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(1) Introduction

Mise en ligne : 9 mars 2007

Texte de l'article :

Commission nationale de déontologie de la sécurité
Rapport 2006
au Président de la République
et au Parlement

Au moment de publier son sixième rapport d’activité, la Commission nationale de déontologie de la sécurité a décidé de renoncer à la publication sur support papier de l’intégralité de son rapport.
Ce choix est la conséquence de la très forte progression du nombre de ses saisines, qui entraîne la publication de rapports d’activité toujours plus épais, peu maniables, et dont les coûts d’impression et d’affranchissement semblent déraisonnables, dès lors que l’information de chacun est possible grâce au réseau Internet.
Le site de la CNDS rend en effet public l’ensemble de ses avis et recommandations 2006, ainsi que les réponses des autorités publiques.
Toutefois, en complément de l’édition numérique, l’introduction au rapport, dans laquelle les faits saillants de l’année sont décrits, ainsi que l’étude sur l’administration pénitentiaire à travers les dossiers dont la Commission a eu connaissance depuis six ans, demeureront éditées comme par le passé.
Conformément à la loi du 6 juin 2000, cette publication sera remise au président de la République et au Parlement.

Commission nationale de déontologie de la sécurité
www.cnds.fr

« En application de la loi du 11 mars 1957 (art.41) et du Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992, complétés par la loi du 3 janvier 1995, toute reproduction partielle ou totale à usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans autorisation expresse de l’éditeur. Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équilibre économique des circuits du livre ».
La Documentation française, Paris 2007
ISBN : 978-2-11-006492-9

INTRODUCTION

L’année 2006 marque la fin du mandat de trois des quatorze membres de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, dont celui de son premier président, M. Pierre Truche. La CNDS a fait paraître à cette occasion, en novembre dernier, un bilan de ces six premières années d’activité [1].
Par décret du 5 décembre 2006, le Président de la République a nommé M. Philippe Léger président de la CNDS, pour un mandat de six ans.
En octobre 2006, le colloque organisé par la CNDS consacré à l’« Approche internationale de la déontologie policière » [2] a permis la rencontre avec des institutions étrangères (Canada, Québec, Irlande du Nord, Grande-Bretagne et Belgique) aux missions comparables, qui ont pu confronter pouvoirs, expériences et méthodes. Cette journée a été l’occasion d’échanges fructueux entre notamment des élus, des représentants du ministère de l’Intérieur, des syndicalistes, des magistrats, le représentant du Commissaire au droits de l’Homme au Conseil de l’Europe et le vice-président de la Cour européenne des droits de l’Homme.
La rapidité de traitement des plaintes étant une priorité commune à toutes les institutions de contrôle présentes, la CNDS a appris avec intérêt que 80 % des plaintes reçues par le Commissaire à la déontologie policière du Québec étaient traitées en moins de 90 jours. Il est à noter qu’en 2004, 51 personnes étaient employées à temps plein par le Commissaire pour traiter 1296 plaintes, alors qu’à la CNDS, au cours de la même année, rois personnes travaillaient à temps plein, supervisées par 14 membres ayant tous des activités professionnelles ou politiques extérieures, pour instruire 97 dossiers.

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Cette année encore, forte d’une notoriété croissante, la CNDS constate une nouvelle hausse du nombre de ses saisines (+25 % comparativement à 2005) : 161 ont été enregistrées concernant 140 dossiers, plusieurs parlementaires ayant saisi la Commission d’un même cas, alors que 108 affaires avaient été référencées en 2005. Au regard de l’ensemble des interventions des services de sécurité, les saisines sont significatives des manquements à la déontologie.
Au 15 janvier 2007, 151 affaires restaient en cours d’instance à la Commission (dont 16 enregistrées en 2005, 132 en 2006, 3 en 2007).
Cette augmentation est par ailleurs assortie d’un nombre toujours plus élevé de plaintes transmises directement (83), dont une quinzaine s’est muée en saisines effectives, après information sur les modalités de saisine de la CNDS aux plaignants.
Si la majorité des plaintes émises en 2006 concerne l’action de la police nationale (62 %), confortant le constat établi lors des années précédentes, l’augmentation des saisines relatives à l’administration pénitentiaire (16 % des affaires 2006) a conduit la Commission à mener une étude, publiée dans le présent rapport, récapitulative des dossiers traités par la CNDS depuis sa création.

LES TEXTES ADOPTÉS PAR LE GOUVERNEMENT ET LES AVIS
2006 CONCERNÉS

Les recommandations émises par la CNDS, au-delà du cas individuel sur lequel elles reposent, mettent en évidence les dysfonctionnements constatés au sein des services de sécurité, afin que les autorités ministérielles, en ayant pris conscience, prennent des mesures pour y remédier.
Des textes ainsi adoptés cette année par le gouvernement font notamment suite aux recommandations de la Commission :

Ministère de l’Intérieur
Instructions ministérielles du 22 février 2006 visant à préciser la conduite à tenir à l’égard des mineurs à l’occasion des interventions de police et lorsqu’ils sont placés sous la responsabilité de la police ou de la gendarmerie nationales
La Commission préconisait, dans son avis 2005-12, adopté le 19 décembre 2005 et publié dans le rapport 2005, de « compléter l’instruction ministérielle du 11 mars 2003 par une directive spécifique, relative aux mesures que les services de police peuvent être amenés à prendre à l’égard des mineurs ».
La CNDS prend acte de la note ministérielle diffusée le 22 février 2006, complétant les instructions du 11 mars 2003 relatives à la garantie de la dignité des personnes placées en garde à vue, dont l’objet est de préciser « la conduite à tenir à l’égard des mineurs à l’occasion des interventions de police et lorsqu’ils sont placés sous la responsabilité de la police ou de la gendarmerie ».
Cette note appelle à des « évolutions de l’ordonnance du 2 février 1945 » ; elle ajoute que « le refus de toute attitude laxiste ou indifférente à l’endroit des mineurs délinquants ne s’oppose en rien au respect scrupuleux de la protection due à tout mineur, même lorsqu’il est mis en cause ». Le ministre demande à ses services de « conserver en toutes circonstances des pratiques professionnelles irréprochables vis-à-vis des mineurs, qu’ils soient victimes, témoins, mis en cause ou simplement contrôlés », « dans le respect absolu de la dignité des personnes ».
Les contrôles d’identité, qui bien souvent constituent « le premier contact avec le mineur », doivent être réalisés avec politesse et courtoisie, le vouvoiement étant de principe, et doivent être « motivés par l’analyse d’une situation donnée au regard des textes ». Ces mesures ne doivent pas être vexatoires.
Les mesures de sécurité et de coercition doivent être proportionnées, « le policier ou le gendarme [devant] constamment faire montre du plus grand discernement ainsi qu’une capacité au dialogue ». Le ministre rappelle les dispositions de l’article 803 du Code de procédure pénale, et que la « coercition doit être proportionnée à la résistance opposée », en tenant compte des impératifs liés à la sécurité du mineur, comme à celle des fonctionnaires.
L’usage de la force doit être gradué, en respectant l’intégrité physique et la dignité des personnes. Par ailleurs, « tout incident conduisant à l’usage de la force doit être mentionné dans le procès-verbal d’interpellation ou faire l’objet d’un compte-rendu immédiat et circonstancié ».
Dès l’interpellation, et « quelle que soit la gravité des infractions pouvant lui être reprochées », le mineur se trouve sous la responsabilité et la protection des gendarmes ou policiers. Il est donc « impératif, spécialement s’agissant de mineurs, que les magistrats soient complètement et exactement informés de l’ensemble des éléments objectifs d’appréciation ». Le ministre recommande enfin de veiller à la bonne application des textes, sur l’enregistrement des interrogatoires des mineurs placés en garde à vue d’une part, et sur les dispositions pour « éviter, sauf circonstance exceptionnelle, toute promiscuité avec des personnes majeures », d’autre part.
La Commission note toutefois que cette circulaire omet de rappeler l’obligation d’informer sans délai les parents ou le représentant légal du mineur.

Les dossiers 2006 concernant des mineurs
Quatre dossiers (2005-6 ; 2005-90 ; 2005-98 ; 2006-7) concernant des mineurs mis en cause ont été traités cette année par la Commission ; deux autres concernaient des mineurs placés sous la protection des forces de l’ordre, soit parce que présents au moment de l’interpellation de leurs parents (2005-48), soit parce qu’entendus comme témoins (2005-51).
Les faits exposés dans ces six dossiers sont tous antérieurs aux instructions ministérielles du 22 février 2006 citées supra. La CNDS espère que ces nouvelles prescriptions seront à l’avenir respectées.
Force est pourtant de constater que ces instructions ministérielles ne se voulaient qu’un simple rappel des règles déontologiques et légales déjà en vigueur.

Or, dans l’avis 2006-7, la Commission réprouve les conditions dans lesquelles s’est effectué l’interrogatoire du jeune rescapé du drame de Clichy-sous-Bois, le 28 octobre 2005 : alité dans la salle de réveil collective réservée aux polytraumatisés graves - il avait été brûlé par électrocution sur une surface de 10 à 15 % du corps -, M.A., 17 ans, a été entendu par deux fonctionnaires du Service départemental de la police judiciaire de Bobigny (93), dix-huit heures seulement après l’accident. Le procès-verbal d’audition fixait le cadre juridique à une enquête de flagrance (art. 53 s. du Code de procédure pénale) - où M.A. était alors considéré comme mis en cause -, et non à une recherche des causes de la mort (art. 74 s.) - où M.A. aurait été considéré comme témoin -, ce qui semblait être confirmé par le relevé de « la grande identité » (réservé aux personnes mises en cause ou susceptibles de l’être) et par les déclarations de l’un des fonctionnaires de police.

Le ministre de l’Intérieur, à la suite de l’avis rendu par la CNDS, a qualifié cette mention « à l’évidence de simple erreur matérielle » ; selon lui, « ces éléments, dont [il] ne s’explique pas l’importance qui leur a été conférée, rendent outrancières les accusations de faux dont la presse s’est faite l’écho ». Dans son courrier de réponse, la CNDS a cependant réaffirmé ses positions, considérant que « le fait que M.A. ait été interrogé pendant une heure et demi, alors qu’il était grièvement blessé, en état de détresse psychologique et morale évidente et sans l’assistance de ses parents, par des fonctionnaires munis d’un document comportant des données erronées, constitue un manquement à la déontologie ».

