le plus souvent désastreux pour la famille qui perd son soutien et ses moyens d’existence et se voit désignée à l’opprobre public. Au demeurant, comment envisager sérieusement d’exercer une action éducative efficace dans un court laps de temps ?

On n’a pas manqué de relever l’étrange paradoxe sur lequel repose le traitement en établissement. N’est-il pas utopique de nourrir l’ambition de donner au délinquant le sens de ses responsabilités sociales et de l’adapter aux exigences de la vie en société en le soumettant à une ségrégation prolongée qui le retranche du reste du monde et a nécessairement sur lui un effet dépersonnalisant et désocialisant ? On a dit, non sans humour, que "préparer en prison le retour à la liberté équivaut à s’entraîner en vue d’une course en gardant le lit pendant des semaines".

À défaut d’autre moyen de neutralisation, l’incarcération demeure et demeurera sans doute longtemps l’ultima ratio . Du moins s’efforce-t-on, dans toute la mesure compatible avec la sécurité de l’établissement, de réduire les différences qui peuvent exister entre la vie à l’intérieur des murs et la vie normale, et de multiplier les contacts du détenu avec le monde extérieur (visites, lecture des journaux, radio, télévision).

Le 20 janvier 1994, le Conseil constitutionnel rappelait dans un considérant de principe que "l’exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a été conçue, non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné, mais aussi pour favoriser l’amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion".

Les signes avant-coureurs de la crise

En 1958 apparaît le code de procédure pénale. Il confirme l’esprit réformateur de la Libération, puisqu’il indique que la peine privative de liberté a pour but essentiel "l’amendement et le reclassement social du condamné" à l’article 728 al. 2 du nouveau Code de procédure pénale.
Ce code est présenté comme l’aboutissement de la réforme pénitentiaire par l’institutionnalisation des expériences menées ; à savoir :

- la création du sursis àl’emprisonnement avec mise àl’épreuve,

- la création de J.A.P. (Juged’Application des Peines),

- l’extension du rôle de C.P.A.L.(Comité de Probation et d’Assistance auxLibérés),

- la législation des mesuresd’aménagement de l’exécution des peines(semi-liberté, permission de visite, ...),

- les nouvelles règles de laLibération Conditionnelle.

Pourtant, entre le discours pénal et sa mise en œuvre, le fossé se creuse, les établissements restant inadaptés de par leur vétusté. Malgré les efforts entre 1960 et 1970 pour que la priorité soit donnée à l’équipement, on ne construisît que 11 établissements (dont Fleury-Mérogis, la " cité carcérale "). 
 
La mutinerie de juillet 1965 à Nîmes oblige l’administration à mener une politique de plus en plus sévère et exigeante, créant une nouvelle catégorie de détenus : les D.P.S. (Détenus Particulièrement Surveillés).

Le juge d’application des peines, nouvellement créé, est le seul qualifié pour prononcer l’admission aux étapes successives du régime progressif.

Pour les prévenus et pour les condamnés à moins d’un an, l’isolement de jour comme de nuit reste la règle. En principe, car on continue à manquer de place dans les prisons françaises, et cela deviendra une constante de la politique pénale française qui tentera pendant les 50 années qui suivent la fin de la guerre, de plan directeur en prisons modèles, d’apurer ce manque.

Les techniques modernes

C’est plus une avancée technologique qu’une nouvelle forme de prison à laquelle nous assistons dans les années 1960. Depuis la réforme de 1945, la population carcérale n’a cessé d’augmenter, il faut donc construire rapidement et en nombre, ce sera Fleury-Mérogis...
Fleury reste la plus grande prison d’Europe avec près de 5 000 détenus. Elle est une expérience unique et pas toujours positive dans l’histoire de l’architecture carcérale récente. Elle fit l’objet de violentes mutineries en 1974 et détient le record du taux de suicides. Depuis sa construction il ne fut plus question de projet de cette envergure. Pourtant Fleury concentrait tout ce que la modernité pouvait apporter à l’époque, vitres armées sans barreaux, surveillance électronique et par caméra, haut-parleurs dans les cellules, portes commandées à distance, autant d’éléments qui éloignent le gardien du détenu et déshumanisent ainsi la détention. La prison "cinq étoiles" de Fleury-Mérogis était conçue comme un trop grand navire, gigantesque à l’échelle du détenu, difficile à manœuvrer par les surveillants. Même si l’architecte G.Gillet défend l’idée d’un "projet sans barreaux, qui ramène la détention à une stricte privation de liberté,[...] conçu avec conscience et humanité" (Libération, 8 Mai 1985), Fleury restera "l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire" (Alain Peyrefitte garde des sceaux).

"A Fleury, l’électronique remplace clefs et serrures : l’ouverture et la fermeture des portes se font automatiquement, commandées à distance depuis un poste central.
Tout cela semble presque trop beau pour l’usage qui doit en être fait. On en vient à redouter que les mal logés de tous bords ne cherchent à se faire admettre dans ce luxueux établissement où ils seront beaucoup mieux que chez eux. Las ! Fleury-Mérogis ne tarde pas à perdre son auréole de prison modèle. Les critiques des " utilisateurs " fusent : on qualifie le nouvel établissement d’ "Alphaville " dépersonnalisée. Le " tout électronique " fait regretter les bonnes grosses clefs et les bons gros verrous d’antan. Détenus et surveillants se plaignent de l’absence de contacts humains résultant de l’automatisme des installations. Bref, on rejette la prison presse-bouton. Les gens qui ont été incarcérés à la Santé avant de l’être à Fleury chantent les louanges de la vieille parisienne."