À cette occasion, le ministre avait une nouvelle fois attiré l’attention de la Commission sur le fait que les avis et recommandations émis le 10 juillet 2006 avaient « fait l’objet d’une publicité, alors que l’autorité publique destinataire de l’avis n’avait pas encore été en mesure de présenter ses observations sur les faits et leur interprétation ». La CNDS lui répondait que conformément aux obligations qui lui sont faites par la loi du 6 juin 2000, elle avait procédé à l’information du parlementaire sur les suites données à sa saisine (art. 10), et que la publicité faite à ses conclusions par ce destinataire ne dépendait en rien d’elle.

La Commission condamne par ailleurs, dans son avis 2005-6, le traitement subi par S.A., 17 ans, à Strasbourg (69). Celui-ci a reçu un coup au visage qui lui a occasionné une perforation du tympan alors que, d’après le policier, il n’avait fait aucun geste d’agression. Il a par ailleurs été insulté, retenu dans un véhicule de police sans cadre légal ni information au procureur. Il a été menotté d’abord à un grillage, puis jusqu’à son domicile pour vérifier son identité, sans qu’il ne présente un quelconque danger ni pour lui-même, ni pour les policiers, aux dires mêmes de ces derniers.
Le ministre a considéré, dans sa réponse faite à la CNDS, que le coup porté, puis le menottage, étaient « la conséquence de sa tentative de fuite », mais que « les conséquences de cet usage de la force montrent indiscutablement une mauvaise maîtrise des gestes techniques professionnels » ; « le fonctionnaire concerné [devra donc suivre] le plus rapidement possible une action de formation continue sur ce point ». Il reconnaît d’autre part que « faute de relever une infraction caractérisée (...), ils auraient dû lui retirer ses menottes » pendant la reconduite au domicile de ses parents.

Le ministre a « demandé à la direction centrale de la sécurité publique de faire rappeler aux personnels concernés par cette affaire, dans une lettre de mise en garde, les droits et devoirs des policiers concernant l’utilisation des menottes ».

Dans le dossier 2005-98, le jeune passager d’un scooter, I.F., 17 ans, ne pouvant justifier de son identité, est fouillé sur la voie publique, illégalement puisqu’il ne s’agissait pas d’une palpation de sécurité. Sont alors trouvés sur lui des chèques-cadeaux au nom de sa mère, qui n’était pas le même que le sien (sa mère est française et son père d’origine sénégalaise). Les policiers le soupçonnant de les avoir volés, il a été conduit menotté - alors qu’aucun délit n’avait été commis - au commissariat du 11ème arrondissement de Paris, où il est resté une demi-heure, toujours menotté à un banc. Aucun procès-verbal de vérification d’identité ne sera dressé de ce passage au commissariat. I.F. ne sera pas présenté à l’officier de police judiciaire (OPJ) ; le procureur de la République ne sera pas informé.

Le ministre de l’Intérieur partage l’analyse de la Commission au sujet du menottage auquel a été soumis le jeune I.F., « qui s’est exercé en méconnaissance de l’article 803 du Code de procédure pénale » ; il considère à ce titre que « les policiers intervenants ont manqué de discernement dans l’exercice de leur pouvoir d’appréciation ». Il reconnaît par ailleurs qu’en l’espèce, « en ce qui concerne la procédure de vérification d’identité, le non respect de plusieurs dispositions de l’article 78-3 du Code de procédure pénale est établi », sur l’absence d’information du procureur, de présentation à l’OPJ, et de rédaction d’un procès-verbal. Ainsi, « sur instruction de Monsieur le Préfet de police, les chefs de service concernés ont été destinataires des avis et recommandations de la Commission et ont été enjoints « de rappeler de manière très ferme aux personnels placés sous leur autorité les instructions permanentes relatives à l’application dans les services de la direction de la police urbaine de proximité, des dispositions des articles 78-3 et 803 du Code de procédure pénale à l’égard des mineurs » », tout comme le fut le Directeur de la formation de la police nationale, « afin que cette affaire puisse être utilisée en vue d’un retour d’expérience en matière de formation initiale et continue ».

Au 15 janvier 2007, 11 saisines alléguant des manquements à la déontologie concernant des mineurs restent à examiner par la Commission.

Instruction d’emploi relative à l’utilisation des pistolets à impulsions électriques du 9 janvier 2006
Après une mise en dotation depuis 2004 dans certaines unités spécialisées à des fins d’évaluation, les policiers, en commençant par les brigades opérationnelles telles que les BAC et les groupes d’intervention, seront au fur et à mesure équipés de pistolets à impulsions électriques (ou Tasers).
Ce « moyen de force intermédiaire », est présenté comme un substitut à l’usage des armes à feu permettant une neutralisation efficace de l’interpellé (il libère une décharge électrique de 50 000 volts qui bloque le système nerveux central, provoquant une paralysie temporaire), soit en contact direct, soit à courte distance, tout en étant « non létal ». Il a néanmoins été classé dans les armes de 4ème catégorie par un arrêté interministériel du 22 août 2006.

Les Tasers qui doteront les forces de l’ordre françaises ont la particularité d’être équipés d’une caméra à l’intérieur même de la crosse, qui se déclenchera automatiquement dès que le pistolet sera chargé ; elle procédera à des enregistrements audio et vidéo. Dans un souci de traçabilité, une mémoire enregistrant les paramètres de tir sera l’objet de contrôles périodiques.

L’instruction du 9 janvier 2006 a pour objet de définir les règles, modalités et précautions d’emploi de cette arme. Elle distingue trois cadres juridiques d’utilisation : la légitime défense ; l’appréhension de l’auteur dans un crime ou délit flagrant ; la nécessité ou la résistance manifeste à l’intervention légale du policier. Dans ces deux derniers cas, l’utilisation du Taser est assimilable à la force, et doit donc « en tout état de cause rester strictement nécessaire et proportionnée ».

Ce texte évoque par ailleurs l’effet dissuasif du seul pointage au laser qui précède le tir ; il devra être privilégié. Avant tout tir, et « dès lors que les circonstances le permettent », la personne devra être « informée oralement de la possibilité d’emploi à son encontre du pistolet à impulsions électriques ». Des précautions d’emploi sont édictées : les yeux ne doivent pas être visés par le pointeur laser ; la tête et le cou doivent être évités en cas de projection des deux ardillons électriques, afin de « limiter les risques de lésions et de malaise ». Le tireur devra prendre en compte les « conséquences possibles » sur l’entourage à proximité immédiate de la personne visée, « notamment en cas de foule ou de présence d’enfants ». Le recours au Taser ne reste formellement proscrit qu’« à l’encontre du conducteur d’un véhicule automobile en mouvement ». Son emploi supposera toujours une vérification de l’état physique et psychique du « tasé » par le policier, après le tir.

La formation procurée aux policiers qui en seront munis supposera qu’ils subissent eux-mêmes un tir, et insistera sur le discernement des cas où le tir sera fortement déconseillé (personnes cardiaques, femmes enceintes, influence de stupéfiants, imprégnation de liquides inflammables...). La Commission s’interroge sur la possibilité, pour les policiers intervenants, de détecter de telles caractéristiques au premier contact, dans la précipitation d’une intervention, afin de conserver le caractère a priori non létal de cette arme.

Les dossiers impliquant le Taser
Antérieurement à l’instruction précitée du 9 janvier 2006, la Commission a été saisie de trois cas d’usage par des policiers spécialisés d’un pistolet à impulsions électriques.

Dans un précédent avis (2004-3 bis, publié dans le rapport 2004), elle s’est prononcée sur les conditions de l’intervention du GIPN [3] dans la cellule d’une détenue handicapée par une attelle et un extracteur d’air. La CNDS a estimé que l’utilisation du pistolet à impulsions électriques sur une personne vulnérable, dans des circonstances qui ne présentaient pas le caractère
proportionnel et strictement nécessaire de son emploi, constituait un manquement à la déontologie : « Tous ces éléments tendent à accréditer fortement l’hypothèse que la présence de journalistes, et notamment d’un photographe, ait pu peser dans le choix d’intervention du GIPN, et (...) qu’ait été écartée l’option de la négociation ». Elle s’est inquiétée d’une « perméabilité, active, de l’institution et de ses agents, aux pressions commerciales d’une entreprise privée [fabricant du Taser], intéressée par le marché potentiel, très lucratif, que constitue l’équipement de la police ».

Dans la saisine 2005-72 publiée dans le présent rapport, à Lyon (69), une manifestante, soupçonnée de dégradations, a été violemment interpellée, puis « traînée » sur la chaussée, avant que deux coups de pieds « de diversion » et deux décharges de Taser ne lui soient administrés. La CNDS a considéré que « l’interpellation de Mlle V.B. par les fonctionnaires de la BAC fut empreinte de brutalité, sans respect des règles élémentaires du Code de déontologie policière et de la dignité de la personne humaine ». Le ministre de l’Intérieur juge pour sa part qu’« aussi virulente que pouvait être Mlle B. à l’égard des policiers qui procédaient à son interpellation dont l’un a eu le doigt cassé, il n’en demeure pas moins que le recours à ce moyen de force intermédiaire devait être proportionné et nécessaire, conformément au Code de déontologie de la police nationale. Malgré la difficulté d’intervenir dans le contexte de l’espèce, il ne semble pas certain que cela ait été strictement le cas ».

Dans un avis qui n’a pas donné lieu à recommandation (2005-89) - la Commission n’ayant constaté aucun manquement à la déontologie -, le plaignant, M. G.M., arguait avoir reçu de la part de policiers, alors qu’il était en proie à une vive excitation due à son état d’ivresse en sortant d’une discothèque, deux décharges électriques dans la cuisse gauche. La lecture du certificat médical, très complet, établi par un praticien lors de sa garde à vue, et les investigations auxquelles la Commission s’est livrée, n’ont pas permis d’étayer ces allégations.

Ministère de la Justice
Décret n°2006-338 du 21 mars 2006 modifiant le Code de procédure pénale et relatif à l’isolement des détenus
Le 1er juin 2006 est entré en vigueur le décret no2006-338 du 21 mars 2006, modifiant le Code de procédure pénale et relatif à l’isolement des détenus.
Le nouveau régime tient compte de la jurisprudence du Conseil d’Etat (arrêt du 30 juillet 2003 Remli) et des recommandations faites par la Commission (cf. saisine 2004-14), notamment concernant les motifs de la décision initiale de placement ou de prolongation de la mesure, le caractère exceptionnel que doit revêtir cette prolongation, et la possibilité pour les détenus placés à l’isolement de bénéficier, sous certaines conditions, d’activités physiques.

Note du 29 juillet 2005 sur la procédure à mettre en oeuvre pour
porter secours à des personnes en péril en cas d’incendies dans les
établissements dépourvus de gradés en service de nuit - Note du 30
novembre 2005 sur la migration des lignes police des établissement
pénitentiaires d’un système analogique vers un système numérique
- Installation d’armoires à clefs sécurisées dans les établissements
dépourvus de gradés de nuit

Suite aux recommandations de la CNDS concernant les possibilités d’ouverture, en cas d’incident, des cellules, dans les établissements dépourvus de gradés en service la nuit (dossiers 2002-30 et 2003-26), le garde des Sceaux a fait part à la Commission d’une note du 29 juillet 2005 du Directeur de l’administration pénitentiaire. Cette note ne répond que pour partie aux recommandations de la Commission, puisque seule une procédure d’urgence en cas d’incendie susceptible d’embraser tout ou partie de l’établissement prévoit la possibilité d’accéder aux clefs des cellules, dans l’attente du gradé d’astreinte. La CNDS souhaite que cette possibilité soit étendue en réponse aux risques d’atteinte à l’intégrité physique des détenus (malaises, tentatives de suicide)

Circulaire de 10 août 2006 relative à l’accès des détenus à l’informatique
Attendue par la Commission depuis son avis 2004-66 publié dans le rapport 2005, la circulaire du 10 août 2006 vient refondre la circulaire antérieure du 21 avril 1997 relative à la gestion des ordinateurs appartenant à des personnes incarcérées. La Commission souhaitait que soit redéfinie avec précision, tant dans son usage que dans sa surveillance, l’utilisation du réseau Internet. En réponse, la circulaire interdit l’accès pour les détenus à Internet et Intranet.

LE RAPPORT 2006
Le présent rapport rend compte des avis, recommandations et décisions rendus par la Commission entre le 17 janvier 2006 et le 15 janvier 2007.

102 dossiers ont été instruits en 2006, dont :
- 35 ayant abouti à une décision simple, dont 12 hors délai, les faits s’étant déroulés plus d’un an avant la saisine de la CNDS (art. 4 de la loi du 6 juin 2000). Certains dossiers ont ainsi été écartés parce que le plaignant s’était tout d’abord adressé au médiateur de la République, qui n’a pas le pouvoir de saisir directement la CNDS. Les différentes démarches qui s’ensuivirent ont eu souvent pour conséquence de sortir ces dossiers du délai légal de saisine. C’est pourquoi la CNDS, avec l’accord du médiateur de la République et du président de la HALDE (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité), a souhaité pouvoir être saisie directement par ces deux institutions ;
- 67 avis adoptés. Parmi eux, 26 ne révélaient aucun manquement à la déontologie (soit 39 %).

Sur les 102 dossiers traités cette année :
- 7 dossiers semblant révéler une infraction pénale mais ne faisant pas encore l’objet de poursuites ont été transmis par la CNDS au procureur de la République (2005-6 ; 2005-46 ; 2005-57 ; 2005-76 ; 2005-79 ; 2005-106 ; 2006-89)
- 1 seul (2005-26) l’a été au procureur général, habilité à statuer sur la responsabilité disciplinaire des officiers de police judiciaire ;
- 15 avis ont fait l’objet d’une demande de poursuites disciplinaires au ministre de tutelle (2005-6 ; 2005-18 ; 2005-29 ; 2005-45 ; 2005-57 ; 2005-63 ; 2005-72 ; 2005-76 ; 2005-79 ; 2006-23 ; 2006-43 ; 2006-53 ; 2006-61 ; 2006-89 ; 2006-127). La Commission constate cette année, au travers des réponses qui lui ont été faites par le ministère de l’Intérieur, une augmentation de ces sanctions.

Sur ces 102 dossiers :
- 69 concernaient les services de la police nationale ;
- 14 l’administration pénitentiaire ;
- 8 la gendarmerie nationale ;
- 2 la police municipale ;
- 2 la police aux frontières et les centres de rétention administrative ;
- 1 dossier les services de sécurité privée ;
- aucune saisine examinée cette année n’avait pour objet l’action des services de surveillance des transports ;
- 4 autres saisines mettaient en cause plusieurs services (2005-8 et 2005-66 : police nationale et administration pénitentiaire ; 2005-37 et 2006-47 : police nationale et gendarmerie nationale), et deux dossiers mettaient en cause des services qui n’étaient pas de sécurité.
Avant d’évoquer les dossiers significatifs de l’année 2006, la Commission tient à aborder cette année un sujet transversal : les fichiers informatiques des forces de l’ordre.

Les modalités d’inscription et de consultation des fichiers de police et de gendarmerie
Les fichiers, alimentés et consultés par les différents services de sécurité, se multiplient et sont de plus en plus étendus au fil des textes adoptés. La police nationale utilise ainsi notamment le système de traitement des infractions constatées STIC (environ 32 millions infractions recensées, avec le nom de 4 750 000 mis en cause et de 2 250 000 victimes), le fichier des renseignements généraux, le fichier national automatisé des empreintes génétiques ou FNAEG (322 000 empreintes génétiques ; 52 000 profils rapprochés mais non-inscrits), le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED), ou ELOI : le fichier d’éloignement des étrangers en situation irrégulière. La gendarmerie nationale est équipée de JUDEX ou d’ANACRIM. STIC et JUDEX devraient fusionner en fin d’année pour élaborer un fichier national tel que peut l’être le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou FIJAIS.

Les citoyens ignorent en général la nature et le contenu de ces fichiers, mais le découvrent parfois à leurs dépens, lorsqu’ils postulent pour un emploi ou qu’ils sont confrontés à la police ou à la justice. Or, ces fichiers, dont l’existence touche aux libertés fondamentales (respect de la vie privée, atteinte à la présomption d’innocence), sont parfois porteurs d’informations erronées ou dépassées, préjudiciables aux citoyens.

La Commission, dans l’avis qu’elle a rendu le 13 juin 2005 (saisine 2004-74), a estimé que l’inscription irrégulière sur un fichier de police s’analysait comme un manquement à des règles administratives et non comme un manquement à des règles déontologiques ; elle ne relevait donc pas de la compétence de la Commission.

La CNDS a cependant été conduite, dans certains cas, à communiquer son avis non seulement au ministre concerné, mais aussi à porter les faits dont elle était saisie à la connaissance de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés), « pour qu’en soit appréciée la portée et que soient définies les mesures à prendre en vue d’éviter leur renouvellement ».

Il ressort des dossiers examinés par la Commission que l’inscription dans un fichier n’était pas toujours justifiée : ainsi, dans la saisine n°2005-24, la suspicion de dénonciation calomnieuse, qui n’a fait l’objet d’aucune poursuite, ne justifiait pas la prise d’empreintes génétiques et ni de photographies ; une telle inscription aurait dû être effacée après la relaxe d’un professeur poursuivi pour outrage et rébellion (avis 2005-30) ; une inscription comportant une erreur de qualification n’avait été effacée (par une autorité d’ailleurs non compétente) que postérieurement à un refus d’embauche motivé par le contenu de ce fichier (2004-74). La CNDS a par ailleurs saisi la CNIL, dans son avis 2006-23, afin de vérifier que toute mention de l’interpellation de deux jeunes femmes dans les fichiers de police était effacée, les empreintes et photographies ayant été prises en dehors de tout cadre juridique.

Dans la saisine n°2005-48, relative à une infraction au Code la route, suivie d’une poursuite pour outrage et rébellion à l’encontre de deux époux, la Commission a dénoncé la remise d’un rapport administratif sur cette affaire, où le commandant avait écrit, en caractères gras pour attirer l’attention, qu’un témoin, dont la déclaration n’était pas conforme à celle des policiers, « a fait l’objet d’une procédure pour travail clandestin par les services de la SPAF de Toulouse le 1er janvier 1999 ».
Dans ses observations sur l’avis rendu par la Commission, le ministère de l’Intérieur a précisé que « la référence à la procédure judiciaire mettant en cause un témoin se trouve dans le texte d’un rapport de synthèse établi à l’issue d’une enquête interne, à la demande du directeur départemental de la sécurité publique saisi des récriminations des époux O. ». Le ministre de l’Intérieur admet que « cette référence ne s’inscrit pas strictement dans le cadre des dispositions du décret 2001-583 du 5 juillet 2001 portant création du système de traitement des infractions constatées (STIC) et de la loi n°2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne ». Il a été indiqué à la Commission qu’un rappel adressé aux personnels viserait « le cadre législatif et réglementaire portant sur l’utilisation en police judiciaire et en police administrative des données du STIC ».