L’évolution de la prison est fortement marquée par l’avancée des techniques. On peut constater qu’elles sont souvent mises en place pour des besoins économiques. On a vu, avec Fleury, que les améliorations dues à la surveillance électronique présentent l’avantage de diminuer le nombre de gardiens. Les nouvelles capacités de construction permettent, elles, de gagner en hauteur ce qui n’est pas disponible en terrain. L’état de New York a construit ainsi 3 prisons sous forme de tours hautes de 12 à 18 étages. Mais comme toutes les formes de prisons nouvelles, elles font l’objet de difficultés de vie dues à leur conception. En effet, si les détenus sont classés par catégories, les déplacements verticaux, toujours plus longs dans des bâtiments en hauteur rendent la vie carcérale plus pénible (repas, accès aux ateliers...). Si la hauteur n’est pas un type de construction en soi, puisqu’il ne dispense pas d’un plan précis d’organisation (Gradignan fait six étages de haut mais c’est un plan linéaire) ; elle implique par contre une utilisation de moyens de surveillance et de communication sophistiqués pour éviter l’emploi d’un personnel trop nombreux.

La grande crise de 1975

De 1971 à 1974 c’est un ensemble de mutineries pour la condition de détention qui s’abat sur tout le système carcéral. Le bilan est lourd : 9 morts, 11 établissements ravagés.
Illustration.

Est-ce la conséquence de la crise qui règne à l’extérieur, dedans, c’est la révolte, importante, débordante : les mutins de Fleury-Mérogis effraient une classe politique qui prend conscience d’avoir atteint les limites de la détention de masse (aucun programme, depuis lors, ne dépassera 1 000 détenus).

Le 25 juillet 1974, le Président de la République Valery Giscard D’Estaing déclare : " La peine, c’est la détention et rien de plus ", il serre la main d’un détenu comme geste symbolique d’un rapprochement de la société .

Le 31 du même mois : " L’indispensable réforme dans le sens de l’humanisation et de la réinsertion sociale aura lieu ". Une nouvelle réforme voit le jour en 1975. Elle se traduit notamment par une amélioration de la vie quotidienne du prisonnier et par des mesures visant à favoriser sa réinsertion sociale : possibilité de toucher l’allocation de chômage, de s’inscrire à l’Agence nationale pour l’emploi, etc...

Le projet adopté en Conseil des ministres comporte entre autres :
- la protection sociale des sortants et de leur famille,
- les permissions de sortie au tiers de la peine,
- une meilleure rémunération du travail pénal,
- l’abandon progressif du port du droguet (costume à rayures),
- l’aménagement de parloirs familiaux sans séparation,
- la liberté de lecture et d’écoute radio.

La réforme de 1975 redéfinit les établissements pour peines en 3 grandes catégories et donne une spécialisation à chacun d’entre eux :
- centres de détention à régime libéral,
- maisons centrales,
- quartiers ou établissements de sécurité renforcée.

Parallèlement sont jetées les bases d’une politique pénale nouvelle, privilégiant les mesures alternatives ou substitutives à la prison. Cependant, on voit dans le même temps apparaître les fameux quartiers de haute sécurité, les Q.H.S., qui sont destinés à recevoir les détenus considérés comme dangereux. Ils seront supprimés en 1981 et remplacés par un quartier disciplinaire (prétoire et entrée des avocats en 1998).

Une difficile mutation

La loi du 22 juin 1987, tout en supprimant le terme d’amendement du Code, reformulait la mission du service public pénitentiaire qui "favorise la réinsertion sociale des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire" et "est organisé de manière à assurer l’individualisation des peines". Pour les condamnés à de longues peines, le régime progressif est mis en vigueur : il s’agit de conduire les prisonniers à la liberté en passant par différentes étapes allant de l’encellulement à la semi-liberté.
Au XIXe siècle, on avait discuté de l’emprisonnement cellulaire et de l’emprisonnement en commun. Les systèmes "mixtes" étaient destinés à pallier à la fois les inconvénients de l’isolement total et ceux de la promiscuité, et consistaient à placer les détenus en cellule la nuit et à les faire travailler en commun durant la journée (cf Auburnien et pennsylvanien). Ces systèmes étaient eux-mêmes imparfaits parce que, établis une fois pour toutes, ils ne ménageaient pas de transition entre la prison et la liberté. On a alors imaginé les régimes dits progressifs, qui permettent une préparation graduelle au retour à la vie libre, et vont de la claustration totale, pratiquée en début de peine, à la libération conditionnelle, en passant par des étapes successives d’adoucissement de la peine (évolution probable de la prison).