Dans une affaire de troubles du voisinage (avec menace de mort), M. L.H. a subi un prélèvement biologique lors de sa garde à vue (avis 2005-54). La Commission a considéré qu’en « décidant un prélèvement biologique, l’OPJ a usé de la faculté que lui donne la loi, sans manquer à la déontologie. Il précise qu’il n’existe pas d’instructions pour encadrer la mesure dont l’initiative appartient au seul OPJ ». Au delà de cette affaire, la Commission a souhaité qu’une étude sur l’application de la loi soit entreprise afin d’apprécier si des instructions devraient être adressées aux OPJ afin de les guider dans leurs choix.
Le ministre de l’Intérieur a estimé, dans sa réponse à la Commission, qu’il ne relevait pas « de la compétence de l’autorité administrative d’édicter des instructions complémentaires dans cette matière d’ordre législatif et réglementaire (décret en Conseil d’État) touchant directement à l’exercice de la police judiciaire ». Il fait à cette occasion un point sur le droit positif de l’inscription sur FNAEG, notamment sur l’encadrement et les recours contre l’inscription au fichier par l’OPJ sans autorisation préalable d’un magistrat.
La CNDS a par ailleurs été saisie en 2006 par un parlementaire afin d’examiner avec la CNIL les dossiers (relevant du champ de compétence de la CNDS) où des erreurs d’inscription auraient été constatées dans les fichiers STIC et Judex (saisine 2006-34).

La multiplication des saisines impliquant les fichiers informatiques des forces de l’ordre a conduit la Commission à accepter l’invitation du ministre de l’Intérieur en juin 2006 à participer au groupe de travail (avec un représentant de la CNIL et du médiateur de la République), placé sous l’égide de M. Alain Bauer, président du Conseil d’orientation de l’Observatoire national de la délinquance, portant sur « l’amélioration du contrôle et de l’organisation des fichiers de police et de gendarmerie afin d’éviter le maintien d’informations erronées ou dépassées ». Le rapport a été remis au ministre de l’intérieur le 23 novembre 2006.

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I. La police nationale
Depuis quatre ans, la Commission n’a de cesse de rappeler son attachement à la circulaire prise par le ministère de l’Intérieur en date du 11 mars 2003, devant garantir la dignité des personnes placées en garde à vue.
Cette année encore, elle a pu constater l’inobservation de ces instructions
dans 12 de ses 69 avis concernant la police nationale (2004-90 ; 2004-93 ; 2005-22 ; 2005-25 ; 2005-27 ; 2005-29 ; 2005-30 ; 2005-32 ; 2005-48 ; 2005-69 ; 2005-71 ; 2005-83).

La Commission tient à rappeler que la dignité de la personne humaine se
doit d’être respectée par les forces de l’ordre, même au-delà du seul cadre juridique de la garde à vue.
Ainsi, dans l’avis 2004-93, M. K.A. est resté menotté en attendant que son identité ait été vérifiée dans les locaux du commissariat de la Courneuve. Il ne pouvait pourtant être alors considéré comme dangereux ni pour autrui ni pour lui-même ou susceptible de prendre la fuite, au sens de l’article 803 du Code de procédure pénale. Il s’agissait d’une rétention abusive, dès lors qu’aucun procès-verbal de la vérification d’identité n’avait été dressé, en méconnaissance des dispositions de l’article 78-3 du Code de procédure pénale.

M. L.D. a été l’objet d’une fouille de sécurité dans le cadre d’une procédure d’ivresse publique et manifeste - qui a d’ailleurs par la suite été invalidée - (avis 2005-26), et donc d’une rétention arbitraire au commissariat de police de Cambrai (59).

La fouille à corps trop souvent banalisée
Comme a pu le noter le ministre de l’Intérieur dans sa circulaire du 11 mars 2003, la fouille de sécurité, qui consiste à inspecter la personne dans sa nudité pour vérifier si elle ne dissimule pas des objets dangereux pour elle même ou pour autrui, « attentatoire à la dignité », se doit de rester l’exception à la règle générale de la palpation de sécurité. Ce qui est encore loin d’être le cas, au vu du nombre de saisines où la fouille à corps est pratiquée de manière systématique, pour des motifs qui ne sont pas toujours valables (11 dossiers concernés : 2004-90 ; 2005-25 ; 2005-26 ; 2005-27 ; 2005-29 ; 2005-30 ; 2005-48 ; 2005-69 ; 2005-71 ; 2005-73 ; 2005-83). La Commission rappelle donc que cette mesure ne doit être employée qu’exceptionnellement, si des raisons plausibles la rendent indispensable, et qu’elle ne doit donc pas constituer une mesure vexatoire gratuite ou une sanction illégale.

Il a ainsi pu être constaté que la fouille dite « de sécurité » a été pratiquée à l’occasion d’interpellations où il était hautement improbable que les individus aient eu le temps, ou la volonté, de cacher sur eux des substances illicites ou dangereuses.

Il en a été ainsi dans le cadre de l’avis 2005-48 (contrôle à La Baule (44) de deux époux avec leurs deux jeunes enfants pour stationnement gênant d’un véhicule ayant dégénéré en outrage, rébellion et violence sur dépositaire de l’autorité publique) ; pour la saisine n°2005-30 (témoin d‘une interpellation à Montpellier (34) qui aurait proféré des insultes à l’encontre des forces de l’ordre, pour lesquelles il a été relaxé) ; dans l’affaire 2005-25 (une procédure de rébellion a été engagée contre un père et son fils, après un contrôle d’identité à Argenteuil (95), dont le bien-fondé a été contesté par la Commission. Elle a estimé qu’en l’espèce, la fouille à corps a constitué une « brimade inutile ») ; dans l’avis 2004-90 (Venue porter plainte au commissariat de Lagny-sur-Marne (77), Mme N.L. est finalement placée en garde à vue pour outrage).

Cette dernière saisine a d’ailleurs été l’occasion de condamner les conditions matérielles de la garde à vue, Mme N.L. ayant été placée dans une cellule non chauffée, sans matelas ni couverture, au mois de janvier 2004. La situation au commissariat de Lagny-sur-Marne avait depuis été réglée. Le ministre faisait à cette occasion un point sur le « plan pluriannuel d’aménagement des locaux de garde à vue (1270 cellules individuelles et 590 cellules collectives) (...) progressivement mis en oeuvre. L’acquisition de matelas et le service de repas chauds et réguliers ont mobilisé 2,5 millions d’euros en 2004 et 2005 ».

Les conditions matérielles de garde à vue au commissariat du 20ème arrondissement de Paris et de transfèrement de Melle A.N., qui, en février 2005, avait été laissée en tee-shirt sans couverture pour se protéger du froid, ont également été critiquées par la CNDS dans son avis 2005-32.

Dans la saisine 2005-29, Mme J.L., qui appartient à un collectif de soutien
d’urgence aux réfugiés, a été placée en garde à vue au commissariat de
Calais (62), le 11 novembre 2004, pour outrage à agent dépositaire de
l’autorité publique, lors du contrôle de migrants par des membres d’une
CRS [4]. La fouille à corps dont elle a fait l’objet à son arrivée au commissariat n’était, pour la Commission, pas justifiée.

Le ministre de l’Intérieur a considéré, pour sa part, que « l’interprétation faite par la Commission de la circulaire ministérielle du 11 mars 2003 (...) paraît aboutir, au sujet de la fouille de sécurité, à l’affirmation d’un principe qui ne peut connaître d’exception. Or, dans le cas de Mme L., le fait de renvoyer aux circonstances de son interpellation ne suffit pas à étayer l’argumentation selon laquelle l’intéressée ne pouvait être « suspectée de dissimuler des objets dangereux pour elle-même ou pour autrui ». En l’espèce, l’officier de police judiciaire a pu légitimement avoir une autre appréciation, compte tenu, d’une part, des circonstances même de l’interpellation d’une personne qui manifestait une grande virulence dans l’expression de son attitude contestataire, et d’autre part, de l’exercice de sa responsabilité du fait que la personne en garde à vue est placée sous la protection des policiers ».

M. A.S. a été interpellé, le 20 juin 2005, dans les locaux du commissariat de Saint-Denis (93), où il s’était rendu pour s’enquérir des motifs de garde à vue du compagnon d’une membre de l’association « Coordination 93 pour les sans-papiers », dont il est l’un des responsables. Il a été placé en garde à vue pour outrage, rébellion et injures à agent de la force publique. La CNDS a estimé que « la fouille à corps avec déshabillage complet dans une affaire de rébellion et outrages, qualifiée ainsi au départ, est excessive et attentatoire à la dignité humaine lorsqu’elle se complète d’un menottage permanent ». De même, a-t-elle considéré que « la prolongation de la garde à vue de M. A.S. jusqu’au 22 juin à 10 heures du matin est difficilement compréhensible, sauf à admettre que la garde à vue a été utilisée comme une punition et non comme un moyen d’investigation » (avis 2005-71).

Si la fouille de sécurité doit être effectuée - elle est, comme le rappelle le
ministre de l’Intérieur, de l’appréciation du fonctionnaire de police en charge du gardé à vue -, elle doit l’être à tout le moins dans des conditions décentes. Dans l’avis 2005-83, M. H.S., réfugié politique de nationale algérienne, a été violemment interpellé au cours d’un contrôle d’identité effectué par des fonctionnaires de police du poste de police des Halles à Paris, pour rébellion au cours de la palpation de sécurité. Il a été fouillé, totalement déshabillé, dans un couloir, sous l’oeil de deux caméras (le poste ne disposant pas d’un local spécifique) qui devaient s’avérer éteintes, sur instruction du lieutenant de police. M. H.S. a ressenti un profond sentiment d’humiliation, qui ne faisait que décupler celui d’injustice face à un contrôle qu’il estimait déjà « illégal ».

La Commission, dans sa recommandation sur les conditions de garde à vue de M. S.C. pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique (2005-73), « constatant une nouvelle fois l’inobservation des règles énoncées par la circulaire du 11 mars 2003 relatives à la fouille de sécurité, (...) recommande que cette circulaire soit complétée sur ce point : la mise en oeuvre d’une telle mesure devrait être expressément mentionnée dans un procèsverbal exposant les raisons ayant conduit l’officier de police judiciaire à la décider ».

Dans sa réponse à la CNDS, le ministre de l’Intérieur ne retient pas le principe de la motivation juridique de la fouille à corps : « La mise en oeuvre de cette recommandation aurait notamment pour conséquence de
faire figurer en procédure pénale une mesure de nature administrative, qui relève de l’exercice par les policiers de leur pouvoir d’appréciation en fonction des circonstances de la dangerosité des personnes. En outre, elle serait constitutive d’un formalisme supplémentaire ». Il a toutefois demandé à l’Inspection générale de la police nationale d’étudier la généralisation d’un dispositif avec « mention systématique de l’exercice d’une fouille de sécurité sur le registre administratif sur lequel figurent les mentions relatives au dépôt d’éventuels objets par les personnes retenues ou gardées à vue. (...) Ceci permettrait aux chefs de service d’améliorer leur contrôle des fouilles de sécurité ».