En 1975, Valery Giscard D’Estaing avait donc repris l’idée de son garde des sceaux, jamais abandonnée depuis, que " la prison ne doit restreindre que la liberté d’allée et venir". Cette notion n’est suivie d’une évolution de l’enseignement et de la formation à l’intérieur des centre de détention que de façon très parcimonieuse. Nous verrons que c’est cette nouvelle évolution que s’apprêtent à vivre les prisons aujourd’hui. Mais les gouvernements successifs se heurtent au même problème de surpopulation, Les nouvelles émeutes, qui se produisent dans certaines prisons au printemps de 1985, amènent François Mitterrand à créer la commission " Architecture et Prison " pour la réflexion à la conception des prisons futures et la réhabilitation des anciens établissements. En 1986, suite aux élections législatives, le nouveau Garde des Sceaux, Albin Chalandon, envisage la construction de nouveaux établissements pénitentiaires, seul remède, selon lui, à la surpopulation carcérale. Il déclenche l’élaboration du programme 15000 (qui, après révision du nombre de places de prison à construire, sera rebaptisé plan 13 000).

L’annonce de 13 000 places supplémentaires de détention n’a pas l’effet apaisant escompté. L’été 1988 est riche en mouvements de protestation de la part des détenus, ils sont d’une ampleur souvent sans précédent : le 13 septembre 1988, près de 6 000 détenus refusent leurs plateaux repas, des mutineries à Saint-Maur et Ensisheim provoquent plus de 150 millions de francs de dégâts. Une loi d’amnistie (1 500 détenus libérés) et les cent propositions du rapport Bonnemaison (5 février 1989) visant à "moderniser le service pénitentiaire public" ramène le calme côté détenus. Mais les surveillants de prison, dénonçant des mesures trop favorables aux détenus, déclenchent de forts mouvements de grève pour empêcher que "l’amélioration des conditions de vie des détenus ne se fasse pas au détriment des agents" . Le ministre de la justice, Pierre Arpaillange, reconnaît : "nombre de revendication des détenus ne me surprennent pas.[...] la sanction pénale n’est pas une fin en soi, et n’est pas inexorablement liée à la notion d’enfermement". Entre les revendications de chacun, et faute de moyens suffisants, le chemin suivi est souvent celui du "moins pire", c’est en tout cas révélateur d’une crise structurelle de la prison contemporaine.

Les réformes engagées par l’administration pénitentiaire

L’administration pénitentiaire dépend du Ministère de la Justice. Elle comprend la sous-direction de l’exécution des peines privatives de liberté et de la réinsertion, la division du milieu ouvert, et la sous-direction du personnel et des affaires administratives.
Cette administration est divisée en 9 directions régionales. Ces dernières furent créées par le décret du 14 juillet 1948, qui a divisé le territoire en 9 circonscriptions régionales : les services pénitentiaires de Bordeaux, Dijon, Lille, Lyon, Marseille, Paris, Rennes, Strasbourg, et Toulouse. A la tête de chaque région se trouve un directeur régional qui contrôle les établissements par des inspections et gère les crédits d’entretien et d’équipement.

L’Administration pénitentiaire est en constante évolution. On ne saurait nier son aptitude à s’adapter à l’évolution des mœurs et de la société. Mais en contrepartie, on peut porter un regard critique sur sa capacité à rester indépendante vis-à-vis des orientations politiques (bien que la prison soit un sujet éminemment politique) et à élaborer sur le long terme une réforme adaptée à la réalité de l’enfermement.

Voici quelques étapes importantes des réformes mises en place par l’Administration pénitentiaire :

•1975 : réforme des régimes de détention et des droits des détenus, introduction des journaux, des livres, de la radio, correspondance étendue.
•1981 : abolition de la peine de mort et abandon du principe de relégation.
•1983 : parloir sans séparation, suppression de l’uniforme pénal, accès au téléphone (centre de détention).
•1984 : contrôle sanitaire des prisons par l’inspection des affaires sociales.
•1985 : mise en place d’une structure appropriée pour les services socio-éducatifs en milieu fermé.
•1986 : réforme des C.P.A.L. (Comité de probation et d’assistance aux libérés), création des SMPR (services médico-psychologiques régionaux), premiers protocoles d’accord avec le ministère de la jeunesse et des sports et de la culture.
•1987 : lancement du programme 13 000, abandon de l’obligation de travail, création des antennes de lutte contre la toxicomanie.
•De1988 à 1993 : mise en place du compte nominatif des détenus, premiers comités d’hygiène et sécurité, réforme statutaire des personnels, restructuration du placement des mineurs.
•1994 : les soins en milieu pénitentiaire sont confiés aux hôpitaux. Création du service national du travail en milieu pénitentiaire, nouveau régime de détention des mineurs.
•1995 et 1996 : création des unités pédagogiques régionales, réforme de la procédure disciplinaire des détenus.

•1997 et 1998 : lancement du programme de 4 000 places de détention.

Les différentes formes de l’incarcération en France

Situation au 1er juillet 1998, extrait du rapport annuel de l’administration pénitentiaire :
187 établissements pénitentiaires, 50 104 places mises en service.

119 maisons d’arrêt recevant les prévenus et les condamnés dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à un an.

24 centres de détention accueillant des condamnés qui sont considérés comme présentant les meilleures perspectives de réinsertion. A ce titre, ils comportent un régime principalement orienté vers la resocialisation des détenus.

6 maisons centrales recevant les condamnés les plus sensibles. Leur régime de détention est essentiellement axé sur la sécurité.

25 centres pénitentiaires, établissements mixtes comportant à la fois un quartier "maison d’arrêt" et un quartier "maison centrale" ou "centre de détention". Ils reçoivent à la fois des prévenus et des condamnés à de courtes et longues peines, c’est le cas des Baumettes à Marseille.

12 centres de semi-liberté autonomes ; recevant les condamnés admis au régime de semi-liberté, leur permettant d’exercer une activité (travailler, recevoir un enseignement ou une formation professionnelle, apporter une participation essentielle à la vie de leur famille ou subir un traitement médical). Les condamnés sont astreints à rejoindre l’établissement pénitentiaire dès la cessation de cette activité.

1 établissement hospitalier pénitentiaire.

Organigramme du parcours pénal

Les différentes formes de détention

"Dans le code de 1810 et les mesures qui l’ont immédiatement suivi, l’emprisonnement n’est jamais confondu avec la simple privation de liberté. Il est, ou il doit être un mécanisme différencié et finalisé. Différencié puisqu’il ne doit pas avoir la même forme selon qu’il s’applique à un détenu prévenu ou condamné, à un "correctionnaire" ou à un criminel. Maisons d’arrêt, maisons de correction, maisons centrales doivent en principe correspondre à peu près à ces différences et assurer une sanction non seulement graduée en intensité mais aussi diversifiée dans ses buts." 

Les maisons d’arrêt

Au nombre de 119, elles accueillent une double population, les prévenus et les condamnés dont le reliquat de peine est inférieur à un an. Exceptionnellement, et pour une courte durée, on peut y trouver des condamnés à une longue peine, dans l’attente de leur affectation dans un autre établissement. Il y a une maison d’arrêt près de chaque tribunal de grande instance, de chaque cour d’appel et de chaque cour d’assises (Article 714 du code de Procédure Pénale).
Dans la théorie, il existe une séparation entre les condamnés et les prévenus, cependant il est souvent et presque toujours impossible, pour les directeurs de ces établissements, étant donnée la surpopulation pénale à laquelle ils doivent faire face, de séparer ces deux populations.

La capacité d’une maison d’arrêt varie entre 20 (pour Digne, par exemple), et 3 000 places (pour Fleury-Mérogis), ce qui démontre l’extrême hétérogénéité du parc immobilier que doit gérer l’administration pénitentiaire. Par exemple dans le sud de la France les prisonniers préféreront être incarcérés à la prison de Nice, pourtant vétuste, plutôt qu’à Luynes, prison plus récente mais trop anonyme du fait de sa gestion par vidéosurveillance. Il en est de même pour les surveillants, qui tiennent un rôle plus valorisant dans les petites unités, où ils peuvent être autre chose que des geôliers ou des "porteurs de clefs".

La maison d’arrêt reste un lieu de passage où il est bien difficile de s’investir, aussi bien pour les détenus que pour le personnel socio-éducatif. Lieu d’attente mais aussi lieu d’angoisse, c’est sans doute dans ces établissements que la surveillance doit être accrue, pour faire face aux tentatives de suicide, aux réactions violentes. C’est malheureusement dans ces établissements à tension que l’on impose la promiscuité et la cohabitation de personnes à statuts juridiques différents, le ministère de la justice est bien conscient de cette situation qui stipule que "l’exigence de dignité s’impose avec une force particulière aux maisons d’arrêt où les prévenus, présumés innocents, ne sont pas censés subir la rigueur d’une peine", dans la pratique la peine implicite subie par le détenu provisoire est souvent plus contraignante que celle du condamné.

Les centres de détention

Leur rôle est défini par l’article 717 du Code de Procédure Pénale : 
 
" Les condamnés purgent leur peine dans des établissements pour peine, toutefois, les condamnés à l’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à trois ans l’exécutent dans un établissement qui leur est spécialement réservé. Les condamnés à des peines inférieures à cinq ans peuvent exécuter leur peine dans ces établissements si le reliquat de peine qui leur reste à purger après leur condamnation est inférieur à 3 ans. " 
 
Les centres de détention ont pour vocation la préparation à la sortie, à la mise en liberté des condamnés issus d’établissements pour peine.

Les maisons centrales

Ces établissements sont le véritable outil d’enfermement de l’administration pénitentiaire. Tout y est basé sur la sécurité : le parloir comporte des séparations, les permissions de sortie ne sont accordées qu’à mi-peine, à condition que le reliquat de peine soit alors inférieur à trois ans.
Elles reçoivent les condamnés à de longues peines de privation de liberté, des détenus qui pour des raisons de sécurité et/ou de comportement ne sont pas transférables en Centre de Détention.

Il y a peu à dire sur le rôle et sur l’architecture de ces établissements sans engager la polémique sur le rôle des prisons comme lieu d’enfermement, " la Centrale " tient un individu artificiellement hors de la société pour laquelle il a été jugé dangereux. C’est le temps de l’isolement, du retour sur soi-même, pour certains moralisateurs, un "retour sur soi-même" qui peut, dans certains cas, durer 30 ans.

" La cour d’assises ou le tribunal peut par décision spéciale, porter la période de sûreté jusqu’à trente ans s’il s’agit d’une condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, soit en raison d’un meurtre ou d’un assassinat ou lorsque l’un ou l’autre de ces crimes a été aggravé d’actes de torture ou de barbarie. " (Article 720-2 du code de Procédure Pénale). 