La Commission a fait observer au ministre qu’elle maintenait sa
recommandation, la fouille de sécurité étant une mesure de contrainte
exceptionnelle, pour laquelle le parquet doit être mis en mesure de contrôler l’opportunité et les modalités d’exécution ; « elle doit, pour ce motif, donner lieu à l’établissement d’un procès-verbal ».

Un menottage systématique
Cette année encore, la Commission observe que le menottage des personnes interpellées reste une mesure systématique, en contradiction complète avec les prescriptions de l’article 803 du Code de procédure pénale, qui impose que « nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s’il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite », aux instructions ministérielles du 11 mars 2003 et à la note du Directeur général de la police nationale en date du 13 septembre 2004.
La CNDS a considéré que le menottage ne s’imposait pas dans les dossiers suivants : 2004-93 ; 2005-6 ; 2005-22 ; 2005-25 ; 2005-29 ; 2005-30 ; 2005-71 ; 2005-73 ; 2005-86 ; 2005-98, d’autant plus lorsqu’il s’agissait d’un mineur non menaçant (2005-6, 2005-98), ou que le médecin en avait interdit le port (2005-73). Elle rappelle en outre que l’usage de la coercition implique nécessairement, selon la jurisprudence en vigueur, le placement en garde à vue (2005-22 ; 2006-23).

Dans la saisine 2005-101, la Commission s’est prononcée pour la première fois sur l’emploi des moyens d’immobilisation sur un gardé à vue. Ces matériels, comme le rappelle le ministre de l’Intérieur sont « selon les cas et les circonstances, soit des menottes métalliques, soit des liens textiles, soit des bandes de type « Velcro », soit enfin des ceintures de contention », tous en dotation dans les services. Ils servent à immobiliser l’individu en état d’agitation extrême et à éviter que celui-ci n’attente à son intégrité physique.

Ainsi M. E.M.H. a-t-il été muni d’un casque de moto, d’une ceinture et de chevillières de contention par les policiers du commissariat de Choisy-le-Roi au retour de sa consultation aux unités médico-judiciaires pour être replacé en garde à vue ; la Commission a d’ailleurs estimé qu’en l’espèce « la mise en place de mesures de contention a pu se justifier dans l’intérêt du gardé à vue ». Mais le fait que M. E.M.H. ait été maintenu par ces moyens d’immobilisation pendant trois heures et vingt minutes, hurlant, se roulant au sol et donnant des coups de pied et de tête dans les murs et contre la porte de la cellule, est constitutif, pour la Commission, d’un manquement à l’article 10 du Code de déontologie de la police nationale, qui impose au fonctionnaire de police de prendre toutes les mesures nécessaires à la protection de la vie et de la santé de la personne qu’il a sous sa garde. Le ministre de l’Intérieur a affirmé que « cette absence de discernement, soulignée par l’enquête de l’Inspection générale des services, aura pour conséquence que des observations seront adressées aux fonctionnaires intervenants et qu’un retour d’expérience sera organisé au sein du service ».

La Commission a donc souhaité « que des modalités et les limites de l’usage des moyens de contention par les fonctionnaires de police à l’encontre des gardés à vue fassent l’objet d’instructions précises, et que notamment l’obligation de faire appel au personnel médical approprié soit rappelée lorsque perdure l’agitation violente d’une personne ».
Après avoir mentionné qu’une instruction du 17 juin 2003 existait pour réglementer l’usage de ces moyens pour l’éloignement des étrangers en situation irrégulière par voie aérienne, le ministre de l’Intérieur a mentionné
son intention de « faire procéder à une étude afin d’établir (...) les normes
et les conditions d’utilisation des moyens de contention par les services de
police, afin de parvenir à une solution qui garantisse dans ce type de situation, tant les droits et la dignité des personnes en cause, que la protection des fonctionnaires de police ».

Des violences illégitimes graves
La Commission dénombre en 2006 8 cas de violences physiques illégitimes graves de la part des forces de l’ordre (2005-32 ; 2005-6 ; 2005-45 ; 2005-46 ; 2005-57 ; 2005-72 ; 2005-79 ; 2005-18).

Dans la nuit du 12 au 13 août 2005, à Saint-Brice-sous-Forêt (95), suite à une altercation avec une gérante d’hôtel et son vigile, M. A.L. a été appréhendé par deux policiers de la brigade de nuit de Sarcelles (2005-79). De l’avis de la CNDS, M. A.L. a subi, de la part du gardien de la paix D.L., des violences ayant provoqué deux foyers de fracture de la mandibule. Les versions des deux protagonistes sur l’origine de ces blessures sont divergentes, l’un parlant d’une attaque, l’autre d’une riposte. Si l’importance du dommage fait privilégier à la Commission la thèse du plaignant, elle soutient que, « en admettant même la thèse du policier, on doit constater que le coup de poing, s’il a suffi à provoquer ce dommage, a été d’une violence excessive au regard de la situation, et hors de proportion avec le coup subi par le gardien de la paix », et que la mise en oeuvre des gestes techniques d’intervention aurait permis de maîtriser M. A.L. sans difficulté. Estimant que M. A.L. a été victime d’un acte de violence disproportionné, donc illégitime, la Commission a transmis son avis au ministre de l’Intérieur pour d’éventuelles sanctions disciplinaires, et au procureur de la République de Pontoise.

Par un jugement en date du 10 mai 2006 - dont appel a été relevé -, le gardien de la paix A.H., du commissariat central de Toulouse, a été condamné à dix mois d’emprisonnement avec sursis pour violences par personne dépositaire de l’autorité publique sur la personne de M. N.C. Il a été reconnu que ses collègues s’étaient entendus sur une version, selon laquelle « il ne s’était rien passé cette nuit-là ».
La Commission a donc recommandé au ministre de l’Intérieur, dans son
avis 2005-45, d’engager des poursuites disciplinaires contre tous les fonctionnaires mis en cause, en raison tant des violences exercées que des accords intervenus pour dissimuler les faits.
Le ministre a informé la Commission que trois policiers avaient eu connaissance des violences exercées par le gardien A.H., et qu’ils « se sont, de concert, abstenus de dénoncer les faits à l’autorité hiérarchique », en violation de l’article 10 du Code de la déontologie de la police nationale. L’un a fait valoir ses droits à la retraite, et n’est donc plus susceptible d’être traduit devant l’instance disciplinaire. Les deux autres gardiens de la paix, ainsi que M. A.H. devaient comparaître devant le conseil de discipline le 6 décembre 2006.

La CNDS a demandé la saisine des instances disciplinaires à la suite de la
condamnation, par un jugement correctionnel du 4 juillet 2006, pour violences volontaires sur la personne de M. M.A., de deux fonctionnaires de police, l’un en service auprès de la CRS 46, l’autre en fonction au commissariat d’Annecy (saisine 2005-18). M. M.A., en famille dans la file d’attente pour accéder à la Fête du Lac le 7 août 2004, a été violemment extrait de la foule mal gérée par les CRS en mission de service d’ordre, après que des paroles venant de la foule telles que « On n’est pas des boeufs ! Sale bleu ! Sale facho ! » auraient été prononcées à l’encontre des fonctionnaires de police. Les violences et insultes à caractère raciste ont semble-t-il été perpétrées à l’intérieur du véhicule qui emmenait M. M.A. au commissariat, ainsi qu’au cours de sa garde à vue.
La Commission a demandé également que des poursuites disciplinaires
soient exercées à l’égard du chef de poste en place au commissariat, qui aurait failli à sa responsabilité de veiller au « respect de l’intégrité et de la dignité des personnes conduites au poste ».

Cinq mois d’arrêt de travail pour une « fissuration du bourrelet glénoïdien antérieur » à l’épaule gauche : le contrôle routier subi par M. T.J., opéré par des fonctionnaires du commissariat de Champigny-sur-Marne (94) pour utilisation d’un téléphone portable en conduite, a vite dégénéré. Cette blessure a nécessité une intervention chirurgicale. La plainte de M. T.J. envers les policiers interpellateurs a été classée sans suite. Le ministre de l’Intérieur a quant à lui estimé que cet « accident dont [M. T.J.] a été victime, du fait d’un geste technique professionnel d’intervention, est la conséquence directe de son obstruction active à l’intervention des policiers. Loin de l’excuser, la réitération des incidents lors des contrôles routiers dont il a fait l’objet souligne la part de responsabilité qui est la sienne dans ses relations conflictuelles avec les forces de police » (2005-46).

Des difficultés lors de rassemblements sur la voie publique
Il est à préciser que par « rassemblement » de personnes, la Commission
entend les manifestations, évacuations de squats, mais aussi les concerts,
fêtes locales ou nationales, inaugurations.
Quatre dossiers dénonçant des violences exercées lors des manifestations anti-CPE restent à traiter, ainsi que quatre autres sur des faits commis lors de différents rassemblements. La Commission a en effet pris du retard, car elle se trouve dans l’attente des pièces de procédure transmises par les parquets qui lui permettraient d’identifier les fonctionnaires présents.
Au titre du présent rapport, cinq dossiers sont concernés : 2004-79 (qui concerne la gendarmerie nationale : aucun manquement à la déontologie n’a été observé, « dans le strict cadre de la compétence » de la Commission) ; 2005-37 (manifestation lycéenne du 8 mars 2005 à Paris ; le dossier a abouti à une décision simple) ; 2005-57 ; 2005-66 ; et 2005-72.