Les centres pénitentiaires

Les centres pénitentiaires regroupent plusieurs régimes de détention, qui ont un greffe commun, même si les enceintes sont distinctes. La mixité des régimes distincts de détention tend à s’estomper dans les Centres pénitentiaire les plus récents, qui sont constitués de quartiers où les différentes catégories de détenus, si elle sont séparées répondent aux mêmes exigences de fonctionnement.
Pour autant, on constatera qu’un certain nombre d’établissements à vocation de maison d’arrêt prennent le nom de "centre pénitentiaire" alors qu’ils n’abritent qu’une très faible proportion de détenus condamnés. C’est le cas des Baumettes à Marseille, dont la maison d’arrêt pour femmes comporte un centre de détention, soit moins de 50 condamnés pour un total de 1 900 détenus.

Les centres de semi-liberté

Le régime de semi-liberté est accordé par un Juge d’application des peines à certaines catégories de détenus. Il est distinct des permissions de sortie, accordées à titre exceptionnel. Ce système de permissions, institué après les révoltes de l’été 1974, constitue une soupape de sécurité à l’intérieur des établissements ; en fait, il représente pour le bénéficiaire l’occasion, lorsque celle-ci existe encore, de renouer avec la vie familiale mais aussi d’appréhender la vie sociale. Peut être "candidat" tout détenu ayant effectué le tiers de sa peine en maison d’arrêt ou maison centrale. Les permissions, accordées par le Juge d’Application des Peines et tenant compte des délais de route, sont d’une périodicité trimestrielle, leur durée varie de 3 à 10 jours suivant le régime de détention et elles sont souvent motivées par des causes d’une importance particulière (maladie, examens médicaux, concours ou examens scolaires).
Les centres de semi-liberté, au nombre de 12, reçoivent des condamnés admis au régime de semi-liberté pour :
- exercer une activité professionnelle,
- apporter une participation essentielle à la vie de leur famille,
- subir un traitement médical,
toutes activités à l’expiration desquelles ils sont astreints à rejoindre l’établissement pénitentiaire ou de semi-liberté.

La semi-liberté, est une contrainte géographique qui oblige le détenu à un retour régulier à la prison, contrairement à la surveillance à domicile elle exige surtout de celui qui en bénéficie un effort de volonté quotidien et éprouvant pour rentrer tous les soirs à la prison après le travail, effort qui est épargné aux autres détenus qui ne sortent pas, et qui par conséquent ne ressentent pas cette frustration, chaque jour répétée, du retour en prison.

La permission de sortir aussi exige un effort pour rester digne de confiance et revenir de soi-même volontairement à la prison.

" Cet effort est tellement éprouvant et peu supportable pour certains, qu’une détenue ayant bénéficié d’une première permission de sortir familiale déclarait ensuite au J.A.P. qu’elle ne lui en demanderait plus jamais, tellement elle avait eu du mal à rentrer à la prison. Cela avait été pour elle une trop dure épreuve." 

Une vue des prisons d’Europe et du monde

Les Etats-Unis d’Amérique

Nous avons vu que les Etats-Unis d’Amérique étaient un creuset de l’évolution des prisons depuis 150 ans (cf. Historique). Ceci s’explique notamment par une politique pénale fortement répressive, qui ne tend pas à s’assouplir. Plus d’un million et demi de personnes sont actuellement détenues dans les prisons des États-Unis. La barre symbolique du million pour les seules prisons fédérales et celles des États avait été franchie en juin 1994. Plus précisément, 1 012 851 personnes (l’équivalent de la population de Dallas) étaient incarcérées dans ce pays de 260 millions d’habitants, soit un Américain sur deux cent soixante, un adulte sur cent quatre-vingt-treize ; un taux quatre fois supérieur à celui du Canada et quatorze fois à celui du Japon. Selon une étude du ministère de la justice, le nombre de détenus dans les prisons américaines &endash ; prisons fédérales et des différents États &endash ; s’élevait, fin 1996, à 948 881 personnes, contre 329 821 au 31 décembre 1980 ; une augmentation de 188 % en treize ans, soit pratiquement un triplement. Le taux moyen d’incarcération de personnes condamnées à plus d’une année d’emprisonnement, qui était de 139 condamnés pour 100 000 habitants en 1980, a atteint fin 1996 le record de 351, un chiffre près de cinq fois plus élevé qu’en France et huit fois plus élevé qu’aux Pays-Bas. Le taux d’incarcération le plus important est celui du district de Columbia (siège de la capitale Washington), devant le Texas, l’Oklahoma et la Louisiane, tous au-delà ou proches du taux de 500 condamnés à une peine de plus d’un an pour 100 000 habitants. Ces chiffres s’expliquent par une délinquance importante mais aussi par une politique répressive forte. 

Le Canada

Comparé à d’autres pays, leCanada s’est toujours démarqué par un tauxélevé d’incarcération. Cet écarts’explique en partie par des différences dans l’âge dela majorité et dans le classement des peines d’emprisonnement.Il n’en ressort pas moins que le Canada se fie grandement auxpénitenciers et qu’il emprisonne l’équivalent de 130 Canadiens, jeunes et adultes, sur 100 000.

Trois théories ont étémises en avant afin de soutenir le recours àl’incarcération comme solution au taux decriminalité.

La première repose sur la croyance quel’incarcération peut décourager le délinquant decommettre des crimes et qu’il peut donc retourner vivre dans lacollectivité à la fin de sa sentence. L’idée estque le délinquant ne sera pas tenté de courir le risquede se retrouver en prison, notion qu’on désigne parl’expression "dissuasion personnelle".

Les tenants de la deuxièmethéorie soutiennent que la menace de la punition, enparticulier lorsqu’il s’agit d’un emprisonnement, a pour effetpremier de décourager les gens de perpétrer des crimes.C’est là ce qu’on appelle la "dissuasiongénérale".

Les défenseurs de la troisièmethéorie affirment qu’on peut prévenir les crimes enretirant les délinquants de la société et en lesgardant en prison, d’où le nom de "neutralisation" (parexemple, si un délinquant était emprisonnépendant trois ans, il ne pourrait commettre d’autre crime contre lasociété avant l’expiration des trois ans).

La dissuasion personnelle réussit-elle ?

Au cours des 20 dernières années, les recherches ont démontré les limites de l’incarcération pour ce qui est de son effet dissuasif. Ainsi, d’autres formes de peines, comme une période de probation sous surveillance dans la collectivité, présentent un taux d’efficacité au moins équivalent et parfois supérieur.

Une étude importante réalisée aux États-Unis a permis de comparer lestaux de récidive des délinquants condamnés à la probation et ceux des délinquants incarcérés. Les taux de récidive étaientles mêmes pour les deux groupes. Il est logique de conclure que la prison n’est pas un moyen plus efficace de prévenir le crime. Des chercheurs britanniques ont montré que les jeunes gens emprisonnés couraient plus de risques de récidiverq ue les délinquants punis au moyen de peines servies dans la collectivité..

Les peines plus longues enétablissement ne présentent pas plus d’efficacité pour ce qui est de décourager larécidive que les peines courtes..

Le Conseil national de prévention ducrime (CNPC) a publié un document intitulé"L’Incarcération au Canada". Conformément à lapolitique du CNPC, on trouvera ci-dessous la déclaration d’unmembre dissident :

"Les prisons sont mal utilisées parla société, qui s’en sert de façoninappropriée comme moyen de contrôle social. Ce sontpour la plupart des endroits inhumains et artificiels ; chaqueannée, elles transforment un grand nombre de personnesdésespérées en êtres amers ; elles ontcontribué à la "destruction" systématique despeuples autochtones.

Depuis des centaines d’années, lespersonnes qui travaillent au sein du système, les gensinfluents du système de justice dans son ensemble se sontservis des prisons pour perpétuer la fraude la plus ancienneet la plus grande de l’histoire du monde moderne, ...c’est-à-dire l’idée que les prisons ont leurutilité comme moyen de contrôle social et serventà prévenir le crime. Les prisons ne fonctionnent pas,ce serait un crime que de prétendre le contraire". KimPate

L’Europe

Sur le Vieux Continent, le système statistique mis en place par le Conseil de l’Europe en 1983 permet de mesurer l’évolution de la population carcérale sur dix années. De 1983 à 1992, l’augmentation du nombre de détenus a été de plus de 50 % en Grèce, en Espagne, au Portugal, aux Pays-Bas ; de 20 % à 50 % en France, en Suisse, en Irlande, en Suède. Les hausses les plus faibles (environ 10 %) ont concerné l’Italie, la Belgique, le Danemark et le Royaume-Uni. Paradoxalement, on constate plutôt une baisse du nombre des entrants, grâce aux mesures de substitution à la prison et de contrôle en milieu ouvert, mais aussi un allongement des durées moyennes de détention qui peut s’expliquer par l’accroissement de la durée des procédures, l’aggravation des peines prononcées par les tribunaux et le moindre recours aux mesures de libération conditionnelle. 

La Grande Bretagne

Au Royaume-Uni, le gouvernement a décidé en 1992 un programme sur trois ans de constructions de nouveaux établissements pour 739 millions de livres. Douze prisons ont été construites entre 1985 et 1992 et neuf autres entre 1992 et 1996. Pour mettre en œuvre une politique de privatisation partielle, un nouveau directeur général de l’administration pénitentiaire a été recruté qui dirigeait auparavant une chaîne de télévision. 

L’Espagne

En Espagne de nouvelles dispositions visent à privilégier des mesures de rééducation. Le pénitencier de Soto del Real, à une trentaine de kilomètres de Madrid, en est une parfaite illustration. Chaque cellule dispose d’une douche et d’une télévision. Un système sophistiqué de sécurité a remplacé les traditionnels barreaux. Les cellules ressemblent à des boîtes rectangulaires, entourant de petits terrains de sport. Les zones sont bien délimitées, chaque bloc a sa fonction précise, les détenus classés suivant les délits et des critères internes. Près de 1 000 personnes sont écrouées pour des délits de droit commun, pour près de 400 fonctionnaires y travaillant. Les prisons sont toutes situées en dehors des villes, ce qui n’encourage pas les chercheurs d’emploi. De plus, cet éloignement accroît le sentiment des prisonniers d’être des rebuts de la société. En Espagne, certains condamnés peuvent aussi purger leur peine en n’étant incarcérés que durant les week-end. En 1996, sur une population carcérale de 37 000 personnes, 3 000 ont bénéficié de cette disposition (soit 8,10%). Pour résoudre définitivement le problème, on annonce la construction dans les centre villes, de 24 prisons de fin de semaine, avec une capacité chacune de 25 à 100 places. Une façon, aussi, de rompre avec les établissements de trop grande taille, qui ne présentent pas que des avantages.
La Catalogne a son système propre de gestion des prisons, même si les lois sont identiques partout en Espagne. Ici, pour résoudre le problème du surpeuplement carcéral, on envisage la construction de grands centres de détention en dehors des villes, ainsi que l’application de peines alternatives. Des centres ouverts ont été créés par la transformation d’espaces initialement prévus pour le personnel ou de dépendances inutilisées.