Dans le dossier 2005-72, déjà évoqué supra, concernant l’utilisation du pistolet Taser sur Mlle V.B. lors d’une manifestation à Lyon le 30 avril 2005, la CNDS a conclu que « des fautes de commandement ont été commises dès lors que l’on demandait à six fonctionnaires de police, n’arborant pas les signes distinctifs de leur qualité, d’interpeller, parmi d’autres manifestants, quatre personnes qui venaient de se livrer à des dégradations sur les locaux de la police municipale. Un tel manque de discernement ne pouvait assurément que générer des troubles qui, dans un premier temps, occasionnaient la blessure de deux fonctionnaires de police (...), qui se trouvaient dans une foule dont on pouvait supposer qu’elle leur serait hostile ».
Elle s’est étonnée « de constater qu’alors que 77 fonctionnaires en tenue étaient mobilisés sur ce service d’ordre (...), les fonctionnaires de la BAC n’aient pu recevoir que le seul renfort de deux chauffeurs », et a estimé qu’il n’était « pas admissible qu’en la circonstance, l’interpellation rapide, qui ne pouvait qu’être vouée à l’échec, de quatre personnes, ait été jugée plus importante que le maintien de l’ordre public face à une foule estimée de 800 à 1000 personnes ».

Le ministre de l’Intérieur a écrit, dans sa réponse du 20 novembre 2006 : « Ces avis et recommandations sur l’organisation d’un dispositif d’ordre public dont l’exercice par les autorités compétentes relève de prérogatives de puissance publique, me semblent se situer hors du champ de compétence attribué par la loi à la Commission ». Ce à quoi cette dernière a répondu : « Dans cette affaire comme dans bien d’autres, il est apparu que le comportement déontologique des policiers est étroitement lié aux conditions concrètes dans lesquelles ils exercent leurs « activités de sécurité », au sens de la loi du 6 juin 2000. Contrairement à l’opinion exprimée par le ministre, les conditions de leur emploi (qu’il s’agisse, par exemple, du commandement ou de l’organisation des dispositifs d’intervention) ne se situent donc nullement en dehors du champ de compétence attribué par la loi à la Commission ».

M. E.M. se plaint, pour sa part, d’avoir été roué de coups et intoxiqué par les gaz lacrymogènes, alors qu’il se trouvait dans un bus avec ses deux enfants de 11 ans et 16 mois à Alfortville (94) (avis 2005-57). Le 14 mai 2005, dans l’après-midi, l’évacuation d’un local désaffecté où se déroulait une réunion festive avec de nombreux participants africains avait été ordonnée ; elle se déroula sans incident. Des jeunes se regroupèrent cependant à l’extérieur, se livrant à quelques débordements. Les autorités de police sur place et des renforts décidèrent d’escorter ces personnes vers la gare RER en utilisant deux bus RATP qui effectuaient alors leur tournée. La Commission a qualifié cette décision de « mesure [assurément] opportune ». La situation a cependant dégénéré dans le second véhicule, des jeunes empêchant le bus de redémarrer. Deux gardiens de la paix, se sentant agressés, ont fait usage des gaz lacrymogènes, réunissant simples usagers des bus et fauteurs de trouble dans une même bousculade. M. E.M. s’en est sorti avec des contusions à la tête et des oedèmes modérés multiples ; son fils avec un traumatisme au pouce droit.

Sur plainte de M. E.M., les deux gardiens de la paix firent l’objet d’une
procédure disciplinaire, qui les sanctionna de « huit jours d’exclusion de leurs fonctions, assortie de sursis en raison de leurs bons états de service jusque là ». Le parquet les a poursuivis pour violences volontaires par personnes dépositaires de l’autorité publique.
Outre de graves manquements à la déontologie pour des violences illégitimes de la part de ces deux fonctionnaires, la Commission y voit une lacune dans l’encadrement de 87 agents (87 noms fournis à la Commission par le DDSP [5] du Val-de-Marne, ce qui laisse « « un libre choix » inexploitable aux membres de la Commission »...) : « aucun gradé en charge de cette intervention ne semble avoir été présent sur place ou désigné par le centre d’information et de commandement départemental » ; « encore une fois, la Commission recommande que lorsque plusieurs fonctionnaires appartenant à des unités ou groupes différents interviennent, un responsable soit désigné, évitant ainsi ce type d’intervention non encadrée, donnant lieu à une escalade inadmissible dans l’emploi de la force ».

Le ministre a argumenté auprès de la CNDS qu’« obligés de répondre à
de multiples opérations concomitantes, les policiers ont dû se séparer en
plusieurs points, sans permettre nécessairement qu’un gradé soit présent
sur chacun d’eux. C’est pourquoi seules des responsabilités individuelles
furent engagées tant au plan disciplinaire qu’au plan pénal ».

Dans un autre cas (2005-66), la Commission a attiré de nouveau l’attention du ministre de l’Intérieur sur le mode d’intervention d’équipages de la BAC. En effet, des fonctionnaires de police, par ailleurs en sous-effectif, sont intervenus dans la cité du Petit Séminaire à Marseille (13), dans un quartier qualifié de « sensible » et caractérisé par une présence importante de gens du voyage sédentarisés. Ils comptaient interpeller des mineurs de 12 et 13 ans trouvés assis dans un véhicule qui avait été utilisé pour un rodéo, sans qu’il n’apparaisse dans la procédure que ce rodéo venait de se produire, ni que ces mineurs y étaient impliqués.
L’arrestation a tourné à l’émeute : la communauté gitane est descendue pour protester, avec M. J.F., le grand-père de l’un des mineurs, identifié comme le patriarche. Le gaz lacrymogène a été employé face à la menace de cette foule, et deux coups de feu ont été tirés en l’air par l’un des deux policiers, « pour intimider la foule ». L’autre policier a d’ailleurs reçu des coups dans le dos, les jambes et au visage ; 37 impacts occasionnés par des objets lancés ont été dénombrés sur son véhicule. Des renforts sont arrivés ; des tirs de flashball ont répondu aux jets de pierre et aux corps à corps. Trois membres d’une même famille se sont vus transportés au Groupe des violences urbaines de la sûreté départementale : le patriarche M. J.F., sa fille Mme P. F., et son petit-fils.
Le premier a été condamné à douze mois d’emprisonnement dont six avec sursis ; sa fille à douze mois d’emprisonnement dont huit avec sursis. M. J. F. est décédé en détention des suites d’un arrêt cardiaque ; Mme P.F. a fait une tentative de suicide alors qu’elle se trouvait incarcérée à la prison des Baumettes.

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La Commission constate une inflation des procédures pour outrage engagées de manière trop systématique par les personnels des forces de l’ordre - et plus particulièrement par les fonctionnaires de la police nationale -. Elle a ainsi pu en relever dans 13 de ses 69 dossiers police : 2004-90 ; 2005-1 ; 2005-18 ; 2005-27 ; 2005-29 ; 2005-30 ; 2005-32 ; 2005-43 ; 2005-48 ; 2005-71 ; 2005-72 ; 2005-82 ; 2005-89.

Dans son avis 2005-29 (cité supra), la Commission a considéré que « la gesticulation inutile et passablement ridicule à laquelle ces policiers se sont livrés à l’intérieur du commissariat à l’égard de ces deux personnes avait peut-être pour objet, et a eu pour effet, de les amener à des réactions que ces policiers ont utilisées à l’appui de leurs plaintes pour « outrage, rébellion et violence » ». « Il paraît opportun à la Commission qu’il soit rappelé aux forces d’intervention, notamment aux CRS, qu’elles doivent considérer comme normale l’attention que des citoyens ou des groupes de citoyens peuvent porter à leur mode d’action. Le fait d’être photographiés ou filmés durant leurs interventions ne peut constituer aucune gêne pour des policiers soucieux du respect des règles déontologiques ».

L’appréciation de l’opportunité d’une telle procédure est bien évidemment laissée aux policiers, mais la CNDS tient à faire observer que, si les dispositions de l’article 433-5 du Code pénal permettent aux forces de l’ordre de faire préserver le respect qui leur est dû, en sanctionnant les paroles, gestes ou menaces, écrits ou images de toute nature, ou l’envoi d’objets quelconques de nature à porter atteinte à leur dignité ou au respect dû à leurs fonctions, de six mois d’emprisonnement et de 7500 € d’amende, cette faculté ne doit pas être utilisée sans discernement.

II. La reconduite à la frontière
M. A.G., 33 ans, ressortissant algérien sous le coup d’une procédure de reconduite à l’étranger, est appréhendé, puis placé le 27 août 2005 au centre de rétention administrative de Vincennes, pour en être extrait en direction de l’Unité d’éloignement d’Orly. Refusant son embarquement, M. A.G. s’est lové sous le banc du local où il avait été placé et s’y est maintenu dans une position défensive.
Les différentes tentatives des fonctionnaires pour l’en extraire ont constitué pour la Commission des violences injustifiées : « Ils ont détourné de leur fonction des moyens de contention, menottes et bandes « velcro » dans le but d’occasionner des douleurs à M. A.G., et ce pour lui faire lâcher prise ». Son « état déplorable » après l’intervention « nécessitait sa conduite immédiate à un service médical ». Un manquement à la déontologie a été retenu à l’encontre du commandant d’aérogare et de l’officier de quart présents, « qui n’ont pas donné l’instruction (...) de conduire immédiatement M. A.G. à l’hôpital », contrevenant ainsi à leurs obligations d’assistance et de secours (avis 2005-76).
M. M.A., quant à lui, alléguait avoir été victime de violences illégitimes, le 22 octobre 2005, de la part de policiers en fonction au dépôt de la préfecture de police de Paris, alors qu’il demandait simplement ses cigarettes (avis 2005-88).
La Commission y a vu une « neutralisation » réalisée par « un attroupement », effectuée sans discernement et en employant la force de manière disproportionnée. M. M.A. n’avait de surcroît pas été présenté à un médecin lorsqu’il était placé en garde à vue au dépôt. La CNDS a considéré que « l’excuse invoquée par les deux OPJ (...), à savoir l’absence de réponse de l’état-major de la Police urbaine de proximité à une demande de transport aux UMJ [situées à 100 mètres du dépôt], ne saurait être retenue comme acceptable ».

Au 15 janvier 2007, cinq dossiers concernant des reconduites à la frontière ou des rétentions en centre de rétention administrative restent à examiner par la Commission.

III. L’administration pénitentiaire
L’année 2006, avec 21 dossiers transmis par des parlementaires, est caractérisée par une forte progression des saisines concernant l’administration pénitentiaire.

A plusieurs reprises cette année, la Commission a appelé l’attention du garde des Sceaux et de l’administration pénitentiaire sur des problèmes liés aux conditions d’utilisation par les surveillants de la force physique pour contraindre ou maîtriser un détenu.

Dans plusieurs dossiers traités, elle a considéré qu’il avait été fait un usage
inopportun ou disproportionné de la contrainte.
Dans l’avis 2006-61, le détenu avait refusé de réintégrer sa cellule en raison d’un différend l’opposant au premier surveillant et concernant sa demande, plusieurs fois réitérée, d’un encellulement individuel. Face à son inertie physique, l’alerte avait été donnée et une dizaine de surveillants étaient intervenus. Le détenu avait été blessé au genou. Pour la Commission, l’intervention n’était ni ajustée à la situation litigieuse, ni strictement nécessaire au contrôle du détenu. Une meilleure maîtrise de soi et un meilleur discernement dans le déclenchement des renforts auraient permis d’éviter l’emploi d’une contrainte manifestement excessive.

Dans la saisine 2005-55, la force avait été employée pour contraindre un détenu, M. Y.C., à exécuter une décision de mise en prévention. Cette décision avait été prise à la suite d’un incident concernant le registre des courriers destinés aux autorités : le détenu refusant de réintégrer sa cellule, il avait été fait appel au premier surveillant. Ce dernier, face au refus du détenu de réintégrer sa cellule, avait décidé sa mise en prévention immédiate. Le détenu avait été saisi aux bras et, voulant se dégager, avait fait l’objet d’un balayage avant d’être maîtrisé au sol.
La Commission a estimé qu’en l’absence d’une rébellion caractérisée du détenu, les surveillants avaient fait un usage disproportionné de la force.
Elle a considéré, au regard de la blessure médicalement constatée, que les
gestes utilisés n’avaient pas été correctement exécutés. Elle a donc demandé que la mise en oeuvre des gestes techniques professionnels d’intervention fasse l’objet d’un entraînement régulier à leur bonne exécution.

Dans le dossier 2006-4, l’ERIS [6] de Toulouse était intervenue pour assurer, dans un contexte de tension, le transfert d’un détenu de sa cellule disciplinaire à la cellule d’isolement, située à quelques mètres au même étage du bâtiment. L’ERIS de Toulouse avait notamment en charge tous les mouvements du détenu pendant vingt-quatre heures. Sans aucune phase de rencontre ni de négociation préalable, il avait été fait usage de la force pour sortir le détenu de la cellule disciplinaire, puis une fouille intégrale avait été pratiquée.
Pour la Commission, le commandant des ERIS aurait pu prendre plus de
temps pour tenter de convaincre le détenu de changer de cellule. Elle estime également que les conditions d’une fouille intégrale, en l’espèce, n’étaient pas réunies. Elle a recommandé que l’emploi des ERIS fasse l’objet de nouvelles instructions, et notamment que la force ne soit employée qu’après discussion avec le détenu.

La CNDS a constaté qu’un détenu, blessé à la suite d’une intervention au cours de laquelle avait été fait usage de la force, n’avait pu bénéficier immédiatement des soins nécessaires (avis 2005-63). L’intervention faisait
suite à un incident que le détenu avait créé au quartier disciplinaire lors de la distribution des repas.
Si la Commission a estimé justifiée l’inquiétude des surveillants et le recours immédiat à la force au regard de l’état de tension du détenu et de ses antécédents, elle a considéré que celui-ci aurait dû bénéficier immédiatement de soins. Après avoir été maîtrisé, le détenu avait fait l’objet d’une fouille à corps brutale en présence de nombreux surveillants, puis avait été remis nu et blessé en cellule. Il n’avait été conduit que le lendemain à l’hôpital, après que le directeur adjoint de l’établissement avait constaté que son visage était tuméfié et s’était rendu compte qu’un rapport oral erroné des conditions de l’intervention lui avait été fait.
La Commission a rejeté les explications données par les surveillants selon lesquelles la peau noire du détenu et l’absence de luminosité dans les cellules disciplinaires avaient pu masquer ses blessures. Elle a préconisé que tout détenu blessé lors d’une intervention soit présenté au service de l’UCSA ou, en dehors des permanences du week-end, soit examiné dans les plus brefs délais par un médecin d’urgence, ou conduit à l’hôpital.

La CNDS a été saisie, de mai 2006 à novembre 2006, de cinq plaintes concernant le centre pénitentiaire de Liancourt, pour des violences sur des détenus et pour un suicide survenu au quartier disciplinaire. Les faits se sont produits dans les nouveaux bâtiments ouverts en 2004, dont celui de la maison d’arrêt.
Le premier dossier (2006-43) concerne des faits de mai 2005. Ils avaient donné lieu à l’époque à une enquête de l’Inspection des services pénitentiaires, à la demande du directeur de Liancourt, M. F.A., affecté à l’établissement en début d’année. La responsabilité d’un premier surveillant qui était intervenu avec une équipe de nuit au quartier disciplinaire la nuit du 27 au 28 mai 2005 avait été relevée, et celui-ci avait été sanctionné d’un blâme.
Le 14 juin 2006, la Commission était saisie de faits concernant M. O.T. (2006-53), survenus le 23 mars 2006. Ce détenu, libérable trois semaines plus tard, avait été blessé lors d’un incident avec des surveillants et placé au quartier disciplinaire à son retour de l’hôpital le jour même ; il a été retrouvé pendu le lendemain.
Le 22 juin 2006, la Commission était saisie d’une plainte de M. S.P. (2006-60), pour des violences commises le 10 juin.
Le 12 septembre 2006, la Commission était saisie pour des violences à l’encontre de M. D.Z., survenues le 24 août 2006.
Enfin, elle était saisie le 27 novembre 2006 des violences à l’encontre de M. S.D. (2006-127), commises le 7 novembre par deux surveillants mis en examen, suspendus, placés sous contrôle judiciaire, et qui ont été condamnés le 14 décembre 2006 à quatre mois de prison avec sursis.
Dans les dossiers qui n’étaient pas connus de l’administration pénitentiaire,
la CNDS a demandé, dès réception des saisines des parlementaires, une inspection des services pénitentiaires.

L’analyse de ces cinq dossiers a révélé des dysfonctionnements et des manquements divers, notamment concernant les procédures disciplinaires
instrumentalisées pour faire régner « la terreur et l’ordre » [7]. De telles procédures ont été diligentées à partir de comptes-rendus d’incidents partiaux lus et revus par un premier surveillant. Ces défaillances et ces abus s’expliquent en partie par les conditions de fonctionnement et de travail difficiles des personnels, et ont pu favoriser des dérives individuelles aussi bien chez certains anciens gradés de Liancourt que chez certains jeunes surveillants sous influence, en perte de repères légaux et professionnels.

La Commission a instamment demandé au garde des Sceaux de veiller à la
sécurité des détenus qui ont été amenés, par leur témoignage tout au long de ces cinq dossiers, à mettre en cause des surveillants du centre pénitentiaire de Liancourt.
Elle a tenu à souligner qu’elle avait parfaitement conscience que les
agissements contraires aux règles et aux valeurs étaient le fait d’une minorité, et que la majorité des surveillants de Liancourt se comportait correctement et humainement avec les détenus. Elle a plus particulièrement salué le courage et l’éthique des surveillants qui ont défendu les valeurs de leur profession, en se refusant à participer à de tels agissements.

La Commission a regretté, dans les saisines 2005-63 et 2006-61, qu’aucun rapport écrit de l’incident, compte-rendu disciplinaire ou mention sur les registres n’ait été fait, considérant qu’il s’agit d’outils indispensables au suivi des détenus et à la vie en détention, permettant de mener dans les
meilleurs délais une enquête interne et de garantir l’absence d’arbitraire.

Pour la CNDS, l’absence de remontée d’informations auprès de la direction constitue une faute déontologique. Dans un dossier 2006-16, la Commission, bien que ne constatant pas en l’espèce de manquement à la déontologie, a tenu à rappeler l’importance des conditions dans lesquelles s’exercent les fouilles à corps intégrales qui sont, selon elle, par nature dégradante et humiliantes. De telles fouilles doivent être justifiées par des nécessités de maintien de l’ordre ou de sécurité, et doivent être pratiquées dans des conditions visant à réduire le degré d’humiliation du détenu et à fournir des garanties contre les abus.
Elle est parvenue aux mêmes conclusions dans son avis 2005-68, insistant
sur le caractère exceptionnel de cette mesure.

La CNDS a pu se rendre compte, dans la saisine 2005-61, des conditions de détention rencontrées au quartier disciplinaire ou d’isolement pour les
détenus malades : alimentation insuffisante et inadaptée, mauvaises conditions matérielles (cellules insuffisamment chauffées, sans lumière naturelle ...), absence d’activités. La Commission a regretté que la santé du détenu n’ait pas été suffisamment prise en compte lors de la décision d’une sanction disciplinaire. Un détenu, atteint d’une pathologie lourde, avait été maintenu au quartier disciplinaire pendant près de quatorze jours, et ce malgré plusieurs certificats médicaux d’incompatibilité établis. Après
plusieurs tergiversations, M. L.J. avait été replacé en détention, mais dans une autre cellule et à un autre étage, ce qu’il avait ressenti comme une volonté de le « brimer ».

Pour la Commission, si tout manquement à la discipline peut conduire l’administration pénitentiaire à engager des poursuites disciplinaires, un certificat médical d’incompatibilité avec le placement en quartier disciplinaire doit être exécuté. Dans l’hypothèse où les médecins déclarent systématiquement incompatible, pour de tels malades, le placement en cellule de discipline ou d’isolement, l’administration pénitentiaire doit anticiper en choisissant l’une des autres sanctions prévues par l’article D. 251 du Code de procédure pénale (comme par exemple, le confinement en cellule).