Le nouveau Code pénal, entré en vigueur en mai 1996, a introduit des régimes alternatifs à la prison : l’incarcération limitée à deux jours par semaine (durant le week-end) et les travaux d’utilité publique. L’incarcération de fin de semaine n’a fait que se substituer à l’assignation à résidence, une création originale du système espagnol qui remonte au XIXe siècle.

Un projet expérimental, fondé sur le principe de la rééducation est mis en place dans le centre pénitencier d’Aranhuez : 72 cellules y sont aménagées pour des couples. Parmi eux, on trouvera des mères avec leur enfant. La loi espagnole permet en effet aux enfants de rester aux côtés de leur mère jusqu’à l’âge de trois ans.

Cette situation devrait faire tomber tous les clichés forgés au cours des siècles. Une première étape avait déjà été franchie il y a quelques années quand ont été autorisées les visites intimes.

Toutes ces innovations s’inscrivent dans le cadre de mesures prises en Espagne ces dernières années pour réformer le système pénitentiaire considéré comme trop répressif. Ainsi la durée de la détention est limitée à vingt ans, les peines d’un ou deux ans de prison sont remplacées par des arrestations de fin de semaine, et les peines légères par des amendes. La durée de la détention préventive est limitée à deux ans. Mais il est encore trop tôt pour tirer des enseignements de ces mesures.

Le nombre de détenus, en majorité des hommes, reste à peu près stable depuis plusieurs années. Un tiers d’entre eux a entre 26 et 30 ans, et environ 10% sont analphabètes. Fin 1996, 25% de la population carcérale était en détention préventive (contre 46% en France).

Les premiers 18 mois de détention, les détenus reçoivent une aide financière égale à l’allocation chômage. Ils bénéficient d’activités placées sous la responsabilité de la prison, afin de faciliter leur réinsertion.

La vie en détention est notablement affectée par la présence de la drogue, mais les soins prodigués aux détenus sont généralement corrects. Ils bénéficient de programmes de méthadone dans presque tous les centres. L’Observatoire international des prisons souligne que les peines allant jusqu’à trois ans d’emprisonnement peuvent désormais être suspendues pour les toxicomanes qui acceptent de suivre un traitement de longue durée.

Le Danemark

D’autres pays européens ont choisi des orientations qui peuvent, à moyen terme constituer pour nous le modèle à atteindre. Il en est ainsi, par exemple, du Danemark : " L’idée fondamentale qui est à la base du traitement dans les établissements danois est de considérer que seule une interaction avec la communauté des gens vivant en liberté permet d’apprendre à vivre dans la société. Par conséquent, il faut éviter l’isolement et, quand celui-ci est nécessaire, comme dans les prisons fermées, il faut donner la possibilité de communiquer avec le monde extérieur". 
Les prisons d’Etat sont divisés en deux catégories distinctes, dans leur forme et leur mode de fonctionnement : les établissements ouverts et les établissements fermés. Jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, le système danois était géré différemment de celui de l’Europe occidentale. Son évolution s’est orientée vers un accroissement du nombre d’établissements ouverts. Pour l’administration danoise les détenus doivent pouvoir participer à la vie normale de la société, se resocialiser et éviter de se retrouver dans le monde artificiel que constitue la Prison.

On peut comparer l’architecture des établissements pénitentiaires danois à celles des maisons d’habitation, à l’exception des anciennes structures. Elles sont composées de petits pavillons aménagés, regroupés vers des zones de vie ;

" On ne peut pas préparer le délinquant à vivre dans la société, si on ne l’habitue pas à vivre convenablement. Pour cette raison, la vie dans les établissements devrait ressembler le plus possible à la vie dans la société libre. "
 

En 1974, une importante réforme va supprimer les établissements spéciaux (travail correctionnel, prisons pour jeunes délinquants, établissements pour les alcooliques). Originalité encore dans le système, l’affectation des détenus, sans tenir compte de la durée de la peine, se fait en fonction de la situation géographique du lieu de l’infraction commise et de la résidence du condamné. On ne procède pas à une classification d’après le type de prison disponible, par exemple établissement pour récidivistes ou alcooliques, mais d’après la personnalité propre de l’individu condamné.

Le système pénitentiaire danois demeure l’un des mieux organisés d’Europe occidentale. Il se caractérise par son aspect libéral et son respect des Personnes, et la reconnaissance des besoins de l’individu. L’administration pénitentiaire de ce pays sait prendre des risques et reconnaître ses fautes. Au Danemark, on ne peut plus parler d’une peine de privation de liberté mais simplement d’une peine de limitation de la liberté.