En 2005, la CNDS a de nouveau été saisie par M. A.A. Celui-ci avait subi en 2003 de graves violences illégitimes à la maison centrale de Moulins-Yzeure, pour lesquelles la Commission avait mis en évidence la responsabilité de certains surveillants et gradés (cf. rapport 2004, saisine no2004-31). L’affaire avait été très médiatisée. La CNDS a constaté que le témoignage d’un détenu mettant en cause des personnels pénitentiaires pouvait entraîner des réactions de leur part, et ce même après le transfert du détenu dans un autre établissement, en raison de l’existence d’échanges et de liens entre les surveillants d’un établissement à l’autre.

Au regard des conséquences et tensions éventuelles que peuvent susciter
les témoignages de détenus qui ont mis en cause des personnels, la Commission a demandé à ce que l’administration pénitentiaire fasse preuve d’une plus grande vigilance quant au choix de l’affectation de ces détenus, particulièrement exposés.
En réponse, le garde des Sceaux a informé la Commission qu’une note du
27 octobre 2006 avait été adressée à l’attention du Directeur régional des
services pénitentiaires de Paris. Il y est reconnu que l’audition de M. A.A.
par la Commission a eu pour conséquence de provoquer à son égard une
animosité de la part de certains agents. De façon plus générale, la note oblige désormais le Directeur régional à sensibiliser les chefs d’établissement sous sa responsabilité à la prévention des tensions et violences illégitimes que pourrait susciter la médiatisation des témoignages de détenus, et à une plus grande vigilance quant au choix de leur affectation.

IV. La gendarmerie nationale - La police municipale - Les
services de sécurité privée

13 dossiers (dont deux saisines « mixtes ») concernant les services de la gendarmerie nationale, la police municipale, et des services de sécurité privée ont été instruits par la CNDS en 2006. Ils peuvent être consultés dans le présent rapport sur le site internet.

QUESTIONS LIÉES AU FONCTIONNEMENT DE LA CNDS
La Commission est particulièrement préoccupée d’une procédure engagée à l’initiative d’un procureur de la République contre une personne qui a, comme la loi l’y autorise, transmis sa réclamation à un parlementaire en vue d’une saisine de la CNDS (2006-14). Cette personne a en effet été condamnée en première instance sous la qualification pénale de dénonciation calomnieuse, pour « avoir dénoncé à la Commission nationale de déontologie de la sécurité des faits de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires qu’il savait totalement ou partiellement inexacts, ainsi que pour outrage par écrit non rendu public envers les fonctionnaires de police ».

Inquiet de cette procédure, le président de la CNDS saisissait le garde des Sceaux de cette question de principe le 13 juin 2006, précisant deux points :
- la saisine de la Commission a été faite par un parlementaire, et non
pas par l’intéressé poursuivi ;
- la Commission n’a rendu aucune décision sur cette saisine, l’affaire
étant toujours en cours.
M. Pierre Truche concluait : « Si cette décision devait devenir définitive, cela pourrait remettre en cause tout le fonctionnement de la CNDS » (voir décision 2006-14).
En réponse, le 31 octobre 2006, le garde des Sceaux indiquait : « Les dispositions combinées du Code pénal et de la loi du 6 juin 2000 modifiée portant création d’une commission nationale de déontologie de la sécurité permettent aux autorités judiciaires de poursuivre pénalement le délit de
dénonciation calomnieuse s’agissant de faits dénoncés à la CNDS et dès lors que les éléments constitutifs de l’infraction sont réunis. Le texte n’exige en effet nullement que la dénonciation soit directement effectuée auprès de l’autorité compétente, l’intervention d’un parlementaire, prévue par les dispositions de la loi du 6 juin 2000, constituant une modalité de saisine sans effet sur la qualification de l’infraction considérée. Le fait que la commission n’ait pas rendu de décision ou émis d’avis ou de recommandation relative aux faits dénoncés reste également sans influence sur la constitution du délit de dénonciation mensongère, le texte d’incrimination exigeant l’existence d’une dénonciation susceptible d’entraîner une sanction et non le prononcé de cette sanction, ce qui est le cas des faits de violences imputés à des fonctionnaires de police ».

Confrontée au désistement du plaignant, qui, face à sa condamnation en première instance, a fait appel de la décision mais a refusé de témoigner devant la CNDS, la Commission n’a pas été en mesure d’émettre un avis sur les faits allégués. Cette affaire souligne la difficulté qu’il y a à concilier l’exercice du droit de saisine de la CNDS tel que prévu par la loi avec l’exercice de l’action publique singulièrement en matière de dénonciation calomnieuse.

La CNDS a par ailleurs été saisie en 2005 et 2006 de trois dossiers émanant de personnes résidant à la Martinique, à la Réunion et en Guyane.
Seul le dossier 2005-35 a été traité : le plaignant contestait la verbalisation dont il avait fait l’objet par des gendarmes pour non-port de la ceinture de sécurité. Le plaignant arguait n’avoir pas été, ce jour-là, à l’heure indiquée sur le procès-verbal, au volant de sa voiture, étant invité et présent à la même heure à une réception à la mairie du Lorrain (Martinique). Après avoir reçu du tribunal de grande instance de Fort-de-France la copie d’un avis de classement sans suite adressé au plaignant et les conclusions de l’enquête demandée au ministre de la Défense (qui confirmaient les faits reprochés au plaignant ainsi que le respect par les gendarmes de la réglementation applicable en la matière), la CNDS, confrontée à deux versions contradictoires, a décidé, en l’état du dossier, que la preuve d’un manquement à la déontologie n’était pas établie.

Les deux autres réclamations, en cours d’instruction, allèguent des faits plus graves, et amènent la Commission à s’interroger sur les procédures à adopter pour respecter l’égalité de traitement des dossiers qui lui sont soumis, qu’ils proviennent de la métropole ou d’outre-mer. Tout en prenant en compte l’impact budgétaire des procédures à créer, une réponse devra être mise en oeuvre au cours de l’année 2007, afin que le principe de la continuité territoriale soit respecté.

Enfin, la CNDS regrette que depuis plusieurs années, le ministre de l’intérieur ne réponde plus à ses avis et recommandations, laissant au Directeur général de la police nationale le soin de le faire. La Commission s’interroge sur cette pratique, qui lui paraît contraire à l’esprit de la loi, et qui n’est ni celle du garde des Sceaux, ni celle du ministre de la Défense.

LE BUDGET
Dans la loi de finance 2006, le budget de la CNDS se situe dans le programme « Direction de l’action du gouvernement », dans l’action « Défense et protection des libertés ».
Dotée en début d’année, au titre II de 255 234 € et au titre III de 358 395 €, elle a pu, compte tenu de l’augmentation de 100 000 € en cours d’année de son titre II, faire face aux charges financières qu’impliquait le recrutement en cours de personnels supplémentaires.
En effet, dès 2005, pour faire face à la progression des saisines et à l’engorgement constaté dans l’instruction de celles-ci, le président de la CNDS avait demandé au Premier Ministre l’augmentation du budget de la CNDS (100.000 €) afin de permettre le recrutement de personnels supplémentaires, les effectifs prévus (3 ETP) lors de la création de la Commission en 2000 étant notoirement insuffisants.
Au cours du dernier trimestre 2006, la CNDS a pu recruter deux rapporteurs vacataires, qui, en binôme avec chaque membre, instruisent les dossiers ; ceci devrait avoir pour conséquence d’accélérer le traitement des réclamations. De plus, la CNDS a recruté une secrétaire supplémentaire, indispensable à la prise des procès-verbaux.

A l’exception du président et des parlementaires, les membres de la CNDS perçoivent une indemnité mensuelle brute de 152,45 €. Le président Pierre Truche avait demandé, compte tenu de la charge réelle de travail, que celle ci soit portée à 304 €. En réponse, les ministères concernés (Économie et Fonction publique) ont autorisé une augmentation de 11 %, portant ainsi l’indemnité à 170 € !
En 2007, au terme de sa recherche de nouveaux collaborateurs, les délais
de traitement des dossiers devraient être sensiblement diminués.

INTRODUCTION 2001 2002 2003 2004 2005 2006
Nombre d’affaires enregistrées par année
- en 2001 = 19, en 2002 = 40, en 2003 = 70, en 2004 = 97, en 2005 = 108, et en 2006 = 140
Traitées dans le rapport annuel
- en 2001 = 12, en 2002 = 24, en 2003 = 52, en 2004 = 82, en 2005 = 68, et en 2006 = 102
Traitées au cours de l’année d’enregistrement
 en 2001 = 12, en 2002 = 18, en 2003 = 38, en 2004 = 51, en 2005 = 27, et en 2006 = 32
Des années antérieures, traitées dans le rapport annuel
 en 2002 = 6, en 2003 = 14, en 2004 = 31, en 2005 = 41, et en 2006 = 70

STATISTIQUES
Origines des saisines en 2006
Nombre total d’affaires enregistrées : 140
Nombre total de saisines : 161

- Défenseur des enfants (1)
- Parlementaires sans appartenance (6)
- Parlementaires UMP et UDF (45)
- Parlementaires socialistes (73)
- Parlementaires communistes (30)
- Parlementaires verts (6)

N.B. : La Commission ayant parfois été saisie par plusieurs parlementaires d’une même affaire, le nombre total de saisines est supérieur au nombre total d’affaires enregistrées.

Typologie des saisines enregistrées en 2006
Nombre total d’affaires enregistrées : 140
Nombre total de saisines : 161

Le total des statistiques (178) dépasse le nombre de saisines enregistrées en 2006 (161 pour 140 affaires), dix-sept saisines impliquant deux services de sécurité.

N.B. : Ces statistiques concernent l’ensemble des affaires enregistrées par la CNDS en 2006. Le présent rapport, quant à lui, rend compte des saisines dont le traitement a été achevé entre le 17 janvier 2006 et le 15 janvier 2007.

Notes:

[1Consultable sur le site www.cnds.fr

[2Colloque organisé à l’Ecole nationale de la magistrature le 20 octobre 2006

[3Groupe d’Intervention de la Police Nationale

[4Compagnie Républicaine de Sécurité

[5Directeur départemental de la sécurité publique

[6Équipe régionale d’intervention et de sécurité

[7Expression employée par des surveillants