LES EVOLUTIONS ENFRANCE

Le plan 13 000

A l’initiative d’Albin Chalandon, alors garde des sceaux, un programme de construction de 13 000 places de prison a été réalisé à partir de 1987, et confié à des entreprises privées qui se sont vu concéder des missions du service public. Un nouveau programme quinquennal vient d’être voté prévoyant la construction de 4 200 nouvelles places en milieu fermé et 1 200 en centres de semi-liberté.
En 1985 l’association SPES écrivait dans l’introduction de son bulletin annuel sur l’état des prisons :
" Le projet de M Albin Chalandon, (à propos du plan 13 000) comporte un danger de taille, qui consisterait à construire hâtivement des centres pénitentiaires trop grands ou mal répartis géographiquement, pour combler au plus vite la pénurie. Au contraire le programme du garde des sceaux devrait être l’opportunité de réfléchir au problème carcéral afin de sortir de l’actuel carcan architectural qui est un handicap à la véritable réinsertion du détenu. "

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Les 18 établissements (sur 25 programmés) mis en service n’ont en rien résolules problèmes du passé. Les grèves successives du personnel pénitentiaire reflètent un profond malaise de l’institution-prison.
La gestion privée d’un patrimoine foncier en relation distanteavec l’administration qui l’utilise est, après 10 ansd’exercice, loin d’avoir fait ses preuves. Il est à noter deux éléments fondamentaux dans l’élaboration du plan13 000.

D’abord, l’élaboration et laconstruction furent hâtives, et c’est un élémentqui est à l’origine de bien des déboires, erreurs deconception, inadaptation à la population carcéraleeffective, éloignement relatif des tribunaux compétents(cour d’appel et de cassation). Le constat se fait de lui-mêmelors de la visite de ces édifices : état des lieuxdéplorable, difficultés d’accès etd’entretien... Le plus parlant est l’apparition de pièceset de cellules inoccupées car inutilisables, à opposeraux maisons d’arrêt plus vétustes mais qui utilisent latotalité de leurs surfaces bâties.

Ensuite son organisation fut morcelée.Il faut savoir que le découpage en quatre zones du territoirenational attribuant chaque zone à un prestatairedifférent, maître d’ouvrage et exploitant, et ce, sansrapport avec l’organisation administrative de la justice ou descollectivités territoriales n’est en rien un gage de bonfonctionnement. Il rend encore plus complexe la relation quel’administration pénitentiaire peut avoir avec sespartenaires.

Il est regrettable de constater que ladotation au secteur privé de la gestion des nouvelles prisonsconstruites dans le cadre du plan 13 000 a eu une implicationinattendue sur les mouvements de détenus dans les prisons plusanciennes. En effet, les contrats liant le secteur public avec sonprestataire de services stipulant un quota maximum de populationcarcérale, oblige l’administration pénitentiaireà jongler avec les flux de détenus pour éviterd’être pénalisée par la société degestion (cf. Visite de la maison d’arrêt de Luynes).

Evolution du secteur privé dans les prisons

Dans le cadre de cette adaptation au secteur privé, on constatera une orientation franche de l’administration pénitentiaire à faire appel à des prestataires extérieurs à la prison. Ceci dans les nouvelles constructions, mais souvent aussi dans les édificesplus anciens. Les repas sont souvent prépares àl’extérieur, par une société spécialisée, de même pour l’entretien du linge, et, plus surprenant, l’action médicale est elle-même centralisée dans certains grands centres pénitentiaires ou répartie dans les hôpitaux civils.

Le plan 4000

Le nouveau plan 4 000 lancé par le garde des sceaux Elisabeth Guigou, aurait pu être une évolution du plan précédent, malheureusement il n’en prend pas le chemin et semble plus proche d’une mesure d’urgence, visant à remplacer les maisons d’arrêt trop vétustes. Dans la région sud-est c’est, par exemple, Avignon et Toulon qui vont être fermées au bénéfice d’une structure entièrement neuve.
Il est encore trop tôt pour juger des effets de ce projet, mais aussi de l’aspect et des formes nouvelles (ou non) que peut avoir un plan en cours d’élaboration. Le programme de ce concours précise que "les exigences figurant dans le programme constituent en tout état de cause un minima à respecter. [...] par contre les projets pourront proposer (..) des performances supérieures aux exigences du programme, sans que cela n’entraîne de surcoût en investissement ou en exploitation pour le maître d’ouvrage", ce qui laisse à penser qu’il ne s’agit en rien d’un concours d’idées. Mais on retiendra des aspects évolutifs dans ce programme, comme les UVF ou le centre socio-éducatif et scolaire.

Quid des prisonsd’hier ?

Les plans successifs ont pour principale visée d’augmenter la capacité de l’hébergement carcéral en France par remplacement de locaux vétustes ou de constructions ex-nihilo. Mais on est en droit de se demander ce qu’il adviendra dans les années à venir du patrimoine existant, souvent ancien, sans être vétuste (cf. Baumettes), et qui, s’il n’est déjà plus adapté, pourrait supporter des évolutions de structure et de fonctionnement. Ainsi, des maisons d’arrêt qui suffisent à titre d’hébergement n’ont-elles que peu de structures d’accueil tant pour le travail que pour la formation. Faut-il abandonner les structures trop rigides et obsolètes du passé au profit de structures entièrement neuves (ce qui représenterait plus de la moitié du patrimoine actuel) ou peut-on espérer les adapter pour aborder les décennies à venir dans le sens des nouvelles formes de détention qui émergent ? La première de ces hypothèses étant inconcevable pour des raisons de volonté économique, la solution est donc d’adapter les infrastructures actuelles. Nous garderons à l’esprit cet aspect essentiel d’une gestion de l’existant lors du projet qui motive ce mémoire, puisqu’une partie des élément que comporte ce projet font appel à la réhabilitation de bâtiments anciens (voir Deuxième partie).